Step 1 of 2

Présentation clinique

La cardiomyopathie dilatée (CMD) est définie par une défaillance et une dilatation du VG, en l'absence de coronaropathie ou de conditions de charges anormales pouvant expliquer le degré de dysfonctionnement du ventricule [4]. Dans sa forme idiopathique primaire d'origine génétique, elle est associée à des mutations sur plus de 60 gènes impliqués dans le codage de protéines actives dans la contraction, le cytosquelette, la régulation métabolique, la transcription nucléaire et les pompes transmembranaires. Mais la cardiomyopathie dilatative peut être également secondaire à de nombreuses affections inflammatoires, toxiques ou métaboliques [3].
 
  • Inflammation: myocardite rhumatismale (RAA), arthrite rhumatoïde, polyartérite noueuse.
  • Infections: coxsackie, poliomyélite, SIDA, candida, toxoplasmose, schistostomiase, trypanosomiase (maladie de Chagas), borréliose (maladie de Lyme), toxoplasmose, diphtérie, pneumocoque, syphillis, leptospirose.
  • Médicaments : hydralazine, méthysergide, phénothiazines, tricycliques, phénytoïne, stéroïdes, digitale, quinidine, adriamycine, anthracycline, bléomycine, anti-rétrovirus.
  • Toxines: alcool, cobalt (bière), cocaïne, mercure, plomb, fer (surtransfusion).
  • Métabolisme: myxoedème, thyréotoxicose, thalassémie, cachexie, avitaminose (thiamine), déficience en carnitine, en sélénium.
  • Maladies de système: lupus, sclérodermie, sarcoïdose, dystrophie musculaire, maladie immunitaire (rejet).
  • Autres étiologies: cardiomyopathie du péripartum, tachyarythmie persistante.
L'incidence de la CMD est plus élevée en Afrique et dans les Caraïbes que dans le monde industrialisé, où elle n'est que de 0.04% [8]; la maladie de Chagas, par exemple, touche plus de 16 millions de personnes en Amérique du Sud, dont 20-30% souffre de cardiomyopathie dilatée [9,11]. Lorsqu'un traitement étiologique est envisageable, la cardiomyopathie peut être réversible ; la guérison est possible dans un tiers des affections inflammatoires, infectieuses ou toxiques si la survie est assurée pendant la phase de décompensation ventriculaire (agents inotropes, assistance ventriculaire mécanique) [7]. Dans les cas idiopathiques, l'évolution vers une insuffisance cardiaque congestive est progressive et irréversible. Dans plusieurs étiologies, dont la maladie de Chagas, la cardiomyopathie dilatée s'accompagne d'arythmies (bloc de branche, FA, extrasystolie ventriculaire), d'anévrysme ventriculaire (le plus souvent apical) et de thrombus intraventriculaire (avec risque d'embolie et d'AVC) [9]. La survie à 5 ans s'est considérablement améliorée au cours de 15 dernières années dans les pays industrialisés, passant d'à peine 50% à plus de 80% à 5 ans [2,5,6]. 
 
La cardiomyopathie dilatative se présente comme une insuffisance ventriculaire évolutive avec toutes les caractéristiques de la dysfonction systolo-diastolique (voir Chapitre 12, Présentation clinique). Elle touche le plus souvent le VG, mais peut atteindre les deux ventricules (Vidéos).


Vidéo: Défaillance terminale du VG en vue long-axe 130°; le ventricule est dilaté, arrondi et presque sans contraction (FE < 15%); les mouvements des feuillets mitraux sont faibles.


Vidéo: Défaillance biventriculaire en vue 4-cavités 0°. Les ventricules sont dilatés et hypocontractiles.

La fraction d'éjection est effondrée (FE < 0.3) et le/les ventricules sont dilatés. Les malades présentent une insuffisance propulsive (pression différentielle < 25% de la pression systolique, index cardiaque < 2.2 L/min/m2), une tachycardie et une stase en amont (pré-oedème pulmonaire, stase hépatique, distension jugulaire). La cardiomyopathie alcoolique est caractérisée par un taux élevé d'arythmies (ESV, FA) et par une tachycardie permanente ; elle est probablement due à l'effet toxique de l'alcool (acétaldéhyde) ou de certains additifs (cobalt dans la bière), et aux carences nutritionnelles (thiamines, protéines). Les crises d'alcoolisme aiguës provoquent une exacerbation de la cardiomyopathie avec une diminution considérable de la contractilité. La tachycardie est souvent le seul moyen de maintenir le débit cardiaque lorsque le volume systolique est bas.
 
Le ventricule gauche est très dilaté (diamètre télédiastolique du VG en court-axe > 4.5 cm/m2) et d’allure arrondie ; sa paroi est mince et très hypokinétique; on voit des zones de fibrose myocardique et de désynchronisation contractile. La fibrose représente une dégénérescence irréversible; elle est également à l'origine de circuits électriques de réentrée qui sont responsables de dangereuses tachyarythmies ventriculaires. Des thrombus muraux sont fréquents. L'oreillette gauche est dilatée à cause des hautes pressions de remplissage. Une insuffisance mitrale sur dilatation est courante. La fraction d'éjection (FE) est < 0.3 (Figure 13.2). 
 

Figure 13.2: Silhouette du VG et de l'OG dans la cardiomyopathie dilatative. Normalement, les feuillets mitraux s’affrontent par leurs bords libres sur une certaine hauteur (8-10 mm) : leur étanchéité est assurée par la pression intraventriculaire qui les plaquent l’un contre l’autre (flèches vertes). La cardiomyopathie dilatative du VG conduit à 3 phénomènes : la sphéricisation du VG, sa dilatation, et la dilatation de l’anneau mitral. L’écartement des piliers, qui persiste en systole à cause du faible raccourcissement pariétal, ne donne plus une course suffisante aux cordages pour permettre l'affrontement des feuillets mitraux; ces derniers sont alors retenus en dessous du plan de l'anneau mitral pendant la systole, et la valve fuit. L'insuffisance mitrale est dite restrictive. L'importance et la variation de l'insuffisance mitrale (IM) sont un bon critère du degré d'insuffisance ventriculaire gauche.
 
Une dilatation du VD et une insuffisance tricuspidienne traduisent la présence d'une hypertension pulmonaire qui est de mauvais pronostic [1]. Lorsque la dysfonction diastolique devient restrictive, elle signe également une péjoration du devenir (voir Cardiomyopathie restrictive) [10]. L'échocardiographie est l'examen de premier choix; des techniques de Doppler tissulaire (strain, strain rate) permettent de déceler précocement les altérations cinétiques de la paroi myocardique lors de traitement avec des substances cardiotoxiques comme certains antimitotiques. L'IRM offre les meilleures conditions pour mesurer le volume des cavités cardiaques et pour différencier les zones fibrosées. 
 
Le traitement médicamenteux symptomatique est celui de l'insuffisance cardiaque congestive (voir Chapitre 12, Traitement de l'insuffisance cardiaque chronique): inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC), antagoniste du récepteur de l'angiotensine (ARA), béta-bloqueur, diurétique, antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes, valsartan + inhibiteur de la néprilysine (Entresto®), statines. Il s'y ajoute des thérapeutiques plus spécifiques [5]. 
 
  • Réduction de l'insuffisance mitrale par voie non-invasive (Mitraclip™, voir Chapitre 10 Plastie mitrale percutanée);
  • Défibrillateur en cas d'anamnèse de mort subite ou comme protection anti-arythmique dans les cas où la récupération est possible (voir Chapitre 20, Défibrillateur); 
  • Resynchronisation par pace-maker double chambre en cas de désynchronisation contractile de la paroi du VG et de QRS > 150 msec (voir Chapitre 12 Resynchronisation).
Les derniers recours sont l'assistance ventriculaire et la transplantation cardiaque.
 
 
Cardiomyopathie dilatative
Insuffisance ventriculaire congestive, en général gauche, avec cardiomégalie, dilatation du ventricule et abaissement de la fonction contractile (FE < 0.3), en l'absence de coronaropathie ou de conditions de charges anormales pouvant expliquer le degré de dysfonctionnement du VG. Présence fréquente d'une insuffisance mitrale d’accompagnement et de tachycardie ; bas débit cardiaque.
 
Etiologies multiples: inflammatoire, infectieuse, toxique, métabolique, génétique.


© CHASSOT PG  Septembre 2007 Dernière mise à jour Octobre 2018
 

 
Références
 
  1. ABRAMSON SV, BURKE JF, KELLY JJ, et al. Pulmonary hypertension predicts mortality and morbidity in patients with dilated cardiomyopathy. Ann Intern Med 1992; 116:888-95
  2. BORGGREFE M, BLOCK M, BREITHARDT G. Identification and management of the high-risk patient with dilated cardiomyopathy. Brit Heart J 1994; 72(suppl):S42
  3. DEC GW, FUSTER V. Idiopathic dilated cardiomyopathy. N Engl J Med 1994; 331:1564-75
  4. ELLIOTT PM. Cardiomyopathy. Diagnosis and management of dilated cardiomyopathy. Heart 2000; 84:106-12
  5. JAPP AG, GULATI A, COOK SA, et al. The diagnosis and evaluation of dilated cardiomyopathy. J Am Coll Cardiol 2016; 67:2996-3010
  6. MATSUMURA Y, TAKATA J, KITAOKA H, et al. Long-term prognosis of dilated cardiomyopathy revisited: an improvement in survival over the past 20 years. Circ J 2006; 70:376-83
  7. MERLO M, PYXARAS SA, PINAMONTI B, et al. Prevalence and prognostic significance of left ventricular reverse remodelling in dilated cardiomyopathy reveiving tailored medical treatment. J Am Coll Cardiol 2011; 57:1468-76
  8. MEYER MR, EBERLI FR. Cardiomyopathie hypertrophique et dilatée. Forum Méd Suisse 2018; 18: 168-77
  9. PEREIRA MC, BEATON A, ACQUATELLA H, et al. Chagas cardiomyopathy: an update of current clinical knowledge and management. A sciemtific statement from the American Heart Association. Circulation 2018; 138:e169-e209
  10. RIHAL CS, NISHIMURA RA, HATLE LK, et al. Systolic and diastolic dysfunction in patients with clinical diagnosis of dilated cardiomyopathy. Relation to symptoms and prognosis. Circulation 1994; 90:2772-9
  11. WANDERLEY DM, CORREA FM. Epidemiology of Chagas' disease. Sao Paulo Med J 1995; 113:742-9