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Cas particulier: anesthésie pour la coarctation chez l'adulte

La coarctation de l'aorte est un rétrécissement en sablier plus ou moins étendu ou une sténose sous forme de membrane située juste après le départ de l’artère sous-clavière gauche, au niveau du ligamentum arteriosum. Elle est fréquemment associée à une bicuspidie aortique (Figure 18.44). 
 

Figure 18.44 : Coarctation de l’aorte. A : membrane au niveau de l’isthme. B : flux Doppler couleur avec une zone d’accélération concentrique (PISA) en amont et des turbulences en aval de la membrane (flèche). 
 
Elle est caractérisée par une hypertension aux membres supérieurs et une hypotension aux membres inférieurs; le gradient de pression entre les mesures au MS et au MI est supérieur à 20 mmHg. Elle s'opère en général chez l'enfant ou chez le jeune adulte (âge moyen: 21 ans). Toutefois, elle peut récidiver chez l'adulte. 
 
Le traitement préférentiel est un stent endovasculaire par voie percutanée [1]. Lorsque l'anatomie ne s'y prête pas, l'intervention chirurgicale est conduite par une thoracotomie gauche La technique d'anesthésie comporte quelques particularités. 
 
  • Cathéter artériel en radiale droite;
  • Manchette à pression et saturomètre au bras gauche;
  • Cathéter artériel fémoral; l'artère est en général très difficile à palper car le flux est dépulsé en dessous de la coarctation;
  • 2éme saturomètre au pied;
  • Voie centrale à 3 lumières;
  • ETO;
  • Tube à 2-lumières ou à bloqueur bronchique (chez l'adulte);
  • La péridurale est discutable en raison du risque d'ischémie médullaire pendant le clampage.
Le réseau collatéral est d'autant mieux développé que la sténose est plus serrée. Lorsque c'est le cas, le clampage de l'aorte n'occasionne pas une montée de pression de plus de 25-30 mmHg; si la pression d'amont augmente de plus de 30 mmHg, le réseau collatéral est insatisfaisant [5]. La courte sténose de la coarctation peut être réséquée sous simple clampage et l'aorte anastomosée bout à bout sans CEC. Si ce n'est pas possible, on peut réaliser un patch d'élargissement avec la sous-clavière gauche ou avec une pièce de dacron. La durée du clampage aortique est de 15 à 30 minutes. Pendant le clampage, la pression d’amont est mesurée au bras droit (cathéter radial) et la pression d’aval en voie fémorale (cathéter fémoral). La pression distale en dessous du clamp doit être maintenue à ≥ 70 mmHg avec des vasoconstricteurs artériels (noradrénaline, néosynéphrine) de manière à faciliter le débit par les collatérales, où le flux est pression-dépendant, et à réduire les risques d’ischémie médullaire [4]. Il faut cependant éviter une hypertension trop importante en amont, car celle-ci pourrait surcharger le VG et induire une hyperpression dans le LCR. La paraplégie sur ischémie médullaire survient chez 0.1-0.4% des patients [2]. Ce risque est d'autant plus élevé que la sténose est peu importante et que le gradient de pression faible, parce que la collatéralisation est moins bien développée dans ce cas. 
 
Au déclampage, la baisse de gradient se traduit par une chute immédiate de la pression diastolique, pathognomonique de la levée de l'obstacle. Le déclampage est toujours un moment d'instabilité hémodynamique et de perte sanguine, qui réclame un apport de volume; l'acidose due à l'ischémie participe à l'hypotension. Dans le postopératoire, un effet rebond de l'hypertension est fréquent et nécessite en général une prise en charge médicale aggressive (perfusion de nitroprussiate, béta-bloqueur). Cette hypertension postopératoire présente un pic à 12-24 heures, probablement dû aux décharges des barorécepteurs réglés pour l'hypertension sus-lésionnelle, et une seconde phase après 2 à 3 jours liée à un taux excessif de rénine et d'angiotensine. Elle persiste chez 20-50% des patients [3]. Dans les premiers jours postopératoires, une artérite mésentérique est fréquente; elle est due à l'hyperactivité sympathique et se traduit par des douleurs abdominales. 
 
 
 
Anesthésie pour la cure de coarctation
Hypertension en amont et hypotension en aval de la coarctation. Réseau collatéral ± développé.
Le risque ischémique est plus grand lorsque le gradient de pression est élevé (peu de collatéralisation).
 
Résection/suture de l’isthme aortique par thoracotomie gauche. Durée du clampage si anastomose directe: environ 20 minutes.
Clampage aortique: si la PA d’amont ↑ > 30 mmHg, le réseau collatéral est insatisfaisant.
 
Anesthésie:
    - Cathéter artériel radial droit (préductal) et fémoral (postductal) 
    - Voie veineuse centrale jugulaire interne droite
    - ETO 
    - Tube 2-lumières (thoracotomie gauche)
    - Maintenir PAM en dessous du clamp > 70 mmHg (phényléphrine, noradrénaline)
    - Post-clampage : poussée hypertensive, artérite mésentérique, risque de paraplégie


©  CHASSOT PG, TOZZI P, BETTEX D, Octobre 2010, Dernière mise à jour, Avril 2018
 
 
Références
 
  1. BAUMGARTNER H, BONHOEFFER P, DE GROOT NMS, et al. ESC Guidelines for the management of grown-up congenital heart disease (new version 2010). Eur Heart J 2010; 31:2915-57
  2. KEEN G. Spinal cord damage and operations for coarctation of the aorta: aetiology, practice and propects. Thorax 1987; 42:11-8 
  3. MALAN JE, BENATAR A, LEVIN SE. Long-term follow-up of coarctation of the aorta repaired by patch angioplasty. Int J Cardiol 1991; 30:23-9
  4. WARNES CA, WILLIAMS RG, BASHORE TM, et al. ACC/AHA 2008 Guidelines for the management of adults with congenital heart disease: executive summary. Circulation 2008; 118:2395-451
  5. WHITROCK K. Anesthesia for surgery to repair aortic coarctation. In: SIMPSON JI, ed. Anesthesia for aortic surgery. Boston, Butterworth-Heinemann 1997, 199-227
 
 
18. Anesthésie pour la chirurgie de l'aorte