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Remarques générales sur la diastole

Pendant des décennies, la diastole est restée une zone obscure par manque de moyens d'investigation clinique. Pour l'anesthésiste, la donne a changé avec l'introduction de l'échocardiographie transoesophagienne. Celle-ci a offert un accès nouveau à l'analyse de la relaxation et de la compliance ventriculaires. De nouvelles technologies permettent de quantifier les nombreux phénomènes physiopathologiques qui se déroulent pendant la diastole. Mais tout n'est pas clair pour autant. Il subsiste un flou majeur sur la signification de ce que l'on mesure et sur l'impact des différents indices dans la prise en charge du malade. Il est capital de rester critique vis-à-vis des résultats numériques d'un examen et de ne jamais fonder un diagnostic d'insuffiance diastolique sur une seule valeur anormale. Seul un faisceau de données concordant avec l'ensemble de l'examen échocardiographique et avec la situation clinique du patient permet de se prononcer en faveur d'une altération significative de la fonction diastolique.  

La fonction diastolique représente la capacité du ventricule à accommoder un remplissage adéquat sous un régime de pression basse et sur un vaste éventail de conditions de charge (voir Chapitre 5 La diastole). La dysfonction diastolique se réfère à une anomalie des indices échocardiographiques du remplissage ventriculaire qui reste cliniquement asymptomatique sauf à l'effort majeur, alors que l’insuffisance diastolique, responsable de près de 50% des insuffisances cardiaques congestives, est un syndrome clinique qui se caractérise par une dyspnée et une élévation chronique des pressions de remplissage (POG  > 16 mmHg) en présence d’une fonction systolique préservée (FE > 0.5) [2,4]. Dans tous les cas, la pression télédiastolique ventriculaire est plus haute pour un même volume de précharge [2,7]. Une dysfonction diastolique est toujours présente en cas d’insuffisance ventriculaire systolique.

L’échocardiographie fournit de nombreux indices de dysfonction diastolique de manière non-invasive [5]. Toutefois, ces indices ont été décrits chez des patients éveillés au cours d’examens transthoraciques dans un laboratoire d’écho, et non chez des malades de salle d’opération, endormis et ventilés en pression positive [2]. Or ces indices sont très dépendants de l’âge, des conditions de remplissage et du régime de pression intrathoracique. Ils sont diversement mais faiblement influencés par les agents d'anesthésie et les stimulants inotropes [6]. Il est donc primordial de rester très prudent dans l’interprétation des données et de respecter certaines précautions pour évaluer une dysfonction diastolique [3].
 
  • Se fonder sur un ensemble de données et non sur un seul indice;
  • Ne diagnostiquer une insuffisance diastolique que si > 50% des données parlent pour ce diagnostic;
  • Tenir compte des conditions hémodynamiques, du remplissage vasculaire et du mode ventilatoire;
  • Faire les mesures en apnée;
  • Faire une moyenne sur trois mesures différentes;
  • Rapporter les données à l’âge du patient et au contexte clinique (le diabète, l'âge avancé et l'hypertrophie ventriculaire sont accompagnés d’altérations diastoliques).
Aussi ambigus que puissent en être les résultats, l'analyse de la fonction diastolique n'est pas qu'un exercice de style. En effet, l'insuffisance diastolique annonce des difficultés à sortir de CEC; elle est associée à une augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire postopératoire, proportionnellement à son importance et indépendamment de la fraction d'éjection. La mortalité postopératoire est 1.12% dans le défaut de relaxation (OR 1.85 par rapport à une fonction diastolique normale), 2.39% au stade de pseudonormalité (OR 4.50) et 16% lors d'insuffisance restrictive sévère (OR 21.22) [1].

 
ETO et fonction diastolique
La fonction diastolique représente la capacité du ventricule à accommoder un remplissage adéquat sous un régime de pression basse et sur un vaste éventail de conditions de charge. Les données actuelles montrent que l’insuffisance diastolique est responsable d'au moins 40% des insuffisances cardiaques congestives.

Malgré la quantification de nombreux indices de dysfonction diastolique, l'impact clinique des résultats de l'examen échocardiographique reste flou. Il est donc primordial de rester très prudent dans l’interprétation des données:
    - Fonder le diagnostic sur un faisceau de données et non sur une seule
    - Ne porter un diagnostic que si > 50% des mesures sont anormales
    - Replacer les résultats dans le contexte hémodynamique et clinique


© CHASSOT PG, BETTEX D. Mars 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. KAW R, HERNANDEZ AV, PASUPULETI V, et al. Effect of diastolic dysfunction on postoperative outcomes after cardiovascular surgery: a systematic review and meta-analysis. J Thorac Cardiovasc Surg 2016; 152:1142-53
  2. MAYTAL R, SKUBAS NJ, SHERNAN SK, MAHMOOD F. Perioperative assessment of diastolic dysfunction. Anesth Analg 2011; 113:449-72
  3. NAGUEH SF, SMISETH OA, APPLETON CP, et al. Recommendations for the evaluation of left ventricular diastolic function by echocardiography: an update from the American Society of Echocardiography and the European Association for Cardiovascular imaging. J Am Soc Echocardiogr 2016; 29:277-314
  4. OKTAY AA, RICH JD, SHAH SJ. The emerging epidemic of heart failure with preserved ejection fraction. Curr Heart Fail Rep 2013; 10:401-10
  5. PAULUS WJ, TSCHÖPE C, SANDERSON JE, et al. How to diagnose diastolic heart failure: a consensus statement on the diagnosis of heart failure with normal left ventricular ejection fraction by the Heart Failure and Echocardiography Associations of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2007; 28:2539-50
  6. PIRRACCHIO R, CHOLLEY B, DE HERT S, et al. Diastolic heart failure in anaesthesia and critical care. Br J Anaesth 2007; 98:707-21
  7. ZILE MR, BRUTSAERT DL. New concept in diastolic dysfunction and diastolic heart failure: Part I. Diagnosis, prognosis, and measurement of diastolic function. Circulation 2002; 105:1387-93

 
25. Echocardiographie transoesophagienne 1ère partie