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Anesthésie pour ablation interventionnelle
Les malades programmés pour une ablation d'arythmie souffrent en général de nombreuses comorbidités liées à leur âge et à leur status. Beaucoup pâtissent de dysfonction ventriculaire, d'ischémie myocardique et de cicatrice d'infarctus. Ces pathologies entrent évidemment en compte dans le choix de la technique d'anesthésie. Les interventions par cathétérisme se déroulent en général dans des salles dédiées en-dehors du bloc opératoire (remote locations) où les conditions de réanimation et les possibilités d'aide sont réduites. Pour l'équipe d'anesthésie, les conditions de travail sont celles d'une salle de cathétérisme encombrée d'appareils complexes (arc-en-C radiologique, console de cartographie électrocardiographique, système de reconstruction 3D, échocardiographie transoesophagienne ou intracardiaque). L'accès au patient est restreint. L'appareil d'anesthésie est à distance du patient, ce qui implique de disposer de rallonges (câbles de monitorage, voies veineuses, perfusions).
Intervention chirurgicale
Le principe du traitement chirurgical de la FA a été décrit précédemment (voir Traitements anti-arythmiques): l'opération de Cox-maze consiste à interrompre les circuits de réentrées en incisant la paroi auriculaire gauche selon un trajet qui isole les veines pulmonaires et l'appendice auriculaire gauche, et ralentit la progression de l'influx électrique jusqu'au nœud atrio-ventriculaire (voir Figure 20.21) [4,6]. A cet effet, on peut utiliser une thermo-ablation par ondes herziennes ou micro-ondes (60°C), ou une cryo-ablation avec une sonde à circulation d’azote liquide (- 50°C). L’opération a lieu en CEC sous arrêt par cardioplégie. Elle est le plus souvent réalisée en association avec une autre intervention cardiaque (pontages aorto-coronariens, chirurgie valvulaire) chez des malades qui souffrent de FA persistante et symptomatique malgré un traitement médicamenteux adéquat; elle est particulièrement efficace en cas de FA associée à une insuffisance ventriculaire car elle réduit de moitié le risque de mortalité et de décompensation gauche (OR 0.53) [12]. Le risque hémorragique et le prolongement du temps opératoire sont modérés. Les résultats à long terme montrent que 60-82% des malades restent en rythme sinusal par la suite, même si les oreillettes ne contribuent que partiellement au remplissage ventriculaire parce que leur force propulsive est réduite [3,11,15]. La sécrétion de peptide natriurétique étant diminuée par cette intervention, les malades présentent souvent une rétention hydrique dans le postopératoire [1].
Comme l'opération se déroule au cours de la CEC avec arrêt cardiaque par cardioplégie requis pour les pontages aorto-coronariens ou le remplacement valvulaire chez un malade en FA, la technique d'anesthésie n'a rien de spécifique; elle est identique à celle requise pour l'intervention première dont le maze n'est qu'une prolongation. Le type de monitorage est dicté par le status hémodynamique du patient (voir Chapitre 6).
Ablation par cathétérisme
La même technique de cryo- ou de thermo-ablation peut être pratiquée par voie endovasculaire percutanée de manière beaucoup moins invasive avec des résultats équivalents (voir Figure 20.22). Cette procédure est également utilisée pour supprimer les tachycardies par réentrée comme le syndrome de Wolff-Parkinson-White, la tachycardie du nœud AV, la tachycardie jonctionnelle ou la tachycardie ventriculaire (TV). Le but de l'anesthésie est d'assurer le confort du patient, son immobilité, et la prise en charge de la ventilation et de l'hémodynamnique. En général, l’intervention est réalisée sous simple sédation, mais celle-ci doit être suffisamment profonde pour que le patient ne bouge pas. Même si la respiration est assistée sous forme de CPAP ou de BiPAP, le risque d'hypoventilation est réel. L'anesthésie générale est donc avantageuse lorsque la procédure est complexe et longue (jusqu'à 8 heures), mais la profondeur de l'AG doit s'adapter aux différentes phases de l'intervention. L'anesthésie générale permet des périodes d'apnées contrôlées pour éviter tout mouvement du cœur et des poumons; on peut également utiliser un mode ventilatoire qui induit peu de déplacement avec un volume courant réduit (200-300 mL), une fréquence élevée (25-30 respir/min) et un rapport I:E bas (1:3-1:4) [14]. Elle est nécessaire lorsqu’une échocardiographie transoesophagienne est requise pour exclure un thrombus auriculaire ou pour le monitorage fonctionnel. On évite d’utiliser des myorelaxants de longue durée de manière à pouvoir reconnaître une stimulation éventuelle du nerf phrénique pendant le pacing d’exploration [2]; le rocuronium convient bien de ce point de vue. L’administration liquidienne destinée à refroidir la sonde doit être prise en compte dans le bilan hydrique, car elle peut représenter jusqu'à 1-2 litres supplémentaires de cristalloïdes intravasculaires (2 mL/min en continu et 30 mL/min pendant les phases d'ablation) [13].
Le choix des agents d'anesthésie est dicté par les conditions hémodynamiques du patient, mais avec l'optique d'une extubation sur table en cas d'anesthésie générale. Une technique intraveineuse (TIVA avec propofol-rémifentanil) est préférable aux halogénés, car ces derniers tendent à allonger la période réfractaire des faisceaux de conductions aberrants et l'intervalle QT, et à retarder le déclenchement des arythmies; le sevoflurane semble être le plus dépourvu d'effet arythmogène, alors que le desflurane tend à augmenter le risque d'arythmie [2,13]. Il est bon de rester restrictif sur la dose de rémifentanil, parce que l'intervention est indolore et parce que la substance ralentit le nœud du sinus et la conduction AV; le sufentanil à doses élevées allonge l'intervalle QT [17]. Le propofol a peu d'effet sur le déclenchement des arythmies et sur la conduction intracardiaque, mais il inhibe la stimulation sympathique et peut de ce fait freiner les arythmies catécholamino-dépendantes [13]. La dexmédétomidine possède des propriétés anti-arythmiques bienvenues en salle d'opération mais contre-productives lorsqu'il s'agit de déclencher et inhiber une FA ou une TV [13,16]. Seuls peuvent en bénéficier les malades qui souffrent de TV itérative (VT storm) chez qui il faut réduire la stimulation sympathique.
Le monitorage comprend les mesures de base (SpO2, PetCO2, relaxographe, etc) et une mesure invasive de la pression artérielle en raison des larges variations de l'hémodynamique, des périodes d'arythmies sans pouls et des risques de surcharge hydrique. A défaut de cathéter artériel, il est possible de disposer d'une lecture de pression sur l'introducteur ou le cathéter de cardiologie interventionnelle. Chez les patients particulièrement instables, une assistance ventriculaire momentanée (Impella™, TandemHeart™) peut s'avérer nécessaire. La contrepulsion intra-aortique est par contre inefficace dans une situation de tachy-arythmie [13]. Conserver la normothermie est la règle (T° rectale); la mesure oesophagienne est modifiée par les écarts de température occasionnés par la thermo- ou la cryo-ablation sur la paroi postérieure de l'OG.
L'anticoagulation préopératoire (dabigatran, xabans, AVK) peut être maintenue avant l'intervention, seule est supprimée la dose du matin de la procédure. Le cathétérisme se déroule sous perfusion d'héparine non-fractionnée pour un ACT de 300-400 secondes; cette valeur doit être atteinte lorsque le cathéter pénètre dans l'OG par ponction trans-septale [2]. Si la FA date de plus de 48 heures, une échocardiographie transoesophagienne doit contrôler l’absence de thrombus auriculaire, car la présence de ce dernier est une contre-indication à l'intervention. A défaut d'ETO, trois semaines d'anticoagulation sont requises avant de procéder à l'ablation [9]. Il est nécessaire de continuer l'anticoagulation dans le postopératoire pour 1-2 mois [5]. Si le score CHA2DS2-VASc est faible (0-1), l'anticoagulation peut être arrêtée à ce moment et remplacée par de l'aspirine, mais si le score est ≥ 2, elle doit être continuée à vie [8].
Les complications sont essentiellement la perforation, la tamponnade, les lésions vasculaires et la thrombo-embolie avec ictus en cas d'intervention dans les cavités gauches. La mortalité de la procédure est < 5% [7,10].
Ablation interventionnelle de la FA et de la TV |
L’opération de maze consiste à isoler l’origine des veines pulmonaires, à exciser l’appendice auriculaire gauche, et à interrompre les circuits de réentrée les plus courants par des incisions qui dirigent l’influx du nœud du sinus vers le nœud AV, en ménageant des culs-de-sac pour activer le reste des oreillettes sans possibilité de conduction ni de réentrée. Intervention en CEC sous arrêt par cardioplégie; technique d'anesthésie selon la pathologie de base justifiant l'intervention cardiaque.
Ablation par cathétérisme: sédation profonde ou anesthésie générale. But: assurer le confort du malade, l'immobilité, la ventilation et l'équilibre hémodynamique. Si AG: anesthésie intraveineuse (TIVA propofol/rémifentanil par exemple), normothermie, surveillance de la température oesophagienne (lésion thermique), réveil et extubation immédiats.
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© CHASSOT PG, RANCATI V, Mars 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
Références
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