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Principes pour l'anesthésie en cas de CMD 

L'anesthésie pour un malade souffrant de cardiomyopathie dilatative (CMD) est basée sur les mêmes principes que lors de défaillance cardiaque systolique, abordée en détail au Chapitre 12 (Anesthésie en cas d'insuffisance ventriculaire). Elle vise en premier lieu la stabilité hémodynamique. L'anesthésie loco-régionale rachidienne n'est pas moins perturbatrice que l'anesthésie générale ; d'autre part, beaucoup de ces patients sont anticoagulés à cause d’une FA ou de thrombose intracavitaire. Les blocs périphériques sont conseillés lorsqu'ils sont possibles. Les recommandations sont les mêmes que pour toute défaillance ventriculaire majeure avec dilatation du VG [1,2,4].
 
  • Maintien de la stabilité hémodynamique :
    • Précharge maintenue sans surcharge ; éviter l’hypovolémie et surtout l’hypervolémie.
    • Réduction du volume télédiastolique ventriculaire à cause du risque de dilatation.
    • Postcharge abaissée (vasodilatation artérielle); éviter de régler la pression artérielle avec un vasoconstricteur.
    • Agents inotropes selon besoin (dobutamine, milrinone, adrénaline, levosimendan).
    • Maintien du rythme sinusal; éviter la tachycardie (mVO2 excessive) et la bradycardie (risque de dilatation du VG).
  • Choisir la technique et les médicaments en fonction de leur stabilité hémodynamique :
    • Substances sans effet inotrope négatif.
    • Induction : préférence pour étomidate et fentanyl/sufentanil.
    • Entretien : opiacé (fentanyl, sufentanil), isoflurane ou sevoflurane à ≤ 1 MAC, midazolam ou propofol en perfusion à faible dose.
    • Assurer l’anesthésie en auto-pilote pour pouvoir porter toute l’attention aux problèmes hémodynamiques et à la gestion des perfusions.
  • Mise en place du cathéter artériel mandatoire avant l’induction et test de tolérance à l’IPPV par une manœuvre de Valsalva. 
  • Induction lente, dosages standards diminués de moitié.
  • Monitorage:
    • Cathéter artériel et PVC pour toute intervention intermédiaire ou majeure.
    • ETO si disponible; à défaut, Doppler oesophagien.
    • PiCCO, cathéter de Swan-Ganz selon besoin.
  • Ventilation normobarique (Pit moy 6-10 cm H2O) ; hyperventilation si hypertension pulmonaire. Etant une assistance à l'éjection du VG par la baisse de postcharge qu'elle réalise, l'IPPV est bien tolérée dans les cas de cardiomyopathie dilatative.
  • Correction immédiate de toute déviation hémodynamique en sous-corrigeant le paramètre :
    • Viser PAM 70-75 mmHg.
    • Maintenir l’hémodynamique par des agents spécifiques (vasodilatateurs, vasoconstricteurs, agents inotropes) ; éviter de modifier la profondeur de l’anesthésie.
  • Si PAP élevée et dysfonction du VD : hyperventilation, dobutamine, milrinone, NO, prostaglandines, nitroglycérine.
  • Maintien de la normothermie.
  • Seuil de transfusion à Hb 90-100 g/L.
  • Correction rapide des altérations du pH, des électrolytes et de la glycémie.
  • Correction des arythmies et de la désynchronisation AV (pace-maker double-chambre).
  • Dans certaines cardiomyopathies dilatatives infectieuses comme lors de maladie de Chagas, la situation se complique de plusieurs problèmes [3,5]:
    • Dysfonction autonome et atteinte du tissu de conduction (bloc fasciculaire, bloc AV).
    • Risque thrombo-embolique élevé: 50% des malades présentent un anévrysme apical avec un taux élevé de thrombus intraventriculaire; l'anticoagulation est routinière.
    • Faible réponse aux agents β-inotoropes à cause d'une diminution des β-récepteurs due aux anticorps IgG.
    • Excès d'endothéline: vasoconstriction systémique et pulmonaire. 
    • Atteinte oesophagienne (dysphagie, reflux, méga-oeosphage): risque de régurgitation à l'induction ou de perforation au passage de la sonde oesophagienne; l'ETO peropératoire peut être contre-indiquée.
  • Quel que soit le type d'intervention, l'anesthésie est gérée en fonction de la défaillance ventriculaire et non en fonction de la chirurgie; même pour des interventions mineures, une attitude précautionneuse et proactive est de règle.
Le réveil est une période aussi difficile que l'induction, parce que le VG perd l'assistance à l'éjection que lui fournissait la ventilation en pression positive, et parce que la demande métabolique augmente considérablement (douleur, frisson, réchauffement, etc). Tant que la situation est instable, il est prudent de maintenir une assistance ventilatoire et de n'extuber le patient que lorsqu'il est normothermique et normocarde. 
 
 
Anesthésie en cas de cardiomyopathie dilatative
Principes de base :
    - Précharge maintenue sans surcharge
    - Postcharge basse
    - Fréquence normale et rythme sinusal
    - Soutien inotrope en général nécessaire (catécholamine à effet β, milrinone, lévosimendan)
    - Eviter toute substance à effet inotrope négatif
    - Monitorage invasif: cathéter artériel placé avant l’induction, ETO; PiCCO ou cathéter Swan-Ganz selon besoin
    - Induction lente (étomidate, fentanyl/sufentanil)
    - IPPV bien tolérée dans l'insuffisance systolique du VG
    - Réveil précautionneux


© CHASSOT PG  Septembre 2007 Dernière mise à jour Décembre 2019
 
     
Références
 
  1. DAVIES MR, COUSINS J. Cardiomyopathy and anaesthesia. Contin Educ Anaesth Crit Care Pain 2009; 9:189-93
  2. JAPP AG, GULATI A, COOK SA, et al. The diagnosis and evaluation of dilated cardiomyopathy. J Am Coll Cardiol 2016; 67:2996-3010
  3. LECKIE RS, LECKIE S, MAHMOOD F. Perioperative management of a patient with Chagas disease having mitral valve surgery. J Clin Anesth 2009; 21:282-5
  4. PONIKOWSKI P, VOORS AA, ANKER SD, et al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chornic heart failure. Eur Heart J 2016; 37:2129-2200 41
  5. ROSCOE A, TOMEY MI, TORREGROSSA G, et al. Chagas cardiomyopathy: a comprehensive perioperative review. J Cardiothorac Vasc Anesth 2018; 32:2780-8