Step 4 of 4

Interactions cardio-respiratoires lors de constriction péricardique

Ventilation spontanée
 
En inspirium spontané, la Pit subatmosphérique diminue la pression des veines pulmonaires, alors que la POG reste inchangée à cause de l’encapsulement du coeur (Figure 16.8). 
 

Figure 16.8 : Modifications hémodynamiques lors d'un inspirium spontané en cas de péricardite constrictive ou de tamponnade. La contraction diaphragmatique augmente la pression abdominale  et baisse la pression intrathoracique ; le flux de la veine cave inférieure (VCI) et de l’artère pulmonaire (AP) augmentent. Le flux s’effondre dans les veines pulmonaires parce que sa pression d’amont baisse (Pit) alors que sa pression d’aval (POG) ne change pas. Le remplissage augmente dans le coeur droit, mais diminue dans le coeur gauche. Le remplissage du coeur droit repousse le septum interventriculaire du côté gauche (flèche), car les ventricules sont ceinturés par l'épanchement et ne peuvent s'expandre vers l'extérieur. En encadré, les flux veineux pulmonaire (VP), tricuspidien (F Tr) et mitral (F Mi) [3]. 
 
Comme sa pression d’amont baisse alors que sa pression d’aval ne change pas, le flux veineux pulmonaire s'effondre, et le flux mitral diminue considérablement. En expirium, la Pit remonte et la situation s’inverse. En respiration spontanée, les flux de remplissage gauches à travers les veines pulmonaires et la valve mitrale sont donc diminués en inspirium et augmentés en expirium de manière exagérée par rapport à la situation normale : les variations sont de 25-40% au lieu de 10-15%. Dans les cas extrêmes, le flux n'a lieu qu'en expirium et s'inverse en inspirium dans les veines pulmonaires (Figure 16.9) [4]. 
 

Figure 16.9 : Variations du flux mitral en cas de péricardite constrictive lors de ventilation spontanée (enregistrement ETO). Les variations du flux mitral sont supérieure à 25% au cours d'un cycle respiratoire, alors qu'elles ne dépassent pas 10% normalement en normovolémie. La chute de la Vmax à l’inspirium débute brusquement avec le premier battement qui suit l’inspiration ; dans l’hypovolémie ou le BPCO, où l’on rencontre aussi de fortes variations respiratoires du flux mitral, la chute est plus progressive. Le flux tricuspidien subit des amplitudes de variation plus importantes (30-50%), mais de manière inversée : il augmente à l'inspirium et diminue à l'expirium.
 
Du côté droit, le flux augmente considérablement dans l’artère pulmonaire en inspirium, puisque le sang y est aspiré par la dépression intrathoracique alors que la pression reste inchangée dans les cavités droites isolées : la pression d’amont ne se modifie pas alors que la pression d’aval baisse. Le débit de la VCI augmente parce que la pression abdominale s’élève à cause de la descente du diaphragme (pression d’amont), alors que la POD (pression d’aval) ne change pas. Le flux sanguin augmente à travers la valve tricuspide et dans l’artère pulmonaire en inspirium ; le flux tricuspidien varie de 25-50% avec la respiration spontanée [2]. Toutefois, c’est le rapport instantané entre la pression intrathoracique, la pression abdominale et la pression critique de fermeture (Pcf) de la VCI qui détermine le flux sanguin vers l'OD ; si le patient est hypovolémique, la Pcf est vite atteinte et la VCI collabe en inspirium, alors que le retour veineux augmente si le volume circulant est normal [8].
 
En inspirium, le volume diastolique du VD augmente alors que celui du VG baisse ; c’est l’inverse en expirium. L’expansion des ventricules ne pouvant pas se faire vers l’extérieur, le septum interventriculaire bascule alternativement dans la cavité la moins remplie (voir Figure 16.6) [7]. Ce phénomène est capital dans la genèse du pouls paradoxal : le remplissage insuffisant du coeur gauche ne lui permet pas de maintenir son débit systolique en inspirium ; la pression artérielle systémique baisse à ce moment de plus de 15% (ou > 12 mmHg) [9]. 
 
 
 
Constriction péricardique et interactions cardio-respiratoires
Respiration spontanée
Inspirium (Pit sous-atmosphérique, P cardiaques inchangées)
    - Augmentation du flux artère pulmonaire (aspiration)
    - Augmentation flux veine cave inférieure (contraction diaphragme)
    - Augmentation du flux tricuspidien (+ 25-50%)
    - Baisse du flux veineux pulmonaire et mitral (- 25-30%)
    - Baisse du volume systolique VG (pression artérielle ↓ > 15%)

Expirium (Pit élevée, P cardiaques inchangées)
    - Situation inversée

Remplissage VD / VG alterné au cours du cycle respiratoire avec bascule du septum interventriculaire (couplage par constriction péricardique)
Pouls paradoxal : chute inspiratoire excessive de la pression artérielle

 
Ventilation contrôlée
 
Ventiler en pression positive (Intermitent Positive Pressure Ventilation ou IPPV) un malade souffrant de péricardite constrictive ou de tamponnade va supprimer la phase de Pit subatmosphérique : à l’inspirium, la Pit est supérieure à la pression intracardiaque (Pic) ; la précharge du VG augmente car le flux dans les veines pulmonaires s’élève (pression d’amont haute et pression d’aval inchangée). A l’expirium, la Pit et la Pic sont les mêmes puisque cette phase est l’équivalent d’une apnée (égalisation des pressions). La configuration du flux mitral s'inverse: il augmente en inspirium et diminue en expirium. Mais l'amplitude de sa variation est diminuée : elle n'est plus que de 15 à 18%, soit moins de la moitié de ce qu'elle est en respiration spontanée (Figure 16.10) [1]. 
 

Figure 16.10 : Inspirium en IPPV lors de péricardite constrictive ou de tamponnade, avec les flux veineux pulmonaire (VP), tricuspidien (F Tr) et mitral (F Mi). Avec l’élévation de la pression intrapulmonaire sans variation de la pression intracardiaque, la précharge du VG et le flux mitral augmentent. Comme la postcharge du VD augmente, sa pression télédiastolique s’élève ; de ce fait, l’augmentation de volume du VG est en partie compensée par l’augmentation de pression du VD, et le bombement du septum interventriculaire vers la droite devient variable mais toujours faible. En normovolémie, le flux de la VCS est augmenté parce que la pression veineuse s’élève mais non celle de l'OD ; en hypovolémie, la VCS collabe lorsque la Pit augmente. Le flux de la VCI dépend de la pression abdominale et du volume sanguin splanchnique. Le frein inspiratoire au retour veineux droit est donc moins important en cas de tamponnade que dans la situation normale. 
 
En effet, deux nouveaux phénomènes interviennent : 
 
  • L’augmentation de volume du VG à l’inspirium se double d’une augmentation de la postcharge du VD (pression pulmonaire élevée), donc de la pression intraventriculaire droite ; le bombement du septum interventriculaire vers la droite est plus faible qu’en spontanée.  
  • En expirium, la Pit et la Pic sont égalisées, les flux tricuspidien et mitral sont identiques ; le septum interventriculaire a une position neutre. 
L’amplitude des variations ventilatoires du flux mitral et du flux tricuspidien est donc diminuée par rapport à celle observée en respiration spontanée. D’autre part, l’amputation de la partie supérieure de la courbe de Starling dans la constriction péricardique (voir Figure 16.2) supprime les variations ventilatoires du volume systolique gauche bien avant d’avoir atteint la volémie maximale ; ces variations n’existent plus qu’en hypovolémie sévère. Dans la mesure où la volémie est suffisante, l'hémodynamique est donc stabilisée en IPPV ; l’amplitude des variations de pouls s’estompe. Comme c’est la dépression intrathoracique inspiratoire qui déséquilibre le plus l’hémodynamique, ces patients tolèrent bien la ventilation contrôlée [6]. Ce fait est confirmé par une expérimentation sur des chiens ventilés en IPPV chez lesquels on crée une tamponnade par addition de liquide dans le péricarde : les variations du flux mitral diminuent très nettement par rapport à la situation de contrôle dès que l'animal tamponne. La variabilité respiratoire du flux passe de 36% à 16%, mais elle est rétablie par soustraction du liquide péricardique  [5]. La variation respiratoire du flux mitral n'est donc pas un critère de tamponnade chez un malade ventilé en pression positive (Figure 16.11).


Figure 16.11 : Ventilation en pression positive lors d'expérimentation chez le chien. Les variations respiratoires du flux mitral sont importantes pendant la phase de contrôle (36% ± 5%). Lorsque le péricarde est rempli de liquide pour provoquer une tamponnade, les variations du flux mitral tombent à 16% ± 4%. Lorsque le péricarde est vidé du liquide, les variations de flux remontent à 28% ± 2% [5].
 
La curarisation souvent nécessaire à l’IPPV est un élément important pour l’hémodynamique car elle supprime l’effet de pompe diaphragmatique. Lors de l’inspirium, le diaphragme descend passivement sans que la pression abdominale n’augmente puisque la paroi est paralysée. La pression d’amont du flux de la VCI ne se modifie pas. Le flux dans la VCI n’est abaissé que dans la mesure où la POD augmente à cause de l’élévation de la Ptd du VD (augmentation de la postcharge du VD). En normovolémie, le remplissage droit est plus stable qu’en respiration spontanée. Seule l’hypovolémie sévère rétablit une variation ventilatoire du flux cave.
 
 
 
Constriction péricardique et interactions cardio-respiratoires
Ventilation contrôlée
Inspirium (Pit élevée, P cardiaques inchangées)
    - Baisse flux artère pulmonaire (augmentation de postcharge VD) 
    - Curarisation : suppression de la pompe diaphragmatique 
    - Augmentation du flux veineux pulmonaire et mitral (+ 15%)
Expirium (Pit basse, P cardiaques inchangées) équivalant à une apnée

Alternance du remplissage VD / VG moins importante qu’en spontanée
    - Pas de phase subatmosphérique
    - Inspirium : ↑ précharge VG mais ↑ postcharge VD : bascule septal plus faible
    - Expirium : flux tricuspidien et mitral identiques
L’amplitude des variations respiratoires des flux mitral et tricuspidien est diminuée par rapport à la spontanée. Le pouls paradoxal et les variations du flux mitral ne sont donc pas des critères fiables de tamponnade en ventilation contrôlée / assistée


© CHASSOT PG, Décembre 2007, Dernière mise à jour, Septembre 2017
 
 
Références
 
  1. ABDALLA IA, MURRAY RD, AWAD HE, et al. Reversal of the pattern of respiratory variation of Doppler inflow velocities in constrictive pericarditis during mechanical ventilation. J Am Soc Echocardiogr 2000; 13:827-31
  2. APPLETON CP, HATLE LK, POPP RL. Cardiac tamponade and pericardial effusion: respiratory variation in transvalvular flow velocities studied by Doppler echocardiography. J Am Coll Cardiol 1988; 11:1020-30
  3. BETTEX D, CHASSOT PG. Echocardiographie transoesophagienne en anesthésie réanimation. Paris : Editions Pradel. Masson, Williams & Wilkins, 1997, 356-68
  4. BODSON L, BOUFERRACHE K, VIEILLARD-BARON A. Cardiac tamponade. Curr Opin Crit Care 2011; 17:416-24
  5. FAEHNRICH JA, NOONE RB, WHITE WD, et al. Effects of positive-pressure ventilation, pericardial effusion, and cardiac tamponade on respiratory variation in transmitral flow velocities. J Cardiothorac Vasc Anesth 2003; 17:45-50
  6. LEEMAN D, LEVINE MJ, COME PC. Doppler echocardiography in cardiac tamponade: exaggerated respiratory variation in transvalvular blood flow velocity integrals. J Am Coll Cardiol 1988; 11:572-8
  7. SANTAMORE WP. BARTLETT R, VAN BUREN SJ, et al. Ventricular coupling in constrictive pericarditis. Circulation 1986; 74:597-602
  8. TAKATA M, WISE RA, ROBOTHAM JL. Effects of abdominal pressure on venous return: abdominal vascular zone conditions. J Appl Physiol 1990; 69:1961-72 
  9. WU LA, NISHIMURA RA. Pulsus paradoxus. N Engl J Med 2003; 349:666