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Manifestations cliniques

L'angor est évidemment le symptôme-clef pour le diagnostic. Il est habituellement défini en quatre stades selon la classification de la Société Cardiovasculaire Canadienne [7] :
 
  • Angor stade I : survient seulement à l'effort intense ou prolongé.
  • Angor stade II : survient à l'effort modéré (escaliers, marche rapide à la montée), au froid, après les repas, lors d'émotions intenses, ou au réveil.
  • Angor stade III : limitation marquée de l'activité physique normale ; l'angor survient à la marche simple ou à un étage d'escaliers à pas normal.
  • Angor stade IV : l'activité physique n'est plus possible ; l'angor survient au repos. Toute modification ou apparition récente de l'angor est considérée comme un stade IV. 
Cliniquement, on peut différencier trois types d'angor.
 
  • Angor stable : inconfort rétrosternal précipité par l'effort et soulagé par le repos ou la nitroglycérine en moins de 15 minutes ; la douleur peut irradier dans l'épaule, la mâchoire, la face interne du bras, ou la région épigastrique.
  • Angor instable : apparition récente d'un angor nouveau, augmentation d'intensité, de durée ou de fréquence d'un angor ancien, état réfractaire au traitement médical, angor de plus de 20 minutes avec modifications du segment ST et/ou de l'onde T.
  • Angor de Prinzmetal : angor dû à un spasme coronarien survenant en général au repos, sans relation avec l'effort ou les émotions, et accompagné de surélévation du segment ST.
Enfin, l'ischémie peut être silencieuse : des modification électriques surviennent en l'absence de toute symptomatologie. Fréquente dans l'angor instable et chez les diabétiques, elle est de mauvais pronostic. La dyspnée peut être un équivalent silencieux de l’angor. 
 
Angor stable
 
La prévalence de la coronaropathie chronique stable est d'environ 6% entre 45 et 65 ans et de 12% entre 65 et 85 ans; le taux annuel d'infarctus est de l'ordre de 1.6% [14]. La maladie se manifeste par un inconfort rétrostenal à l'effort ou au stress, d'une durée n'excédant pas 10 minutes, soulagé par la nitroglycérine ou le repos. Comme l'ECG de repos est peu spécifique, le diagnostic est posé en premier lieu à l'épreuve d'effort. Les tests de stress par imagerie comme l'échocardiographie sous perfusion de dobutamine sont clairement plus performants. Grâce à son excellente valeur prédictive négative, l'angio-CT permet d'exclure une sténose coronarienne dans les cas douteux, mais sa valeur prédictive positive tend à surestimer l'étendue de la maladie [15].
 
La prise en charge consiste en plusieurs éléments: style de vie adapté (exercice, perte pondérale, diète pauvre en sucre et en graisse, cessation de la fumée), aspirine, statine, hypotenseur (PAsyst visée: 120-140 mmHg), dérivés nitrés sublinguaux selon besoin, béta-bloqueur ou bloqueur calcique. Une consommation de plus de 3 comprimés de nitroglycérine lors des épisodes d'angor fait suspecter une aggravation de la maladie. La ranolazine (Ranexa®) est un anti-agineux de deuxième intention qui améliore la symptomatologie mais ne modifie pas la mortalité; elle est particulièrement indiquée chez les patients bradycardes et hypotendus car elle est sans effet sur la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Par contre, elle allonge l'intervalle QT [9]. L'ivabradine (Procorolan®, Carivalan®) est un agent bradycardisant qui n'a sa place qu'en cas d'insuffisance ventriculaire associée [11]. La revascularisation est indiquée lorsque l'angor devient réfractaire à la thérapeutique médicale. Comme il s'agit le plus souvent d'une pathologie tritronculaire, elle doit être aussi complète que possible, donc préférentiellement par voie chirurgicale. La PCI (angioplastie et pose de stent) est efficace pour réduire les douleurs angineuses, mais elle ne diminue pas la mortalité ni l'incidence d'infarctus [17,19].
 
Syndrome coronarien aigu
 
L’angor instable, l’infarctus sans surélévation du segment ST (N-STEMI) et l’infarctus avec surélévation du segment ST (STEMI) sont considérés comme les trois aspects cliniques du syndrome coronarien aigu (SCA). L’angor instable est classiquement défini par trois critères : angor de repos, apparition d’une symptomatologie angineuse nouvelle, ou intensification soudaine d’un angor pré-existant [5]. Lors de SCA, l’analyse du segment ST est le pivot central de l’orientation diagnostique et thérapeutique (voir Figure 9.6). Un quart des patients présente une surélévation du segment ST signant un infarctus transmural avec onde Q (STEMI), et les trois quarts affichent un sous-décalage ST et souffrent d'angor instable. Certains d'entre eux développent un infarctus N-STEMI (élévation des troponines), en général de type non-Q [2,3]. C'est l'élévation du taux d'enzymes cellulaires (troponines I et T, CK-MB) qui certifie le diagnostic d'infarctus en cas de décalage du segment ST. Les risques et la mortalité augmentent significativement en présence de CK-MB et de troponines, et ce proportionnellement au niveau maximal de leur taux sérique [2]. Or, la mise au point de tests ultra-sensibles pour la troponine I et T (détection dès 1-3 ng/L) a progressivement étendu le nombre de N-STEMI diagnostiqués et diminué l’incidence d’angor instable. De ce fait, la prise en charge clinique de type invasive propre au diagnostic d’infarctus s’est étendue à des malades qui étaient jusque là traités conservativement parce que souffrant d’angor instable, mais, ce faisant, a amélioré leur pronostic [6]. Il est donc probable que le diagnostic d’angor instable s’adresse à de moins en moins de malades au fur et à mesure que s’affinent les dosages des enzymes cardiaques traduisant une lésion cellulaire. Ceci remet en question le diagnostic même d’angor instable, qui ne tient peut-être qu’à la sensibilité des tests enzymatiques utilisés. 
 
Environ 8% des patients souffrant de SCA développent un choc cardiogène. Dans 80% des cas il s'agit d'une insuffisance ventriculaire gauche, mais on peut aussi rencontrer une insuffisance mitrale massive, une communication interventriculaire ou une rupture de la paroi libre du ventricule [12]. Une douleur rétrosternale térébrante précédée d'un incident ischémique cérébral transitoire ou accompagnée d'une asymétrie des pouls périphériques doit faire suspecter une dissection aortique.
 
En présence d'un SCA, les femmes sont en général moins bien loties que les hommes. Leur pronostic est moins bon, particulièrement lorsqu'elles sont jeunes. Leur risque d'infarctus est plus élevé lorsqu'elles souffrent de diabète, d'hypertension artérielle, d'obésité ou de tabagisme. Elles subissent plus fréquemment que les hommes des lésions coronariennes par érosion endothéliale, vasopasme ou dissection, situations dans lesquelles la PCI avec pose de stent donne de moins bons résultats que dans la plaque instable ou la sténose serrée [16].
 
Sénescence
 
La prévalence de la coronaropathie augmente proportionnellement à l'âge; au-delà de 80 ans, elle est de 31% chez les hommes et de 22% chez les femmes; celle de l'infarctus est de 17% et 11% respectivement [4]. La fragilité et la faible capacité d'exercice des personnes âgées rendent le diagnostic plus difficile: les symptômes sont vagues ou non-spécifiques, l'ECG est perturbé par les arythmies ou les blocs, les troponines de haute sensibilité sont souvent élevées, et les examens complémentaires sont malaisés à réaliser (difficulté à rester couché à plat, à retenir sa respiration, à marcher ou pédaler) [13]. L'infarctus est souvent silencieux, fréquemment de type non-STEMI sur déséquilibre du rapport DO2/VO2 (infarctus type 2), mais sa mortalité est élevée: 13-30% [8]. Chez les vieux, la thérapeutique est davantage centrée sur une amélioration de la qualité de vie que sur une prolongation de l'existence, car le long terme n'existe plus pour eux. 
 
La fréquence des comorbidités (diabète, hypertension, insuffisance rénale), la perte de masse musculaire et les altérations de la pharmacodynamique favorisent les effets secondaires et obligent à adapter la nature et le dosage des médicaments [13]. 
 
  • Augmentation des risques hémorragiques avec l'association d'aspirine et de clopidogrel.
  • Ticagrelor bien toléré, mais prasugrel contre-indiqué > 75 ans.
  • Raccourcissement de la durée de la bithérapie antiplaquettaire à 3-6 mois après pose de stents actifs et à 6-12 mois après syndrome coronarien aigu.
  • Statines, béta-bloqueurs, bloqueurs calciques: dosage abaissé, surveillance des éventuelles contre-indications (hypotension, insuffisance cardiaque, blocs, BPCO).
La revascularisation coronarienne suit les mêmes principes que pour les adultes.
 
  • Coronaropathie stable: à défaut d'améliorer le pronostic, la revascularisation réduit les symptômes et améliore la qualité de vie [10].
  • N-STEMI: la revascularisation est clairement bénéfique [18].
  • STEMI: l'angioplastie et pose de stents diminue la mortalité, le taux d'infarctus et celui de récidive [20]. La fréquence des AVC, des hémorragies, de l'hypertension ou d'une anticoagulation en cours rendent la fibrinolyse trop dangereuse.
  • PCI versus PAC: le risque d'AVC est plus faible avec la première, mais celui de reprise pour revascularisation secondaire est moindre avec les seconds. Comme les résultats globaux des deux options sont identiques à ceux obtenus dans les classes d'âge inférieur, il est probablement plus approprié de proposer la techniques la moins invasive aux patients âgés [1].
Chez les personnes âgées, les risques de complications sont très augmentés et les réserves fonctionnelles sont quasiment nulles. De ce fait, les chances de succès tiennent essentiellement à la rigueur de la prise en charge et à l'absence d'incident (voir Chapitre 21 Chirurgie cardiaque chez le patient âgé).
 
 
 
Clinique de l'insuffisance coronarienne
Anamnèse: angor (4 stades), équivalents angineux (douleurs épigastriques, dyspnée).
Présentation clinique de l'angor: angor stable, angor instable, angor de Prinzmetal.
Différentioation des syndromes coronariens aigus par la position du segment ST à l'ECG: 
- STEMI: sus-décalage du segment ST, onde Q, bloc de branche aigu, troponines +++
- N-STEMI: sous-décalage du segment ST, inversion de l’onde T, troponines + à +++
- Angor instable: sous-décalage du segment ST, pas de troponines
- Arythmies
Signes biochimiques d’infarctus: troponines ultrasensibles. Les CK-MB et la myoglobine sont en désuétude.
 
Chez les personnes âgées, l'ischémie coronarienne et l'infarctus ont un plus mauvais pronostic. Vu leur fragilité, le choix des medicaments et leur dosage doivent être adaptés. Les règles concernant la revascularisation sont les mêmes que chez les adultes, mais avec une tendance vers les techniques les moins invasives.


© BETTEX D, CHASSOT PG, RANCATI V,  Janvier 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
 
 
Références
 
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  2. ANDERSON JL, ADAMS CD, ANTMAN EM, et al. ACC/AHA 2007 guidelines for the management of patients with unstable angina/non-ST-elevation myocardial infarction. Circulation 2007;116:e148-e304
  3. ANTMAN EM, BRAUNWALD E. ST-elevation myocardial infarction: Pathology, pathophysiology, and clinical features. In: ZIPES DP, et al, eds. Braunwald's heart disease. A textbook of cardiovascular medicine, 7th edition. Philadelphia, Elsevier-Saunders, 2005, 1141-65 
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  6. BRAUNWALD E, MORROW DA. Unstable angina. Is it time for a Requiem ? Circulation 2013; 127:2452-7
  7. CAMPEAU L. Grading in angina pectoris. Circulation 1976; 54:522
  8. CARETTA G, PASSAMONTI E, PEDRONI PM; et al. Outcomes and predictors of mortality among octogenarians and older with ST-segment elevation myocardial infarction treated with primary coronary angiography. Clin Cardiol 2014; 37:523-9
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09. Anesthésie en cas d'ischémie et de revascularisation coronariennes