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Insuffisance rénale postopératoire
Définition et prévalence
La néphropathie aiguë (NPA) est définie comme une détérioration rapide et soutenue de la filtration glomérulaire et de l'excrétion/réabsorption tubulaire, associée à l’accumulation de déchêts comme l’urée ou la créatinine. L’oligurie est fréquente mais n’est pas absolument caractéristique. La NPA postopératoire présente un éventail de dysfonction allant de l’élévation passagère de la créatininémie jusqu’à la dialyse définitive. Plusieurs groupes ont divisé la NPA en trois stades en utilisant diverses combinaisons de la créatininémie, de la clairance de la créatinine et du débit urinaire [1,13,53]. La stratification la plus récente est celle de KDIGO, dans laquelle la NPA est définie par une élévation de la créatinine de ≥ 25 mcmol/L en 48 heures ou de ≥ 1.5 fois la valeur de base préopératoire, et/ou un débit urinaire de < 0.5 mL/kg/h pendant 6 heures (Tableau 24.7) [3,26].
Une néphropathie aiguë survient en moyenne chez 22% des patients après chirurgie cardiaque [19,20], mais l'incidence varie de 10% à 40% selon les critères utilisés [12]. Elle est directement associée à la morbi-mortalité et à la durée du séjour hospitalier [39]. La prévalence et la mortalité varient selon le degré de défaillance rénale [19,32,39].
- Stade 1: incidence 14-18% mortalité 5.7%
- Stade 2: incidence 4% mortalité 16.2%
- Stade 3: incidence 3% mortalité 36.7%
- Stade 4 (dialyse): incidence 2.3-3.5% mortalité 50%
- Mortalité postopératoire moyenne sans NPA dans ces séries: 1.7% (valeur de référence)
La prévalence est également fonction du type d'opération: 11.5% après chirurgie de l’aorte thoracique, 7.7% après chirurgie du VG, 3.9% après chirurgie valvulaire, et 0.5% après PAC. La dysfonction postopératoire transitoire (filtration glomérulaire diminuée de 25-50%) se résout en quelques jours ou 1-3 semaines [6,24,48]. Environ 10-20% des patients de stades 1-3 évoluent vers une insuffisance rénale terminale définitive nécessitant la dialyse [42].
Toute péjoration de la fonction rénale augmente la mortalité postopératoire. Une simple augmentation de 50% de la créatininémie après PAC en CEC élève la mortalité hospitalière à 10% (7-14%), alors que celle-ci est de 1% lorsque la fonction rénale reste normale [9,39]. Lorsque la dialyse devient nécessaire, la mortalité s'élève de 3 à 8 fois et monte jusqu’à 50% [11,13,24]. Il en est de même du coût hospitalier et de la durée de séjour en soins intensifs [6]. La NPA postopératoire, quelle que soit son importance, augmente également le risque de développer d’autres complications graves (sepsis, coagulopathie, pneumonie, etc). Les patients meurent rarement de leur insuffisance rénale ; c’est plutôt la cascade des complications associées qui est responsable des décès [14]. La péjoration de la fonction rénale est donc un prédicteur indépendant majeur de complications postopératoires potentiellement mortelles.
Facteurs de risque
L'origine de l'insuffisance rénale qui peut survenir après CEC est profondément multifactorielle. Le risque augmente exponentiellement avec le nombre de facteurs en cause, mais même une faible altération de la fonction rénale péjore déjà le pronostic [13]. Parmi les éléments impliqués, on peut citer les facteurs de risque suivants [8,12,13,24,48,51,55].
- Etat clinique préopératoire :
- Néphropathie préopératoire (créatinine ≥ 200 mcmol/L). Maladie primaire, ou secondaire au diabète, à l’hypertension artérielle ou à une polyvasculopathie ; c’est le facteur prédictif le plus fiable. Une élévation préopératoire de la créatinine > 115 mcmol/L est associée à une augmentation de la mortalité à court terme (HR 1.59) et à long terme (HR 1.46) après chirurgie cardiaque [2].
- Dysfonction ventriculaire gauche (FE < 0.35), contrepulsion intra-aortique.
- Age du patient (> 65 ans) ; la filtration glomérulaire passe normalement de 125 mL/min chez le jeune à 80 mL/min à 60 ans et < 60 mL/min à 80 ans (perte de réserve rénale de 0.75 mL/1.75 m2 par an à partir de 30 ans).
- Augmentation de la pression pulsée (PAs – PAd) > 60 mmHg (OR 1.17 pour chaque tranche de 20 mmHg) [40].
- Comorbidités : diabète, artériopathie, BPCO.
- Prédispositions génétiques.
- Baisse du flux plasmatique rénal entraînant une hypoxie tissulaire :
- Hypovolémie et hypotension systémique (PAM < 30% de la norme pendant plus de 10 minutes).
- Bas débit en CEC (< 1.8 L/min/m2) et en postopératoire (IC < 2 L/min/m2).
- Congestion sur stase veineuse (PVC > 12 mmHg) par insuffisance cardiaque ou par surpression intra-abdominale (Pabd > 12-15 mmHg).
- Utilisation de vasoconstricteurs artériels.
- Etat septique.
- La sepsis est en cause dans 48% des cas de NPA et l’hémodynamique dans 32%.
- Effets de la chirurgie :
- Opération complexe, réopération.
- Clampage aortique versus opération à cœur battant ou endoprothèse.
- Clampage de l’aorte descendante, lésions d'ischémie-reperfusion.
- Embolisation d’athéromes ou de particules (cathétérisme, manipulation aortique).
- Opération en urgence.
- Effets de la CEC :
- Durée de la CEC, profondeur de l’hypothermie, hémodilution; la CEC diminue de 20% l'apport d'O2 au parenchyme rénal [31].
- Réponse inflammatoire systémique (radicaux libres, cytokines, etc) et endotoxines.
- Sécrétion excessive d'hormone antidiurétique.
- Anémie (hémodilution à Ht ≤ 24%); une valeur postopératoire d'Hb < 100 g/L double le risque de NPA [7].
- Transfusions érythrocytaires (> 2 unités) [25].
- Hémolyse (hémoglobinurie, libération de Fe2+) et rhabdomyolyse (myoglobinurie).
- Utilisation de substances néphrotoxiques :
- Produits de contraste radiologique (coronarographie, angio-CT) dans les 5 jours précédents l'intervention.
- Anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS).
- Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et du récepteur de l’anti-angiotensine.
- Antibiotiques aminoglycosides.
- Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, ciclosporine).
- Colloïdes dérivés d’amidon (HES).
- Aprotinine.
Lorsque le flux plasmatique rénal (FPR) baisse, le rein maintient la filtration glomérulaire par vasodilatation de l’artériole afférente (prostaglandines) et vasoconstriction de l’artère efférente (angiotensine II). Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens, qui inhibent la production de prostaglandine, et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, qui bloquent la formation d’angiotensine II, jouent un rôle significatif dans la genèse de la dysfonction rénale postopératoire: la filtration glomérulaire baisse par vasoconstriction afférente dans le premier cas et par vasodilatation efférente dans le second [4]. Le risque de NPA augmente lorsque le patient reçoit plus de 1.5 mL/kg de produit de contraste moins de 5 jours avant l’intervention [8].
Eléments en cause
Le taux de NPA est plus bas lors d’une pose d’endoprothèse aortique par rapport à une opération à ciel ouvert et lors de pontages à cœur battant (OPCAB) par rapport à une opération en CEC (PAC) chez les malades à haut risque, mais il n’est pas significativement modifié par le type d’intervention chez les malades qui ont une fonction rénale normale [8,36,38]. Le bénéfice de l'OPCAB sur les PAC en CEC reste cependant un sujet de controverse parce que la différence, lorsqu'elle existe, est faible: dans une série de 4'752 patients à 5 ans, par exemple, l'OPCAB baisse le taux d'insuffisance rénale nécessitant la dialyse de 11% seulement par rapport au PAC (HR 0.89) [30].
La pression de perfusion rénale est la différence entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la pression veineuse centrale (PVC); elle est diminuée par la baisse de la première ou l'élévation de la seconde. Le même effet de stase survient lorsque la pression abdominale augmente > 10-15 mmHg. La pression de perfusion rénale normale minimale voisine donc 55 mmHg, ce qui implique de maintenir la PAM au-dessus de 60 mmHg. Une PAM < 55 mmHg pendant plus de 10 minutes ou < 60 mmHg pendant plus de 20 minutes en-dehors de la CEC est directement associée à une augmentation du risque de NPA [45,49]. Une optimisation de l’hémodynamique en periopératoire (PAM > 75 mmHg, DC > 2.5 L/min/m2, VS > 35 mL/m2, PVC < 10 mmHg, DO2 > 600 mL/min/m2, SvO2 > 70%) avec des perfusats et des inotropes diminue significativement l’incidence de néphropathie (OR 0.64) et la mortalité (OR 0.66) [5]. Ces valeurs correspondent à une optimisation de l'apport d'O2 au rein, qui est déterminant pour sa survie fonctionnelle. Or la CEC le diminue de 20% par vasoconstriction et hémodilution; l'extraction d'O2 par le parenchyme rénal augmente de 40%. Ces phénomènes se poursuivent pendant les premières heures postopératoires, qui sont la période à plus haut risque [31]. En effet, la durée passée avec une PAM < 50 mmHg pendant la CEC a moins d'impact sur la fonction rénale ultérieure que des éléments comme la durée de pompe, le status clinique, les comorbidités, l'urgence ou les transfusions [44].
L’anémie, les transfusions et les reprises pour hémostase sont 3 facteurs prédictifs d’insuffisance rénale parmi les plus importants (OR 1.8-2.9), mais sont aussi parmi ceux qui s’avèrent les plus maîtrisables [24]. La fonction rénale et le taux d'insuffisance rénale postopératoires s'aggravent linéairement lorsque l'Ht s’abaisse en dessous de 30% ; cette péjoration est maximale lorsque l’Ht le plus bas est inférieur à 24% [51]. L’incidence de NPA est de 4.1% chez les patients anémiques et de 1.6% chez les patients eucythémiques (OR 3.7) [25,56]. La mortalité s'accroît de manière directement liée à l'importance de la lésion rénale. Mais, à valeur similaire d'Ht, les patients transfusés présentent systématiquement une péjoration de leur fonction rénale par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés; leur mortalité est plus élevée (3.8% versus 1.4%) et leur incidence d'insuffisance rénale plus importante (12% versus 3.4%) [17]. La transfusion de 2 unités de sang augmente de 20% le risque de NPA (OR 1.2) et double l'élévation des biomarqueurs de nécrose tubulaire [28]. On est donc placé devant un dilemme troublant: l'anémie aggrave la situation, mais la transfusion, au lieu de la corriger, ajoute un facteur délétère supplémentaire [36,47]. La Figure 24.20 illustre ce paradoxe [17].
Figure 24.20 : Variation de la créatinine postopératoire en fonction de l'Ht le plus bas. La fonction rénale et le taux d'insuffisance rénale postopératoires s'aggravent linéairement lorsque l'Ht le plus bas est inférieur à 24%. Mais, à valeur similaire d'Ht, les patients transfusés présentent systématiquement une péjoration de leur fonction rénale par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés [17].
Mais la néphropathie n'est pas qu'affaire de pression et de tuyauterie. La microcirculation est modifiée par la production de radicaux libres (ROS), de NO, de prostacycline et de cytokines inflammatoires par l'endothélium. Le processus inflammatoire et le recrutement local de leucocytes sont des éléments déterminants, même s'ils sont localisés à certains points du parenchyme et même si l'hémodynamique générale est conservée [41].
Volume plasmatique et perfusions
Les perfusats ont une courte demi-vie intraveineuse et se redistribuent dans le liquide interstitiel de tous les organes, dont ils entravent le fonctionnement et dont ils ne sont évacués que par le drainage lymphatique [37]. Les perfusions liquidiennes sont donc une arme à double tranchant: l'hypovolémie comme l'hypervolémie conduisent à une péjoration de la fonction rénale. L'apport liquidien induit un œdème parenchymateux qui augmente la pression intrarénale, car chaque rein est enfermé par une capsule fibreuse (fascia de Gerota) qui empêche toute expansion vers l'extérieur. L'hyperhydratation et la hausse de la pression veineuse sont donc associées à une péjoration de la fonction rénale, particulièrement chez les patients en état critique [33]. D'autre part, la perfusion de cristalloïdes diminue l'apport d'O2 au parenchyme rénal, alors que le travail de filtration est augmenté [34]. L'administration liquidienne doit donc rester très prudente chez les malades ou dans les situations à risque de dysfonction rénale [45].
Le remplacement liquidien selon une administration strictement dirigée par le monitorage hémodynamique (volume systolique et ses variations dynamiques avec la ventilation, débit cardiaque, SvO2) garantit une meilleure adéquation entre les perfusions et les besoins, à la fois en volume et en synchronisation dans le temps (voir Chapitre 4 Besoins liquidiens) ; il semble diminuer l’incidence de néphropathie aiguë postopératoire chez les patients à haut risque [5]. Ce bénéfice n'est malheureusement pas retrouvé dans le choc septique [34] ni en chirurgie abdominale [46]. Toutefois, le suivi par un indice dynamique, comme les variations de la pression ou du volume systolique (cathéter artériel, PiCCO) entre l'inspirium et l'expirium de la ventilation contrôlée lorsqu'elles sont > 15%, est susceptible de diminuer de 18-27% la quantité de liquide administré pour obtenir le même équilibre hémodynamique qu'un régime standard, procurant ainsi un gain évident sur l'hémodilution postopératoire [43]. Les protocoles qui associent l'utilisation d'agents inotropes ou vasopresseurs à celle des perfusats économisent encore sur le volume de ces derniers et ont davantage d'impact sur la préservation de la fonction rénale [45].
Indicateurs de la néphropathie aiguë
Les indicateurs habituels de la fonction rénale ne sont pas suffisamment pertinents pour quantifier adéquatement les risques de la néphropathie aiguë postopératoire [22,53].
- La diurèse est un critère insuffisant ; l’oligurie (< 0.5 mL/kg/h) est davantage un marqueur d’hypovolémie.
- Le maintien d’une pression de perfusion normale (PAM environ 80 mmHg) et d’un débit cardiaque adéquat (IC 2.5 L/min/m2) ne sont pas une garantie de flux plasmatique rénal et de fonctionnement glomérulo-tubulaire normaux.
- Urée, créatinine, osmolarité et Na+ urinaire reflètent en grande partie les effets de l’hémodilution et de l’hémofiltration en CEC.
- L’élévation maximale du taux de créatinine survient 48-60 heures après la chute de la filtration glomérulaire. La créatininémie est un bon critère de fonction rénale lors de maladie chronique mais non en cas de néphropathie aiguë. En effet, le volume de dilution de la créatinine est l'eau totale de l'organisme; de ce fait, la créatininémie est diminuée en cas d'hémodilution et ses variations suivent l'altération de la fonction rénale avec un délai de ≥ 48 heures [53]. D'autre part, sont taux est influencé par la masse musculaire, l'effort physique, la diète, l'âge et le sexe.
- La clairance de la créatinine est un indice de la filtration rénale plus performant que le taux sérique de la substance, mais il dépend de la production de créatinine, qui varie avec la masse musculaire et qui baisse avec l’âge. Elle se calcule par la formule (programmes pour le calcul rapide sur le site : http://www.kidney.org) :
Clcréat = ( [C]U • VU ) / ( [C]P • t )
où : [C]U = concentration urinaire de créatinine, VU = volume urinaire, [C]P concentration plasmatique de créatinine, t = durée de l’échantillonnage.
- La fraction de Na+ excrétée dans l’urine (FENa) est le rapport entre l’excrétion de Na+ et celle de créatinine ; elle se calcule par la formule :
FENa (%) = ( UNa / PNa ) • ( PCr / UCr ) • 100
où : U = concentration urinaire, P = concentration plasmatique.
- En hypovolémie, l’urine est concentrée et contient peu de Na+, la FENa est < 1 ; au contraire, la capacité à retenir le Na+ est perdue en cas de lésion rénale, et la FENa devient alors > 1.
Ces indices ne se modifient que lorsque la néphropathie est installée depuis au moins 24 heures. Ils signent l’atteinte fonctionnelle mais non la lésion elle-même. Ils ne sont pas suffisamment précoces pour instituer un traitement avant les lésions irréversibles. Or une insuffisance rénale de 1-2 jours, qui survient chez 11% des patients, est déjà associée à une augmentation significative de la mortalité postopératoire (OR 1.66) [50]. D'autre part, la créatininémie est influencée par l'âge, la diète, le status musculaire et l'hémodilution [52]. C’est la raison pour laquelle on explore actuellement la capacité prédictive d’une série de marqueurs biologiques qui se modifient très tôt dans l’évolution de la néphropathie et qui représentent directement la lésion cellulaire [13,35,53,57]. L'élévation de leurs taux sériques ou urinaires survient dans les premières heures, alors que les altérations fonctionnelles caractérisées par les modifications de la créatinine n'apparaissent qu'après 1 à 2 jours [10].
- NGAL (Neutrophil Gelatinase-Associated Lipocalin) ou lipocaline 2 : libéré par les cellules tubulaires distales dans les 3 heures qui suivent un épisode ischémique ou inflammatoire, le NGAL est un biomarqueur qui a une sensibilité de 100% et une spécificité de 98% pour la néphropathie aiguë (valeur-seuil : 50 ng/L), et une excellente corrélation avec la mortalité ou la dialyse lorsque son taux est ≥ 140 ng/mL (r = 0.83) [16]. Il détecte des lésions infracliniques qui modifient déjà le pronostic vital [15], mais les tests actuels peinent à différencier les différentes formes moléculaires de NGAL libérées par les tissus autres que les tubules distaux, et leur performance varie selon le contexte [52,53].
- Cystatine C : détectable dans les 6 heures qui suivent l’agression rénale, soit 24-48 heures plus tôt que la créatinine, elle est corrélée à la baisse de la filtration glomérulaire et sa demi-vie est 3 fois plus courte que celle de la créatinine [52]. Elle prédit la dysfonction rénale qui s’installe 24 heures plus tard avec une sensibilité de 84%, une spécificité de 82% et une corrélation de 0.89 [53,58].
- KIM-1 (Kidney Injury Molecule 1) : également issue des cellules tubulaires proximales mais plus tardivement que le NGAL, elle a une sensibilité de 92-100% pour l’insufisance rénale qui se développe dans les 12-24 heures [21].
- Interleukine-18 : cette cytokine pro-inflammatoire a un pic à 6 heures après l’opération, bien corrélé au risque de dialyse et de mortalité.
- NAG (N-acetyl-β-d-glucosaminidase) : lysozyme présent dans les cellules tubulaires, dont le taux urinaire est proportionnel aux lésions cellulaires des tubules.
- TIMP-2 (Tissue Inhibitor of MetalloProteinase 2) et IGFBP7 (Insulin-like Growth Factor-Binding Protein 7): ces biomarqueurs de l'arrêt du cycle mitotique cellulaire ont une corrélation précoce (dès 4 heures) et intéressante (r = 0.80) avec la NPA lorsqu'on les combine sous forme du produit TIMP-2 x IGFBP7, mais il est trop tôt pour faire des recommandations à leur sujet [27,54].
Le NGAL est actuellement le test le plus précis et le plus proche d’une introduction routinière en clinique sous forme d’un examen rapide [10,13]. Cette détection précoce d’une lésion rénale devrait améliorer le pronostic des néphropathies en permettant une prise en charge spécifique avant l'apparition des lésions fonctionnelles (clairance, diurèse) et avant le développement du tableau clinique d’une insuffisance rénale établie [35,53,57]. Toutefois, la présence d'une lésion cellulaire dans le parenchyme rénal n'annonce pas systématiquement la survenue d'une néphropathie fonctionnelle ultérieure. Ainsi, la corrélation générale des différents biomarqueurs avec l'incidence de NPA postopératoire après chirurgie cardiaque reste assez modeste (surface sous la courbe ROC < 0.70) [18].
Plusieurs scores ont été développés ces dernières années dans le but de prédire le risque de NPA en se basant sur les classifications récentes (RIFLE, AKIN ou KDIGO). Ils combinent des tests de fonction rénale avec différentes variables périopératoires et affichent tous une corrélation modeste à satisfaisante avec le devenir clinique des patients (surface sous la courbe ROC: 0.75-0.8) [19]. A titre d'exemple, le score CRATE (CReatinine, lactic Acid, cardiopulmonary bypass Time, Euroscore) attribue un certain nombre de points à la valeur de la créatinine, du lactate, de la durée de CEC et y ajoute la mortalité calculée de l'EuroSCORE; la probabilité de NPA varie de 3.6% pour un score de < 50 points à 63% pour un score de 80-90 points (surface sous la courbe ROC: 0.89) [23]. En postopératoire, un taux de plaquettes (P) abaissé et un rapport neutrophile/lymphocyte (N/L) élevé est couramment associé à l'insuffisance rénale; on peut combiner ces taux dans un rapport N/LP (neutrophile / (lymphocyte x plaquette), dont la valeur maximale est corrélée à la NPA et à la mortalité lorsqu'elle est > 3.0 (surface sous la courbe ROC: 0.77) [29].
Néphropathie aiguë postopératoire |
La néphropathie aiguë postopératoire (NPA) présente un vaste spectre allant de la dysfonction passagère à l’insuffisance requérant des dialyses. L’incidence et la gravité de la NPA postopératoire sont fonction de :
- Fonction rénale préopératoire
- Age, comorbidités (diabète, artériopathie, BPCO, etc)
- Agents néphrotoxiques
- Durée de la CEC, importance du SIRS
- Hypotension peropératoire (hypovolémie, vasoplégie): PAM < 55 mmHg
- Bas débit cardiaque
- Anémie, transfusions
La NPA est est un continuum dysfonctionnel que l’on peut diviser en 4 stades:
- Augmentation de la créatinine de 50%, débit urinaire < 0.5 mL/kg/h pendant 6 heures
- Taux de créatinine doublé, débit urinaire < 0.5 mL/kg/h pendant > 12 heures
- Taux de créatinine triplé, débit urinaire < 0.3 mL/kg/h pendant > 24 heures
- Anurie totale et prolongée
L’incidence de dysfonction rénale après chirurgie cardiaque est en moyenne de 11%; 3% des patients requièrent une dialyse. Une élévation même modeste de la créatinine postopératoire a une influence sur la mortalité.
L’ascension de la créatinine et la chute de la clairance sont des indices tardifs. Plusieurs biomarqueurs plus précoces sont actuellement en recherche clinique : NGAL, cystatine C, KIM-1, interleukine-18.
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© CHASSOT PG, Juin 2008, dernière mise à jour, Juin 2018
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