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Types d'insuffisance cardiaque

L'insuffisance cardiaque est un syndrome clinique complexe résultant d'une détérioration structurelle et/ou fonctionnelle du remplissage et de l'éjection ventriculaire [6]. Il s'agit d'une notion un peu vague groupant l’ensemble des conditions hémodynamiques dans lesquelles le débit cardiaque ne suffit plus à satisfaire les besoins énergétiques de l’organisme, à l'exercice comme au repos. D’une part, les besoins varient avec le stress, le traumatisme, la douleur, le sommeil ou la pathologie (hyperthyréose, sepsis, etc) ; ils sont modifiés par les cardiopathies et par l'anesthésie. D’autre part, le terme d’insuffisance cardiaque n’est pas synonyme de défaillance ventriculaire comme on le sous-entend d’habitude. Dans ce chapitre, nous parlerons d’insuffisance ventriculaire pour souligner que nous aborderons le sujet sous son angle uniquement cardiologique et que nous nous concentrerons sur la dysfonction des ventricules à l’exclusion des autres aspects responsables d’un débit cardiaque inadéquat. 
 
On peut distinguer trois différents types d’insuffisance ventriculaire.
 
  • L'insuffisance systolique : l'éjection ventriculaire proprement dite n'assure plus les besoins hémodynamiques en pression et/ou en volume (Forward failure) ; la symptomatologie est dominée par l’intolérance à l’effort, la fatigue et la dysfonction éventuelle des organes-cibles. La stase occasionnée en amont de la pompe ventriculaire caractérise l'insuffisance congestive. Les indices fonctionnels sont abaissés (heart failure with reduced ejection fraction, HFrEF).
  • L'insuffisance diastolique : la fonction diastolique étant la capacité du ventricule à accommoder un remplissage adéquat sous un régime de pression basse et sur un vaste éventail de conditions de charge, l'insuffisance diastolique se définit comme une résistance au remplissage ventriculaire (Backward failure). Ceci conduit à une stase en amont, cliniquement caractérisée par de la dyspnée lors d’insuffisance diastolique gauche et par des oedèmes périphériques lors d’insuffisance diastolique droite. Alors que la dysfonction systolique s'accompagne en général d'un certain degré de dysfonction diastolique, l'inverse n'est pas vrai : près de la moitié des malades en insuffisance cardiaque congestive souffre en réalité d’insuffisance diastolique isolée, qui se caractérise par une stase pulmonaire et une fraction d’éjection conservée (heart failure with preserved ejection fraction, HFpEF) [2,5,7]. L’insuffisance diastolique du VD est pour l’instant très difficile à définir et à diagnostiquer.
  • L'insuffisance restrictive: l’amplitude de mouvement du coeur est diminuée par la compression péricardique (péricardite constrictive, tamponnade) ou par la compression thoracique (manoeuvre de Valsalva, PEEP excessive, épanchement pleural, pneumothorax).
Le rôle central qu'occupe la fraction d'éjection (FE) dans cette classification est de plus en plus contesté [4]. En effet, celle-ci n'est pas un indice de contractilité, mais une construction artificielle ne correspondant à aucune mesure physiologique [1]. Elle dépend de multiples facteurs (précharge, postcharge, fréquence, remodelage, taille du ventricule, présence de valvulopathie ou d'altération de la cinétique segmentaire), et sa variation d'une mesure à l'autre est de 10-15% (voir Chapitre 5, Fraction d'éjection, et Chapitre 25, Indices éjectionnels). Considérer la FE normale comme > 0.5 et la FE pathologique comme < 0.4 laisse une zone grise entre ces deux valeurs où les malades sont proprement inclassables, notamment dans la répartition entre insuffisance systolique et diastolique [4]. La déformation systolique longitudinale (global longitudinal strain) telle qu'on la mesure à l'analyse échocardiographique des mouvements du myocarde tissulaire est considérée comme un indice plus pertienent de la fonction éjectionnelle du ventricule que sa FE. Celle-ci reste néanmoins un concept compris de tous et une habitude bien ancrée dans l'évaluation du risque opératoire; de ce fait, elle est bien utile. Mais il est probable que l'on classera progressivement les malades en fonction de vastes regroupements phénotypiques par l'analyse de très nombreuses données cliniques, fonctionnelles et thérapeutiques parmi d'immenses populations de patients, au moyen de technologies et de logiciels issus de l'intelligence artificielle et du big data [3]. Ce nouveau paradigme permettra sans doute une prise en charge individualisée plus efficace que la tendance "one size fits all" qui prévaut encore actuellement.

 
 

© BETTEX D, CHASSOT PG,  Janvier 2008, dernière mise à jour, Novembre 2019



Références
 
  1. MARWICK TH. Ejection fraction pros and cons. JACC state-of-the-art review. J Am Coll Cardiol 2018; 72:2360-79
  2. REDFIELD MM. Heart failure with preserved ejection fraction. N Engl J Med 2016; 375:1868-77
  3. SHAH SJ, KITZMAN DW, BORLAUG BA, et al. Phenotype-specific treatment of heart failure with preserved ejection fraction. Circulation 2016; 134:73-90
  4. TRIPOSKIADIS F, BUTLER J, ABBOUD FM, et al. The continuous heart failure spectrum: moving beyond an ejection fraction classification. Eur Heart J 2019; 40:2155--63
  5. VASAN RS, LARSON MG, BENJAMIN EJ, et al. Congestive heart failure in subjects with normal versus reduced left ventricular ejection fraction: prevalence and mortality in a population-based cohort. J Am Coll Cardiol 1999; 33:1948-55
  6. ZIAEIAN B, FONAROW GC. Epidemiology and aetiology of heart failure. Nat Rev Cardiol 2016; 13:368-78
  7. ZILE MR, BRUTSAERT DL. New concept in diastolic dysfunction and diastolic heart failure: Part I. Diagnosis, prognosis, and measurement of diastolic function. Circulation 2002; 105:1387-93
 
 
12 Anesthésie et insuffisance ventriculaire