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Justification et impact 

La majorité des études contrôlées comparant les différences de mortalité et de morbidité entre des patients suivis avec ou sans cathéter artériel pulmonaire (CAP) ne démontre pas d’avantages évidents à la présence d’un CAP. Mais un certain nombre d'éléments méthodologiques interfère avec les résultats de ces analyses et voile l’évidence d’un bénéfice majeur [45].
 
  • L’absence de sélection des cas : les études sont réalisées sur des séries consécutives de patients de chirurgie cardiaque, de chirurgie générale majeure ou de soins intensifs médicaux (infarctus myocardique, choc septique) sans tenir compte de leur état fonctionnel, ce qui atténue l'impact que peut avoir la Swan-Ganz chez des malades sélectionnés pour leur risque élevé.
  • L’absence de protocoles thérapeutiques standardisés : l’impact d’un mode de monitorage est celui des thérapeutiques qu’il initie ; sans protocoles identiques dans tous les groupes, il n’est pas possible de comparer les conséquences des décisions prises en fonction des mesures effectuées. 
  • Les conditions hospitalières de soins : quelle que soit l’indication, les résultats sont plus favorables dans les institutions qui sont coutumières de la technique que dans celles qui ne l’utilisent qu’occasionnellement.
  • Les connaissances et les performances des anesthésistes ou des intensivistes : elles sont en moyenne faibles ; l'impact est plus important dans les hôpitaux d'enseignement.
  • L’évolution des thérapeutiques : elle a diminué la mortalité et la morbidité en soins intensifs ; de ce fait, l’impact du CAP s’est progressivement amenuisé.
  • Les croyances du personnel médical : penser qu’une technique modifie le pronostic des patients biaise l’attitude des cliniciens en sa faveur, parce qu’ils estiment contraire à leur éthique de soigner ces cas sans elle.
  • La variabilité dans le degré d'évidence des études, elles-mêmes très hétérogènes (étude prospective ou rétrospective, randomisation, puissance, homogénéité des séries), et la rigueur des méthodes statistiques utilisées selon les études. 
En 45 ans, plus de 4’000 articles ont été consacrés à l’impact de la Swan-Ganz. De cette masse, on peut extraire une trentaine d'études contrôlées qui se rapportent à l'anesthésie [45]. Elles représentent un total de plus de 32'000 patients non-sélectionnés, et concernent essentiellement 4 domaines: soins intensifs chirurgicaux, chirurgie cardiaque, chirurgie non-cardiaque et polytraumatisme. A cette somme s’ajoutent des publications plus récentes [6,20,42,48,50,55] et quelques méta-analyses ou revues de registres [10,51,66]. Les résultats globaux sont assez décevants, puisqu’ils montrent que le CAP ne confère pas de bénéfice, même s’il n’augmente pas la mortalité. Seuls les groupes des polytraumatismes et des défaillances ventriculaires trouvent un intérêt à la Swan-Ganz, avec une diminution des défaillances multiviscérales et de la mortalité [15,55]. Sans faire une revue exhaustive de la littérature, il vaut la peine de revoir quelques publications importantes à ce sujet. 
 
Il y a vingt-cinq ans, le CAP semblait avoir un impact favorable sur le devenir des patients après infarctus myocardique ou après chirurgie majeure [19,53]. Le concept d’une thérapeutique fixée sur des buts prédéfinis (goal-directed management) semblait démontrer que le maintien du débit cardiaque à des valeurs supra-normales (index cardiaque ≥ 4.5 L/min/m2) pour réduire la dette en oxygène pouvait améliorer la survie des patients chirurgicaux à haut risque [4,54], des polytraumatisés [14], ou des malades en choc septique [43]. Un CAP était alors indispensable pour guider l'administration de perfusats et de support inotrope. Cependant, d'autres études ont infirmé le bien-fondé de ce traitement [16,62,68], ou ont été interrompues parce que la mortalité des patients du protocole était plus élevée que celle du groupe contrôle [21]. Ces expériences démontrent que la normalisation des valeurs hémodynamiques n’est pas le but à rechercher en soi : les données numériques fournies par le CAP peuvent induire une attitude visant à la simple correction de valeurs chiffrées en-dehors de tout contexte clinique. Toutefois, ces travaux auront eu le mérite d’attirer l’attention sur l’importance de maintenir une SvO2 ≥ 70% pour baisser le taux de dysfonction polyorganique [35]. Ainsi, le maintien d'un remplissage adéquat, d'un débit cardiaque normal et d'une SvO2 > 60% s’est avéré bénéfique chez les polytraumatisés graves (ISS 25-75): il raccourcit le séjour en soins intensifs [7,14], baisse la mortalité et diminue l’incidence de dysfonctions multiviscérales [9,15,43,49].
 
Dans les années quatre-vingt-dix, on estimait que les données de la Swan-Ganz conduisaient à des modifications thérapeutiques immédiates dans un tiers des cas [39,58], et à une réduction de mortalité de 40% dans le choc septique [30]. Mais une étude sur une cohorte de 5'735 patients en état critique, collectée dans cinq unités de soins intensifs américains, avait sonné l’alerte en démontrant que les patients munis de cathéter pulmonaire avaient une morbidité, une mortalité et une durée de séjour en soins intensifs supérieures à ceux qui n’était pas monitorés de cette manière [12]. Ces résultats étaient confirmés par l’appariement des malades en paires de pathologies identiques dont un membre est pourvu de CAP et l’autre pas. Une étude observationnelle en chirurgie non-cardiaque a également montré que les complications cardiaques postopératoires étaient trois fois plus fréquentes chez les malades porteurs de Swan-Ganz [34]. Comme le bénéfice du cathétérisme tient aux décisions thérapeutiques qu’on en déduit et que les protocoles de soins varient d’un centre à l’autre, les groupes de ces études sont en réalité difficilement comparables, car ce sont les algorithmes décisionnels et les processus de soin qui créent la différence [64]. Il est probable que le cathétérisme pulmonaire soit le marqueur d’un style de soins très agressif dont les résultats ultimes sont décevants [12,50]. 
 
Ces vingt dernières années ont vu la parution de plusieurs grandes études d’impact dont la méthodologie est très rigoureuse. On n'en citera que quelques-unes. La première porte sur 1'994 patients âgés subissant des interventions de chirurgie générale à haut risque, randomisés en deux groupes avec PVC ou avec CAP [48]. Elle n'a démontré aucun bénéfice d'un groupe par rapport à l'autre en terme de mortalité à 12 mois, de complications postopératoires et de durée de séjour hospitalier; la seule différence porte sur un taux d'embolie pulmonaire plus élevé dans le groupe avec Swan-Ganz (p = 0.004). La deuxième étude n’observe aucun intérêt à l’utilisation précoce du CAP dans le choc et le SDRA : 335 patients avec CAP ne présentent pas de différence de mortalité ni de morbidité à 28 jours comparés à 341 patients traités sans CAP [42]. La troisième étude (PAC-Man) concerne 1'041 patients de soins intensifs ; leur prise en charge avec ou sans CAP n’est à l’origine d’aucune différence de mortalité à 3 mois [20]. Dans la quatrième (ESCAPE trial), la présence d’un CAP pour guider la thérapie n’a pas amélioré la survie à 6 mois de 433 patients en insuffisance cardiaque congestive [6]. La cinquième est une étude prospective de 3’321 pontages aorto-coronariens regroupés en 1'273 paires appariées ; la présence de CAP augmente le risque de mortalité (OR 2.08) et de complications cardiaques (OR 1.58), cérébrales (OR 2.02) ou rénales (OR 2.47) ; cette aggravation semble liée à une utilisation excessive d’agents inotropes et à la perfusion de davantage de volume chez les malades monitorés avec un CAP [50]. Une revue de la Librairie Cochrane groupant 13 études contrôlées sur l'utilisation systématique du CAP n'a trouvé aucune évidence d'amélioration de la mortalité ni de la durée de séjour en soins intensifs [36]. Ces données montrent que le monitorage hémodynamique systématique d'une large population de patients n'améliore pas leur évolution, alors qu'il est susceptible d'influencer le devenir immédiat de malades présentant des problèmes aigus particuliers. Le problème tient au fait que la randomisation répartit de manière indiscriminée l'attribution du PAC. La situation est différente dans les registres où le cathéter pulmonaire est placé chez les patients qui penvent en profiter au maximum. Ainsi, les patients sélectionnés en fonction de la gravité de leurs problèmes hémodynamiques ont une mortalité supérieure à la moyenne de celle des études randomisées et tirent un bénéfice plus marqué du monitorage invasif [1]. Une deuxième étude démontre un impact positif du CAP chez des malades souffrant de défaillance ventriculaire aiguë, hypotendus et placés sous inotropes : l’utilisation de la Swan-Ganz diminue la mortalité de 4.4% à 1.4% (HR 0.3) [55].
 
Quelques analyses prospectives ou rétrospectives sur l'impact de la Swan-Ganz ont été conduites dans le cadre de la chirurgie de revascularisation coronarienne élective [11]. Certaines n'ont trouvé aucune différence dans la mortalité, les complications cardiaques et les durées de séjour en soins intensifs entre les patients monitorés par Swan-Ganz et ceux monitorés par PVC seule [2,10,33,63]. D’autres, au contraire, ont démontré une aggravation des risques [50]. Dans les hôpitaux peu coutumiers de la technique, la Swan-Ganz a même tendance à péjorer les résultats [37,59]. La gravité du risque opératoire n’a pas influencé ces résultats; l’utilisation d’un cathéter oxymétrique n’a pas été discriminative, mais a renchérit le coût de la technique [33]. Il est certain que le cathéter pulmonaire n'est d'aucune utilité chez le patient coronarien sans comorbidité dont la fonction ventriculaire est conservée, que ce soit en chirurgie cardiaque à cœur battant [40] ou en chirurgie de revascularisation coronarienne en CEC [13]. D'autre part, l'utilisation de plus en plus systématique de l'ETO peropératoire a certainement diminué les indications de l'anesthésiste pour le CAP; moins de cathéters sont insérés lorsque l'ETO est à disposition [26,27]. 
 
Si, à catégories égales, les patients porteurs de Swan-Ganz ont un plus mauvais pronostic que ceux qui n’en ont pas, on est en droit de se poser une autre question: l’interprétation des résultats, ou les conclusions thérapeutiques qu’on en tire, sont-ils erronés ? En effet, il faut que les données du CAP soient correctement interprétées pour que l'incidence thérapeutique soit bénéfique. Or, dans une étude multicentrique en soins intensifs, 47% des médecins interrogés étaient incapables de lire adéquatement une courbe de pression capillaire bloquée et 44% ne connaissaient pas les déterminants du transport d’oxygène, quand bien même ils travaillent quotidiennement avec ces notions [25]. Dans une étude européenne analogue basée sur un collectif de 535 intensivistes, les résultats ne sont guère meilleurs: le score moyen aux mêmes questions est de 72% [18]; seuls 46% des médecins interrogés ont interprété correctement les courbes de pression capillaire et 30% ont identifié les déterminants du transport d’oxygène.  Dans une nouvelle enquête réalisée dix ans plus tard, seuls 38% des praticiens interrogés interprétaient les données de la même manière que les experts, et 35% proposaient un traitement potentiellement désastreux [57]. Les infirmières de soins intensifs n’ont pas des prestations supérieures, puisque leur score est de 49% [24]. D’aussi piètres performances influencent lourdement les résultats des études qui cherchent à définir l’impact de la Swan-Ganz. De ce point de vue, l’amélioration des qualités professionnelles est probablement plus urgente que les études de coût. 
 
Les restrictions budgétaires et la pression économique de ces dernières années ont réactivé le débat sur le rapport coût / bénéfice du CAP. Dans la notion de coût, il faut inclure le prix du matériel, mais aussi le temps du personnel et les dépenses annexes induites (examens de laboratoire, radiographies, etc). A cela s’ajoute l’impact financier des décisions thérapeutiques et celui des éventuelles complications. On a estimé que la Swan-Ganz revient ainsi à environ € 550.00 sans tenir compte des effets secondaires [22]. L’aspect financier de ces derniers est sans commune mesure avec le prix de l’instrumentation, puisqu’il porte le coût global à environ € 1'000.- [56]. Pour que son insertion soit bénéfique dans le cadre des pontages aorto-coronariens, par exemple, elle devrait permettre une réduction de la mortalité annuelle postopératoire de 0.2%. Pour le prouver à un niveau de puissance de 80% et à un niveau de sensibilité de p < 0.05, il faudrait étudier une cohorte de 223’000 patients [56] ! Il sera donc difficile de réunir un tel collectif pour définir son utilité en termes uniquement économiques.
 
Cependant, l’acquisition des connaissances se fait en pratiquant la technique, et les complications diminuent proportionnellement à l’expérience des praticiens. Si le CAP devenait une rareté, les performances et les connaissances diminueraient; cette baisse de qualité conduirait à des traitements moins adéquats, donc à une augmentation du coût thérapeutique [60]. Les enquêtes d’Iberti [25], de Gnägi [18] et de Squara [57] ont clairement démontré que les connaissances sont directement proportionnelles à la fréquence d’utilisation. Le cathétérisme pulmonaire est certainement un outil irremplaçable pour la recherche clinique et pour l'enseignement, ce qui conduit à un paradoxe: s'il faut en placer beaucoup, c'est pour apprendre à s'en passer ! Pour preuve, une enquête finlandaise portant sur 14'951 patients de soins intensifs n’a trouvé de corrélation entre l’invasivité du monitorage et l’efficacité des thérapeutiques que dans les hôpitaux d’enseignement [47]. En effet, l'expérience clinique des médecins module l’impact du CAP sur les projets thérapeutiques : le plan de traitement est influencé dans 38% des cas lorsque le médecin en charge est un aîné, mais dans 66% des cas lorsque le responsable est un assistant [30]. De plus, la pratique clinique des médecins qui ne disposent pas d’une technologie donnée est grandement influencée par ce qu’ils ont appris en utilisant ladite technologie sur d’autres patients auparavant [46]. En rejetant globalement la Swan-Ganz, on perd le bénéfice de ce transfert de connaissances. 
 
Les thérapeutiques se modifient constamment et l’ingénierie biomédicale progresse très rapidement. L’utilisation de la Swan-Ganz pouvait créer une différence dans le devenir des patients de chirurgie lorsqu’ils faisaient partie d’un contexte où la mortalité est élevée, mais comment induire une réduction significative lorsque la mortalité du pontage aorto-coronarien devient inférieure à 1% ? Les données des années quatre-vingt [38] ne sont certainement plus valables actuellement parce que les résultats chirurgicaux, la technique de CEC, l’évaluation préopératoire et la cardioprotection prériopératoire se sont améliorés à pas de géant. D'autre part, la préparation préopératoire des patients avec des béta-bloqueurs, des statines et des antiplaquettaires s'est révélée bien plus efficace pour diminuer la mortalité et la morbidité des malades ischémiques que la sophistication des moyens de monitorage [41]. 
 
Malgré la publication de consensus pratiques par l’American Society of Anesthesiology (ASA), par l’American College of Cardiology, par la Society for Critical Medicine, et par la FDA, « to swan or not to swan » reste une question en suspens [5,23,32,44,45]. Dans ses dernières directives, l'ASA considère le cathéter pulmonaire comme nécessaire seulement chez les patients à haut risque prévus pour de la chirurgie majeure dans une institution coutumière de ce monitorage [45]. Par contre, si la technique n'est utilisée qu'exceptionnellement dans l'institution, son utilisation n'est pas recommandée. Pour en acquérir le savoir-faire, il faut procéder à 20 – 50 cathétérismes sous supervision, et en exécuter 25 par année pour le conserver [61]. L’utilisation routinière de cette surveillance pour toutes les interventions de chirurgie cardiaque est certainement une application inappropriée d’une technologie coûteuse, qui ne se justifie pas dans les cas dont le risque périopératoire est bas [41,52,64,65]. 
 
Le cathéter pulmonaire n’a un impact thérapeutique significatif que dans les circonstances où il est clairement indiqué (voir Indications au CAP) [55]. En-dehors de ces dernières, il n’apporte rien et peut même aggraver le pronostic, comme le démontrent toutes les grandes séries dans lesquelles les patients sont équipés de CAP sans discrimination [67]. L’attitude qui consiste à maximaliser le monitorage chez tous les malades par souci de sécurité et de simplification ("One size fits all") est contre-productive : il est délétère d’extrapoler aux cas simples une surveillance utile aux cas lourds parce que l’impact thérapeutique est inexistant mais les complications bien présentes. Une prise en charge proactive et agressive est bénéfique dans les situations où la marge de sécurité est très réduite comme dans la défaillance ventriculaire, mais elle augmente la morbidité, voire même la mortalité, lorsqu’elle s’adresse à des cas où la marge de manœuvre est grande : excès d’agents inotrope ou de volume perfusé, complications liées aux cathéters, recherche mono-idéique de la normalisation d’un chiffre au détriment de la situation clinique d’ensemble [50]. D'ailleurs, l'usage extensif des agents inotropes qu'induit la Swan-Ganz tend à augmenter le risque ischémique et la mortalité [3,31].
 
En 45 ans, le cathéter artériel pulmonaire est passé à travers les trois phases que traverse une nouveauté avant de trouver sa place en médecine.
 
  • Phase d'enthousiasme: depuis son introduction en 1970 jusqu'au milieu des années '90, l'usage de la Swan-Ganz est allé en expansion et ses indications se sont généralisées à toute la chirurgie cardiaque. Elle est ainsi tombée dans le piège des indications indiscriminées et des usages inutiles, situations où le gain est nul et où les complications dominent le tableau. 
  • Phase de critiques: dès 1996 ont commencé à apparaître de nombreuses études révélant l'absence d'impact de la Swan-Ganz sur le devenir des malades, voire son impact négatif. L'utilisation de plus en plus répandue de l'ETO et l'arrivée du PiCCO ont contribué à restreindre ses indications.
  • Phase d'équilibre: depuis une dizaine d'années, la pratique s'est stabilisée et les indications se sont précisées. La chute des indications est de 50-65%, avec un taux d'utilisation du CAP en chirurgie cardiaque de moins de 30% des cas [8,28]. En soins intensifs, la baisse de ses indications est de l'ordre de 50% [17].
Si sa pertinence porte sur la rapidité avec laquelle on peut corriger les altérations hémodynamiques, le CAP doit être déjà fonctionnel lorsque surviennent les complications, puisque le délai entre la décision de le poser et l’obtention des résultats est en moyenne de 120 minutes [29]. La décision de poser une Swan-Ganz doit donc se prendre en préopératoire. Or, la sélection des patients susceptibles d’en bénéficier reste intuitive. Elle se fonde sur le risque cardio-pulmonaire et sur l’importance des perturbations générées par l’intervention chirurgicale elle-même. Mais on est dans une situation d’indécidabilité logique puisqu’il est impossible de prouver l’efficacité d’un monitorage de précaution : en effet, celui-ci repose sur un enchaînement de cause à effet qui est inversé. Normalement, l’effet suit la cause ; dans le cas d’une mesure préventive, l’effet (la précaution) précède la cause (la catastrophe potentielle). Seule la survenue de la catastrophe peut prouver que la mesure de précaution aurait été utile. Il n’y en a aucune évidence avant son échec. Il n’y a donc pas moyen de justifier un équipement sophistiqué sur une réelle evidence-based attitude.
 
 
Impact du cathéter artériel pulmonaire (CAP)
L’impact d’un système de surveillance tient à l’interprétation des données fournies et aux décisions thérapeutiques que l’on en tire. Quarante-cinq années d’utilisation du cathéter pulmonaire de Swan-Ganz démontrent qu’il n’est clairement utile que dans des indications précises (altérations importantes de la circulation pulmonaire, chirurgie à fort retentissement hémodynamique chez des patients à haut risque). Par contre, son utilisation systématique n’améliore pas le pronostic des patients. Plusieurs considérations entrent en ligne de compte dans son efficacité :
    - Respect des indications particulières 
    - Connaissances du personnel et interprétation des données hémodynamiques 
    - Qualité des algorithmes thérapeutiques liés aux résultats du monitorage 
    - Utilisation bien entraînée dans l’institution 
    - Nécessités de l’enseignement clinique 
    - Possibilités financières de l’institution
 
En cas de doute sur l’indication, il est préférable de pécher par excès et de mettre en place le CAP. Le CAP n’est pleinement utile que s’il est présent au moment de la complication hémodynamique. De ce fait, son indication contient toujours une part d’aléatoire puisqu’il n’est pas possible de savoir à l’avance si la complication se produira à coup sûr.


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Août 2017
 
 
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