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Monitorage de la volémie 

Les variations de volume circulant sont fréquentes et rapides en salle d’opération. Leur surveillance est une fonction prioritaire du monitorage. L’anesthésiste pose habituellement le diagnostic d’hypovolémie sur la conjonction de plusieurs critères.
 
  • Hypotension artérielle systémique (systolique, diastolique et moyenne).
  • Diminution de la pression différentielle (PAdiff) ou pression pulsée (PP) : PAs – PAd (pulsus parvus et celer).
  • Aspect étroit et pointu de la courbe de pression invasive.
  • Accentuation des variations respiratoires de la pression artérielle en ventilation mécanique.
  • Tachycardie (diminuée sous anesthésie).
  • Hypotension artérielle pulmonaire.
  • Pression veineuse centrale basse (PVC, PAPO et Pcap basses).
  • Oligo-anurie.
Malheureusement, aucun de ces éléments n’est pathognomonique de l’hypovolémie. D'autre part, le patient sous anesthésie générale ou loco-régionale rachidienne subit une sympathicolyse importante qui diminue sa réactivité à la chute du volume circulant et freine la réponse tachycardisante. En cas de chute brusque et isolée de la précharge comme lors d'une compression veineuse, le réflexe de Bezold-Jarish induit au contraire une bradycardie. En chirurgie cardiaque, beaucoup de patients sont béta-bloqués, ce qui inhibe la réaction tachycardique et agrave la chute du DC lorsque la précharge diminue. Ces phénomènes augmentent la dépendance de la pression artérielle vis-à-vis de la précharge du cœur. En effet, le ventricule hypovolémique se place sur la partie basse et très verticale de la courbe de Starling, là où le volume systolique chute parallèlement au volume de remplissage du ventricule (Figure 6.37). 
 

Figure 6.37 : Courbe de Frank-Starling. Elle traduit la relation entre l’augmentation de la précharge (Ptd ou Vtd) et l’augmentation correspondante de la performance systolique (augmentation du volume systolique). Elle comprend une partie gauche ascendante où de petites variations de remplissage (ΔP) se traduisent par de fortes variations de volume systolique (ΔVS) ; c’est le cas de l’hypovolémie. La partie droite est caractérisée par un genou à partir duquel la courbe devient un plateau : le VS maximal est atteint et toute augmentation ultérieure de remplissage ne se traduit plus que par une augmentation de la pression télédiastolique, sans effet sur la performance systolique.
 
Comme il n’existe pas de mesure-étalon de la volémie en clinique, on ne peut parler que d’adéquation du volume circulant aux besoins de l’organisme, mais non de sa valeur absolue: la volémie adéquate est celle qui permet d'assurer un débit cardiaque et une pression artérielle adaptés aux circonstances (voir Chapitre 4 Besoins liquidiens).
 
Le coeur interagit avec le volume circulant par le biais de la précharge, qui est la force de distension appliquée sur le ventricule en fin de diastole et que l'on peut évaluer par la pression (Ptd) ou le volume (Vtd) télédiastoliques. La pression de remplissage d'une cavité cardiaque dépend de plusieurs facteurs.
 
  • Le volume circulant lui-même : l’hypovolémie diminue le Vtd.
  • La compliance de la cavité : la courbe pression/volume des ventricules est curvilinéaire. A bas volume, les variations de Vtd ne se traduisent que par de très faibles variations de Ptd; la relation Ptd/Vtd est quasi-inexistante car la courbe est presque horizontale. A haut volume de remplissage, au contraire, la courbe de compliance est plus verticale et les variations de la Ptd correspondent bien à des variations du Vtd (voir Figure 6.16). D'autre part, la dysfonction diastolique élève et redresse la courbe de compliance: au même volume correspond un pression plus élevée; un insuffisant diastolique peut être sévèrement hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales [4,22].
  • Le status des grandes veines centrales : la veinoconstriction élève le gradient de pression commandant le retour vers l’OD alors que la veinodilatation stocke le volume en périphérie. En inspirium spontané, la contraction du diaphragme abaisse la pression intrathoracique mais élève la pression abdominale et agit comme une pompe qui augmente le gradient de pression entre la veine cave inférieure (VCI) et l'OD (Figure 6.38) [23]. La curarisation abolit cet effet (voir Chapitre 5, Remplissage veineux).
 

Figure 6.38 : Variations de la pression abdominale et retour veineux cave inférieur. Lorsqu’il se contracte, le diaphragme agit comme une pompe qui comprime l’abdomen (Pabd ) mais diminue la pression intrathoracique (Pit ) : le flux par la VCI est augmenté à chaque inspirium spontané [23]. Avec la curarisation, ce phénomène est perdu ; non seulement la pression d’amont de la VCI (Pabd) n’augmente plus, mais la pression d’aval (Pit) s’élève à l’inspirium de l’IPPV. Le flux par la VCI diminue d’autant. La pression critique de fermeture (Pcf) est fonction de la pression dans la veine cave inférieure (VCI) et de la pression qui l'entoure (pression abdominale Pabd); la veine collabe lorsque la Pcf est atteinte, et le retour veineux à l'OD cesse momentanément. Le volume périphérique représente le réseau veineux en amont de l'abdomen (membres inférieurs, etc). Le volume splanchnique représente le réseau veineux intra-abdominal mésentérique, porte, cave inférieur, etc. PVF: pression en veine fémorale.
 
  • La pression intrathoracique (Pit) : son augmentation par la ventilation en pression positive provoque un déplacement de volume de l'intérieur vers l'extérieur du thorax : le volume sanguin intrathoracique diminue de 17% alors que le volume sanguin extrathoracique augmente de 28% [27]. Simultanément, la PVC et la PAPO augmentent de 15 et 25% respectivement : la pression de remplissage s’élève alors que le volume réel de la cavité diminue. 
  • La contraction auriculaire: elle permet une augmentation de la Ptd sans augmentation de la pression auriculaire moyenne. Normalement, elle n’ajoute que 20% du volume de remplissage ventriculaire, mais elle devient cruciale lors de dysfonction diastolique, où son apport peut s'élever jusqu'à 50%. 
  • La tachycardie abaisse le Vtd en diminuant le temps de remplissage; ce phénomène est surtout sensible lors de dysfonction diastolique (défaut de relaxation ou de distensiblité).
L'impossibilité de mesurer la volémie en clinique oblige à se contenter de mesures de remplacement, telles la pression artérielle, la pression de remplissage, la perfusion tissulaire ou l'échocardiographie.
 
PVC et PAPO
 
Bien qu'on l'utilise trop souvent dans le but d'évaluer la volémie, la pression mesurée en PVC ou en PAPO a une piètre corrélation avec le volume de l'OD ou de l'OG, respectivement. Elle n'est pas corrélée au volume télédiastolique du ventricule (r = 0.45-0.56) [8,9,12,13,16,25]. Elle n'est pas corrélée non plus à l'augmentation du débit cardiaque après administration de perfusat [9]. En hypovolémie, la PVC et la PAPO ne sont pas représentatives du volume de remplissage pour quatre raisons.
 
  • La courbe curvilinéaire de la compliance des chambres cardiaques est très plate en hypovolémie : les variations de pression sont quasi-inexistantes par rapport aux variations de volume (voir Figure 6.16). 
  • L’hypovolémie diminue principalement le volume contenu dans les grandes veines centrales (vaisseaux de capacitance), dont les parois souples collabent aisément ; la pression enregistrée ne correspond plus à celle de l’oreillette mais à celle qui règne à l’intérieur du thorax. La PAPO ne représente plus la pression des veines pulmonaires mais la pression alvéolaire, car le poumon passe en zone II de West à chaque inspirium de ventilation en pression positive (voir Figures 6.26 et 6.27) [24].
  • Une tachycardie > 110 battements/min téléscope les ondes auriculaires "a" et "v" ; d’autre part, l'OG se contracte contre une valve mitrale déjà en voie de fermeture. La PAPO surestime donc la PtdVG (voir Figure 6.25).
  • La pression qui règne dans les oreillettes est influencée par la pression intrathoracique (Pit). Or la ventilation en pression positive (IPPV) augmente la Pit moyenne. La curarisation abaisse la pression abdominale (perte du tonus musculaire) et supprime la pompe diaphragmatique (compression abdominale et dépression intrathoracique simultanées) [23]. Le retour veineux par la VCI est donc diminué, alors que la PVC mesurée est augmentée parce que la Pit s’est élevée (voir Figure 6.38). Il y a découplage entre la pression et le volume de remplissage.
En hypervolémie, au contraire, la situation est toute différente.
 
  • La courbe de compliance est redressée, donc chaque variation du volume de précharge se traduit par une variation correspondante (mais non linéaire) de la pression. 
  • La pression dans les veines centrales est plus élevée que la pression ambiante, le poumon reste en zone III de West ; la PAPO correspond à la POG puisque la colonne de sang est ininterrompue.
  • La PAPO et la Pcap mesurent la pression vasculaire péri-alvéolaire et surveillent efficacement le risque d’extravasation liquidienne interstitielle. Leur mesure est essentielle pour guider le remplissage dans la population dont la Pcap est élevée (stase gauche, maladie mitrale), dont la perméabilité capillaire est altérée (sepsis, SDRA, SIRS) ou dont la circulation pulmonaire est pathologique (BPCO, HTAP). Cette mesure permet d’éviter la surcharge pulmonaire.
Le chiffre de PVC ou de PAPO lu sur l’écran du moniteur est la pression moyenne de l’OD ou de l'OG au cours d'un cycle cardiaque. La valeur normale en apnée est 5-8 mmHg ou 10-12 mmHg, respectivement. La valeur la plus rigoureuse du point de vue hémodynamique est celle de la diastole de l'oreillette, que l'on mesure au pied de l'onde "c" (descente "z", voir Figure 6.17). La pression la plus proche de la pression télédiastolique du ventricule est le pic de l’onde "a" (équivalent de la PtdVD ou de la PtdVG). Ces deux pressions sont malaisées à mesurer sur les moniteurs, et la fiabilité de la moyenne affichée à l'écran est tout-à-fait suffisante en clinique, si l'on prend soin de débrancher le ventilateur lors de la mesure [18]. S'il est contre-indiqué d'interrompre la ventilation ou de supprimer la PEEP, il faudrait soustraite la Pmoy intrathoracique de la mesure pour obtenir la POD ou la PAPO réelle; ceci suppose que la pression pulmonaire est intégralement transmise à la cavité thoracique. Or il existe toujours une certaine perte dans cette transmission, et en cas de pathologie pulmonaire, la pression ventilatoire n'est que très partiellement répercutée sur la pression intrathoracique. 
 
La PVC et la PAPO sont donc de mauvais moyens pour diagnostiquer l’hypovolémie, mais d’excellents guides dans l’administration liquidienne parentérale en cas d’hypervolémie. Cette déficience des pressions de remplissage pour évaluer l'hypovolémie peut être partiellement contournée en mesurant les modifications de la PVC lors de changements de la pression intrathoracique: une augmentation de PVC ≥ 2.5 mmHg lors de l’installation d’une PEEP de 10 cm H2O est assez bien corrélée (r = 0.77) à une réponse positive du DC au remplissage vasculaire [3]. A la sortie de pompe après une CEC, la PVC est utile pour gérer le remplissage de l'OD, parce que l'on part d'une situation où elle est nulle, l'oreillette étant drainée par la canule veineuse; le remplissage s'arrête lorsque la PVC atteint sa valeur normale.
 
Les nouvelles technologies offrent d'autres moyens que la PVC et la PAPO pour quantifier la précharge du cœur. La thermodilution transpulmonaire nécessaire à étalonner le PiCCO™, par exemple, permet d’évaluer le volume sanguin intrathoracique (VSIT, valeur normale 850-1000mL/m2) et le volume télédiastolique global du coeur (VtdG, valeur normale 600-800 mL/m2), qui sont des mesures pertinentes de la précharge cardiaque. Tous deux suivent adéquatement le remplissage tel qu’on peut le contrôler par la mesure de la StdVG à l’ETO [6,14]. Dans une situation d'hypervolémie, l'eau pulmonaire extravasculaire (EPEV, normalement < 7 mL/kg) renseigne sur la stase pulmonaire. Même si elle peut être automatisée, leur mesure nécessite de réaliser une thermodilution transpulmonaire pour être fiable. 
 
Courbe de pression artérielle
 
La surface sous la courbe de pression artérielle est proportionnelle au volume systolique (VS). En cas d’hypovolémie, cette surface se rétrécit parce que le VS diminue: la silhouette de la courbe devient étroite et pointue. Cet aspect est bien visible sur l'écran du moniteur (Figure 6.39). 
 

Figure 6.39 : Modifications du tracé de la courbe artérielle en fonction de la volémie. A : Volume systolique normal. B : volume systolique diminué ; la courbe est étroite et pointue.
 
Cette modification de la courbe de pression se retrouve sur les différents appareils qui analysent la pulsation artérielle de manière non-invasive par pléthysmographie ou pulsoxymétrie, mais, contrairement au cathéter artériel, leur image est rapidement dégradée en cas de vasoconstriction artériolaire. De ce fait, l'information est perdue dès que le volume circulant est significativement diminué.
 
Indices de perfusion tissulaire
 
On peut juger la perfusion tissulaire par des indices tels que la couleur ou la température de la peau et des muqueuses (évaluation clinique), la couleur du sang dans le champ opératoire, le taux de lactate, le pH, la saturation cérébrale ou musculaire en O2 (ScO2), la saturation veineuse centrale dans l’AP (SvO2) ou en PVC (SvcO2), la différence entre le contenu artériel et veineux en CO2 (dCO2), ou encore le débit urinaire. La dCO2 exprime l’équilibre entre la perfusion tissulaire globale et l’activité métabolique de l’organisme ; elle se creuse dans les situations de bas débit cardiaque lorsque la perfusion diminue sans modification du métabolisme [15]. Elle se mesure entre la pCO2 en PVC ou en AP et la pCO2 artérielle [7]. Une dCO2 de > 5 mmHg a une sensibilité de 96% pour la prédiction de complications postopératoires, particulièrement dans le choc septique où la SvcO2 est encore normale à cause du défaut d'extraction périphérique d'O2 [17]. La normalisation de la PetCO2 par le remplissage est un excellent critère de l'adéquation du volume perfusé [10]. 
 
Echocardiographie transoesophagienne (ETO) 
 
La pertinence de l’ETO pour l’évaluation de la volémie est traitée en détail dans le Chapitre 27 (Evaluation de la volémie). L'examen ETO offre un certain nombre d'indices d’hypovolémie, qui peuvent se classer en quatre catégories: indices bidimensionnels, flux de remplissage, flux d'éjection, et indices dynamiques en IPPV.
 
  • Indices dérivés de l’examen bidimensionnel. La diminution des dimensions (diamètres, surfaces, volumes) des cavités cardiaques est un indice indépendant de leur compliance. Les dimensions du VG en court-axe sont d’excellents indices pour le suivi du même patient (Figure 6.40), mais n’ont que peu de valeur en temps que mesures isolées de la volémie à cause des grandes variations inter-individuelles dans la taille des cavités cardiaques (coefficient de corrélation entre StdVG et réponse au remplissage: 0.6-0.65) [1,2]. 
    

Figure 6.40 : Evaluation de la volémie à l'ETO par mesure des dimensions télédiastoliques du VG en court-axe transgastrique. A : la relation entre la surface télédiastolique du VG (StdVG en cm2) et le déficit en volume circulant lors d'hémodilution aiguë est linéaire lorsqu'elle est suivie en continu chez le même patient. En bleu: courbe chez des individus normaux; en rouge: courbe chez des insuffisants cardiaques gauches [1]. B : dessin illustrant la mesure de la surface (traitillé bleu) et du diamètre de la cavité en court-axe du VG. Comme cette surface varie de 7 à 20 cm2 selon les individus, la corrélation d'une valeur isolée de StdVG avec la volémie est modeste (r = 0.6). C : rétrécissement extrême de la cavité en télésystole lorsque la postcharge est trop basse (hypovoémie, vasoplégie); la cavité est si réduite que les muscles papillaires se touchent.
 
L’hypovolémie est probable lorsque les conditions échocardiographiques bidimensionnelles suivantes sont réunies [19,21,26].
 
  • Diamètre télédiastolique (Dtd) court-axe du VG < 2.5 cm/m2 ;
  • Surface télédiastolique (Std) du VG < 5 cm2/m2 ;
  • Oblitération télésystolique de la cavité du VG (Vidéo) ;


    Vidéo: vue court-axe transgastrique du VG chez un patient hypovolémique. La cavité ventriculaire est réduite en télédiastole; en télésystole, elle si rétrécie que les muscles papillaires se touchent (kissing papillary muscles).
     
  • Surface en court-axe de la veine cave supérieure < 1 cm2/m2  ;
  • Fraction d'éjection supranormale : elle tend vers 1.0 lorsque le Vts tend vers zéro ;
  • Faseyement de grande amplitude du septum interauriculaire (SIA), avec double bascule en systole et en diastole à chaque cycle cardiaque (Figure 6.41); ce mouvement est visible même en cas de tamponnade si la POD et la POG évoluent de manière symétrique (Vidéos).


    Vidéo: exagération des oscillations cardiogéniques du septum interauriculaire liée au faible remplissage des oreillettes chez un patient hypovolémique.


    Vidéo: exagération des oscillations cardiogéniques du septum interauriculaire due à l'hypovolémie chez un patient en tamponnade (épanchement péricardique ceinturant les 4 cavités).


Figure 6.41 : Oscillations cardiogéniques de la membrane souple de la fosse ovale (FO) en fonction de la volémie à l’ETO. Ces oscillations sont dues au fait que l'amplitude des variations de la POG est plus grande que celles de la POD. Alors qu'elle est plus élevée que la POD pendant les ondes "a" et "v", la POG est plus basse que la POD pendant les descente "x" et "y"; dans le premier cas, le septum est poussé dans l'OD, dans le seond il bascule dans l'OG. L'amplitude de ces oscillations varie avec le degré de remplissage des oreillettes. A : positionnement du vecteur de mode TM en vue bicave rétrocardiaque mi-œsophage (100°) perpendiculairement au septum interauriculaire. B : déroulement dans le temps des oscillations du septum interauriculaire (mode TM). Flèche verte : contraction de l’OD avant celle de l’OG, l’onde "a" droite précède l’onde "a" gauche. Flèche rouge : bascule du septum dans l’OG lors de la descente "x" (descente de l'anneau mitral pendant la contraction du VG); quelle que soit l’amplitude des oscillations, cet évènement est le plus important. Flèche jaune : bascule du septum dans l’OG lors de la descente "y" (relaxation du VG). C : les trois aspects du septum interauriculaire en fonction de la volémie. 1 : en hypervolémie (PAPO 18 mmHg), le septum est tendu pendant tout le cycle cardiaque. 2 : en normovolémie (PAPO 10-13 mmHg), le septum présente un renversement mésosystolique (descente "x"). 3 : en hypovolémie (PAPO ≤ 9 mmHg), le septum faseye librement et amplement entre les deux oreillettes au cours du cycle cardiaque [19].
 
  • Indices dérivés des flux de remplissage à l'examen Doppler (flux dans les veines pulmonaires et à travers la valve mitrale). Comme ils dépendent du gradient de pression, ces flux sont tributaires de la compliance des chambres cardiaques et de la pression intrathoracique; de ce fait, ils ne sont pas plus pertinents que les pressions de remplissage. De plus, ils sont indissociables de la fonction diastolique et n'ont pas de valeur pour évaluer la volémie en cas de dysfonction diastolique. Leur corrélation à la POG n'étant fiable que lorsque cette dernière est élevée, ils n’ont aucune portée pratique pour la mesure de l’hypovolémie (Figure 6.42).

Figure 6.42 : Effet de la volémie sur les flux veineux pulmonaire (FVP) et mitral, lorsque ceux-ci sont normaux. Comme la POG est basse en hypovolémie, la composante systolique du FVP est élevée, puisque la POG est sa pression d’aval (la valve mitrale est fermée). Par contre, le flux mitral E est faible car la POG est sa pression d’amont (pression motrice). La tachycardie fait fusionner les flux E et A en une seule onde méso-télédiastolique. En hypervolémie, la POG est haute ; la composante systolique du FVP est freinée ; la majeure partie du flux passe en diastole, lorsque la mitrale est ouverte et que le VG se relâche. L’élévation de la POG augmente la vélocité du flux E. Toutefois, la dysfonction diatolique reproduit les mêmes modifications de flux. En tant que telle, l’image des flux ne permet pas de dissocier les effets de la volémie de ceux de la fonction diastolique des ventricules. La différenciation du flux mitral représentée ici n'est réaliste que si la valve mitrale, la fonction systolique et la fonction diastolique du VG sont parfaitement normales et ne varient pas au cours des modifications du volume circulant.
 
  • Indices liés au flux d’éjection. La vélocité, la durée et la surface spectrale du flux aortique sont tributaires du volume systolique, mais aussi de la fonction du VG et de sa postcharge (Figure 6.43).

Figure 6.43 : Flux aortique à l’ETO. A: Position du faisceau Doppler (trait rouge) à travers la valve aortique dans une vue transgastrique profonde à 120°. B : La vélocité maximale (Vmax) du flux aortique est 0.98 m/s. L’intégrale des vélocité par rapport au temps (ITV) est la distance parcourue pendant le temps d’éjection dans un cylindre idéal de même diamètre que la valve ; c’est la moyenne spatiale des vélocités sur toute la surface de section (∫t VAo(t)dt), dont la valeur normale est environ 20 cm. Elle s’obtient en dessinant l’enveloppe de la courbe de flux (pointillé jaune). Elle est l’équivalent de la surface sous la courbe de pression artérielle ; elle est proportionnelle au volume systolique.
 
  • Indices dynamiques liés aux interactions cardio-respiratoires en ventilation mécanique à haut volume courant (≥ 8 mL/kg). Les variations de la pression intrathoracique en IPPV induisent des modifications importantes du remplissage ventriculaire et du volume systolique, parce que le patient hypovolémique se trouve sur la partie ascendante de la courbe de Starling. On voit une accentuation des variations respiratoires du flux aortique et de la pulsatilité des veines caves, ainsi que la présence des oscillations du septum inter-auriculaire aux deux temps respiratoires (voir Indices dynamiques).
 
L'hypovolémie est parfois associée à un phénomène qu'il n'est possible de diagnostiquer que par échocardiogaphie: il s'agit de l'obstruction dynamique de la chambre de chasse sous-aortique, appelée fréquemment "effet CMO" par analogie avec la cardiomyopathie obstructive. Ce type de bas débit survient lorsque la cavité ventriculaire gauche diminue considérablement de volume en systole, en général sur la combinaison d'une hypovolémie avec une sur-stimulation catécholaminergique ou une vasoplégie chez un patient souffrant d'une HVG concentrique (HTA, sténose aortique, etc). Le rétrécissement de la cavité du VG déplace antérieurement la paroi postérieure et le point de coaptation de la valve mitrale, laissant la partie distale du feuillet mitral antérieur libre dans la cavité gauche (Figure 6.44) [5]. 
 

Figure 6.44: Contraction du VG. A : Situation normale. L’augmentation de la pression intra-ventriculaire en systole applique les deux feuillets de la valve mitrale l’un contre l’autre (flèches violettes) ; la contraction de la paroi et des muscles papillaires (MPA : muscles papillaire antérieur, MPP : muscle papillaire postérieur) tend les cordages et maintient la valve mitrale dans son plan d’occlusion (flèches vertes). Ceci constitue le squelette interne du ventricule. Le sang est expulsé dans la chambre de chasse du VG (CCVG). La contraction débute à l’apex et se termine dans la chambre de chasse. B : Rétrécissement de la cavité ventriculaire. Si la course de la paroi postérieure et du MPP est trop longue (surstimulation β, vasoplégie) ou si le ventricule est trop petit (hypovolémie, hypertrophie concentrique), la paroi postérieure se déplace vers l’avant (flèche verte) ; le point de coaptation de la valve mitrale est déplacé antérieurement vers l’aorte et se rapproche de la CCVG. Le feuillet antérieur est alors repoussé vers la CCVG lorsque la pression intraventriculaire augmente pendant la systole (flèche violette). Traitillé blanc : angle mitro-aortique. L’angle mitro-aortique est un point fixe puisqu’il est situé au niveau du trigone fibreux, qui est le centre de gravité mécanique du cœur sur lequel sont ancrées les valves mitrale, aortique et tricuspide. Si l’anneau mitral se rétrécit, le seul déplacement possible est celui de sa partie postérieure, qui est essentiellement musculaire, et qui se retrouve alors tirée vers l’avant.
 
En cours de systole, la partie distale du feuillet mitral antérieur est poussée vers la chambre de chasse du VG (CCVG) par la montée de pression dans le VG et par le début de l'éjection vers l'aorte. Elle est secondairement aspirée par effet Venturi dans la CCVG qu'elle vient obstruer partiellement (SAM: systolic anterior motion) (Figure 6.45) [11]. 
 

Figure 6.45: Effet CMO en cas de restriction de la cavité ventriculaire gauche et d’avancement excessif de la paroi postérieure. A : la pression de la phase de contraction ventriculaire pousse le feuillet vers l’avant en direction de la CCVG. Dès que l’éjection commence, la partie distale de ce feuillet peut être aspirée dans la CCVG par effet Venturi et induire un phénomène appelé systolic anterior motion (SAM). Le feuillet antérieur vient alors occlure partiellement la CCVG et le débit systolique baisse brusquement. C’est l’effet CMO, appelé ainsi par analogie avec le mécanisme de la cardiomyopathie obstructive. La réouverture de la valve mitrale en mésosystole provoque une insuffisance mitrale méso-télésystolique (IM). B : illustration échocardiographique transoesophagienne (vue mi-œsophage long-axe 120°) ; la flèche indique la coudure du feuillet mitral antérieur (SAM) qui vient obstruer la chambre de chasse gauche (CCVG). Les cuspides de la valve aortique sont ouvertes.
 
Cette subobstruction entraîne deux effets: la vélocité maximale du sang dans la CCVG augmente > 2.5 m/s (valeur normale: 1 m/s), et le volume systolique s'effondre car le rétrécissement limite le passage du sang. Cliniquement, l'effet CMO se caractérise par une hypotension artérielle, une tachycardie et un bas débit cardiaque qui s’aggravent avec les catécholamines, mais des pressions de remplissage conservées, voire élevées [20]. Le seul traitement est une augmentation de la volémie (remplissage), une vasoconstriction (phényléphrine, noradrénaline) et une diminution de l'effet β (arrêt des catécholamines, esmolol).
 
 
Evaluation de la volémie
Il n'existe aucune mesure directe du volume circulant en clinique. La normovolémie est une simple adéquation entre ce dernier et les besoins de l'organisme. Quelques points sont essentiels pour évaluer correctement la volémie :
    - Les pressions de remplissage (PVC, PAPO) sont inadéquates pour diagnostiquer une hypovolémie 
    - PVC et PAPO sont essentielles pour régler le remplissage des malades en hyper-volémie (surcharge liquidienne, stase gauche, maladie mitrale)
    - Les indices indépendants de la compliance (VSIT, VtdG, StdVG, oscillations du septum IA) sont préférables pour suivre l’évolution du remplissage 
    - L’ETO est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour faire le diagnostic différentiel d’une hypotension et mettre en évidence une hypovolémie 
Les indices dynamiques en IPPV (ΔPA, ΔPP, ΔVS, oscillations ventilatoires du septum inter-auriculaire) sont plus performants que les indices statiques (PA, VS, surfaces); ils ont une excellente corrélation avec une réponse positive au remplissage 
 
L'ETO offre plusieurs modalités pour mettre en évidence une hypovolémie:
    - Images 2D: diminution de surface du VG en court-axe (meilleur pour le suivi qu'en valeur isolée), amples oscillations du septum interauriculaire
    - Baisse de l'ITV du flux aortique 
    - Variations de > 15% du flux d'éjection aortique en IPPV
    - Variations de > 20% du diamètre de la VCI en IPPV (> 50% en spontanée)
    - Oscillations du septum interauriculaire persistant aux 2 temps respiratoires en IPPV
    - Flux de remplissage (valve mitrale): dépendants de la compliance et de la fonction diastolique, ils ne sont pas fiables pour évaluer l'hypovolémie
    - Présence d'un effet CMO en cas d'HVG concentrique


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Août 2017
 

Références
 
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06. Le monitorage en anesthésie cardiaque