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Conclusions
Depuis les poissons jusqu'aux oiseaux et aux mammifères, tous les vertébrés possèdent un système complexe de protéines sériques normalement solubles qui sont susceptibles de précipiter pour éviter une exsanguination locale par des plaies, sans pour autant induire une coagulation diffuse de la circulation. Ce système est vital car la perfusion sanguine sous pression est la clef de voûte qui maintient l'organisme en vie. Le traitement de nombreuses pathologies cardiovasculaires et l'introduction de diverses prothèses au contact du sang ont conduit à freiner plus ou moins profondément l'activité coagulatoire naturelle, alors qu'on est loin d'en comprendre complètement la subtilité. Aussi efficaces qu'ils soient, nos traitements antithrombotiques ressemblent fort à un éléphant dans un magasin de porcelaine ! D'autre part, la priorité d'action dépend de la spécialité. Pour un cardiologue, le drame est un thrombus; pour un chirurgien, c'est l'hémorragie. Il n'est donc pas surprenant que la gestion périopératoire de la coagulation soit l'objet de controverses serrées. Face à la multiplicité des situations possibles, il n'est pas concevable d'édicter des règles générales les englobant chacune. Les connaissances théoriques et l'expérience pratique ont certes permis d'édicter quelques recommandations d'ensemble, mais le jugement clinique reste essentiel pour trouver le bon équilibre entre le risque thrombotique et le risque hémorragique dans chaque cas particulier.
Au cours de ces dernières années, une forme d’hématologie pratique s’est installée en salle d’opération et a élargi le champ d’activité de l’anesthésie. La possibilité d’effectuer sur place des tests de coagulation (ROTEM™, par exemple) et d’activité plaquettaire (Multiplate™, VerifyNow™, PFA-100™, entre autres) a ouvert la voie à une gestion plus rationnelle de l’hémostase et des facteurs de coagulation, orientée sur les besoins spécifiques du patient (goal-directed therapy). D’autre part, l’arrivée sur le marché clinique de nouveaux agents anticoagulants et antiplaquettaires a modifié la prise en charge périopératoire des patients. Enfin, l’idée d’une gestion globale de la masse sanguine du malade (Patient blood management) a progressivement intégré la préparation préopératoire du malade, la transfusion sanguine et plaquettaire, l’administration de dérivés plasmatiques et de facteurs de coagulation, ainsi que l’évaluation directe des performances coagulatoires en un tout fonctionnel qui réclame de l’anesthésiste de bonnes notions d’hématologie. De plus, l’anesthésiste qui s’investit en chirurgie cardiaque doit être capable de maîtriser les problèmes d’anticoagulation soulevés par l’usage de la circulation extracorporelle.
Les développements futurs de cette situation vont certainement conduire à une gestion plus cohérente de l’hémostase et à une utilisation plus restrictive des produits sanguins. Ainsi se développent des algorithmes pour la prise en charge des opérés sous agents inhibant la coagulation et pour la gestion des différents produits procoagulants, en gardant à l’esprit que le but n’est pas une normalisation du status, mais un état d’équilibre optimal entre le risque hémorragique et le risque thrombotique. Or ce point d’équilibre peut se placer à un endroit variable du spectre en fonction des risques propres au patient et à la situation chirurgicale.
Pour l’heure, l’introduction dans la pratique de nouveaux anticoagulants est souvent perturbante pour l’anesthésiste, qui peut avoir quelque difficulté à se retrouver dans les délais à respecter pour l’interruption préopératoire du traitement, notamment en cas d’ALR rachidienne. Les Tableaux 8.11 et 8.12 tentent de répondre à ce problème en offrant un résumé des données pharmacocinétiques et des recommandations proposées pour l’interruption préopératoire des anticoagulants et des antiplaquettaires.
© CHASSOT PG, MARCUCCI C, Décembre 2013, dernière mise à jour, Novembre 2018