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Quantification de la sténose mitrale

Quatre méthodes sont possibles pour calculer la surface d’ouverture d’une sténose mitrale : la planimétrie, le PISA, l’équation de continuité et le temps de demi-pression. Ce dernier est le plus couramment utilisé.

Planimétrie

La planimétrie présente l’avantage de ne pas dépendre de l’hémodynamique comme le temps de demi-pression (voir ci-après). La mesure est faite en méso-diastole et dans une période de fréquence cardiaque normale, car l'ouverture est incomplète lorsque la diastole est raccourcie par la tachycardie. La planimétrie est toutefois difficile en imagerie bidimensionnelle (Figure 26.61).
 
  • Vue court-axe basal transgastrique 0-30° : il est possible chez environ 60% des patients d’obtenir une image dans le plan de la valve mitrale et d’en tracer la surface d’ouverture (Figure 26.61A). Ce dessin devient très imprécis si la valve est calcifiée et si le gain de l’image est mal ajusté. Comme la valve restrictive prend l’allure d’un cône, il est difficile de savoir si la surface mesurée est bien l’endroit le plus étroit, raison pour laquelle cette mesure tend à surestimer la surface d'ouverture [6].
  • Reconstruction tridimensionnelle (full volume) : l’imagerie 3D évite ce piège puisqu’elle reconstruit l’ensemble des feuillets et permet de faire la mesure à l’endroit exact qui est le plus étroit. La reconstruction 3D est actuellement considérée comme la mesure-étalon de la surface d’ouverture de la valve lors de sténose mitrale (Vidéo).


    Vidéo: vue 3D depuis le VG d'une sténose mitrale serrée; la valve ressemble à un cône plongeant dans le ventricule; l'ouverture diastolique n'est qu'une fente. En imagerie 2D, il est très difficile de savoir à quel niveau du cône se trouve le plan de coupe; la planimétrie est beaucoup plus fiable en 3D.
     
  • Des algorithmes de remodelage paramétrique permettent d'extraire d'une acquisition en full-volume la représentation tridimensionnelle de l'anneau et des feuillets, et d'y faire des mesures comme la surface exacte de ceux-ci, quelle que soit leur forme. Ainsi l'orifice diastolique maximal d'une sténose mitrale est obtenu sans présupposé géométrique comme la surface qui manque à la surface totale des feuillets pour correspondre à celle ceinturée par l'anneau. Comparée aux autres techniques de mesure de la surface mitrale (équation de continuité, PISA, Pt1/2), cette procédure donne des valeurs environ 30% plus faibles; seule la planimétrie 3D fournit des données voisines [3].


Figure 26.61 : Quantification de la sténose mitrale par planimétrie. A : planimétrie de l’ouverture en vue court-axe transgastrique 0° ; la surface mesurèe est de 0.976 cm2 (sténose serrée). FA: feuillet antérieur. FP: feuillet postérieur. B : planimétrie en reconstruction 3D, vue depuis le VG. C : image 3D full-volume démontrant la faible ouverture de la valve. D: reconstruction paramétrique de l'anneau et des feuillets mitraux à partir de l'image full-volume (C); les zônes colorées en bleu sont situées en-dessous du plan de l'anneau [extrait de: Poelaert JI, Bouchez S. Perioperative echocardiographic assessment of mitral valve regurgitation: a comprehensive review. Eur J Cardio-Thor Surg 2016; 50:801-12].

Temps de demi-pression

Comme le débit à travers la valve mitrale est très lent, la POG reste élevée pendant la diastole, et le gradient de pression entre l’OG et le VG diminue très lentement. De ce fait, la décélération du flux mitral E est très progressive; sa pente est inversement proportionnelle à la surface d’ouverture de la valve. Le temps de demi-pression (Pt1/2, ou pressure half-time PHT) est le temps nécessaire à la pression pour diminuer de moitié (Dt), ou à la Vmax pour diminuer à une vélocité égale au pic de vélocité divisé par √2 (= 1.4), soit de diminuer à 0.71 Vmax. En effet, puisque P est proportionnel à V2, le Pt1/2 est égal à 0.29 Dt. Dans une sténose mitrale, un Pt1/2 de 220 ms correspond à une surface d’ouverture de 1 cm2 ; une valeur plus élevée correspond à une surface < 1 cm2. La surface d’une sténose mitrale (SSM) est donc égale à 220 divisé par le Pt1/2 mesuré:

      SSM = 220 / Pt1/2 (cm2)

La pente de décélération du flux E est dessinée à l'écran et le processeur donne directement les valeurs de la pente, du Pt1/2 et de la surface mitrale (Figure 26.62).



Figure 26.62 : Quantification de la sténose mitrale par le temps de demi-pression. A: schéma de la pente de décélération du flux mitral dans un cas en rythme non-sinusal (absence de flux A). B: dessin de la pente de décélération du flux E à l'écran chez un malade en rythme sinusal (présence d'un flux A). Vu que la Vmax est ≥ 1.5 m/s, on utilise le Doppler continu. Le processeur affiche la Vmax, la pente, le Pt1/2 et la surface calculée.

Il arrive assez souvent que la pente du flux mitral soit plus raide à son origine en protodiastole que sur la moyenne de la diastole. Pour le calcul, on ne tient pas compte de cet éventuel décrochage au début du flux (Figure 26.63).



Figure 26.63 : Temps de demi-pression. La pente de décélération du flux E peut présenter une partie protodiastolique plus raide. On ne tient pas compte de cet artéfact dans le dessin de la pente, qui est basé sur son tracé moyen en cours de diastole. Le processeur affiche la Vmax, la pente, le Pt1/2 et la surface calculée.

Le calcul n’est valable que pour une surface plus ou moins circulaire inférieure à 2 cm2. Le Pt1/2 tend à sous-estimer le degré de sténose mitrale si le volume diastolique est faible (bas débit cardiaque, hypovolémie) et le gradient OG-VG diminué. Une augmentation de ce gradient, une hypervolémie ou un haut débit cardiaque conduisent au contraire à une surestimation du degré de sténose. Si le VG est simultanément rempli par une insuffisance aortique, le flux mitral s’arrête précocement et le Pt1/2 diminue, ce qui conduit à une sous-estimation du degré de sténose. Le calcul n’est pas utilisable pour des valves prothétiques (surface non circulaire) ni pour les orifices de dimension normale, dont le Pt1/2  dépend essentiellement de la compliance ventriculaire. En cas de FA, le calcul doit se faire en moyennant le résultat de plusieurs cycles cardiaques dont la durée de diastole correspond à celle d’une fréquence de 60-70 batt/min.

De manière analogue, la surface mitrale peut s’évaluer à partir du temps de décélération total (tDT) du flux diastolique. Celui-ci se calcule en extrapolant la pente de décélération du flux E jusqu’à la ligne de base (valeur zéro) ; c’est le temps nécessaire au gradient de pression pour diminuer jusqu’à zéro. Lorsque la valve mesure 1 cm2, le tDT est 759 ms. La surface réelle est donc : S = 759 / tDT. Cette méthode est moins utilisée que celle du Pt1/2, qui est toujours le 29% du tDT puisqu’il est égal à 0.71 Vmax. [5].

Equation de continuité

L’équation de continuité (S1 • V1 = S2 • V2) compare le flux à travers la valve mitrale à celui à travers la chambre de chasse ou la valve aortique. Elle est basée sur le fait que le volume de sang entré dans le VG en diastole en ressort au cours de la systole suivante ; ceci n’est valide qu’en l’absence de shunt et d’insuffisance aortique ou mitrale. On peut calculer la surface mitrale (Sm) en réarrangeant l’équation à partir de la surface de la valve aortique (SAo) ou de la chambre de chasse (SCCVG), de l’intégrale des vélocités aortiques (ITVAo) ou de la chambre de chasse (ITVCCVG), et de l’intégrale des vélocités du flux mitral (ITVm) :

            Sm  =  (SAo • ITVAo) / ITVm
            Sm  =  (SCCVG • ITVCCVG) / ITVm

La mesure de l'intégrale des vélocités (ITV) dans la CCVG se fait au Doppler pulsé quelques millimètres en amont de la valve aortique, là où est mesuré le diamètre pour en calculer la surface, et celle de la valve mitrale au Doppler continu à travers la sténose. Comme les deux mesures ne peuvent pas être simultanées, la relation est faussée si le volume systolique est variable comme en FA ou en ventilation mécanique.

L'équation de continuité est utilisée également pour calculer la surface à partir de la zone d'accélération concentrique du flux diastolique du côté auriculaire de la valve (PISA: proximal isovelocity surface area). La vélocité du premier aliasing multipliée par la surface de l'hémisphère correspondant donne le volume sanguin pendant la durée de la diastole, qui est le même que celui qui travers la sténose mitrale pendant la même durée. On en déduit [6]:

      SVM  =  (6.28 r2 • Valias) / VmaxSM

Avec correction pour la forme en cône des feuillets mitraux: S  =  (6.28 r2 • Valias / VmaxSM) • α / 180.

L’échelle de vélocité est réglée sur 0.3 m/s. Ce calcul ne dépend pas du flux ni du débit cardiaque, il reste fiable s’il existe une IM associée. Mais la mesure du rayon r du premier aliasing est souvent difficile parce que le plan de l'orifice est malaisé à définir; or toute erreur est portée au carré dans le calcul. D'autre part, la technique du PISA suppose que l'orifice est circulaire, ce qui est rarement le cas dans ces valves déformées où il est plutôt en fente elliptique.

Résistance

La résistance (RVM) au flux diastolique à travers la valve est un moyen moins dépendant des variations hémodynamiques de quantifier l'obstacle représenté par la sténose [1]. Elle augmente linéairement avec le flux, mais exponentiellement avec le rétrécissement de l'ouverture. La formule exprime de deux manières différentes la relation qui existe entre la dimension de l'orifice, le gradient de pression, le flux qui le traverse et la résistance à ce dernier:

            RVM  =  (1'333 •  ΔPm) / Q  
                      =  (0.52 • Q) / S2
            où:    1'333 et 0.52 = facteurs de conversion en dynes.s.cm-5
                     ΔPm = gradient de pression moyen (mmHg)
                     Q = flux transmitral (cm3/s) = SVM •  VmaxVM = VS / durée flux mitral
                     S = surface de la valve

Synthèse

En résumé, une sténose mitrale sévère est définie par les éléments suivants (Tableau 26.4) (Figure 26.64) [2,4].
 
  • Gigantesque OG (± contraste spontané) et petit VG;
  • Fusion commissurale des feuillets (RAA) ou envahissement calcique (dégénérescence calcifiée);
  • PISA côté auriculaire;
  • Flux diastolique accéléré (≥ 1.5 m/s) et turbulent;
  • Gradient moyen ≥ 12 mmHg;
  • Pt1/2 > 220 msec;
  • Surface < 1 cm2 (0.6 cm2/m2).


Figure 26.64 : Résumé schématique des caractéristiques échocardiographiques de la sténose mitrale sévère. La silhouette est caractéristique : immense OG avec contraste spontané, appendice auriculaire gauche (AAG) dilaté, abritant fréquemment un thrombus en cas de FA, petit VG, feuillets mitraux déformés et restrictifs avec fusion commissurale, appareils sous-valvulaire restrictif, épaissi et raccourci. Au Doppler, zone d’accélération concentrique côté auriculaire (PISA) en diastole, flux transmitral accéléré (Vmax 2 m/s) et zone tourbillonnaire intraventriculaire, gradient moyen élevé (≥ 12 mmHg), temps de demi-pression (Pt1/2) > 220 ms.

 
Sténose mitrale (SM)
Quantification
      Gradient moyen                   SM sévère > 10 mmHg
      Temps de demi-pression     SM sévère > 220 msec
      Surface (planimétrie)           SM sévère < 0.6 cm2/m2
      Surface par Pt1/2                 Sm = 220 / Pt1/2 (cm2)
 
Messages pour le chirurgien en cas de sténose mitrale
Description : sténose calcifiée ou rhumatismale, degré de calcification de l’anneau, présence de thrombus dans l’OG et l’AAG, état de l’appareil sous-valvulaire, localisation de la (des) fuite(s) associée(s), direction du (des) jet(s)

Dimensions : diamètres et surface de l’OG, diamètre anneau mitral (60° et 120-140°), taille du VG
Quantification de la surface d’ouverture

Fonction et dimension du VD, état de la valve tricuspidienne (indication à une plastie si diamètre de l'anneau > 4 cm)
   
© CHASSOT PG, BETTEX D. Octobre 2011, Juin 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. BLAIS C, PIBAROT P, DUSMENIL JG, et al. Comparison of valve résistance with effective orifice area regarding flow dependence. Am J Cardiol 2001; 88:45-52
  2. BONOW RO, BRAUNWALD E. Valvular heart disease. In: ZIPES DP, et al, eds. Braunwald’s heart disease. A textbook of cardiovascular medicine. 7th edition. Philadelphie: Elsevier Saunders, 2005, 1553-632
  3. KARAMNOV S, BURBANO-VERA N, HUANG CC, et al. Echocardiographic assessment of mitral stenosis orifice area: a comparison of a novel three-dimensional method versus conventional techniques. Anesth Anlg 2017; 125:774-80
  4. NISHIMURA RA, OTTO CM, BONOW RO, et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the management of patients with valvular heart disease. Circulation 2014; 129:e521-e643
  5. VAHANIAN A, ALFIERI O, ANDREOTTI F, et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012). The Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J 2012; 33:2451-96
  6. WUNDERLICH NC, BEIGEL R, SIEGEL RJ. Management of mitral stenosis using 2D and 3D echo-Doppler imaging. JACC Cardiovasc Imaging 2013; 6:1191-205