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Physiologie

Les myofibrilles des sarcomères sont constituées de chaînes d’actine et de myosine. L’actine est une torsade de deux chaînes hélicoïdales enroulées autour d’un squelette de tropomyosine et ancrées sur les disques Z. La myosine est un ensemble d’environ 300 longues molécules terminées chacune par une tige surmontée d’une tête bilobée ; elle est parcourue par la connectine (ou titine) qui est attachée aux disques Z (Figure 5.12 et Figure 5.13). La connectine est la plus longue molécule connue (1 μm) ; elle assure l’élasticité du myofibrille [6]. En systole, elle est comprimée comme un ressort et restitue cette énergie en se redéployant lors de la diastole (Figure 5.12); elle contribue ainsi à la succion ventriculaire en diastole (voir Mécanique ventriculaire). En diastole, elle est étirée entre les disques Z comme un élastique ; plus l’élongation est importante, plus elle est tendue et plus son élasticité contribue à l’effet Frank-Starling lorsqu’elle reprend sa forme [10]. L’énergie pour la contraction des cardiomyocytes provient de l’hydrolyse de l’ATP en ADP et Pi par une ATPase située dans les têtes de myosine. Dans un coeur adulte normal, la réserve énergétique ne dépasse pas une vingtaine de battements, bien que les sarcomères ne développent que le 25% de leur puissance maximale dans les conditions physiologiques de base [8].
 

Figure 5.12 : Schéma de la structure et de la contraction d’un myofibrille. L’actine est ancrée sur les bandes Z. La myosine est parcourue par la titine (ou connectine) qui va d’une bande Z à l’autre ; elle est comprimée et repliée sur elle-même lors de la contraction, et se redéploie élastiquement en diastole.  


Figure 5.13 : Schématisation de la contraction et de la relaxation d’un couple actine-myosine. Le bascule des têtes de myosine fait coulisser les deux bandes moléculaires l’une par rapport à l’autre. La course de ce déplacement est augmentée si l’actine et la myosine sont plus rapprochées.
 
Pendant la systole, les deux filaments d’actine et de myosine coulissent l’un sur l’autre sans qu’aucun des deux ne se contracte réellement. Le mouvement primaire de la contraction a lieu au niveau des tiges portant les têtes de myosine (Figure 5.13). Lorsque la [Ca2+]i est basse en diastole, la tropomyosine est inhibée par la troponine I (TnI): sa configuration est telle que les têtes de myosine ne peuvent pas interagir avec l’actine. L’augmentation soudaine de la [Ca2+]i locale agit sur la troponine C (TnC), avec pour effet, via la levée de l’effet de la TnI, de modifier la configuration de la tropomyosine et de supprimer l’inhibition que celle-ci exerce sur les ponts actine – myosine. Ces derniers entrent alors dans leur configuration serrée, et chaque tête de myosine tire l’actine sur une faible distance (10 nm) vers le centre du sarcomère par flexion de sa tige. La contraction survient. Le processus diffuse ensuite de voisinage en voisinage [9]. Le nombre de têtes de myosine recrutées est fonction du taux de [Ca2+]. L’ATP est nécessaire pour débloquer ces ponts serrés et relâcher la contraction. La phosphorylation de la troponine I par la PK-A et la PK-C induites par l'AMPc baisse l’affinité de la TnC pour le Ca2+, ce qui facilite leur dissociation à la fin de la systole (effet lusitrope positif) [5]. Bien que de très nombreux liens successifs surviennent entre actine et myosine pendant une seule contraction systolique, seule la moitié des sites contractiles est activée dans une contraction normale. En diastole, la [Ca2+] s’abaisse et l’activité de liaison actine – myosine cesse [6]. 
 
La cellule myocardique dispose de quatre moyens pour modifier sa force de contraction:
 
  • Augmenter l’amplitude et la durée de l’élévation systolique de la [Ca2+]i;
  • Augmenter la sensibilité de la TnC au Ca2+;
  • Recruter davantage de ponts actine – myosine;
  • Augmenter la course de la flexion de têtes de myosine.
L’étirement de la structure actine – myosine – connectine sensibilise les myofibrilles aux variations de la [Ca2+]. En effet, l’étirement longitudinal de n’importe quel tissu a tendance à l’amincir. Ainsi, la distension ventriculaire augmente le rayon de la cavité, allonge la paroi myocardique et diminue son épaisseur, ce qui rapproche les structures longitudinales de l’actine et de la myosine et facilite la création de ponts actifs entre les deux. De plus, le rapprochement des filaments d’actine et de myosine augmente la course de la translation lors de la flexion des têtes de myosine [1,2]. Ces phénomènes sont la base structurelle du principe de Frank-Starling (voir Déterminants de la fonction systolique). A l'inverse, l'œdème intracellulaire caractéristique après la CEC écarte des filaments d'actine et de myosine et réduit de ce fait la course des têtes de mysine, ce qui potentialise la dysfonction ventriculaire rencontrée après chirurgie cardiaque [2].
 
Une stimulation β-adrénergique augmente la force de contraction par recrutement de davantage de ponts actine – myosine ; cela est du à l’accroissement de la quantité de Ca2+ libéré et à l’augmentation d'AMPc qui facilite l’action de l’ATPase de la myosine. De plus, le fort taux d'AMPc facilite la phosphorylation de la troponine I via les protéine-kinases, ce qui accélère la relaxation. 
 
Situations pathologiques
 
Pendant un événement ischémique, les myofibrilles sont désensibilisés au Ca2+ par l’augmentation du taux d’ions H+ et de phosphate inorganique (Pi). D’autre part, le taux d’ATP à disposition diminue et peut devenir insuffisant pour rompre les ponts actifs entre l’actine et la myosine, d’où l’apparition d’une rigidité myocardique (stone heart). 
 
Le signal biochimique induisant l’hypertrophie consécutive à une tension de paroi excessive (surcharge chronique de pression ou de volume) est probablement relayé par des mécano-senseurs situés aux attaches de la connectine dans les lignes Z [3]. La cardiomyopathie hypertrophique est caractérisée par des mutations dans la structure des protéines contractiles et de la troponine T [7] ; la faiblesse de la contraction des myofibrilles atteints induit une hypertrophie compensatrice des fibres normales. La cardiomyopathie dilatative s’explique plutôt par des modifications du cytosquelette protéique [4]. 

 
 
Contraction myocardique
Les myofibrilles sont constitués de chaînes d'actine et de myosine. L’augmentation soudaine de la [Ca2+]i locale lève de l’effet inhibiteur de la TnI et modifie la configuration de la tropomyosine: les ponts actine – myosine peuvent se former. Chaque tête de myosine tire l’actine par flexion de sa tige.
La force de contraction augmente par 4 phénomènes: ↑ [Ca2+]i, ↑ sensibilité de la troponine au Ca2+, ↑ nombre de ponts actine-myosine, ↑ course de flexion des têtes de myosine.
Causes de l'effet Frank-Starling (la force de contraction du myocarde dépend de la tension de paroi télédiastolique):
    - Amincissement de paroi et ↓ d'espace entre les filaments d'actine et de myosine (↑ course de flexion et ↑ nombre de ponts actine-myosine)
    - Traction sur la connectine qui restitue l'énergie élastique en systole


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Novembre 2018
 
 
 
Références 
 
  1. FUCHS F, WANG YP. Sarcomere length versus interfilament spacing as determinant of cardiac myofilament Ca2+ sensitivity and Ca2+ binding. J Mol Cell Cardiol 1996; 28:1375-83
  2. IRVING TC, KONHILAS J, PERRY D, et al. Myofilament lattice spacing as a function of sarcomere length in isolated rat myocardium. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2000; 279:H2568-73 
  3. KNOLL R, HOSHIJIMA M, HOFFMAN HM, et al. The cardiac mechanical stretch sensor machinery involves a Z disc complex that is defective in a subset of human dilated cardiomyopathy. Cell 2002; 111: 943-8
  4. MARIAN AJ. On genetics of dilated cardiomyopathy and transgenic models. All is not crystal clear in myopathic hearts. Circ Res 2001; 89:3-5
  5. MORANO I. Tuning smooth muscle contraction by molecular motors. J Mol Med 2003; 81:481-7
  6. OPIE LH. Heart Physiology. From cell to circulation. Philadelphia: Lippincott-Williams & Wilkins, 2004, 648 pp
  7. REDWOOD CS, et al. Properties of mutant contractile proteins that cause hypertrophic cardiomyopathy. Cardiovasc Res 1999; 44:20-36
  8. SOLARO RJ. Modulation of cardiac myofilament activity by protein phosphorylation. In: PAGE E, et al, eds. Handbook of physiology. Section 2: the cardiovascular system. New York Oxford University Press, 2002, 264-300
  9. SOLARO RJ, RARICK HM. Troponin and tropomyosin: Proteins that switch on and tune in the activity of cardiac myofilaments. Circ Res 1998; 83: 471-6
  10. SUKO JL, et al. An elastic ling between lenfth and active force production in myocardium. Circulation 2001; 104:1585-7
 
05 Physiopathologie cardio-vasculaire