Step 5 of 7
Doppler tissulaire
La vélocité de déplacement diastolique de l’anneau mitral reflète la relaxation active longitudinale du VG en protodiastole (E') et la distension passive due à la contraction auriculaire en télédiastole (A'). La Vmax E' est l'étape initiale de l'évaluation diastolique [6]. Le rapport E'/A' est > 1 chez l'adulte normal. L'analyse avec le Doppler tissulaire au niveau de l’anneau mitral latéral (vue 4-cavités), septal (vue 4-cavités) ou antérieur (vue 2-cavités) démontre une diminution de la vélocité protodiastolique E’ en cas de défaut de relaxation. La vélocité E’ normale est 10-15 cm/s chez le jeune adulte et 8 cm/s après 70 ans. Elle varie selon le point de mesure : ≥ 8 cm/s au niveau septal, ≥ 10 cm/s au niveau latéral (Tableau 25.12) [2,3]. La mesure latérale est en général plus précise, car le déplacement septal est influencé par la performance du VD (Vidéo) [7]. C'est aussi la mesure la moins modifiée par la précharge. Il est en général recommandé de moyenner les deux valeurs et de répéter trois fois la mesure, en phase télé-expiratoire ou en apnée. L’intervalle de temps entre le déplacement systolique S’ et le déplacement diastolique E’ représente la durée de la phase de relaxation isovolumétrique (normal 70-100 ms selon l'âge) ; cette dernière est allongée en cas de défaut de relaxation (Figure 25.202) [10].
Vidéo: mouvement normal de l'anneau mitral au cours du cycle cardiaque. La fenêtre du Doppler pulsé est placée au niveau de l'anneau mitral latéral qui coulisse le long du bord droit de l'écran.
Figure 25.202 : Image de la vélocité de l’anneau mitral au Doppler tissulaire. A : situation normale ; le délai entre la fin de la contraction systolique et le début du mouvement diastolique (tRI : relaxation isovolumétrique) est 80-100 ms ; la Vmax du déplacement E’ est ≥ 10 cm/s au niveau latéral. B : défaut de relaxation; la Vmax de E’ (< 10 cm/s) correspond au défaut de relaxation active et à la perte d’élasticité passive ; la durée du tRI est augmentée.
Vidéo: mouvement normal de l'anneau mitral au cours du cycle cardiaque. La fenêtre du Doppler pulsé est placée au niveau de l'anneau mitral latéral qui coulisse le long du bord droit de l'écran.
Figure 25.202 : Image de la vélocité de l’anneau mitral au Doppler tissulaire. A : situation normale ; le délai entre la fin de la contraction systolique et le début du mouvement diastolique (tRI : relaxation isovolumétrique) est 80-100 ms ; la Vmax du déplacement E’ est ≥ 10 cm/s au niveau latéral. B : défaut de relaxation; la Vmax de E’ (< 10 cm/s) correspond au défaut de relaxation active et à la perte d’élasticité passive ; la durée du tRI est augmentée.
Plus la dysfonction diastolique est importante, plus la Vmax de l’anneau mitral diminue. Sa chute progressive correspond aux différents stades de la dysfonction diastolique, ce qui permet d'identifier aisément le stade de pseudonormalisation (Figure 25.203).
Figure 25.203 : Modifications de la vélocité de l’anneau mitral (VAM) selon l'évolution de la dysfonction diastolique, en correspondance avec celles du flux veineux pulmonaire et du flux mitral. Stade I, défaut de relaxation : diminution de la VAM (6-8 cm/s). Stade 2, pseudo-normalisation : VAM 5-6 cm/s, bien que la Vmax E soit normalisée. Stade 3, restriction : la VAM est minime (< 5 cm/s).
Normalement, le mouvement E’ précède le flux E, puisqu’il le déclenche. En cas de défaut de relaxation et de POG élevée, le flux E précède le mouvement E’ puisque la POG devient l’élément moteur du flux E lorsque la relaxation est défaillante [14]. Un délai E-E' > 50 ms est un marqueur de POG élevée [11]. Le rapport entre la durée de la relaxation isovolumétrique (tRI) et le délai E - E' (tE-E' > 34 ms) est < 2 lorsque la POG est élevée [6]. Comme E’ quantifie la relaxation alors que le flux E dépend de la relaxation et de la pression auriculaire gauche, le rapport E/E’ permet d’évaluer la POG : plus il augmente, plus cette dernière est élevée [16]. Cette relation ne se retrouve pas en cas de valvulopathie mitrale, de prothèse ou de calcification de l’anneau, qui bloquent le déplacement de ce dernier; elle n’est précise que si la POG est élevée [9,10]. Une valeur > 14 signe une POG ≥ 18 mmHg [12].
La limitation majeure de cette analyse est qu’elle tend à définir la fonction diastolique de l’ensemble du ventricule à partir du résultat d’une mesure qui ne concerne que la relaxation protodiastolique longitudinale de la paroi latérale, septale ou antérieure ; elle n’évalue pas la compliance passive du VG. Son intérêt est de se baser sur l'analyse de la musculature longitudinale sous-endocardique, qui est la plus fragile et la plus sensible à l'ischémie. Lorsque les valeurs de E' mitral et de E' tricuspidien sont additionnées, néanmoins, la somme obtenue est mieux corrélée à la morbi-mortalité postopératoire en chirurgie cardiaque que pour chaque élément individuel (OR 0.77 vs 0.45) [8]. La vélocité de l'anneau mitral n'est évidemment pas valide en cas de maladie ou de prothèse mitrale, de bloc de branche et d'électro-entrainement [6]. Par ailleurs, la déformation longitudinale globale est abaissée < 15% chez plus de la moitié des patients qui sont en insuffisance diastolique à FE préservée, ce qui prouve que leur fonction systolique est altérée malgré la normalité de la FE [13].
L'analyse Doppler tissulaire des vélocités de l'anneau mitral permet de différencier deux maladies diastoliques dont la clinique est très voisine et dont la discrimination est difficile avec les techniques conventionnelles: la péricardite constrictive et la cardiomyopathie restrictive. Cette dissociation est capitale, car la prise en charge thérapeutique est complètement différente (voir Chapitre 16, Péricardite constrictive). La vélocité E’ est abaissée dans la cardiomyopathie restrictive (CMR) mais normale dans la péricardite constrictive (PC) (Figure 25.204).
- La vélocité du mouvement de l’anneau mitral examiné au Doppler tissulaire est basse (E’ < 5 cm/s) dans la cardiomyopathie restrictive parce qu’il s’agit d’une maladie de la relaxation diastolique, alors qu’elle est normale dans la péricardite constrictive (E’ > 10 cm/s) où la relaxation n'est pas touchée puisque la maladie concerne le péricarde et non le myocarde [17].
- Au Doppler tissulaire, la contraction longitudinale est préservée mais la contraction circulaire est atténuée dans la PC, alors que la contraction systolique est homogène dans la CMR où l'affection atteint primairement la fonction diastolique dont tous les indices sont effondrés [1].
- La morphologie du flux mitral est normale dans la PC, alors qu'elle est très altérée et de type restrictif dans la CMR: le flux E protodiastolique est de haute vélocité, très bref, avec un fort raccourcissement de la relaxation isovolumétrique et du temps de décélération du flux E. Le ventricule rigide de la CMR limite le flux mitral télédiastolique de la contraction auriculaire (flux A), dont la Vmax est très faible à l'écho Doppler, alors qu'elle est normale dans la PC.
- La PC se caractérise par une variation excessive du flux mitral avec la respirtion spontanée, ce qui n’est pas le cas de la CMR.
Figure 25.204 : Différentiation de la péricardite constrictive et de la cardiomyopathie restrictive en respiration spontanée à l'échocardiographie transoesophagienne par la vélocité du flux et de l’anneau mitral au Doppler conventionnel et tissulaire. Les variations respiratoires très marquées de la péricardite constrictive sont absentes en cas de cardiomyopathie restrictive. tRI: phase de relaxation isovolumétrique (n : 90 ms). tDE: temps de décélération du flux E (n : 160 ms) [4]. La vélocité du mouvement de l’anneau mitral, normal dans la péricardite constrictive (12-15 cm/s), est très faible dans la cardiomyopathie restrictive (< 5 cm/s) et n’a pas de variation respiratoire [17].
Speckle-tracking
La technologie du speckle-tracking est également une analyse des mouvements tissulaires, mais elle ne repose pas sur l'effet Doppler (voir Speckle-tracking). Comme elle n'est pas dépendante de l'angle entre les ultrasons et l'axe du déplacement, elle permet d'observer les mouvements diastoliques radiaires, circonférentiels et rotationnels en plus de celui de l'allongement longitudinal. On peut ainsi quantifier la dérotation protodiastolique liée à la musculature sous-épicardique, qui est un des éléments majeurs de l'aspiration ventriculaire en début de diastole. Sa diminution et le délai de son apparition sont des marqueurs très précoces d'un défaut de relaxation [15]. Par analogie au rapport E/E', le rapport entre le flux E et la déformation diastolique (diastolic strain) E/Ds ou sa vitesse de déformation (diastolic strain rate) E/Dsr est bien corrélé à la POG: celle-ci est ≥ 15 mmHg lorsque E/Ds est > 15 ou E/Dsr > 1.5 (r = 0.88 et 0.86, respectivement) [5].
Doppler tissulaire dans la dysfonction diastolique |
La vélocité de déplacement diastolique de l’anneau mitral reflète la relaxation active longitudinale. Vélocité E’ normale: 10-15 cm/s chez l'adulte, 8 cm/s > 70 ans. Elle varie selon le point de mesure : ≥ 8 cm/s au niveau septal, ≥ 10 cm/s au niveau latéral. Si la POG est élevée, le flux E précède le mouvement E’ (inverse de la norme). Le Doppler tissulaire permet de différencier la péricardite constrictive (relaxation normale, E' ≥ 10 cm/s) de la cardiomyopathie restrictive (restriction diastolique, E' et A' < 5 cm/s). |
© CHASSOT PG, BETTEX D. Mars 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
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- SKUBAS N. Intraoperative Doppler Tissue imaging is a valuable addition to cardiac anesthesiologist’s armamentarium: A core review. Anesth Analg 2009; 108:48-66
- SOHN DW, KIM YJ, KIM HS, et al. Unique features of early diastolic mitral annulus velocity in constrictive pericarditis. J Am Soc Echocardiogr 2004; 17:222-6
25. Echocardiographie transoesophagienne 1ère partie
- 25.1 Introduction
- 25.2 Principes physiques de l'échocardiographie
- 25.3 Anatomie fonctionnelle
- 25.3.1 Technique et risques de l'ETO
- 25.3.2 Examen standard 2D
- 25.3.3 Examen des valves
- 25.3.4 Examen bidimensionnel des ventricules
- 25.3.5 Examen des oreillettes
- 25.3.6 Mode TM
- 25.3.7 Examen Doppler
- 25.3.8 Examen tridimensionnel (3D)
- 25.3.9 Mesures quantitatives
- 25.3.10 Examen rapide
- 25.3.11 Images artéfactuelles
- 25.3.12 Rapport d'examen
- 25.4 Mesures hémodynamiques
- 25.5 Fonction systolique du VG
- 25.6 Fonction diastolique du VG
- 25.7 Fonction ventriculaire droite
- 25.8 Fonction ventriculaire segmentaire
- 25.9 Insuffisance cardiaque
- 25.10 Place de l'ETO en clinique
- 25.11 ETO en chirurgie cardiaque
- 25.12 ETO en chirurgie non-cardiaque
- 25.13 Echocardiographie en soins intensifs
- 25.14 Echocardiographie au déchocage
- 25.15 Echocardiographie transthoracique
- 25.16 Conclusions