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Effets pulmonaires de la chirurgie et de la CEC

Il est courant de constater une péjoration des échanges gazeux dès la fin de la CEC; ceux-ci sont perturbés pour une durée de quelques heures à quelques jours. Plusieurs phénomènes entrent en jeu [8].
 
  • Atélectasies sur le collapsus alvéolaire lié à la période de non-ventilation pendant la pompe; les manœuvres de recrutement (insufflations manuelles répétées à 20-30 cm H2O pendant 20 secondes) sont indispensables avant la mise en charge.
  • Oedème pulmonaire cardiogénique; la défaillance ventriculaire gauche passagère (insuffisance systolique) et la baisse de compliance cardiaque (insuffisance diastolique) augmentent les pressions de remplissage; cette dysfonction postopératoire du VG est un élément majeur de la dysfonction pulmonaire; elle est le déterminant principal de la morbidité et de la mortalité postopératoires [9].
  • Oedème pulmonaire non-cardiogénique ("poumon de CEC" ou pump-lung); il relève de plusieurs origines [6].
  • Infiltration intersticielle liée au syndrome inflammatoire systémique;
  • Libération de cytokines (interleukines, TNF), de kinines (kallikréine, bradykinine) et d'histamine;
  • Activation du complément par les surfaces étrangères;
  • Séquestration de neutrophiles dans les poumons, qui y relâchent leur enzymes protéolytiques comme l'élastase;
  • Augmentation de la perméabilité capillaire (capillary leak syndrome); 
  • Hyperoxie iatrogène (FiO2 1.0 de longue durée);
  • Hypothermie.
  • Réaction à la protamine: augmentation des RAP et bronchospasme. 
  • Ces mécanismes entraînent une vasodilatation systémique, une vasoconstriction pulmonaire (HTAP), un bronchospasme et une réaction inflammatoire systémique (SIRS).
  • Suite à ces phénomènes, un SDRA survient dans 1.3 - 1.7% des CEC; lorsqu'il est associé à une insuffisance hémodynamique, ce facteur est grevé d'une mortalité de 20-50% [6,7].
  • Accumulation liquidienne interstitielle: la CEC et les perfusions apportent un excédent de cristalloïdes qui se solde par une prise de poids de 3 à 5 kg; cependant, l'effet de cette accumulation est faible en l'absence de dysfonction gauche et de stase veineuse pulmonaire [4].
  • Les transfusions introduisent des micro-embols et des médiateurs inflammatoires; elles provoquent aussi une réaction immunologique se traduisant par un œdème aigu apparaissant dans les premières heures post-transfusionnelles (transfusion related acute lung injury ou TRALI) [11].
  • Diminution des volumes pulmonaires: l'altération est la plus frappante pendant les premières 24 heures, mais elle reste mesurable jusqu'à 2-3 semaines [1]; les raisons majeures en sont des atélectasies, une diminution de 15-50% de la CRF, et une diminution de 50% du VEMS.
  • Diminution de la compliance pulmonaire et augmentation des résistances aériennes: associés à la tachypnée, ces éléments augmentent le coût de la ventilation; jusqu'à 20% de la consommation d'O2 globale sont dévolus à cet effet.
  • Lésion du nerf phrénique: le traumatisme direct ou le froid de la cardioplégie endommagent le nerf phrénique gauche et sont responsables d'une hémiparésie diaphragmatique gauche dans 15% des cas [3].
  • La sternotomie, la douleur (drains) et la faiblesse musculaire postopératoire détériorent la performance respiratoire mécanique de la cage thoracique.
Ces altérations, dont la traduction clinique est faible chez les individus normaux, prennent toute leur importance chez les patients qui souffrent de pathologies pulmonaires préexistantes: BPCO, syndrome restrictif, asthme, etc. Elles suffisent alors à précipiter une insuffisance ventilatoire grave nécessitant une thérapie respiratoire prolongée en soins intensifs. Dans ce cas, le mode ventilatoire influence le devenir des patients. La ventilation protectrice avec un bas volume courant et une PEEP continue, telle que la réalise la ventilation en pression contrôlée (PCV), donne de meilleurs résultats que la ventilation classique en volume contrôlé avec un volume courant de 10 mL/kg. Elle améliore les échanges gazeux et diminue la pression intrathoracique ainsi que les RAP, donc les interférences hémodynamiques et la postcharge du VD [5].
 
Après ces remarques, il se pose une nouvelle question: existe-t-il une relation entre le mode de ventilation pendant la CEC et les fonctions pulmonaires postopératoires ? Jusqu'ici, aucune étude n'a pu démontrer que la ventilation mécanique per-CEC était en quoi que ce soit supérieure à la simple inflation passive par bas débit continu d'air/O2. Au contraire, elle a tendance à aggraver la mécanique pulmonaire et les échanges gazeux pendant plusieurs heures [10]. Il est possible qu'une CPAP de 5 cm H2O ajoutée à l'insufflation passive d'O2 (FiO2 = 0.5) et d'air soit bénéfique, mais elle n'est qu'un facteur mineur, lui-même controversé depuis longtemps, dans l'évolution des échanges gazeux postopératoires [2]. 
 
 
Effets pulmonaires de la CEC
La CEC a un retentissement multiple sur les poumons:
    - Atélectasies, diminution de la compliance
    - Œdème pulmonaire cardiogénique
    - SDRA non-cardiogénique
    - Réaction à la protamine
    - Lésions de transfusion ou de surperfusion
    - Lésion du nerf phrénique
    - Restriction d'amplitude de la cage thoracique


© CHASSOT PG, Septembre 2007, dernière mise à jour, Décembre 2018
 
 
Références
 
  1. BERRIZBEITA LD, TESSLER S, JACOBOWITZ IJ, et al. Effect of sternotomy and coronary artery bypass surgery on postoperative pulmonary mechanics. Chest 1989; 96:873-6
  2. BOLDT J, KING D, SHELD HH,  et al. Lung management during cardiopulmonary bypass: Influence on extravascular lung water. J Cardiothorac Vasc Anesth 1990; 4:73-8
  3. FEDULLO AJ, LERNER RM, GIBSON J, et al. Sonographic measurment of diaphragmatic motion after coronary artery bypass surgery. Chest 1992; 102:1683-6
  4. GALLAGHER JD, MOORE RA, KERNS D. Effect of colloid or crystalloid administration on pulmonary extravascular water in the postoperative period afetr coronary artery bypass grafting. Anesth Analg 1985; 64:753-8
  5. JIANG J, LI B, KANG N, et al. Pressure-controlled versus volume-controlled ventilation for surgical patients: a systematic review and meta-analysis. J Cardiothorac Vasc Anesth 2016; 30:501-14
  6. LAFFEY JG, BOYLAN JF, CHENG DC. The systemic inflammatory response to cardiac surgery: implications for the anesthesiologist. Anesthesiology 2002; 97: 215-52
  7. MESSENT M, SULLIVAN K, KEOGH BF, et al. Adult respiratory distress syndrome following cardiopulmonary bypass: incidence and prediction. Anaesthesia 1992; 47: 267-8
  8. NG CS, WAN S, YIM AP, et al. Pulmonary dysfunction after cardiac surgery. Chest 2002; 121:1269-77
  9. RAMSAY JG. The respiratory, renal and hepatic systems: Effects of cardiac surgery and cardiopulmonary bypass. In: MORA CT, ed.  Cardiopulmoary bypass. Principles and techniques of extracorporeal circulation. New York, Springer-Verlag, 1995, pp 147-168 
  10. SVENNEVIG JL, LINDBERG H, GEIRAN O, et al. Should the lungs be ventilated during cardiopulmonary bypass ? Clinical, hemodynamic, and metabolic changes in patients undergoing elective coronary artery surgery. Ann Thorac Surg 1984; 37:295
  11. TRIULZI DJ. Transfusion-related acute lung injury: Current concepts for the clinician. Anesth Analg 2009; 108:70-6