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Les β-bloqueurs 

 
Etudes cliniques
 
Les β-bloqueurs diminuent de 20 à 30% la mortalité et la morbidité cardiaques après infarctus, pontages aorto-coronariens (PAC) ou insuffisance cardiaque. Comme ils inhibent efficacement la réaction sympathique, baissent la consommation d’O2 myocardique et diminuent le taux d’arythmies, il paraît logique de s'attendre à ce qu’ils présentent aussi un effet protecteur en chirurgie non-cardiaque. Au début des années 2000, les indications aux β-bloqueurs ont été fondées sur huit études contrôlées (11'468 patients) conduites sur des patients de chirurgie vasculaire. Les deux premières ont découvert des bénéfices considérables au β-blocage avec de l’aténolol [24] ou du bisoprolol [28] : baisse de 3 fois du taux d’ischémie, de 5 fois du taux d’infarctus, réduction de 89% de la mortalité. L’étude DECREASE-IV combinant le bisoprolol et la fluvastatine a démontré une diminution surprenante de 66% de l’incidence de décès et d’infarctus chez les patients recevant le bisoprolol (OR 0.34) [12]. Mais ces études souffraient d'importants biais méthodologiques [35]. Quatre études plus rigoureuses menées chez des patients vasculaires ou diabétiques n’ont trouvé qu’une diminution de moitié du taux d’ischémie chez les malades sous métoprolol, mais pas d’effet sur la mortalité ni sur le taux d’infarctus [13,27,40,41]. Ces derniers essais comprenaient cependant une forte proportion de malades à bas risque et un β-blocage de courte durée [37]. Une revue de 38'770 opérations a montré que placer les patients sous β-bloqueur, ou continuer le β-blocage s’il est déjà prescrit, diminue la mortalité à 1 mois (OR 0.52 et 0.68, respectivement) et à 1 an (OR 0.64 et 0.82) ; par contre, l’interruption du β-blocage augmente clairement la mortalité aux mêmes échéances (OR 3.93 et 1.96) [34]. Dans toutes ces études, le β-blocage est débuté quelques heures à quelques jours avant l’intervention, et poursuivi pendant un minimum de 1 à 4 semaines. Le β-blocage chronique, par contre, ne protège que partiellement les malades contre le stress opératoire ; dans une étude, leur risque d’infarctus est même doublé par rapport à celui des malades non-β-bloqués, probablement parce que la régulation à la hausse de leurs récepteurs β (up-regulation) induit une réponse excessive aux stimuli sympathiques [18]. Il est donc essentiel de maintenir ou de renforcer leur β-blocage pendant la période opératoire.
 
Pendant une dizaine d'années, on a donc largement utilisé un β-blocage périopératoire prophylactique chez les malades à risque ou supposés tels. Cet enthousiasme a été refroidi par la grande étude canadienne POISE [11], par trois méta-analyses [4,8,36], par une revue systématique [39] et par trois études observationnelles de larges cohortes [2,17,23].
 
  • L’étude POISE comprend 8'351 patients randomisés entre placebo ou métoprolol 3 heures avant l’opération et pendant 1 mois postopératoire; la dose de metoprolol est de 100 mg (forme extended-release) 2-4 heures avant et 6 heures après l'intervention, puis de 200 mg/jour pour 30 jours. Les malades ont été sélectionnés selon plusieurs caractéristiques: présence de coronaropathie, de vasculopathie artérielle, d'anamnèse d'ictus ou d'insuffisance cardiaque, et intervention de chirurgie vasculaire majeure. Les données recherchées sont la mortalité et les complications cardio- et cérébro-bvasculaires à 30 jours. L'étude a démontré une baisse de 27% du taux d’infarctus chez les malades β-bloqués par rapport aux contrôles, mais accompagnée d’une augmentation significative de la mortalité (3.1% versus 2.3%, HR 1.33) et du taux d’ictus (1.0% versus 0.5%, HR 2.17). Par ailleurs, l'étude a mis en évidence moins de fibrillation auriculaire (HR 0.76) dans le groupe β-bloqué, mais davantage d'épisodes de bradycardie (HR 2.74) et d'hypotension artérielle (HR 1.55) [11].
  • Une analyse de 33 études contrôlées et randomisées (12'306 patients) n'a trouvé aucune association entre le β-blocage et une quelconque réduction de mortalité ou d'insuffisance cardiaque. Au contraire, elle a mis en évidence une augmentation de mortalité (HR 1.2) et d'AVC (HR 2.16). Le bénéfice ne porte que sur une réduction du risque ischémique: HR 0.36 pour l'ischémie myocardique et HR 0.65 pour l'infarctus non létal. Le traitement est accompagné d'un excès d'hypotension (HR 1.62) et de bradycardie (HR 2.74) par rapport au placebo [4].
  • Plus récemment, une méta-analyse s'est attachée à analyser uniquement les 11 études (10'529 patients) contrôlées, randomisées, en double aveugle et basées sur une intention de traitement, dont les données peuvent être considérées comme sûres. Cette attitude a notamment exclu les études DECREASE I à V (voir ci-dessous), qui avaient rapporté les résultats les plus spectaculaires en faveur des β-bloqueurs et qui ont, de ce fait, biaisé les méta-analyses précédentes. Cette étude a mis en évidence que les β-bloqueurs sont responsables d'une augmentation de mortalité globale de 27% (HR 1.27). Comme précédemment, elle a également trouvé une diminution du risque d'infarctus non-létal (HR 0.73) mais une augmentation du taux d'AVC (HR 1.73) et d'hypotension (HR 1.51) [8].
  • Une méta-analyse portant sur 8 études observationnelles de cohortes (470'059 patients) n'a pas mis en évidence d'effet significatif sur la mortalité (RR 0.88), ni sur l'infarctus (RR 1.3) ni sur l'ictus (RR 1.17) par le β-blocage, mais au contraire une augmentation de mortalité (RR 1.9) chez les patients dont le traitement a été introduit immédiatement avant l'opération [36].
  • La revue de 17 essais randomisés introduisant un β-blocage "aigu" dans les 24 heures qui précèdent l'intervention démontre une diminution du risque d'infarctus (RR 0.69), mais une augmentation de celui d'ictus (RR 1.76) et de mortalité (RR 1.30). Par ailleurs, le taux d'hypotension et de bradycardie peropératoire est plus élevé (RR 1.47 et RR 2.61, respectivement) [39].
  • Une cohorte rétrospective de 136'745 patients a montré que la réduction de mortalité était proportionnelle au nombre de facteurs de risque du RCRI: RR 0.63 pour 2 facteurs, RR 0.54 pour 3 facteurs et RR 0.40 pour 4 facteurs. Le taux d'infarctus et d'arrêt cardiaque est diminué (RR 0.67) en chirurgie non-vasculaire [23].
  • Chez 28'263 patients danois, le β-blocage n'a pas apporté de bénéfice chez les malades souffrant d'ischémie myocardique (RR 1.11 pour les complications cardiaques et 1.15 pour la mortalité), sauf chez ceux qui avait fait un infarctus dans les deux ans précédents (RR 0.60 pour la récidive et 0.80 pour la mortalité). Chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, par contre, le β-blocage est bénéfique: RR 0.78 pour les complications cardiaques et 0.80 pour la mortalité [2].
  • Dans une cohorte de 314'114 patients, le β-blocage s'est révélé utile pour baisser la mortalité chez les malades avec 3 ou 4 facteurs de risque (RR 0.63); il est sans effet chez ceux qui n'en ont que 1 ou 2, mais tend à augmenter la mortalité de ceux qui n'en ont aucun (RR 1.19) [17].
A ces nouveautés s'est ajoutée la découverte d'une falsification de données dans les études DECREASE conduites à l'Université Erasmus de Rotterdam [7,12,28], invalidant ainsi les principaux piliers sur lesquels se sont appuyées les recommandations internationales en faveur du β-blocage. En effet, ces études étaient les seules à trouver une réduction majeure de la mortalité.
 
Deux autres phénomènes limitent la portée des β-bloqueurs.
 
  • La pharmacogénomique prouve que le polymorphisme génétique, particulièrement sur les récepteurs CYP2D6 et β1-Arg389Gly, commande respectivement la métabolisation hépatique et la réactivité des récepteurs adrénergiques aux catécholamines et aux β-inhibiteurs [26,33]. Cette hétérogénéité génotypique crée des sous-groupes de malades qui répondent différemment aux β-bloqueurs ; ainsi, une étude a démontré que le génotype des récepteurs adrénergiques a davantage de pouvoir déterminant sur le devenir cardiaque postopératoire des patients à risque d’ischémie coronarienne que le contrôle de la fréquence cardiaque par le bisoprolol [41].
  • La moitié des infarctus postopératoires survient sur une rupture de plaque instable et n’est pas liée à un déséquilibre du rapport entre la demande et l’apport myocardique en oxygène, qui est le point d’impact principal des β-bloqueurs [9,19]. Ces derniers ont donc peu d’effet protecteur contre cet événement, que seuls les antiplaquettaires, les anticoagulants et les statines peuvent prévenir.
Les connaissances actuelles ne corroborent plus les larges indications aux β-bloqueurs qu'ont préconisées les recommandations publiées au cours des quinze dernières années. Les revues systématiques trouvent toutes que ces substances diminuent l’incidence d’infarctus mais augmentent celle d’ictus; elles élèvent aussi la mortalité générale et la mortalité cardiovasculaire. Sous β-bloqueurs, l’incidence des épisodes d’hypotension et de bradycardie est accrue en peropératoire. La mortalité à 1 mois augmente de manière prédominante chez les patients à risque faible [22]. Il faut noter toutefois que ces méta-analyses sont très hétérogènes, largement influencées par le poids de l'étude POISE, et modifiées par l'inclusion ou non des travaux de la série DECREASE [29]. Les patients β-bloqués réclament donc une prise en charge hémodynamique peropératoire particulièrement rigoureuse, puisque le blocage de la fréquence cardiaque limite les possibilités de compenser les variations de volume circulant et altère la réponse tachycardique à l'anémie aiguë [5,29]. D'autre part, les β-bloqueurs peu β1-sélectifs comme le métoprolol ont une activité de blocage β2 qui freine la vasodilatation périphérique, y compris cérébrale; en cas de stimulation sympathique, la vasoconstriction n'est plus inhibée, et l'oxygénation cérébrale peut être compromise à des taux d'Hb de 90-100 g/L déjà [3,29]. Pour ces deux raisons, il est possible que les malades β-bloqués bénéficient d'un seuil de transfusion plus élevé que les recommandations habituelles [29].
 
Il s’avère aussi que seules certaines catégories de malades peuvent tirer un avantage du β-blocage, à savoir les patients avec > 2 facteurs de risque (Revised Cardiac Risk Index de Lee), et les patients à risque coronarien élevé programmés pour des opérations majeures, mais ceux-ci sont le plus souvent déjà traités [7,10,23,39]. Le contrôle de la fréquence cardiaque par un β-blocage est bénéfique lorsque cette dernière est excessive, puisque la tachycardie (> 96 batt/min) augmente significativement le taux de souffrance myocardique (OR 1.48), d'infarctus (OR 1.71) et de mortalité (OR 3.16), alors qu'un rythme < 60 batt/min diminue la mortalité postopératoire (OR 0.50) [1]. Mais un traitement indiscriminé est néfaste. Les patients à risque bas ou modéré ne bénéficient pas du traitement, qui est inutile et potentiellement dangereux dans leur cas [22]. Le peu de bénéfice observé chez les malades vasculaires est plus surprenant et n'a pas d'explication claire pour l'instant [29]. Chez les patients souffrant de syndrome coronarien instable, le β-blocage fait partie de la thérapeutique mais est insuffisant à lui seul pour diminuer la mortalité. Ainsi le traitement prophylactique de routine des malades à faible risque cardio-vasculaire n'est pas indiqué. Seuls les patients déjà β-bloqués et ceux chez qui il existe une indication au β-blocage à cause d'une ischémie myocardique ou d'une insuffisance cardiaque peuvent tirer un avantage du traitement périopératoire. Les malades qui ne souffrent pas de la pathologie que le médicament est supposé traiter ne bénéficient pas de son effet primaire et ne peuvent que pâtir de ses effets secondaires.
 
En conclusion, les béta-bloqueurs sont maintenus en préopératoire et à la prémédication, parce qu’ils diminuent de 15% l'incidence d’infarctus ou de décompensation cardiaque périopératoire chez les malades chez qui ils sont prescrits pour une ischémie myocardique active ou une insuffisance ventriculaire [2,4,6]. Leur interruption provoque un effet rebond (tachycardie et hypertension), augmente le taux d’ischémie aiguë à 48-72 heures et double le risque d’infarctus ou de mortalité postopératoire [23,32,34]. La prise de béta-bloqueurs est bénéfique seulement si la fréquence cardiaque est contrôlée (environ 60 batt/min), au besoin par des doses supplémentaires [30]. Les malades non béta-bloqués peuvent bénéficier de la prescription d'aténolol ou de bisoprolol s'ils présentent des signes d'ischémie ou d'arythmie avant une opération majeure, mais le traitement doit débuter au moins une semaine avant l'intervention pour trouver le dosage adéquat; en effet, commencer le béta-blocage à < 12 heures préopératoires augmente la morbi-mortalité [10,39]. Le béta-blocage est contre-productif chez les patients à risque faible ou intermédiaire, y compris souffrant d'hypertension artérielle isolée, quel que soit le type de chirurgie [20,26].
 
 
β-bloqueurs préopératoires
Les β-bloqueurs β1-sélectifs diminuent l’incidence d’ischémie et d’infarctus postopératoires d'environ 25% chez les coronariens, pour autant qu’ils soient titrés de manière à maintenir la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min et à éviter l’hypotension artérielle (PAM ≥ 70 mmHg). Mais ils augmentent la mortalité à 1 mois d'environ 25%, doublent le risque d'AVC, et accroissent le risque d’hypotension et de bradycardie peropératoires lorsqu'ils sont administrés de manière indiscriminée.
 
Les données récentes incitent à revoir leurs indications périopératoires à la baisse par rapport aux recommandations préconisées jusqu'ici, et à les restreindre aux malades déjà béta-bloqués et à ceux qui en ont des indications cardiologiques (ischémie myocardique active, arythmie, insuffisance cardiaque). Le béta-blocage est néfaste ou inutile chez les malades à risque cardiaque faible ou intermédiaire.
 
Lorsqu'il est indiqué, le béta-blocage doit débuter au moins une semaine avant l'intervention afin d'établir le dosage adéquat pour obtenir une fréquence cardiaque de l'ordre de 60 batt/min. Les substances de premier choix sont le bisoprolol et l'aténolol.
 
Modalités d’administration
 
Les conditions nécessaires à une prévention efficace sont liées à une imprégnation suffisante en β-bloqueurs pour affronter l’opération et la période postopératoire. Le meilleur marqueur en est le ralentissement de la fréquence cardiaque à 60-70 batt/min. L’impact clinique est moins bon avec un traitement de quelques heures ou de quelques jours qu’avec un traitement de plus longue durée [38]. Le β-bloqueur ne doit pas être débuté le jour opératoire [14,26]. Le métoprolol est peut-être en cause dans l’incidence d’AVC, car le taux d’ictus est plus faible avec des agents davantage β1-sélectifs [25]. Les modalités idéales sont les suivantes [14,16,21,39].
 
  • Administration d’un agent β1-sélectif (aténolol, bisoprolol, métoprolol, nébivolol, acébutolol, bétaxolol) (voir Tableau 4.26) [3] ; l'aténolol et le bisoprolol sont les agents de premier choix, car le métoprolol a peu de sélectivité β1 et pâtit d'une grande variabilité génétique dans son métabolisme par le CYP2D6 hépatique [26]
  • Début du traitement 5-7 jours avant l’intervention, en doses progressives.
  • Réduction de la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min.
  • Administration à la demande d’un agent intraveineux (esmolol, bisoprolol) en salle d’opération pour maintenir la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min ; éviter la bradycardie (éphédrine, isoprénaline).
  • Maintien rigoureux de la pression artérielle (systolique > 100 mmHg, moyenne ≥ 70 mmHg) et de l’Hb ; éviter l’hypotension (vasopresseurs, perfusions) [31].
  • Contrôle identique de l’hémodynamique dans le postopératoire.
  • Continuation du traitement pendant un mois en postopératoire.
La dose de β-bloqueur doit être soigneusement titrée pour régler la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min sans hypotension artérielle, ce qui implique de commencer par de faibles doses et d’augmenter progressivement jusqu’au résultat désiré. Cet ajustement prend au minimum une semaine de préparation préopératoire si l’on tient compte de la grande variabilité individuelle de la réponse. Les travaux mentionnés démontrent bien que l'administration "aiguë" dans les heures qui précèdent l'opération est un facteur aggravant pour le pronostic du malade.
 
Indications et contre-indications
 
Les indications au β-blocage préopératoire communément admises jusqu'à ces dernières années étaient très étendues, puisqu'elles concernaient les patients avec de simples facteurs de risque de coronaropathie et les patients subissant une intervention de chirurgie vasculaire ou de chirurgie majeure [15]. Or la littérature récente a mis en évidence que, lorsque l'indication n'est pas ciblée, la diminution du taux d'infarctus non-fatal par le β-blocage est du même ordre de grandeur que l'augmentation de la mortalité (environ 25%), à quoi s'ajoute un doublement du risque d'AVC. Elle a montré aussi que le type de chirurgie a peu d'influence et que seuls les patients qui souffrent d'ischémie myocardique, d'arythmie ou d'insuffisance cardiaque tirent un réel bénéfice du traitement périopératoire. D'autre part, les patients déjà sous β-bloqueur doivent continuer leur traitement en périopératoire, car l’effet rebond lors de l’interruption du traitement double le risque d’infarctus et de décès postopératoires [32]. Le β-blocage n'est donc justifié que lorsqu'il existe une indication cardiologique [14,21,26,39].
 
  • Patients déjà chroniquement sous β-bloqueurs; le traitement est continué en périopératoire;
  • Patients souffrant d'ischémie coronarienne avérée chez lesquels il existe une indication propre au β-blocage;
  • Arythmie ou tachycardie persistantes.
Il est possible que les béta-bloqueurs puissent réduire le taux d'infarctus et de mortalité chez les patients qui présentent ≥ 3 facteurs de risque cardiaque ou une évidence de coronaropathie [23]. Dans ces situations, il peut être envisageable de débuter un traitement en préopératoire à condition de disposer d'au moins 1-2 semaines pour adapter le dosage [10].
 
Il est recommandé de ne pas commencer le médicament à dose fixe juste avant l'opération. C'est la prescription indiscriminée à tout-venant qui est abandonnée. Ce ne devrait pas être une surprise, car il est évident qu'un médicament n'a de sens que sur une indication précise et à un dosage adapté.
 
Les contre-indications au β-blocage préopératoire sont l’hypotension artérielle, l’hypovolémie, la bradycardie, les blocs AV sans pace-maker et l’asthme sévère. L’insuffisance cardiaque (FE < 0.4) non traitée par β-blocage est une contre-indication à démarrer un traitement en préopératoire. Les bloqueurs β1 cardiosélectifs sont sans effets sur la FEV1 en cas de BPCO, et maintiennent normale la réactivité aux β2-stimulants. La vasculopathie périphérique (stade IV) ne fait pas partie des contre-indications; toutefois, il peut être judicieux de prescrire un agent à effet béta et alpha bloqueur tel le carvedilol pour diminuer le risque de vasconstriction artérielle. Mais la principale contre-indication est l’absence d’indication formelle.
 
 
Indications aux β-bloqueurs selon les données récentes
Le indications actuellement recommandées sont:
    - Patients déjà β-bloqués
    - Patients souffrant d’ischémie coronarienne active (indication cardiologique)
    - Arythmie ou tachycardie persistantes
De fait, les indications sont restreintes à celles de la cardiologie. Les indications périopératoires prophylactiques sont abandonnées. Débuter le traitement dans les heures qui précèdent l'opération est contre-indiqué.
 
La préférence est pour l'aténolol ou le bisoprolol, soigneusement titrés pendant plusieurs jours pour une fréquence cardiaque de 60-65 batt/min. Les patients β-bloqués sont moins tolérants à l'hypotension, à l'anémie et à l'hémorragie. La pression artérielle, le rythme cardiaque et le transport d'O2 (Hb) doivent donc être stabilisés de manière rigoureuse en peropératoire (PAM ≥ 70 mmHg).
     
© CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN DR,  Mars 2010, dernière révision Août 2019
 
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