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Catégories d'anticoagulants 

Les anticoagulants actuellement utilisés en clinique peuvent être classés sous quatre catégories en fonction de leurs sites d’action (Figure 8.9).


Figure 8.9: Points d’impact des différents anticoagulants sur la cascade de la coagulation: agents anti-vitamine K (bleu), agents anti-Xa (jaune), agents anti-thrombine directs (orange), héparines (vert) (agents anti-thrombine par l’intermédiaire de l’AT III). Les héparines à bas poids moléculaire ont un effet anti-Xa important (flèche pontillée). AT: antithrombine.
 
  • Inhibiteurs indirects de la thrombine: héparines, pentasaccharides (fondaparinux) (voie intraveineuse ou sous-cutanée);
  • Inhibiteurs directs de la thrombine: intraveineux (lépirudine, bivalirudine, argatroban) ou oraux (dabigatran);
  • Inhibiteurs directs du facteur Xa: rivaroxaban, apixaban, edoxaban (per os);
  • Agents anti-vitamine K: warfarine, coumarines (per os).
Les anticoagulants classiques, en usage clinique depuis longtemps, ont plusieurs points d’impact dans la chaîne coagulatoire, alors que les nouvelles substances (NACO: nouveaux anticoagulants oraux) sont beaucoup plus sélectives. D’autre part, ces dernières sont plus rapides, présentent moins d’interactions, et jouissent d’une pharmacocinétique mieux prévisible qui rend inutile un monitorage de l’effet anticoagulant. D’une manière générale, les NACO sont plus efficaces que les AVK dans la prévention thrombo-embolique (RR moyen 0.81), présentent bien moins de risque d’hémorragie intracrânienne (RR 0.48), et offrent une faible baisse de mortalité (RR 0.90) [9]. Ils sont indiqués dans la thrombo-embolie et dans la FA non-valvulaire. Ce terme exclut de leur utilisation la FA survenant dans le contexte de sténose mitrale rhumatismale, de plastie mitrale avec matériel prothétique, et de prothèse valvulaire mécanique ou de bioprothèse; ces quatre situations restent du domaine des AVK [1,4]. Ces derniers se sont montrés nettement supérieurs aux NACO dans la prévention des complications thrombo-emboliques sur valves cardiaques mécaniques [2]. Par contre, les NACO peuvent être utilisés dans les valvulopathies natives comme la sténose aortique, l'insuffisance mitrale ou l'insuffisance aortique. Ils affichent par contre davantage de risque hémorragique gastro-intestinal (RR 1.25), mais ce type de saignement entraîne 10 à 30 fois moins de mortalité et d’invalidité qu’un AVC hémorragique. Malheureusement, ces nouveaux médicaments présentent trois inconvénients.
 
  • Absence d’antagoniste (sauf pour le dabigatran);
  • Effets variables mais non quantitatifs sur les tests de coagulation habituels;
  • Elimination rénale.
Les NACO sont en grande partie éliminés par les reins: totalement pour le fondaparinux et le dabigatran, à moitié pour l'edoxaban, au tiers pour le rivaroxaban et au quart pour l'apixaban (voir Tableau 8.11). La demi-vie d'élimination est prolongée en fonction du degré d'insuffisance rénale [1].
 
  • Clairance de la créatinine 30-50 mL/min.
    • Dabigatran: 18 heures;
    • Rivaroxaban, apixaban, edoxaban: 10-15 heures; 
  • Clairance de la créatinine 15-29 mL/min.
    • Dabigatran: 27 heures;
    • Rivaroxaban: 12-15 heures;
    • Apixaban: 17 heures;
    • Edoxaban: 17 heures; 
  • Clairance de la créatinine < 15 mL/min.
    • Les NACO sont en principe contre-indiqués.
Un quatrième défaut de ces substances est leur coût : un mois de traitement revient en moyenne à 76.00 euros, alors qu’il ne coûte que 12.50 € avec les AVK, dosage du TP inclus. Bien qu’elle soit différente selon les substances, une réduction du dosage est souvent nécessaire en cas d’insuffisance hépatique ou rénale, et en cas d’administration conjointe de substances modifiant le métabolisme des anticoagulants, car les risques sont cumulatifs: l’addition de plusieurs effets non significatifs peut donner un résultat dangereux. Pour les substances à élimination rénale (HBPM, dabigatran, fondaparinux, xabans), la règle la plus simple est de donner une demi-dose en cas de dysfonction rénale (clairance de la créatinine 30-50 mL/min) et de s’abstenir en cas d’insuffisance terminale (clairance de la créatinine < 30 mL/min). Chez les obèses, il convient d’augmenter la dose de 30% [7]. Vu que les données concernant les interférences médicamenteuses sont encore incomplètes, il est prudent de considérer comme valables pour tous les NACO les contre-indications pharmacologiques signalées pour chacun individuellement, à savoir la prescription simultanée des substances suivantes [1,4,10].
 
  • Les anti-protéases anti-VIH (ritonavir, indinavir, atazanavir, etc);
  • Les anti-fungiques azolés (kétoconazole, itraconazole, miconazole, voriconazole, etc);
  • Les immunosuppresseurs ciclosporine et tacrolimus;
  • Les antiarythmiques quinidine, amiodarone et vérapamil;
  • La rifampicine;
  • La carbamazépine, le phénobarbital et la phénytoïne.
Le traitement anticoagulant chronique présente des risques majeurs, puisqu’il est associé à environ 5'000 décès par année en France. L’association des anticoagulants avec des antiplaquettaires entraîne un risque hémorragique rédhibitoire, mais peut se justifier en cas de syndrome coronarien aigu ou de stents chez des patients en FA ou porteurs de prothèses valvulaires mécaniques [5]. Cette triple thérapie implique de réduire les doses de xaban, ou de supprimer l'aspirine [8]. Mais les travaux en cours laissent entrevoir un vaste champ d'application pour les NACO dans les maladies cardiovasculaires, où ils pourraient concurrencer les antiplaquettaires: en appoint dans le syndrome coronarien aigu (rivaroxaban 2 x 2.5 mg/j) [6] ou associés à l'aspirine (rivaroxaban 2 x 2.5 mg/j  + aspirine 100 mg/j) dans la coronaropathie stable [3], ils améliorent le pronostic clinique.
 
Les principales données concernant les anticoagulants sont résumées dans les Tableaux 8.1, 8.2A et 8.2B. Les dosages et l’adaptation des doses à l’insuffisance rénale figurent dans le Tableau 8.3. Les données concernant les antiplaquettaires sont disponibles dans le Chapitre 29 (Chapitre 29) et accessoirement dans le Chapitre 3 (Antiplaquettaires). Un résumé de ces données figure dans les Tableaux 8.11 et 8.12.
 

 






 
 



 
Les anticoagulants
Les anticoagulants sont répartis en quatre groupes:
    - Inhibiteurs indirects de la thrombine (héparines, fondaparinux)
    - Inhibiteurs directs de la thrombine (bivalirudine, argatroban, dabigatran)
    - Inhibiteurs directs du facteur Xa (xabans)
    - Agents anti-vitamine K (AVK)
 
Les nouveaux anticoagulants oraux supplantent progressivement les AVK, sauf dans les cas de prothèses valvulaires cardiaques et de sténose mitrale rhumatismale. Ils ont toutefois plusieurs défauts:
    - Absence d'antagonisme (sauf pour le dabigatran)
    - Test spécifiques complexes (anti-Xa, anti-IIa)
    - Elimination en grande partie rénale (demi-vie prolongée en cas d'insuffisance rénale)
    - Coût


© CHASSOT PG, MARCUCCI C, Décembre 2013, dernière mise à jour, Novembre 2019

 
Références
 
  1. DOHERTY JU, GLUCKMAN TJ, HUCKER WJ, et al. 2017 ACC expert consensus decision pathway for periprocedural management of anticoagulation in patients with nonvalvular atrial fibrillation. J Am Coll Cardiol 2017; 69:871-98 
  2. EIKELBOOM JW, CONNOLLY SJ, BRUECKMANN M, et al. Dabigatran versus warfarin in patients with mechanical heart valves, N Engl J Med 2013; 369:1206-14 
  3. EIKELBOOM JW, CONNOLLY SJ, BOSCH J, et al. Rivaroxaban with or without aspirin in stable cardiovascular disease. N Engl J Med 2017; 377:1319-30
  4. HEIDBUCHEL H, VERHAMME P, ALINGS M, et al. European Heart Rythm Association Practical Guide on the use of non-vitamin K antagonist anticoagulants in patients with non-valvular atrial fibrillation. Europace 2015 ; 17:1467-507
  5. HOLBROOK A, SCHULMAN S, WITT DM, et al. Evidence-based management of anticoagulant therapy. Antithrombotic therapy and prevention of thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest 2012; 141 (Suppl 2):e152S-e184S
  6. MEGA JL, BRAUNWALD E, WIWIOTT SD, ET AL. Rivaroxaban in patients with a recent acute coronary syndrome. N Engl J Med 2012; 366:9-19  
  7. NUTESCU EA, SPINLER SA, WITTKOWSKY A, et al. Low-molecular-weight heparins in renal impairment and obesity: available evidence and clinical practice recommendations across medical and surgical settings. Ann Pharmacother 2009; 43:1064-83
  8. RAVAL AN, CIGARROA JE, CHUNG MK, et al. Management of patients on non-vitamin K antagonist oral anticoagulants in the acute care and periprocedural setting. Circulation 2017; 135:e604-e633 
  9. RUFF CT, et al. Comparison of the efficacy and safety of new oral anticoagulants with warfarin in patients with atrial fibrillation : a meta-analysis of randomised trials. Lancet 2014 ; 383:955-62
  10. SIÉ P, SAMAMA CM, GODIER A, et al. Chirurgies et actes invasifs chez les patients traités au long cours par un anticoagulant oral anti-IIa ou anti-Xa direct. Propositions du Groupe d’intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) et du Groupe d’études sur l’hémostase et la thrombose (GEHT). Ann Fr Anesth Réanim 2011 ; 30 : 645-50