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Prothèses valvulaires

Types de prothèses valvulaires

Les différents types de prothèses valvulaires sont classés en valves mécaniques et en valves biologiques (pour plus de détails, voir Chapitre 11 Prothèses valvulaires). Les prothèses mécaniques comprennent plusieurs modèles, dont les trois principaux sont la valve à bille, la valve à disque et la valve à double ailette.
 
  • Valve de Starr-Edwards, constituée d’une bille en Silastic™ oscillant à l’intérieur d’une cage faite de deux arcs fixés sur un anneau (acier) recouvert de Teflon™; à l’ouverture, le flux passe autour de la bille ; la valve est étanche lorsqu’elle fermée (Vidéos et Figure 11.34). Cette prothèse n'est plus implantée, mais on croise encore quelques patients qui en sont porteurs.
  • Valve à disque oscillant (Medtronic-Hall™, Bjork-Shiley™) : un disque en pyrolocarbone oscille autour d’un pivot excentré à l’intérieur d’un anneau, laissant le passage par deux orifices de taille inégale; lorsqu’elle fermée, la valve a des petites fuites sur ses bords ou sur le pivot central (Vidéo et Figure 11.35). Ces prothèses ne sont plus guère utilisées sauf dans certains cœurs artificiels, mais on peut en rencontrer occasionnellement.
  • Valve à double ailette (St.Jude Medical™, Carbomedics™, ATS™, On-X™) : lorsqu’elles sont ouvertes, les ailettes en pyrolocarbone forment un angle de 85° avec le flux, qui passe par 2 orifices en demi-lune de chaque côté et par un petit orifice central de section rectangulaire où le gradient est plus important. En position fermée, les ailettes font un angle de 25° avec le plan de l’anneau et présentent des fuites d’autolavage sur les bords (jonction ailette – anneau) et au niveau des pivots (Vidéo et Figure 26.144). Le flux et le gradient se mesurent dans les deux orifices latéraux et non dans le petit orifice central, où le gradient est jusqu’à 40-50% plus élevé [27,28,30].


    Vidéo: valve de Starr en position aortique (vue long-axe); la bille se déplace longitudinalement au cours du cycle cardiaque.


    Vidéo: valve de Starr en position mitrale; la bille apparaît comme une ombre peu échogène qui se déplace au sein de la cage métallique bien visible.


    Vidéo: valve de Björk en position mitrale; le disque s'ouvre à environ 50°.


    Vidéo: valve bi-ailette de St Jude en position mitrale (vue 4-cavités 35° zoomée sur la prothèse); les deux ailettes s'ouvrent et se ferment symétriquement.


Figure 11.34 : Valve de Starr-Edwards™. Hémodynamiquement, elle présente 2 orifices différents : l’anneau (large orifice circulaire) et la périphérie de la bille (orifice annulaire entre la bille et la paroi aortique ou ventriculaire, de surface effective plus restreinte) [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47].



Figure 11.35 : Valve à disque oscillant (Medtronic-Hall™, Bjork-Shiley™). A l’ouverture, la valve présente un grand et un petit orifice. L’angle du disque est de 70° par rapport à l’axe du flux, ce qui crée une résistance dans le grand orifice et des tourbillons dans le petit. A la fermeture, des fuites apparaissent dans les bords et, pour certains modèles, sur l’axe du pivot au centre du disque  [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47].



Figure 26.144 : Valve à double ailette (St.Jude Medical™, Carbomedics™, ATS™). A : valve mécanique bi-ailette [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47]. B : schéma et image ETO d’une valve bi-ailette ouverte en position mitrale. Lorsqu’elles ont ouvertes, les ailettes forment un angle de 85° avec le flux, qui passe par 2 orifices en demi-lune de chaque côté et par une fente centrale de section rectangulaire où le gradient est plus important. C : schéma et image ETO d’une valve bi-ailette fermée en position mitrale. En position fermée, les ailettes font un angle de 25° avec le plan de l’anneau et présentent des fuites d’autolavage sur les bords et au niveau des pivots. La prothèse est mise en place avec ses ailettes en position anti-anatomique par rapport aux feuillets de la valve mitrale, raison pour laquelle le profil dans lequel on voit les deux ailettes est situé entre 30° et 80° à l’ETO.

Les anneaux sont recouverts de Dacron™ ou de Teflon™ tressé permettant l’ancrage des sutures. Les valves à double ailette sont les plus couramment utilisées, car elles offrent le meilleur profil hémodynamique. Les prothèses mécaniques présentent normalement des fuites d’autolavage qui ont pour but de prévenir le dépôt de fibrine et de plaquettes sur le bord libre des ailettes et sur la partie interne de l’anneau, car cela pourrait bloquer le mouvement ou empêcher l’étanchéité (Vidéo) (voir ci-dessous Aspects du flux Doppler). Ces valves nécessitent une anticoagulation à vie (INR 3.0 – 3.5 pour les RVM et 2.0 – 3.0 pour les RVA) mais ont une durée de vie > 25 ans (voir Chapitre 11, Tableau 11.6).


Vidéo: fuites d'autolavage normales d'une prothèse mitrale St Jude.

Les valves biologiques sont faites en tissu valvulaire de porc, en péricarde bovin, en hétérogreffe ou en homogreffe. Le tissu animal est préparé dans un bain de glutaraldéhyde qui en réduit l’antigénicité mais en altère les propriétés mécaniques ; les valvules deviennent moins souples et dégénèrent à long terme. Leur taux d'attrition est d'environ 13% en moins de 10 ans et de 20-30% de dégénérescence à 12-15 ans (Vidéos) [24]. Elles peuvent être montées ou non sur une armature dont le diamètre définit la taille de la prothèse, mais le diamètre interne réel est plus faible de 2 mm dans les valves porcines (Biocor™, Hancock™ II) et de 1 mm dans les valves péricardiques (Perimount™, MagnaEase™); il est identique seulement dans les valves dont les feuillets sont implantés à l'extérieur de l'armature (Mitroflow™, Trifecta™) (Figure 11.37) [3]. Elles ne réclament une anticoagulation que pendant 3 mois, après quoi l’endothélialisation est complète et l’aspirine suffit. Elles sont indiquées au-delà de 60-70 ans ou en cas de contre-indication à l’anticoagulation (grossesse).


Vidéo: bioprothèse mitrale avec évidence de dégénérescence avancée; les feuillets sont remaniés, épaissis, rigides; la valve est sténosée.


Vidéo: vue 3D depuis le VG d'une bioprothèse mitrale sténosée; une seule valvule est fonctionnelle.



Figure 11.37 : Prothèses valvulaires biologiques. A: valves montées avec feuillets en péricarde bovin. B: valves montées avec feuillets en péricarde porcin. C: valves sans monture (stentless) [extrait de: Arsalan M, Walther T. Durability of prostheses for transcatheter aortic valve implantation. Nat Rev Cardiol 2016; 13:360-7].
  • Bioprothèses montées classiques ; valve aortique porcine (Biocor™, Hancock™ II), ou valvules en péricarde bovin (Carpentier-Edwards Perimount™, Trifecta™, Mitroflow™), montées sur un anneau métallique et suspendues par leurs commissures à 3 picots verticaux. Les valvules ont une certaine inertie à l’ouverture à cause de leur relative rigidité. A taille égale, les orifices effectifs de ces valves sont plus petits que ceux des valves mécaniques et des bioprothèses sans monture; leurs gradients aussi sont plus élevés. Lorsqu’elles sont fermées, ces valves sont étanches, ou présentent de petites fuites en général centrales mais parfois aux commissures. A taille égale, les valves en péricarde bovin ont des performances hémodynamiques légèrement meilleures que les valves porcines et un taux d’attrition un peu inférieur; pour les nouveau modèles, la survie moyenne sans reprise est de 19 ans [10]. Vues de face, elles ressemblent à une valve tricuspide normale (Vidéos et Figure 26.145) [1,9].


    Vidéo: vue court-axe d'une bioprothèse Carpentier-Edwards en position aortique; on distingue les 3 picots de suspension des valvules situés à l'emplacement des commissures.


    Vidéo: vue d'une bioprothèse en position mitrale; le système de suspension des valvules empiète sur la chambre de chasse du VG.
     
  • Bioprothèses montées de nouvelle génération; un anneau plus fin (Carpentier-Edwards MagnaEase™, en péricarde bovin) permet d'augmenter le diamètre interne de 2 mm pour le même diamètre externe; sa configuration particulière autorise une fixation supra-annulaire qui permet de gagner une taille par rapport à une prothèse standard. Une réduction de la taille des picots (St-Jude Biocor™, valve porcine) et un traitement particulier de la valve porcine (Medtronic Mosaic™) donnent un avantage mécanique, réduisent le risque de calcification et augmentent la durée de vie (70% à 20 ans) [9]. L'implantation des feuillets à l'extérieur de l'armature (Mitroflow™, Trifecta™) augmente la surface d'ouverture effective [3].
  • Bioprothèses sans monture (stentless) (Freestyle™, Toronto SPV™, CryoValve™, Freedom Solo™, à base de valve porcine avec couverture externe en tissu de polyester) : à diamètre égal, elles ont un orifice plus grand et un gradient plus faible que les autres valves. Leur configuration et leur absence d’anneau ne permettent une utilisation qu’en position aortique. Le diamètre de l’anneau aortique du patient et celui de sa jonction sino-tubulaire ne doivent pas différer de > 10% pour que la prothèse soit correctement suspendue à ses commissures (Vidéos et Figure 26.146). Ces valves sont techniquement plus difficiles à implanter car les points de fixation doivent être rigoureusement équidistants sur la prothèse et sur l’anneau aortique du patient, mais leur taux d’endocardite et de thrombose est très bas. Elles sont en principe indiquées chez les malades de > 60 ans qui ont de petits anneaux aortiques ou une mauvaise fonction ventriculaire.


    Vidéo: vue court-axe d'une bioprothèse sans monture (stentless) en position aortique; les valvules sont positionnées comme les cuspides physiologiques. Il n'y a pas d'anneau de soutien.


    Vidéo: vue long-axe d'une bioprothèse sans monture en position aortique; le flux Doppler couleur n'indique ni sténose ni insuffisance; l'hématome en manchon qui protrude dans l'OG est normal pendant les premiers jours postopératoires..
     
  • Bioprothèses sans fixation (sutureless) (Perceval S™, 3F Enable™, Intuity Elite™): leur implantation réclame une CEC, une aortotomie (plus haute que pour une valve standard) et une excision de la valve native, mais elle est plus rapide car la valve se met en place par auto-expansion ou par gonflement d'un ballon comme les prothèses percutanées (TAVI). La fixation de la prothèse se fait sous contrôle visuel direct par coulissage sur 3 fils temporaires placés à 120° les uns des autres sur l'anneau aortique, ce qui diminue les risques de fuite paravalvulaire par rapport au TAVI (15% vs 45%) [7,8]. Les résultats sont équivalents à ceux d'une bioprothèse conventionnelle, mais la durée de CEC est diminuée de moitié. Cette technique s'applique bien aux petits anneaux aortiques (< 2.2 cm), et aux cas à risque élevé (âge > 80 ans) ou en circuit rapide (fast-track) [14,23]. Pour que l'implantation soit correcte, le rapport entre le diamètre de l'anneau aortique et celui de la jonction sino-tubulaire doit être < 1.3, car la dilatation de cette dernière est une contre-indication à ce type de prothèse [7].
  • Bioprothèses implantées par voie endovasculaire (TAVI, transcatheter aortic valve implantation): elles sont indiquées chez les patients à risque opératoire intermédiaire ou élevé, de préférence âgés, dont l'espérance de vie ne dépasse pas 5-10 ans (voir Chapitre 10, TAVI). Les résultats à long terme ne sont donc pas déterminants. Le taux de détérioration des TAVI est de 2-10% à 5 ans; à court terme, les nouvelles prothèses donnent des résultats comparables à ceux des valves implantées par voie chirurgicale (Figure 11.40) [1]. Les rapides améliorations de la technique permettent d'élargir progressivement les indications aux patients à moyen et même bas risque.
  • Homogreffes : valve mitrale ou valve aortique (avec manchon d’aorte ascendante) prélevées sur des cadavres humains et conservées dans l’azote liquide (- 196°C). Bien qu’elles aient un taux d’attrition accéléré, elles sont résistantes aux infections et sont particulièrement indiquées en cas de remplacement valvulaire pour endocardite [15]. Leur faible disponibilité est un problème.
  • Hétérogreffe : la jugulaire de boeuf est un conduit valvé qui, préparé au glutaraldéhyde et cryopréservé (Contegra™), peut remplacer la voie d’éjection droite (CCVD, valve pulmonaire et tronc de l’AP) (Vidéo et Figure 26.146).


    Vidéo: vue long-axe de l'artère pulmonaire (court-axe de la cross aortique 100°) montrant une hétérogreffe (Contegra) en remplacement de la valve pulmonaire prélevée pour être placée en position aortique (opération de Ross).
     
  • Autogreffe : l’opération de Ross consiste à substituer la valve aortique par la valve pulmonaire du patient (Ross VAo post) ; cette dernière est remplacée par une hétérogreffe ou une homogreffe (voir Figure 26.93). Le principal intérêt de la technique est de permettre la croissance, car la néo-valve aortique se développe en même temps que l'enfant.


    Vidéo: néo-valve aortique constituée par la valve pulmonaire du patient (opération de Ross); position, ouverture et fermeture sont normales.
     


Figure 26.145 : Prothèse valvulaire biologique. A : bioprothèse de Carpentier-Edwards [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.49]. B : prothèse fermée en position aortique ; les 3 feuillets sont dans la même position que ceux de la valve native. C : prothèse ouverte en position aortique ; l’ouverture est pratiquement circulaire et facilement mesurable par planimétrie (vues ETO court-axe aortique 50°).



Figure 26.146 : Prothèse valvulaire biologique sans monture. A : schéma d'une bioprothèse Toronto SPV™ stentless en position aortique. La base de la valve est fixée à l’anneau aortique ; les commissures sont suspendues à la jonction sino-tubulaire ; le diamètre de cette dernière ne doit pas différer de > 10% de celui de l’anneau aortique, sans quoi la coaptation des cuspides ne se fait plus normalement. Un espace libre peut se voir à l’échocardiographie entre la valve et la paroi des sinus de Valsalva [Extrait de: Savage RM, Aronson S. Comprehensive textbook of intraoperative transesophageal echocardiography. Philadelphia:Lippincott, Willliams & Wilkins, 2005. Figure 30.19]. B : conduit valvé en jugulaire de bœuf (Contegra™) en position pulmonaire (vue court-axe de la crosse 90°); on distingue clairement les valvules et la paroi très échogène de l’hétérogreffe (flèches vertes).



Figure 11.40: De nombreux types de valves sont disponibles pour l'implantation par transcathétérisme (TAVI). A: prothèses expansibles par ballon. B: prothèses auto-expansibles en péricarde porcin. C: prothèse auto-expansible en péricarde bovin. D: prothèse auto-expansible en valve porcine native. E: prothèses alternatives en péricarde bovin [extrait de: Arsalan M, Walther T. Durability of prostheses for transcatheter aortic valve implantation. Nat Rev Cardiol 2016; 13:360-7].


Les prothèses sont le plus souvent implantées en position aortique ou mitrale. En position tricuspidienne, où le régime de pression est bas, les prothèses mécaniques ont une inertie plus faible que les bioprothèses, mais ont un risque de thrombose prohibitif de 1%/an [2,17]. La survie à long terme des bioprothèses est meilleure qu’en position mitrale ou aortique, mais on évite les bioprothèses à base de péricarde à cause de la rigidité de leurs feuillets. Quel qu’en soit le type, l’armature de la valve ne correspond pas à la courbure du VD enroulé autour du VG et gène le mouvement péristaltique longitudinal du VD. Après remplacement valvulaire tricuspidien, le taux d’insuffisance cardiaque droite est de 28% (9% après valvuloplastie) et la mortalité de 11% [25].

Bien qu'étiquetées de la même dimension, les prothèses qui s'implantent en position supra-annulaire (Mosaic™, CE Magna™, Soprano™) ont un diamètre interne plus grand que celles qui sont intra-annulaires. La taille nominale des prothèses varie selon les modèles et les fabricants. Elle n'est malheureusement pas toujours l'équivalent de son diamètre interne, ni directement proportionnelle à sa surface. Elle ne permet pas de prédire la surface effective ni le gradient. Ceux-ci sont déterminés en conditions hémodynamiques.

Aspect échocardiographique 2D

Le matériel prosthétique cause de nombreux artéfacts parce que certains composants absorbent les ultrasons (non-visibilité) et d’autres les réfléchissent (échogénicité extrême). La présence de matériel étranger crée des zones d’ombre ou des images lacunaires (dropout) et provoque de nombreuses reverbérations. La progression des ultrasons est plus lente ou plus rapide que dans les tissus selon le type de matériaux utilisés ; ces variations donnent des images déformées (plus longues ou plus courtes) ou déplacées (plus profondes ou plus proches) des structures.

Les ailettes et les valvules s’ouvrent et se ferment normalement très vite. Leur course va d’une extrémité à l’autre de la position fermée à la position ouverte. En court-axe, les valves biologiques apparaissent rondes lorsqu’elles sont ouvertes et en étoile à 3 branches lorsqu’elles sont fermées (Vidéo) ; en long-axe, on aperçoit l’anneau, deux picots parallèles à l’axe du flux et la zone de coaptation des valvules en aval de l’anneau. Les valvules ont minces et présentant la même apparence que des cuspides aortiques normales. Les doubles ailettes mécaniques ont une course de 60-70° en forme de "V" inversé. On ne peut juger de leur fonctionnement que si l’on voit les deux ailettes bouger simultanément dans le même plan (Figure 26.147) (voir ci-dessus Figure 26.144). Si l'on n'aperçoit qu'une seule ailette, il est impossibe de savoir si l'autre fonctionne correctement; seul le gradient transvalvulaire peut apporter un renseignement: s'il est normal pour la prothèse et la situation hémodynamique, il est probable que la valve s'ouvre de manière satisfaisante. D'autre part, le flux couleur renseigne sur la qualité de l'occlusion: l'absence de fuite intravalvulaire importante assure que la fermeture est étanche. Le fait de voir une ailette sous un angle et l'autre sous un autre angle ne doit aucunement rassurer, car on peut fort bien apercevoir la même sous deux angles différents.


Vidéo: vue court-axe d'une bioprothèse Carpentier-Edwards en position aortique; on distingue les 3 picots de suspension des valvules situés à l'emplacement des commissures.


Vidéo: valve bi-ailette de St Jude en position mitrale (vue 4-cavités 35° zoomée sur la prothèse); les deux ailettes s'ouvrent et se ferment symétriquement.



Figure 26.147: Images ETO de prothèses valvulaires. A et B: prothèse mécanique en position aortique (vue transgastrique profonde 0°). Ouverte en diastole, les 2 ailettes sont pratiquement parallèles au flux sanguin; en systole, les ailettes viennent en butée contre la monture et conservent un certain angle avec le plan de l'anneau. C: prothèse mécanique en position mitrale (vue 4-cavités 35° en systole); l'angle entre les ailettes est normal. D: bioprothèse en position mitrale; un des picots qui soutiennent les valvules est bien visible; il plonge dans le VG sur plus d'un centimètre à l'entrée de la chambre de chasse. E: bioprothèse en position aortique (vue long-axe). Les valvules sont fines, la structure est parallèle à la paroi aortique; le manchon d'hématome est bien visible en projection dans l'OG. F: homogreffe en position aortique (vue long-axe en systole); la paroi présente un double contour et un manchon péri-aortique (flèche). G: bioprothèse sans monture (Shellhigh) en position aortique (vue court-axe); les trois commissures sont équidistantes, ce qui est un gage de bon fonctionnement. H: bioprothèse sans monture (Shellhigh) en position aortique (vue court-axe); dans ce cas, les commissures ne sont pas équidistantes et la cuspide coronaire gauche est ratatinée. Cette valve présente un gradient anormal et fuit en diastole. Cette image impose un retour en CEC.

Les prothèses mitrales à double ailette sont en général placées en position anti-anatomique, avec l'axe des ailettes perpendiculaire à la commissure mitrale, raison pour laquelle le profil dans lequel on aperçoit les deux ailettes de manière symétrique est situé entre 30 et 70° à l'ETO. Ce montage prévient le blocage de ces dernières dans l'appareil sous-valvulaire et améliore le remplissage ventriculaire en dirigeant le flux vers la région postéro-latérale [20]. Pour la valve aortique, l'examen est plus malaisé car les seules vues dans l’axe de la prothèse sont transgastriques profondes à 0-20° ou 100-140° (Vidéos). Les ailettes sont orientées en fonction des ostia coronariens; un des pivots est placé à la jonction entre la cuspide coronaire gauche et la cuspide coronaire droite, l'autre se trouvant en regard du milieu du sinus de Valsalva non-coronaire. Les bioprothèses montées sont reconnaissables aux 3 picots qui suspendent les valvules, bien visibles en court-axe; en long-axe, on en voit deux, perpendiculaires à l'anneau très brillant aux ultrasons. Les valves biologiques sans monture et les homogreffes ressemblent à une valve naturelle, à l’exception d’un épaississement et/ou d’un double contour de la paroi aortique. Les valves sans suture ont le même profil que les endoprothèses (TAVI). Les valves à double ailette ont peu d’inertie et s’ouvrent complètement même à bas débit. Les bioprothèses montées ont des cuspides plus rigides, particulièrement celles constituées de péricarde bovin ou porcin, et ne s’ouvrent que partiellement si le volume systolique est faible.


Vidéo: vue transgastrique 5-cavités profonde 0° d'une valve bi-ailette St Jude en position aortique; seule une vision simultanée des deux ailettes permet de s'assurer de leur fonctionnement correct.


Vidéo: vue transgastrique long-axe du VG 110° d'une valve bi-ailette St Jude en position aortique; cette vue montre également les deux ailettes simultanément.

La valve doit être immobile par rapport aux structures qui l’entourent. Un mouvement de bascule avec chaque cycle cardiaque laisse supposer un descellement et une déhiscence. En position mitrale, toutefois, la conservation de l'appareil sous-valvulaire et de la base des feuillets peut donner une certaine mobilité à la prothèse [30]. Une cavité péri-annulaire sans écho fait penser à une déhiscence, à un abcès ou à une fistule [15]. Des éléments de l’appareil sous-valvulaire, une thrombose ou un pannus inflammatoire peuvent bloquer une ailette ; le mouvement d’ouverture est alors asymétrique et la fermeture incomplète (Vidéos). Le pannus est typiquement plus échogène que le thrombus. Les valves biologiques ont tendance à dégénérer à partir d’une douzaine d’années ; elle se fibrosent et se calcifient, ce qui entraîne une sténose, ou elles se fragmentent et se déchirent, ce qui occasionne des fuites (Vidéos). Après remplacement valvulaire mitral (RVM), il est fréquent de déceler dans l’OG des filaments de fibrine (fibrin strands), qui apparaissent comme des structures filiformes peu échogènes de quelques millimètres qui ondulent dans le flux au voisinage de la prothèse (Figure 26.148). Après remplacement valvulaire aortique (RVA), on en rencontre quelquefois dans la CCVG. Ces éléments sont probablement constitués de collagène; ils sont attachés à la face d'amont de la valve et sont plus fréquents sur les prothèses mécaniques que sur les bioprothèses (27% versus 8%) [16,18]. Les fils de suture s’en différencient pas leur rigidité et leur très forte échogénicité (Vidéo). Après un RVA, la racine de l'aorte est en général épaissie et déformée par un hématome qui se fibrose ultérieurement, mais ce manchon peut faire croire à un abcès péri-aortique. Il se résorbe en 3-6 mois.


Vidéo: vue 4-cavités 40° d'une prothèse mitrale bi-ailette dont une ailette est bloquée en position fermée.


Vidéo: vue identique à la précédente dont le flux Doppler couleur montre le passage diastolique par un seul orifice de la prothèse.


Vidéo: bioprothèse mitrale atteinte de dégénérescence avancée; le flux diastolique accéléré et la présence d'un PISA côté auriculaire indiquent que la valve est sténosée; la sténose est accompagnée d'une petite insuffisance.


Vidéo: vue 3D depuis le VG d'une sténose de bioprothèse mitrale dégénérée; une seule valvule est fonctionnelle.


Vidéo: image des fils d'attache d'une prothèse St Jude mitrale; leur rigidité et leur échogénicité les distinguent des filaments de fibrine.




Figure 26.148 : Filament de fibrine (flèche) sur une prohèse mécanique en position mitrale.

Aspect échocardiographique 3D

L'imagerie tridimensionnelle permet de mettre en évidence le verso de la prothèse et de quantifier la taille des orifices de régurgitation paravalvulaire en mesurant directement leur surface. Elle facilite la mise en évidence des thrombi, des végétations et des problèmes liés aux ailettes (Figure 26.149) [19].



Figure 26.149 : Image 3D de prothèses mitrales. A: vue depuis le VG, la prothèse a subi une dégénérescence majeure et représente une sténose serrée; en systole la fermeture est étanche. B: en diastole, l'orifice d'ouverture est < 1 cm2. C: vue "en-face" depuis l'OG d'une prothèse mitrale à double ailette en diastole; une des ailettes est bloquée en position fermée. D: Déhiscence para-annulaire après pastie mitrale; la vue "en-face" permet de localiser très précisément l'origine de la fuite et de calculer la surface de l'orifice de régurgitation.

Aspects du flux Doppler

Au Doppler spectral, le flux est ceinturé par les deux clics d’ouverture et de fermeture de la prothèse ; ce sont deux bandes très denses mais très brèves, qui sont particulièrement bien visibles avec les prothèses mécaniques. Le flux au Doppler couleur est accéléré dans les prothèses. Sa configuration correspond au profil particulier de chaque type de valve : flux tourbillonnaire autour de la bille dans les valves de Starr, flux turbulent oblique dans les valves monodisques, flux laminaire accéléré à travers les bioprothèses et les valves à double ailette. Dans ces dernières, le flux est plus rapide dans la fente située entre les deux ailettes que dans les deux ouvertures latérales (voir Figure 26.144).

Au Doppler couleur, les prothèses valvulaires présentent plusieurs types de régurgitations d’importance et de configuration variable selon les modèles (Figure 26.150) [2].
 
  • Bien que souvent étanches, les valves biologiques présentent de petites fuites en général centrales mais parfois au niveau des commissures.
  • Les valves mécaniques ont physiologiquement de multiples jets de régurgitation bien visibles au Doppler couleur ; ils sont fins et mesurent 1 cm (prothèse aortique) à 2 cm (prothèse mitrale) de longueur; leur vélocité est basse; ils ne présentent jamais de zone d’accélération concentrique sur leur versant ventriculaire. Leur origine est clairement à l’intérieur de l’anneau et leur direction centripète (Vidéo). Ces fuites d’autolavage représentent une fraction de régurgitation allant jusqu'à 10% (insuffisance de degré ≤ I) et sont destinées à empêcher le dépôt de fibrine sur les ailettes en pyrolocarbone [29].


    Vidéo: fuites normales d'une prothèse mécanique bi-ailette en position mitrale; ces fuites peuvent prendre des allures variables selon l'angle de vue et selon les modèles, mais elles restent fines et peu étendues, de basse vélocité et sans zone d'accélération côté ventriculaire.
     
  • La rapidité de fermeture des ailettes déplace un certain volume de sang en amont de la prothèse (closure backflow) ; celui-ci peut apparaître comme un flash protosystolique de courte durée ; il ne correspond pas à une fuite.
  • Les fuites paravalvulaires sont situées entre la prothèse et l’anneau anatomique ; elles sont toujours pathologiques (voir Examen ETO peropératoire, Fuite paravalvulaire).


Figure 26.150 : Fuites intravalvulaires d’autolavage. Ce type de fuite situé à l’intérieur de l’anneau de la prothèse est normal; les jets sont fins, de basse vélocité, et sans PISA. A: dans les valves bi-ailette, les jets périphériques sont perpendiculaires ou légèrement concentriques, alors que les jets situés sur les pivots sont en bouquet (vue 2-cavités à 90° d’une valve St.Jude en position mitrale). B: fuite centrale normale d'une bioprothèse en position aortique (vue long-axe 120°).

Gradients de pression

Toutes les prothèses sont restrictives par rapport aux valves natives normales. Leur surface d’ouverture varie de 1.1 cm2 (bioprothèse aortique 19) à 2.6 cm2 (valve mécanique mitrale 33). De ce fait, le gradient de pression est significatif ; le gradient moyen varie de 4 mmHg (St-Jude mitrale) à 10-15 mmHg (bioprothèse aortique) (Tableaux 26.13, 26.14 et 26.15) [5,21,22,27,31]. A taille égale, les gradients vont par ordre croissant : autogreffes < homogreffes < bioprothèses non-montées (stentless) < valves mécaniques < bioprothèses montées. On peut facilement surestimer le gradient d’une prothèse, donc sous-estimer sa surface, à cause de plusieurs phénomènes [31].
 
  • Le Doppler calcule le ΔP à partir de la Vmax, qui correspond au point le plus rétréci du flux (vena contracta); cette zone est en général très courte (1-3 mm), et le flux ralentit rapidement dans la chambre d'aval (voir Figure 26.114). Le gradient excessif mesuré au Doppler tend à sous-estimer la surface d'ouverture réelle dans les petites prothèses. De ce fait, le gradient moyen est un meilleur critère que le gradient maximal [30].
  • La géométrie des prothèses induit un phénomène de récupération de pression (pressure recovery) : la pression baisse lorsque la vélocité augmente dans la zone rétrécie (principe de la conservation de l'énergie), mais l'énergie cinétique est retransformée en pression dès que le flux ralentit au-delà du rétrécissement [26]. Ce phénomène est plus important dans les prothèses que dans les valves natives. A travers une prothèse aortique de petite taille (19-21 mm), il peut représenter une diminution jusqu'à 20% par rapport au gradient de pression mesuré à l'écho [4]. Comme la perte d'énergie cinétique dans les tourbillons diminue l'importance de la récupération de pression, le phénomène est moins marqué lorsque l'aorte est beaucoup plus grande que la prothèse parce qu'il y a davantage de tourbillons, donc davantage de perte d'énergie. Par contre, la récupération de pression est plus importante lorsque le diamètre de l'aorte est ≤ 3.0 cm. Le gradient excessif mesuré au Doppler tend donc à sous-estimer la surface d'ouverture réelle dans les petites prothèses et dans les petites aortes [31]. Pour cette raison également, le gradient moyen est un meilleur critère que le gradient maximal [31].
  • Le gradient est mesuré avec l’axe du Doppler au milieu de la valve dans les prothèses biologiques, mais dans les valves à double ailette il est important de l'échantillonner dans l’un des deux larges orifices latéraux, car il est augmenté de 40% dans la partie centrale.
  • En position aortique, la vélocité dans la chambre de chasse du VG est fréquemment supérieure à 1.5 m/s après remplacement de la valve en cas de sténose et d’HVG. Il est alors impératif d’utiliser l’équation modifiée de Bernoulli ΔP = 4 • (V2VAo – V2CCVG) et non sa version simplifiée (ΔP = 4 • V2). Omettre la soustraction de la Vmax dans la CCVG conduit à une surestimation du gradient de 10 à 30 mmHg. Au Doppler continu, l'image de la double enveloppe permet aisément le calcul et évite le piège d'un gradient excessif et d'une pseudo-sténose. La morphologie de l'affichage spectral est diagnostique (Figure 26.151).
    • Tant que la sténose est ≤ modérée, le pic de vélocité survient en protosystole; normalement, la phase d'accélération du flux dure < 30% de la durée d'éjection.
    • Dans une sténose serrée, le pic de vélocité est mésosystolique et la courbe prend un aspect parabolique.
    • Dans une sténose dynamique de la CCVG ("effet CMO"), le flux présente un pic de vélocité télésystolique et une forme en dague avec un décrochage dans la phase d'accélération.
  • Les calculs de surface comme le temps de demi-pression ou l'équation de continuité (voir Chapitre 25, Temps de demi-pression, Equation de continuité) supposent que les orifices sont circulaires, ce qu'ils ne sont pas dans les prothèses mécaniques. Le temps de demi-pression est ainsi inapplicable pour évaluer la surface d'une prothèse mitrale. Dans l'équation de continuité utilisée pour mesurer la surface de la valve aortique, la valeur de référence est en général le volume systolique dans la CCVG (SAo = (SCCVG • ITVCCVG) / ITVAo). Or la section de la CCVG n'est pas circulaire mais ovale, et le plan de coupe en long-axe utilisé en échocardiographie pour en évaluer le diamètre mesure en réalité le plus petit diamètre; celui-ci est inférieur de 17%, et la surface est ainsi sous-estimée en moyenne de 24% [4,13]. D'autre part, la mesure du diamètre de la CCVG est délicate à cause de la brillance et des ombres de la prothèse.
  • En sortant de CEC, le flux est accéléré à cause de la stimulation catécholaminergique et de l’augmentation momentanée du volume systolique (transfusion, haut débit, extrasystolie); la vélocité artificiellement accélérée à travers la prothèse tend à sous-estimer sa surface réelle.
  • Une basse pression dans la racine de l’aorte (vasoplégie, contre-pulsion intra-aortique, anévrysme de l’aorte ascendante) augmente le gradient d’une prothèse aortique par diminution de la pression d’aval. Avec la CPIA, cette différence est de l’ordre de 30-40 mmHg. Dans ces situations, la vélocité artificiellement accélérée à travers la prothèse tend à sous-estimer sa surface réelle. Il faut donc momentanément interrompre la CPIA pour faire la mesure.
  • Lorsque différents plans d'examen donnent des valeurs de vélocités différentes, la fenêtre qui donne les vélocités les plus élevées est la plus fiable.


Figure 26.151 : Flux systoliques à travers la valve aortique. A: flux systolique à travers une bioprothèse sans monture (stentless); la Vmax est 2.3 ms. Si l'on ne tient pas compte de la vélocité dans la CCVG (Vmax 1.5 m/s), on obtient un gradient transvalvulaire de 21 mmHg, ce qui est excessif pour ce type de prothèse. En tenant compte de cette vélocité dans l'équation de Bernoulli, on obtient un gradient de 10 mmHg, qui est compatible avec un fonctionnement normal. B: lorsque la prothèse est sténosée (gradient 80 mmHg), le pic de vélocité devient mésosystolique, alors qu'il est protosystolique dans le cas en A. C: en cas de sténose dynamique de la chambre de chasse, la forme "en dague" de la courbe Doppler est caractéristique (décrochage pendant la phase d'accélération); le pic de vélocité est télésystolique.

 

 


Au niveau aortique, la manière la plus adéquate d'évaluer le rétrécissement opéré par la prothèse est d’utiliser le rapport (R) entre la vélocité dans la CCVG et celle mesurée à travers la valve; on utilise préférentiellement l’intégrale des vélocités (ITV) au lieu de la Vmax.

               R  =  ITVCCVG / ITVVAo

Ce rapport, aussi appelé indice de perméabilité ou dimensionless index, quantifie l'accélération du flux au niveau de la prothèse où le diamètre est plus étroit. Normalement, il voisine 0.5 – 0.7 dans une prothèse aortique; il doit rester supérieur à 0.4, sans quoi la prothèse est sténosante; une valeur < 0.25 représente une sténose serrée [31]. Il permet également de différentier une élévation du gradient due à un grand volume systolique (hypervolémie, haut débit, sepsis, anémie) de celle due à une sténose, car il reste normal dans le premier cas; en effet, l'augmentation de la vélocité est identique dans la CCVG et à travers la prothèse.

D’une manière générale, le gradient moyen a une valeur plus pertinente que le gradient maximal parce qu’il dépend moins des conditions hémodynamiques instantanées et tient compte de l'évolution du volume systolique au cours de toute la durée d'éjection [11]. De plus, le gradient moyen calculé à l’échocardiographie a une bonne corrélation avec le gradient moyen angiographique, alors que le gradient Doppler maximum instantané est en général supérieur au gradient maximum pic-à-pic du cathétérisme (voir Figure 26.113) [26]. La variabilité individuelle de ces données rend l’évaluation peropératoire immédiate très utile pour le suivi ultérieur des patients.

La découverte d'un gradient excessif à travers une prothèse (ΔP moyen > 15-20 mmHg en position aortique, ΔP moyen > 5-7 mmHg en position mitrale) ne signifie pas forcément que celle-ci dysfonctionne. Pour éclaircir la situation, il faut procéder à des investigations échocardiographiques supplémentaires [22].
 
  • Relever le ΔP à différents endroits de la prothèse; ceci est particulièrement important avec les valve à double ailette, car la vélocité est plus élevée de 40-50% à travers la fente centrale qu'à travers les 2 grands orifices latéraux.
  • En position aortique, mesurer la Vmax dans la CCVG et faire le rapport VCCVG /VVAo; s'il est > 0.4, le fonctionnement valvulaire est normal.
  • Evaluer s'il existe une discordance entre la taille de la prothèse et la surface corporelle du patient; si la surface de la prothèse est < 0.85 cm2/m2 en position aortique ou < 1.2 cm2/m2 en position mitrale, la taille de la valve est insuffisante pour le débit cardiaque du patient (voir ci-dessous Discordance patient-prothèse).
  • Evaluer l'importance d'une éventuelle insuffisance valvulaire qui augmente le volume systolique ou diastolique.
  • Confronter les mesures échocardiographiques avec les mesures hémodynamiques: existe-t-il une hypotension artérielle aortique (CPIA), un volume systolique élevé (Swan-Ganz, PiCCO), un excès de catécholamines béta (débit cardiaque) ?
  • En dernier recours, mesurer le gradient pic-à-pic à l'aiguille entre le VG et l'aorte ascendante en cas de RVA, ou entre le VG et l'OG en cas de RVM.
Surface d’ouverture

En position mitrale ou tricuspidienne, le temps de demi-pression (220/Pt1/2 et 190/Pt1/2, respectivement) ne s'applique qu'aux valves dont la surface est < 1.5 cm2; en-dehors de ce domaine, il surestime l’ouverture réelle de la prothèse [11,30,31]. Le gradient de pression moyen est un meilleur critère du degré d’ouverture de la valve [11]. L’équation de continuité comparant le flux à travers la prothèse à celui de la chambre de chasse du VG est une technique fiable pour mesurer la surface d’ouverture, bien qu’elle suppose que les orifices soient circulaires ; elle n’est valide qu’en l’absence d’insuffisance aortique et d’insuffisance mitrale. L'utilisation de la taille nominale de la prothèse pour calculer sa surface d'ouverture n'a malheureusement aucune validité, car la valeur affichée relève de mesures qui varient selon les fabricants [30].

En position aortique, l’équation de continuité (SVAo  =  (SCCVG • ITVCCVG) / ITVAo) permet d’estimer la surface de la prothèse en tenant compte du flux transvalvulaire, mais elle bute sur 3 problèmes : 1) la mesure du diamètre de la CCVG est délicate à cause de la brillance et des ombres de la prothèse, 2) la surface de la valve n'est pas circulaire, et 3) la vélocité est artificiellement accélérée à travers la prothèse, ce qui tend à sous-estimer sa surface réelle [6]. Comme déjà mentionné, le rapport ITVCCVG/ITVVAo permet d’échapper à ces défauts; plus il est élevé, plus la surface est grande.

Les valeurs normales de gradient de pression, de vélocité de flux et de surface d'ouverture des nombreuses prothèses actuellement sur le marché varie selon les modèles et selon les tailles. Les données de référence sont publiées en annexe à la référence 30 (voir Directives Valves prothèses.pdf); un extrait figure dans les Tableaux 26.13, 26.14 et 26.15. Le site www.valveguide.ch fournit les données de toutes les prothèses actuellement en usage; il est très complet et facile à consulter [12].

 
Prothèses valvulaires
Les matériaux prothétiques absorbent les US (zones d’ombre) ou les réfléchissent (réverbérations).
Mouvement des ailettes (prothèses mécaniques):
    - Les 2 ailettes doivent être visibles sur la même image
    - Valve mitrale : vue mi-oesophage 30-80° (position anti-anatomique)
    - Valve aortique : vue transgastrique 0° ou 120°
Mouvement des cuspides (prothèses biologiques):
    - Valve mitrale : vue 4-cavités 0°, bicommissurale 60°, 2-cavités 90°, long-axe 120°
    - Valve aortique : vue court-axe 40°, vue long-axe 120°
Les prothèses mécaniques présentent des petites fuites d’autolavage qui sont normales (FR 5-10%) ; les prothèses biologiques présentent des fuites facultatives, de localisation variable.

Les prothèses sont restrictives par rapport à une valve native normale, par ordre croissant de gradient de pression (ΔP) : autogreffes < homogreffes < bioprothèses non-montées (stentless) < valves mécaniques < bioprothèses montées (ΔPmax 5 – 40 mmHg)
Le gradient de pression augmente en cas de : bioprothèse montée, petite taille, position aortique, haut débit cardiaque, hypervolémie, vasoplégie, CPIA.

En position aortique, le ΔP doit impérativement être calculé avec l’équation de Bernoulli modifiée : ΔP = 4 • (V2VAo - V2CCVG). Après RVA, le rapport VCCVG /VVao  doit être > 0.4; une valeur plus basse indique une sténose.
Le phénomène de récupération de pression (pressure recovery) est significatif dans les valves mécaniques et les aortes de diamètre ≤ 3 cm.


© CHASSOT PG, BETTEX D. Octobre 2011, Juin 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
 

Références
 
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