Step 1 of 1

Interruption circulatoire

Toute reconstruction vasculaire condamne momentanément la perfusion des organes qui dépendent de ce vaisseau. Ceci ne pose pas de problèmes pour les muscles et le tissu conjonctif, mais il n'en est pas de même lorsqu'on clampe l'axe vasculaire d’un organe sensible à l'ischémie comme le coeur ou le cerveau. Pour disposer de suffisamment de temps, l'opérateur doit alors protéger cet organe contre les dégâts de l'ischémie. Les techniques utilisées à cet égard relèvent de trois domaines.
 
  • L'hypothermie: diminution de la demande métabolique;
  • La perfusion artificielle: maintien d'un apport minimal;
  • La pharmacologie: protection par des substances médicamenteuses.
En chirurgie cardio-vasculaire, les organes les plus sensibles voient leur flux sanguin interrompu momentanément. 
 
  • Le coeur: en cours de CEC, il est arrêté en diastole de manière à pouvoir ponter les coronaires ou intervenir dans les cavités cardiaques; il est protégé par une perfusion hypotherme (4-6°C), tiède (20°C) ou éventuellement normotherme riche en potassium.
  • Le cerveau: en cas de chirurgie de la crosse aortique, la circulation cérébrale doit être momentanément interrompue; le cerveau est protégé par l'hypothermie (18-28°C) et par une perfusion continue ou intermittente qui assure un apport  minimal d'O2 et de glucose.
  • La moëlle épinière: lors de chirurgie de l'aorte descendante, la vascularisation de la moëlle est compromise par le clampage proximal; les techniques de protection sont essentiellement une hypothermie modérée (32°C), une perfusion par voie fémorale et la décompression du canal médullaire par le drainage de LCR.
  • Les reins: si l'aorte est clampée ou le patient sévèrement hypotendu, le risque d'insuffisance rénale ischémique est élevé; la meilleure protection rénale est le maintien de la pression artérielle, du débit cardiaque et du transport d’oxygène.
  • Les viscères splanchniques: leur ischémie est responsable d'une acidose, d'une séquestration liquidienne et d'un relargage d’endotoxines.
A l'ischémie s'ajoutent les lésions cellulaires causées par la revascularisation (syndrome de reperfusion), par la réaction inflammatoire systémique (Systemic Inflammatory Response Syndrome ou SIRS) et/ou par l'administration de substances toxiques pour certains tissus. 
 
En complément du Chapitre 23 traitant des complications de la chirurgie cardiaque, ce chapitre aborde pour chaque organe les différentes possibilités de protection qui peuvent être utilisées comme prophylaxie. 
 
Stéroïdes
 
La circulation extracorporelle (CEC) induit un SIRS majeur accompagné d’une activation des plaquettes, du complément et des leucocytes, ainsi que d’une élévation de tous les marqueurs inflammatoires. Les stéroïdes ont un effet répresseur sur ces phénomènes qui contribuent aux complications postopératoires telles l’infarctus, l’hémorragie, la fibrillation auriculaire (FA) et la pneumopathie aiguë. On peut donc s’attendre à ce qu’ils diminuent l’incidence de ces phénomènes, pour autant qu’ils ne soient pas eux-mêmes la cause d’un accroissement des infections et des hémorragies. Les études ont essentiellement utilisé la méthylprednisolone et la dexaméthasone. Cinq méta-analyses avaient synthétisé les résultats acquis jusqu’en 2012 [1], dont les deux plus importantes peuvent être résumées par les points suivants [2,6].
 
  • Les stéroïdes ne modifient pas la mortalité après chirurgie cardiaque;
  • La réduction de l’incidence de FA est significative dans certaines études (OR 0.56-0.91);
  • Le temps de séjour aux soins intensifs et le temps de séjour hospitalier sont réduits (p = 0.007-0.01);
  • La réduction du taux d’hémorragie est marginale;
  • La durée de ventilation mécanique est peu modifiée;
  • Le taux d’infection de plaie est identique (OR 0.92), et le taux d’infections générales peu modifié, bien qu’il soit augmenté de manière non significative dans une des méta-analyses (2.7% versus 2.2%, OR 1.31);
  • Le taux d’épisodes hyperglycémiques est augmenté 1.5 fois dans une méta-analyse et celui d’hémorragies digestives est doublé dans une autre.
Toutefois, les effets bénéfiques sur la FA et la mortalité n'apparaissent que dans les études portant sur de petites populations [4].
 
Bien que les protocoles des différentes études soient très variables, on en a conclu que l’administration prophylactique de stéroïdes est sans risque et qu’elle diminue la morbidité postopératoire [1]. Cependant, deux grands essais contrôlés multicentriques récents ont momentanément tranché le débat: ils n’ont pas décelé d’effet cardiovasculaire bénéfique à l’utilisation prophylactique de stéroïdes avant la CEC ; seules les complications infectieuses et la durée de la ventilation postopératoire tendent à diminuer [3,7]. Les dosages retenus étaient de 500-1'000 mg de méthylprednisolone ou de 1 mg/kg de dexaméthazone, administrés à l’induction et au début de la CEC. Les stéroïdes n'ont donc pas d'impact significtaif en chirurgie cardiaque et ne sont actuellement pas recommandés à titre de routine [5]. Ils peuvent toutefois être utiles pour compenser l’inhibition cortico-surrénalienne temporaire induite par l’étomidate comme agent d’induction (voir Chapitre 4 Agents intraveineux). 
 
 
 
 Interruption circulatoire 
L'interruption momentanée de la circulation fait partie de la reconstruction cardiovasculaire. La tolérance des organes à l'ischémie étant très limitée, leur protection est essentielle: perfusion séparée, hypothermie, arrêt fonctionnel, éventuellement substances protectrices.
 
Les stéroïdes administrés prophylactiquement avant la CEC n'ont pas d'effet significatif comme prévention du syndrome inflammatoire systémique et de ses conséquences.


© CHASSOT PG, Juin 2008, dernière mise à jour, Juin 2018
 
 
Références
 
  1. AUGOUSTIDES JGT. The inflammatory response to cardiac surgery with cardiopulmonary bypass : shoud steroid prophylaxis be routine ? J Cardiothorac Vasc Anesth 2012 ; 26 :952-8
  2. CAPPABIANCA G, ROTUNNO C, DE LUCA TUPPUTI L, et al. Protective effects of steroids in cardiac surgery: A meta-analysis of randomized double-blind trials. J Cardiothorac Vasc Anesth 2011; 25:156-65
  3. DIELMAN JM, NIERICH AP, ROSSEEL PM, et al. Intraoperative high-dose dexamethasone for cardiac surgery: a randomized controlled trial. JAMA 2012; 308:1761-7
  4. DVIRNIK N, BELLEY-COTE EP, HANIF H, et al. Steroids in cardiac surgery: a systematic review and meta-analysis. Br J Anaesth 2018; 120:657-67
  5. SOUSA-UVA M, HEAD SJ, MILOJEVIC M, et al. 2017 EACTS Guidelines on perioperative medication in adult cardiac surgery. Eur J CardioThorac Surg 2018; 53:5-33
  6. WHITLOCK RP, CHAN S, DEVEREAUX PI, et al. Clinical benefit of steroid use in patients undergoing cardiopulmonary bypass : A meta-analysis of randomized trials. Eur Heart J 2008 ; 29 : 2592-600
  7. WHITLOCK RP, DEVEREAUX PJ, TEOH KH, et al. Methylprednisolone in patients undergoing cardiopulmonary bypass (SIRS): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2015; 26:1243-53