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Flux Doppler

Flux Doppler couleur

L’image la plus caractéristique du diagnostic est la présence d’un jet diastolique tourbillonnaire dans la CCVG, dont l’extension en direction du VG est une manière qualitative rapide d’évaluer l’importance de l’IA (Vidéo) [4].


Vidéo: vue long-axe d'une insufissance aortique modérée au flux Doppler couleur.
 
  • IA mineure : jet limité à l’intérieur de la CCVG;
  • IA modérée : jet atteignant l’extrémité du feuillet antérieur de la valve mitrale;
  • IA sévère : jet dépassant le milieu de la cavité ventriculaire.
Cette méthode est peu performante parce qu'elle est tributaire de l’hémodynamique, des réglages de l’appareil et de l’angle d’analyse.
 
  • L’extension du jet dépend de sa Vmax, qui est fonction du ΔP entre l’aorte et le VG en diastole ; elle augmente et diminue parallèlement à la pression diastolique aortique ; elle varie avec la compliance de l’aorte et du VG [1].
  • L'importance du jet et du volume régurgité depend de la durée de la diastole.
  • La taille du jet varie avec le gain couleur ; échelle recommandée : 0.5 – 0.8 m/s.
  • En vues mi-oesophagiennes, la direction du jet est quasi perpendiculaire à l’axe du Doppler ; l’image sous-estime l’importance de l’IA à cause de cet angle. En vues transgastriques, le jet est dirigé vers le capteur et l’effet Doppler est maximal ; le flux couleur tend à surestimer l’IA (Mal aort TG).


    Vidéo: vue transgastrique long-axe 120° d'une sténose aortique accompagnée d'une petite insuffisance.
La morphologie du jet, par contre, est une source de renseignements considérable (Vidéos et Figures 26.83 et 26.84) [3,7,8,9].
 
  • En court-axe (40°), présence d’un flux tourbillonnaire au centre de la valve, entre les cuspides ou aux commissures.
  • Un jet central de symétrie circulaire en long axe 120° traduit une fuite centrale de la valve liée à une dilatation de l’anneau sans lésion des cuspides (IA centrale Marfan).
  • Un jet excentrique (long axe 120°) est du à une lésion de la valve elle-même ; la fuite est dirigée à l’opposé de la cuspide qui prolabe ou du côté de celle qui est rétractée (IA excentr). L'angle entre l'axe de la CCVG et celui du jet est > 40°. La dimension des jets excentriques doit être évaluée dans deux plans orthogonaux car leur symétrie n’est pas circulaire (IA type III 2) (IA type III 3) ; l’axe de l’IA est différent de l’axe du flux antérograde.
  • Le flux couleur comprend 3 zones : la zone d’acélération concentrique (PISA, proximal isovelocity surface area) côté aortique, la vena contracta à la sortie de la valve et la zone tourbillonnaire allant s’élargissant dans la CCVG (IA sévère). L'alignement est correct lorsque les trois zones sont visibles dans le même plan.
  • La présence d’un PISA signe une IA modérée ou sévère (IA > II) ; l’échelle de vélocité (limite de Nyquist) doit être réglé à 0.4 – 0.5 m/s et la mesure faite en protodiastole. Dans les IA modérées, le PISA est faible, aplati et inutilisable pour une quantification. Dans les IA sévères, par contre, il se forme une zone d'accélération concentrique bien visible du côté aortique en diastole qui permet le calcul de la surface de l'orifice de régurgitation comme pour l'IM (voir Quantification de l'IA).
  • Le diamètre de la vena contracta située immédiatement en aval de la valve reproduit la dimension de l’orifice de régurgitation et ne dépend pas de l’hémodynamique ; un diamètre de 3-6 mm correspond à une IA modérée et un diamètre de > 6 mm à une IA sévère.
  • Le rapport entre le diamètre de la vena contracta et celui de la CCVG au même endroit est un indice de quantification de l’IA ; un rapport de 0.3-0.5 correspond à une IA modérée et un rapport de ≥ 0.6 à une IA sévère (Tableau 26.6). La mesure est plus précise en mode TM.
  • La planimétrie en 2D ou 3D évite l'approximation imposée par le 2D qui suppose que l'orifice du flux est circulaire, alors qu'il est typiquement triangulaire, elliptique ou en fente.


    Vidéo: vue court-axe 50° d'une insuffisance aortique centrale.


    Vidéo: vues orthogonales simultanées long-axe et court-axe d'une insuffisance aortique modérée.


    Vidéo: insuffisance aortique excentrique (bascule de la cuspide droite) en vue long-axe mi-oesophagienne.


    Vidéo: insuffisance aortique excentrique en vue long-axe transgastrique.


    Vidéo: vue court-axe 40° d'une insuffisance aortique sévère par non-coaptation des cuspides coronaire gauche et non-coronaire.


    Vidéo: vue long-axe 120° de la même insuffisance aortique que la vidéo précédente; le plan coupe le jet d'IA dans sa grande largeur.


    Vidéo: vue long-axe 120° d'une insuffisance aortique sévère (largeur du jet > 50% de la CCVG); présence d'une zone d'accélération concentrique (PISA) côté aortique.


Figure 26.83 : Schémas du jet d'insuffisance aortique. A : jet d’IA centrale en cas de dilatation de l’anneau (maladie de la racine de l’aorte). B : jet excentrique an cas de lésion d’une cuspide aortique (prolapsus); l'angle entre l'axe de la CCVG et celui du jet est > 45°. C : vena contracta à la sortie de la valve et PISA du côté de la racine aortique. D : rapport du diamètre du jet (flèche bleue) à celui de la chambre de chasse (flèche blanche) au même niveau.



Figure 26.84 : Vues différentes du jet d'insuffisance aortique. A : jet central en vue long-axe. B: jet excentrique en vue long-axe. C: section du jet au niveau de la valve en vue court-axe. D: jet central en vue transgastrique long-axe 120°; ce jet minuscule est mal visible en vue mi-oeosophagienne parce que les ultrasons lui sont perpendiculaires alors que l'alignement est correct en vue transgastrique.


Les mesures sont plus fiables dans les IA centrales que dans les IA excentriques [4]. En effet, ces dernières sont liées à une déformation de la valve et peuvent provenir d’un orifice en forme de fente situé à la commissure entre deux cuspides. Leur dimension est alors très différente dans deux plans orthogonaux. Il faut donc les observer à 0°, 40° et 120° en vues mi-oesophagiennes pour en déterminer la géométrie exacte. Dans une maladie aortique, l’axe de l’IA n’est souvent pas le même que l’axe du flux antérograde. Les mesures de flux sont habituellement exécutées en protodiastole lorsque le gradient transvalvulaire est maximal [6].
 

Flux Doppler spectral

Le flux de l’IA enregistré au Doppler continu en vue transgastrique donne une trace spectrale dirigée vers le capteur, dont la silhouette trapézoïdale est caractéristique (Figure 26.85) [2,3].
 
  • Vélocité maximale : 3-4 m/s. ; la densité de la trace est fonction de l’importance de l’IA.
  • Décélération progressive au cours de la diastole ; la pente de cette décélération est directement fonction de la vitesse avec laquelle s’égalisent les pressions entre l’aorte et le VG. Si l’orifice de régurgitation est petit (IA mineure), le ΔP entre l’aorte et le ventricule diminue peu en cours de diastole et la pente est faible. Si l’orifice est grand (IA sévère), le ΔP baisse rapidement au fur et à mesure que le VG se remplit ; la pente est très forte.
  • La vélocité télédiastolique permet de mesurer la Ptd du VG ; la Vmax à laquelle le flux cesse en fin de diastole correspond au ?P entre la pression aortique (PA) et la pression intraventriculaire (ΔP = 4 VIA2) ; en soustrayant ce ΔP de la PA diastolique, on obtient la Ptd du VG.
  • La confusion est possible entre le flux d'IA et le flux de sténose mitrale (SM), car tous deux sont des jets diastoliques dirigés vers l'apex. Ils se différencient par leur Vmax (1-2 m/s pour la SM et 3-4 m/s pour l'IA) et par leur durée: le flux d'IA débute dès la fermeture de la valve aortique, est présent pendant la phase de relaxation isovolumétrique (RI), pendant toute la diastole, et se termine seulement à l'ouverture de la valve aortique, alors que le flux de la SM commence après la RI et finit à la fermeture de la valve mitrale, avant la contraction isovolumétrique (Figure 26.86).


Figure 26.85 : Exemple de flux d'insuffisance diastolique obtenu au Doppler continu par voie transgastrique long axe 120°. La forme de l'image spectrale est trapézoïdale et la Vmax est de 4 m/s; la pente de décélération est faible car il s'agit d'une IA modérée dans le cadre d'une maladie aortique (sténose + insuffisance). IA: flux d'insuffisance aortique. SA: flux de sténose aortique. Vtd: vélocité en fin de diastole représentant le gradient de pression entre la pression artérielle diastolique et la pression télédiastolique du VG.



Figure 26.86 : Synchronisation des flux d'insuffisance aortique et de sténose mitrale en mode TM. Le flux de l'IA dure de la fermeture de la valve aortique (FA) jusqu'à son ouverture (OA), alors que le flux mitral commence après la phase de relaxation isovolumétrique à l'ouverture de la valve mitrale (OM) pour se terminer à sa fermeture, avant la contraction isovolumétrique (FM). Le traitillé représente les mouvements de la valve aortique et le pointillé ceux de la valve mitrale.

La mesure de la pente de décélération de l’IA est une technique pour quantifier l'importance de l'IA par le calcul du temps de demi-pression (Pt1/2), qui est le temps nécessaire pour que la pression décroisse de 50% ou la Vmax de 0.7 (voir Quantification de l'IA) [2]. La densité de la trace à l'écran, par contre, n'est pas un indice de l'importance de l'IA (contrairement à l'IM).

Lorsque l’IA fuit dans le VG, un reflux diastolique apparaît dans l’aorte. Ce flux rétrograde, qui est proportionnel au degré de régurgitation, est visible d’autant plus loin dans l’aorte que la fuite est plus importante [5]. En cas d’IA sévère, il est visible dans toute l’aorte thoracique: en plaçant l’axe Doppler le long du bord de l’écran en long axe 90° de l’aorte descendante, on voit un flux rétrograde holodiastolique de Vmax > 0.2 m/s (Vmax 0.3 – 0.5 m/s) (Figure 26.87). Sa présence seulement dans l'aorte ascendante et la crosse ou sa durée seulement protodiastolique sont des critères parlant pour une IA modérée mais non sévère. L’intégrale des vélocités (ITV) du flux diastolique peut être voisine de celle du flux systolique sans que le volume systolique (VS) antérograde soit compromis car l’aorte se dilate en systole et sa surface augmente (VS  =  S • ITV).



Figure 26.87 : Flux dans l’aorte descendante en cas d’IA sévère, avec présence d’un reflux holodiastolique important (flèches). Le flux est enregistré avec l’axe du Doppler continu le long du bord de l’écran pour être le plus en ligne possible avec le flux dans l’aorte descendante vue en long axe (90-120°). A: IA sévère. B: IA modérée-à-sévère.

Un reflux diastolique dans l'aorte thoracique se rencontre également en cas de rigidité de l'aorte (sénescence), de canal artériel, de fistule artério-veineuse au membre supérieur ou de dissection aortique.

Le remplissage du VG par le flux de l’IA a lieu sous une pression supérieure à celle du flux mitral. Lorsque l’IA est majeure, ceci conduit à une restriction du flux mitral :
 
  • Flux E bref, durée de décélération raccourcie (< 140 msec);
  • Flux A minime ou absent;
  • Fermeture prématurée de la valve mitrale;
  • Eventuellement IM télédiastolique de basse vélocité.  
 
Insuffisance aortique (IA) : flux Doppler
Doppler couleur (limite de Nyquist 0.5-0.8 m/s)
    - Flux tourbillonnaire diastolique entre les cuspides et dans la CCVG
    - PISA en amont (côté aorte ascendante)
    - Extension du jet : < 2 cm (IA mineure), longueur du feuillet mitral antérieur (IA modérée), mi-ventriculaire (IA sévère) ;
       dépend de l’hémodynamique (pression aortique diastolique, compliance VG)
    - Dimension du jet: IA plus grande en vue  transgastrique qu'en vue mi-oesophage

Doppler spectral (en vues transgastriques 0° et/ou 120°)
    - Vmax 3-4 m/s
    - Pente de décélération proportionnelle à la surface de l’orifice de régurgitation


© CHASSOT PG, BETTEX D. Octobre 2011, Juin 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. CHERRY SV, JAIN P, RODRIGUEZ-BLANCO YF, FABBRO M. Noninvasive evaluation of native valvular regurgitation: a review of the 2017 American Society of Echocardiography Guidelines for the perioperative echocardiographer. J Cardiothorac Vasc Anesth 2018; 32:811-22
  2. GRAYBURN PA, HANDSHOE R, SMITH MD, et al. Quantitative assessment of the hemodynamic consquences of aortic regurgitation by means of continuous wave Doppler recordings. J Am Coll Cardiol 1987; 10:135-41
  3. LANCELLOTTI P, TRIBOUILLOY C, HAGENDORFF A, et al. Recommendations for the echocardiographic assessment of native valvular regurugitation: an executive summary from the EACI. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2013; 14:611-44
  4. PERRY GJ, HELMCKE F, NANDA NC, et al. Evaluation of aortic insufficiency by Doppler color flow mapping. J Am Coll Cardiol 1987; 9:952-9
  5. SUTTON DC, KLUGER R, AHMED SU, et al. Flow reversal in the descending aorta: a guide to intraoperative assessment of aortic regurgitation with transesophageal echocardiography. J Thorac Cardiovasc Surg 1994; 108:576-82
  6. SZYMANSKI T, MASLOW A, MAHMOOD F, et al. Three-dimensional imaging of the repaired aortic valve. J Cardiothorac Vasc Anesth 2016; 30:1599-610
  7. ZOGHBI WA, ADAMS D, BONOW RO, et al. Recommendations for noninvasive evaluation of native valvular regurgitation: a report from the ASE developped in collaboration with the SCMR. J Am Soc Echocardiogr 2017; 30:303-71
  8. ZOGHBI WA, ENRIQUEZ-SARANO M, FOSTER E, et al. Recommendations for evaluation of the severity of native valvular regurgitation with two-dimensional and Doppler echocardiography. Eur J Echocardiogr 2003; 4:237-61
  9. ZOGHBI WA, ENRIQUEZ-SARANO M, FOSTER E, et al. Recommendations for evaluation of the severity of native valvular regurgitation with two-dimensional and Doppler echocardiography. J Am Soc Echocardiogr 2003; 16:777-802