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Echocardiographie et ventricule gauche

L’échocardiographie est particulièrement performante pour l'évaluation non-invasive de la fonction ventriculaire (voir Examen des ventricules). Elle offre des possibilités de quantifier la fonction systolique et la fonction diastolique de chacun des deux ventricules. Malheureusement, il est difficile de mesurer la contractilité systolique propre du myocarde, car la performance ventriculaire est liée à une série de facteurs interdépendants: essentiellement la précharge et la postcharge, mais aussi la fréquence cardiaque, la fonction diastolique, l'apport d'oxygène, ou le remodelage de la cavité. La question est donc de savoir si l'échocardiographie peut fournir un index quantifiable qui représente la contractilité intrinsèque du VG et qui soit indépendant des conditions de charge.

Parmi les nombreuses classifications envisageables, on peut répartir les indices fonctionnels en quatre catégories.
 
  • Indices éjectionnels (fraction d'éjection, durée d'éjection); ils sont dépendants de la précharge et de la postcharge mais n'en tiennent pas compte; ils sont aussi dépendants de la géométrie du ventricule.
  • Indices de la phase isovolumétrique; ils sont indépendants de la postcharge puisqu'ils sont calculés avant que la valve aortique ne soit ouverte; ils restent dépendants de la précharge.
  • Indices combinés incluant les conditions de charge; la combinaison des mesures échocardiographiques (dimensions, flux) avec des mesures hémodynamiques (pressions, débit) fournit des indices qui incluent les conditions de charge; de ce fait, ils expriment des grandeurs qui en sont indépendantes.
  • Indices myocardiques tissulaires; bien que partiellement dépendants des conditions de charge, ils mesurent le raccourcissement local de la paroi myocardique; ils sont dépendants de la postcharge, mais ceux qui l'évaluent en fonction de la longueur initale du segment sont peu dépendants de la précharge.
Le débit cardiaque n'est pas une mesure de la fonction ventriculaire, même s'il en dépend. Il exprime au contraire l'adéquation de l'ensemble cœur – vaisseaux – volume circulant aux besoins de l'organisme.

Les mesures fonctionnelles du ventricule gauche sont aisées et rapides. Pour être quantitativement valides, elles doivent toutefois répondre à un certain nombre de critères [4].
 
  • La résolution de l’image doit être maximale : PRF élevée, taille de l’écran réduite, profondeur minimale, gain et compression adéquats.
  • La définition des contours doit être suffisamment claire; il faut affiner le gain lorsque l’endocarde est parallèle au faisceau d’ultrason (paroi latérale en 4 cavités, par exemple). Lorsque l’endocarde a une certaine épaisseur, on prend la mesure au bord endocavitaire du trait (interface sang-endocarde, inner edge to inner edge).
  • L’image doit être stable et reproductible.
  • L’image doit être géométriquement juste et couper le VG en long axe ou en court axe, mais jamais obliquement.
  • La contraction myocardique est hétérogène: la course radiaire de la paroi latérale (45%) est plus importante que celle de la paroi antérieure (38%); celles de la paroi postérieure (25%) et du septum (18%) sont nettement inférieures [6,7]. Un indice peut surestimer ou sous-estimer la contractilité globale selon la direction du diamètre mesuré; les indices basés sur la surface ou le volume sont à l'abri de ce biais.
  • Lorsque des zones akinétiques ou dyskinétiques sont présentes, la méthode doit pouvoir en tenir compte ; les modèles basés sur des extrapolations géométriques présupposent une contraction symétrique et homogène et sont invalides en cas d’altérations de la cinétique segmentaire (ACS) ou de déformation du ventricule.
  • La présence de valvulopathies ou de remodelage important modifie l'interprétation des résultats.
  • Chez les malades ventilés ou assistés, la mesure doit se faire en apnée, à l’abri des variations hémodynamiques et des mouvements de translation du coeur d’origine ventilatoire. L'IPPV et la PEEP modifient les performances ventriculaires [10].
  • L’anesthésie et la sédation baissent la stimulation sympathique, la précharge et la postcharge. Les mesures doivent donc se faire dans des conditions hémodynamiques les plus proches possibles de la norme [10]. Il en est de même pour la volémie, qui peut varier considérablement en salle d'opération.
Idéalement, un indice de fonction systolique devrait remplir un certain nombre de conditions.
 
  • Indépendance vis-à-vis de la précharge et de la postcharge;
  • Indépendance de la fréquence;
  • Indépendance de la géométrie du VG;
  • Simple et robuste;
  • Réalisable en temps réel sur un seul cycle cardiaque;
  • Calcul simple.
Examen général

Le premier pas de l’évaluation fonctionnelle est un examen global du cœur en 4-cavités (vue mi-œsophage 0-20°), car celle-ci fournit le cadre général dans lequel vont s’inscrire les différents indices mesurés. Il permet de relever la taille respective des chambres cardiaques, leurs relations, leur dilatation et leur éventuelle hypertrophie. Cette vue générale est capitale pour intégrer les calculs détaillés qui n'expriment qu'une vue partielle de la réalité. Tout résultat ultérieur doit être compatible avec la silhouette fonctionnelle des cavités et des gros vaisseaux. L'image 4-cavités permet aussi quelques observations intéressantes (Figure 25.170).
 
  • Evaluation visuelle de la fonction du VG (eye-balling): mouvement systolique, différence de volume du VG entre la systole et la diastole, hyper- ou hypo-dynamisme, vitesse d'éjection. Un observateur entraîné a la capacité d’évaluer la fraction d’éjection (FE) du VG de manière intuitive avec une précision satisfaisante: la corrélation avec une mesure par contraste radiologique est bonne (r = 0.8) [9]. L’oeil a toutefois tendance à sous-estimer la fonction d’un ventricule dilaté et à surestimer celle d’un ventricule de petite taille (Vidéo) [8]. Avec l’expérience, on intègre spontanément une série de données à l’examen du VG : déformation, remodelage, asymétrie de la contraction, etc. Cette approche intuitive permet de classer la fonction en 4 catégories: normale, atteinte mineure, dysfonction modérée, défaillance sévère, ce qui est l'essentiel en clinique [2]. Bien qu'elle ne soit nullement la valeur de référence pour définir la performance du VG, l'évaluation visuelle garantit la cohérence des mesures calculées par les différents indices [5].


    Vidéo: insuffisance biventriculaire; les deux ventricules sont dilatés et hypocontractiles. Le VG présente une silhouette arrondie et une paroi amincie. Les mouvements des feuillets mitraux sont limités.
     
  • Angle d'ouverture du feuillet antérieur de la valve mitrale; son amplitude, bien visible à l’oeil nu, est proportionnelle au degré de vidange du VG pendant la systole précédente; elle diminue parallèlement à la dysfonction du VG (valeur normale: > 60°) (Vidéo). Alors qu'il est un bon signe intuitif, l'angle d'ouverture de la mitrale n'est cependant pas un indice quantitatif bien établi [1].

    Vidéo: normalement, les feuillets mitraux ont un ample mouvement d'ouverture et de fermeture (70-90°).
     
  • Evaluation visuelle d’une insuffisance mitrale fonctionnelle; l'IM sur dysfonction et dilatation du VG est un bon indice de suivi de la performance ventriculaire gauche, puisqu'elle augmente lorsque le ventricule défaille. Cette IM est dite restrictive parce que la dilatation ventriculaire tire sur les cordages et empêche les feuillets de rejoindre leur point de coaptation au plan de l'anneau mitral en systole (Vidéo).


    Vidéo: insuffisance mitrale restrictive. La dilatation ventriculaire exerce une traction sur les cordages qui maintient les feuillets en-dessous de leur point de coaptation en systole; la valve fuit.


Figure 25.170 : Vues 4-cavités 0° pour l'évaluation visuelle de la fonction du VG. A: cœur normal; la paroi du VG est musclée, la taille du VG et de l'OG est normale, la zone apicale apparaît pointue, la fraction d'éjection est 0.7. B: insuffisance chronique du VG; le ventricule est dilaté, sa paroi amincie, la zone apicale est arrondie, le débattement du feuillet antérieur de la mitrale est faible (flèche verte). C: lorsque la fonction du VG est normale, le débattement du feuillet mitral antérieur est ample; le feuillet est presque parallèle au septum en diastole. D: insuffisance mitrale restrictive sur dysfonction et dilatation du VG; les feuillets sont retenus en-dessous du plan de l'anneau mitral en systole (trait pointillé blanc) et la valve fuit.

Le résultat que l’on obtient est une interprétation globale de la fonction ventriculaire qui, même non quantitative, prend en compte la complexité de la situation.

Situation périopératoire

En salle d'opération ou en soins intensifs, l'évaluation de la fonction gauche est biaisée par plusieurs phénomènes [3,10].
 
  • Les agents d'anesthésie et les sédatifs ont une action inhibitrice sur la contractilité, qui est heureusement faible avec la plupart des substances utilisées, mais qui est importante pour le thiopental; la kétamine présente un effet inotrope négatif marqué dans les situations où la stimulation sympathique est épuisée.
  • L'anesthésie et la sédation provoquent une baisse de précharge (importante avec le propofol); la chute du remplissage diminue le volume systolique, mais elle est bénéfique lorsque le VG est en insuffisance congestive.
  • L'anesthésie et la sédation provoquent une vasodilatation artériolaire (importante avec l'isoflurane); cette baisse de postcharge cause une hypotension artérielle, mais elle favorise l'éjection du VG, particulièrement lorsqu'il est défaillant. Plus la fonction du VG est faible, plus cet effet est bénéfique.
  • La ventilation en pression positive représente une aide à l'éjection pour le VG (voir Chapitre 5, Interactions cardio-respiratoires).
Ainsi, pour le même degré de contractilité, l'éjection systolique peut varier en fonction de la modification des conditions de charge.

 
ETO et ventricule gauche
Les indices échocardiographiques de la fonction ventriculaire gauches se répartissent en 4 catégories:
    - Indices éjectionnels
    - Indices isovolumétriques
    - Indices combinés avec des données hémodynamiques
    - Indices tissulaires

L'examen fonctionnel du VG commence par une évaluation visuelle du cœur en 4-cavités. Cette vue est le cadre de référence pour les indices calculés par la suite. Elle permet aussi une évaluation intuitive de la performance systolique du ventricule (variation de taille systolo-diastolique, vitesse d'éjection, amplitude d'ouverture de la valve mitrale, présence ou non d'une IM restrictive).


© CHASSOT PG, BETTEX D. Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. AHMADPOUR H, SHAH AA, ALLEN JW, et al. Mitral E point septal separation: a reliable index of left ventricular performance in coronary artery disease. Am Heart J 1983; 106:21-8
  2. COSYNS B, EDVARDSEN T, HRISTOVA K, KIM HK. Left ventricle: systolic function. In: LANCELOTTI P, ZAMORANO JL, HABIB G, BADANO L. The EACVI Textbook of echocardiography. Oxford: Oxford University Press, 2017, 131-46
  3. GILLAM LD, FORD-MUKKAMALA L. Assessment of left ventricular systolic function. In: MATHEW JP, SWAMINATHAN M, AYOUB CM. Clinical manual and review of transesophageal echocardiography, 2nd edition. New York: McGraw-Hill 2010, 125-42
  4. LANG RM, BADANO LP, MOR-AVI V, et al. Recommendations for cardiac chamber quantification by echocardiography in adults: An update from the American Society of Echocardiography and the European Association of Cardiovascular Imaging. J Am Soc Echocardiogr 2015; 28:1-39
  5. LANG RM, BIERIG M, DEVEREUX RB, et al. Recommendations for chamber quantification. Eur J Echocardiography 2006; 7:79-108
  6. LORENZ CH, PASTOREK JS, BUNDY JM. Delineation of normal human left ventricular twist throughout systole by tagged cine magnetic resonance imaging. J Cardiovasc Magn Reson 2000; 2:97-108
  7. MAIER SE, FISCHER SE, McKINNON GC, et al. Evaluation of left ventricular segmental wall motion in hypertrophic cardiomyopathy with myocardial tagging. Circulation 1992; 86:1919-28
  8. McGOWAN JH, CLELAND JGF. Reliability of reporting left ventricular systolic function by echocardiography: a systematic review of 3 methods. Am Heart J 2003; 146:388-97
  9. MUELLER X, STAUFFER JC, JAUSSI A, et al. Subjective visual echocardiographic estimate of left ventricular ejection fraction as an alternative to conventional echocardiographic methods: comparison with contrast echocardiography. Clin Cardiol 1991; 14:898-902
  10. SKARVAN K, LAMBERT M, FILIPOVIC M, SEEBERGER M. Reference values for left ventricular function in subjects under general anesthesia and controlled ventilation assessed by two-dimensional traoesophageal echocardiography. Eur J Anaesthesiol 2001; 18:713-22

 
25. Echocardiographie transoesophagienne 1ère partie