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Sites de ponction

En chirurgie cardiaque, le choix du site de ponction est lié à six contingences particulières: 
 
  • Site de canulation chirurgicale (CEC, endoprothèses) ;
  • Possibilité de pouvoir flotter un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ;
  • Risques techniques : hémorragie, ponction artérielle, pneumothorax, anticoagulation ;
  • Accès peropératoire aisé ;
  • Possibilité de maintien à long terme;
  • Technique de préférence de l’anesthésiste.
     
De nombreux sites d'accès sont possibles, chacun ayant ses avantages et ses défauts. Une bonne connaissance de l’anatomie est évidemment essentielle à la réussite de la ponction veineuse centrale (Figure 6.9). 


 
Figure 6.9 : Illustration anatomique des vaisseaux du cou démontrant les relations entre la veine jugulaire interne, la carotide commune et les vaisseaux sous-claviers. A : point de ponction haut (technique de Boulanger); la jugulaire et la carotide interne sont parallèles. B : point de ponction bas  (technique du sommet du triangle inter-sterno-cléïdo-mastoïdien) ; à cet endroit, la jugulaire et la carotide s’éloignent l’une de l’autre. On voit aussi que le trajet jusqu’à la VCS est assez rectiligne depuis les jugulaires internes et depuis la sous-clavière gauche ; depuis la sous-clavière droite, par contre, il faut franchir un angle presque droit. Une rotation excessive de la tête du patient vers la gauche augmente le recouvrement de la carotide par la jugulaire interne au niveau du point de ponction A ; le risque de ponction artérielle accidentelle augmente.
 
D'une manière générale, les chances de placement en veine cave supérieure (VCS) sont par ordre décroissant : jugulaire interne droite, sous-clavière gauche, sous-clavière droite, jugulaire interne gauche, basilique, jugulaire externe [4,5]. 
 
Veine jugulaire interne droite
 
La jugulaire interne droite est la solution largement préférable à toutes les autres, elle offre le meilleur taux de placement car elle est quasiment alignée avec la VCS; elle est accessible en peropératoire et permet le passage d'un cathéter pulmonaire Swan-Ganz. Parmi les 17 techniques de ponction relevées dans la littérature, les voies habituellement recommandées en chirurgie cardiaque sont celles de Boulanger (Figure 6.10A) et celle du sommet du triangle inter-sterno-cléido-mastoïdien (Figure 6.10B) [1]. 


 
Figure 6.10A : Ponction de la veine jugulaire interne: voie antérieure haute dite de Boulanger [1]. Technique:
 
  • Cou en légère extension, tête un peu tournée en direction du côté opposé pour dégager le menton (< 45°), bras ipsilatéral le long du corps.
  • Palpation de la carotide au niveau du cartilage thyroïde (pomme d’Adam = C4).
  • La main gauche palpe la carotide sans appuyer.
  • Ponction à l'extérieur de la carotide, parallèle à cette dernière, avec 30° d'angle par rapport au plan frontal, en direction du mamelon; la direction de ponction éloigne l'aiguille de la carotide. La ponction est située sur le bord interne du sterno-cléido-mastoïdien, non à travers le muscle.

 
Figure 6.10B : Ponction de la veine jugulaire interne: voie antérieure basse dite du sommet du triangle. Technique:
 
  • Cou en légère extension, tête un peu tournée en direction du côté opposé de manière à dégager le menton (< 45°), bras ipsilatéral le long du corps.
  • Palpation du sommet du triangle formé par les deux chefs du sterno-cléïdo-mastoïdien et la clavicule. On repère d'abord le creux sus-sternal, puis le chef sternal du sterno-cléïdo-mastoïdien; le triangle se trouve immédiatement à l'extérieur de ce dernier. Son sommet est repéré en remontant en direction céphalique. Il est facile de confondre ce triangle avec l'espace qui se trouve entre le chef claviculaire du sterno-cléïdo-mastoïdien et le scalène antérieur.
  • La carotide, qu'il n'est pas besoin de palper, suit le bord interne de ce triangle, alors que la jugulaire en suit le bord externe.
  • Ponction en direction du mamelon ispsilatéral, avec 45° d'angle par rapport au plan frontal.
  • La jugulaire interne est plus profonde qu'en position de Boulanger.
  • Une ponction trop profonde peut atteindre l'artère sous-clavière et/ou le dôme pleural.
     
Cette préférence pour des voies antérieures et basses qui s'éloignent de la carotide mais se rapprochent du dôme pleural se justifie parce que le risque de ponctionner une carotide avant l'anticoagulation de la CEC est plus grave que celui d’occasionner un pneumothorax avant d'ouvrir le sternum. La voie postérieure, qui diminue le risque de pneumothorax mais augmente celui de ponction carotidienne, n'est pas le choix recommandé en chirurgie cardio-thoracique. La sténose carotidienne symptomatique instable du même côté est une contre-indication relative à la voie jugulaire. Le repérage par ultrasons améliore le taux de succès et diminue celui des complications. Si l’on n’en dispose pas, il est prudent de repérer le vaisseau avec une aiguille fine (22G) avant la ponction de canulation.
 
Veine jugulaire interne gauche
 
Le trajet de la jugulaire interne gauche  étant moins direct, le taux de placement en veine cave supérieure est moins bon. La proximité du canal thoracique présente un risque supplémentaire ; il faut impérativement éviter la voie postérieure pour éviter de léser ce dernier. Pour les droitiers, la ponction veineuse et la palpation simultanée de la carotide sont malaisées ; il est préférable de palper les repères de la main droite et ponctionner avec la gauche. La voie par le sommet du triangle (voie antérieure basse) est plus facile parce qu’elle ne nécessite pas la palpation simultanée de la carotide. Ici aussi, le repérage préalable à l’aiguille fine ou la ponction sous contrôle ultrasonographique sont vivement conseillés.
 
Veines sous-clavières
 
La sous-clavière a une position anatomique fixe, et son accès est relativement aisé. Elle est une bonne alternative à la jugulaire interne (Figure 6.11).
 



Figure 6.11 : Ponction de la veine sous-clavière. Technique:
 
  • Une alèze est placée sous la colonne au niveau scapulaire de manière à faire tomber le moignon de l'épaule; la tête est tournée du côté opposé; le bras ipsilatéral est tiré le long du corps [2].
  • Le pouce de la main gauche déprime le moignon de l'épaule et la peau au point de ponction, l’index tient lieu de repère dans le creux sus-sternal (notch). 
  • Ponction à la jonction du tiers moyen et du tiers distal de la clavicule, au niveau de la tubérosité du deltoïde, à son bord inférieur.
  • Introduction de l'aiguille sous la clavicule.
  • Direction de ponction horizontale vers le creux sus-sternal, dans le plan frontal ; plus la direction est céphalique et postérieure, plus le risque est grand de ponctionner l’artère sous-clavière. La direction de l’aiguille indiquée sur l’image est celle nécessaire à passer sous la clavicule ; l’aiguille prend une direction horizontale dans la direction de l'index dès qu’elle s’est introduite entre la clavicule et la première côte.
  • Sous-clavière gauche : excellente solution pour la stabilité et le confort à long terme. Le pneumothorax ou l'hémothorax ne sont pas particulièrement dangereux en anesthésie cardiaque, car ils peuvent être drainés lors de la sternotomie. Par contre, l'ouverture et l'écartement  du sternum occasionnent souvent une coudure du cathéter dans cette position ; il devient alors impossible de mobiliser ou d'introduire un cathéter de Swan-Ganz, voire même d'y effectuer des mesures hémodynamiques tant que l'écarteur est en place. 
  • Sous-clavière droite : mêmes remarques que ci-dessus, mais avec un taux de placement en OD moins bon vu l'angle plus aigu entre ce vaisseau et la VCS. Cette voie est impossible en cas de canulation sous-clavière pour la CEC.
     
Le trajet sous-cutané étant plus long dans la ponction sous-clavière que dans la ponction jugulaire, le risque infectieux est moindre. De plus, la voie est beaucoup plus stable et plus confortable pour le malade [3]. Une ponction malencontreuse de l’artère sous-clavière peut compromettre l’utilisation de la mammaire interne pour un pontage coronarien.
 
Autres accès veineux centraux
 
Divers autres possibilités s'offrent à l'anesthésiste, mais leur taux de placement dans la veine cave supérieure est médiocre (veines brachiales, jugulaires externes), ou leur accès impossible en peropératoire (veine fémorale).
 
  • Veines basiliques : le taux de placement est plus faible qu'avec les choix précédents, et les possibilités de passer un cathéter pulmonaire sont mauvaises. Le seul avantage tient à l'innocuité de la ponction et à l'absence de risque hémorragique chez les patients dont la coagulation est anormale. Le site de ponction est inaccessible en peropératoire lorsque le patient a les bras le long du corps. Cette voie ne peut guère être laissée en place plus de trois jours. Elle n'est pas adéquate pour la chirurgie cardiaque. 
  • Jugulaires externes : vu la difficulté importante à descendre en VCS, notamment à cause d’une valvule à la jonction avec la veine sous-clavière, et l’impossibilité d’y coulisser un cathéter pulmonaire, elles ne sont pas recommandées comme site de ponction pour voie centrale. En revanche, elles sont une voie pratique pour placer un cathéter court de gros calibre et de bon accès (14G), avec l'avantage d'une absence de risque hémorragique en cas d'anticoagulation. Malgré leur visibilité, les jugulaires externes sont malaisées à ponctionner car elles collabent aisément. Il est judicieux de franchir la peau à > 1 cm en amont du point d'entrée présumé dans la veine, de manière à ce que le cathéter soit librement orientable dans le tissu sous-cutané et avancé bien dans l'axe du vaisseau; le reflux dans le cathéter est souvent faible.
  • Veine fémorale : solution de secours en cas de réanimation ou de rechange éventuel en cas de difficulté. La veine fémorale se trouve du côté interne de l’artère ; en palpant cette dernière, on pique 1 cm en dessous du ligament inguinal et 1 cm côté médian avec un angle de 45° en visant le nombril ; la veine est à 2-4 cm de profondeur. Son accès peropératoire est impossible, sauf en neurochirurgie. Les risques thrombogènes et infectieux (environ 20%) de cette voie sont excessifs pour justifier son utilisation courante.
     
 
Voie veineuse centrale : sites de ponction
En chirurgie cardiaque, le site de ponction de la voie centrale doit rendre cette dernière accessible en peropératoire, permettre l’installation d’un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz et ne pas interférer avec la canulation de CEC. Les sites sont par ordre de préférence :
    - Veine jugulaire interne droite 
    - Veine sous-clavière 
    - Veine jugulaire interne gauche 
    - Les veines jugulaires externes et basiliques ne sont que des solutions de dépannage


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Août 2017
 
 
Références
 
  1. BOULANGER M, DELVA E, PAIEMENT JM. Une nouvelle voie d'abord de la veine jugulaire interne. Can Anaesth Soc J 1976; 23:609
  2. KITAGAWA N, ODA M, TOTOKI T, et al. Proper shoulder position for subclavian venipuncture. Anesthesiology 2004; 101:1306-12
  3. PARIENTI JJ, MONGARDON N, MEGARBANE B, et al. Intravascular complications of central venous catheterization by insertion site. N Engl J Med 2015; 373:1220-9
  4. RUPP SM, APFELBAUM JL, BLITT C, et al. Practice Guidelines for central venous access. A report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on central venous access. Anesthesiology 2012; 116:539-73
  5. TROIANOS CA, HARTMAN GS, GLAS KE, et al. Guidelines for performing ultrasound-guided vascular cannulation: Recommendations of the American Society of Echocardiography and the Society of Cardiovascular Anesthesiologists. Anesth Analg 2012; 114:46-79
 
 
06. Le monitorage en anesthésie cardiaque