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Dilemme éthique

La chirurgie cardiaque en cours de grossesse est une situation à haut risque, aussi bien pour la mère que pour le fœtus [5]. La mortalité maternelle est actuellement de 0.5-5%. La mortalité fœtale est de 10-30%, essentiellement liée à la circulation extracorporelle (CEC) [2,3]; elle survient le plus souvent quelques jours après l'intervention. L'âge gestationnel auquel a lieu l'opération est de la plus haute importance pour le pronostic [6].
 
Les principaux prédicteurs de complications cardiovasculaires pendant la grossesse sont les suivants:
 
  • Anamnèse de décompensation cardiaque ou d'arythmie;
  • Classe d'effort NYHA III ou IV;
  • Obstruction sévère au flux gauche: sténose mitrale (< 0.6 cm2/m2) ou aortique (< 0.6 cm2/m2);
  • Prothèse valvulaire mécanique;
  • Dysfonction du ventricule systémique (FE VG < 0.4);
  • Cyanose (SaO2 < 90% au repos, Hb > 150 g/L);
  • Hypertension artérielle pulmonaire (PAPm > 25 mmHg).
La chirurgie majeure chez la femme enceinte pose un problème éthique lorsqu’il existe un conflit d’intérêt entre la mère et le fœtus. Deux éléments sont à prendre en considération : l’âge du fœtus et la condition de la mère. Avant la 22ème semaine de gestation, le fœtus n’est absolument pas viable ex utero. Lorsque l’accouchement se produit avant la 26ème semaine, la morbidité et la mortalité fœtale sont très élevées, avec des séquelles neurologiques sérieuses à long terme chez plus de 30% des nouveau-nés. Après la 26ème semaine, les chances de survie de bonne qualité augmentent considérablement chez plus de 80% des nouveau-nés prématurés. Chez la mère, l’évolution rapidement défavorable d'une cardiopathie décompensée peut imposer une intervention sans délai, sous peine de voir mourir la mère et l'enfant. Si le fœtus a de bonnes chances de survie, même s'il est prématuré, une césarienne d'urgence permet sa naissance et dans la foulée l'intervention cardiaque de la patiente. S'il n'est pas viable et que la mère est en danger, il est habituel de donner la priorité à celle-ci et de procéder à la chirurgie, quels que soient les risques pour le fœtus. Mais il va de soi que cela ne peut se faire qu’après une réflexion approfondie et consensuelle de l’équipe soignante et des parents. L'option adoptée le plus souvent privilégie moralement la mère et considère le fœtus comme une entité secondaire [1]. Cette façon de voir est en adéquation avec certains principes de notre société comme le respect de l’intégrité corporelle et l’autonomie du patient. La tradition veut qu'il ne soit jamais justifié d’imposer une option de traitement médical ou chirurgical à une femme enceinte sous le prétexte de protéger son fœtus. En Suisse, par exemple, l’enfant non-né n’a pas d’existence légale. Depuis une vingtaine d'années néanmoins, une tendance se dessine qui vise à concrétiser la notion de "droits du fœtus" [4]. Le débat est donc largement ouvert.
 


© CHASSOT PG, THORIN D, NEFF R, Octobre 2005, dernière mise à jour, Novembre 2018


Références
 
  1. ELKINS TE, ANDERSEN HF, BARCLAY M, et al. Court-ordered cesarean section : an analysis of ethical concerns in compelling cases. Am J Obstet Gynecol 1989; 161:150-4
  2. GOLAND S, BARAKAT M, KHATRI N, et al. Pregnancy in Marfan syndrome: maternal and fetal risk and recommendations for patient assessment and management. Cardiol Rev 2009; 17:253-62
  3. KAPOOR MC. Cardiopulmonary bypass in pregnancy. Ann Card Anaesth 2014; 17:33-9
  4. MURRAY TH. Moral obligations to the not-yet born: the fetus as patient. Clin Perinatol 1987; 14:329-43
  5. WEISS BM, VON SEGESSER LK, ALON E, et al. Outcome of cardiovascular surgery and pregnancy: a systematic review of the period 1984-1996. Am J Obstet Gynecol. 1998; 179:1643-53
  6. YATES MT, SOPPA G, SMELT J, et al. Perioperative management and outcomes of aortic surgery during pregnancy. J Thorac Cardiovasc Surg 2015; 149:607-10