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Conclusions

Ces dernières années, la thérapeutique antiplaquettaire a considérablement évolué avec l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments plus puissants, plus flexibles et moins capricieux que le clopidogrel. Ces substances sont particulièrement utiles après un syndrome coronarien aigu ou dans la période à risque après une pose de stents, lorsque l’inhibition plaquettaire doit être très intense. Malheureusement, il ressort aussi des essais cliniques que le risque hémorragique augmente parallèlement à l’efficacité anti-agrégante et à la durée du traitement. L’aggravation des pertes sanguines chirurgicales avec ces nouveaux agents pousse à être plus restrictif sur leur utilisation en préopératoire.
 
Les tests de laboratoire pour évaluer la réactivité des thrombocytes ont fait de grands progrès. Lors de traitement antiplaquettaire, ils ont démontré la présence d’une fenêtre d’inhibition optimale entre le risque de thrombose, si le blocage est insuffisant, et celui de saignement, s’il est excessif. Mais les études ont aussi mis en évidence un profond fossé entre les résultats de tests in vitro et le devenir clinique des patients, largement influencé par la présence d’un syndrome coronarien aigu, par les problèmes techniques de la revascularisation, par l’instabilité et l’évolution de la coronaropathie, et par les comorbidités du malade. 
 
Bien que les causes en soient multiples, l’interruption des antiplaquettaires après une revascularisation coronarienne est la principale origine de la thrombose vasculaire et de la thrombose de stent. Arrêter les antiplaquettaires, c'est perdre la dernière barrière contre l'accident. L’incidence de ce dernier est d’autant plus élevée que le délai depuis la revascularisation est plus court ; sa mortalité est en moyenne de 25%. En périopératoire, le danger de thrombose coronarienne à l’arrêt des antiplaquettaires est en général bien plus grave que le risque de saignement s’ils sont poursuivis, à l’exception de la chirurgie en espace clos (crâne, rachis) ou des interventions extrêmement hémorragiques. L’aspirine ne doit donc pas être interrompue en préopératoire et la bi-thérapie doit être continuée pendant toute la durée de sa prescription. Les opérations électives sont différées jusqu’à ce que le clopidogrel/prasugrel/ticagrelor puissent être normalement arrêtés. Les interventions vitales sont pratiquées sous bithérapie, ou sous substitution avec un antiplaquettaire de courte durée d’action, en respectant autant que possible un délai de 6 semaines après stents passifs ou pontages aorto-coronariens et de 3-6 mois après stents à élution. Les interventions mineures présentent évidemment moins de risque que les opérations majeures. Certaines études récentes démontrent la possibilité de réduire la durée de la bithérapie après pose de stents actifs de nouvelle génération. Toutefois, ceci ne s’applique pas aux situations à haut risque, ni à la période opératoire où la probabilité de thrombose est particulièrement élevée. 
 
Les grandes études contrôlées et randomisées sur l’impact des antiplaquettaires sont assez éloignées de la vraie vie et sont souvent plus encourageantes que les registres ou les séries observationnelles. Leur haut degré d’évidence ne doit cependant pas masquer leur biais de sélection : la présence d’une forte proportion de cas simples du point de vue cardiologique et chirurgical donne l’illusion d’un faible risque périopératoire et peut pousser à la banalisation. Bien qu’observationnelles et souvent rétrospectives, les séries cliniques sont plus proches de la réalité des anesthésistes ; leur incidence généralement alarmante de thrombose de stent et de mortalité présente l’immense intérêt de donner l’alerte sur un phénomène peut-être rare mais toujours catastrophique. Néanmoins, des règles simples ne peuvent pas résoudre toutes les situations, surtout lorsque celles-ci sont complexes, et les cas particuliers doivent faire l’objet d’une discussion entre cardiologues, chirurgiens et anesthésistes afin de déterminer la meilleure option pour chaque malade. Et si ces règles peuvent paraître trop prudentes, c'est qu'il est toujours préférable de pécher par excès de précaution lorsqu’on ne dispose pas d’évidences cliniques certaines !


© CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN D  Mars 2010, dernière mise à jour Août 2018