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Physiopathologie du coeur transplanté

Le coeur transplanté jouit en général d’une bonne fonction systolique, mais présente la particularité d'être dénervé à long terme. Son débit est insensible aux stimuli neurogènes sympathiques et parasympathiques et aux boucles de rétrocontrôle (baroréflexes). Il dépend exclusivement de:
 
  • La précharge (mécanisme de Franck-Starling); 
  • Les catécholamines circulantes (délai de plusieurs minutes entre le stimulus et l’effet);
  • La postcharge (dans la mesure où la fonction systolique est abaissée).
Comme il est très sensible à la précharge, le débit dépend d’un remplissage adéquat. La fréquence est stable mais plutôt élevée à cause de l’absence d’innervation parasympathique et de l’hypersensibilité aux catécholamines béta ; elle varie de 70 à 110 battements par minutes selon les cas. Elle ne se modifie que lentement avec les modifications du volume endovasculaire, Elle dépend du taux de catécholamines circulantes, et ne change pas avec l'administration de substances vagolytiques, vagotoniques ou vasoconstrictrices [1]. Le contrôle de la fréquence occupe une place primordiale dans la prise en charge post-CEC parce que le débit cardiaque en dépend étroitement; elle doit être maintenue entre 70 et 100 battements par minute. La fréquence doit être contrôlée par des électrodes de pace-maker auriculaires si les amines ne sont pas suffisantes.
 
Le cœur dénervé ne répond plus aux stimuli habituels que sont les variations de position, la manœuvre de Valsalva, le massage du sinus carotidien ou la laryngoscopie et l’intubation. Il est également insensible aux effets tachycardisants du pancuronium, de l’atropine ou du glycopyrolate [4]. Il ne répond qu’à des agents qui ont une action directe, comme l’adrénaline, la nor-adrénaline, l’isoprénaline ou la dobutamine.
 
Les catécholamines agissent au niveau des récepteurs myocardiques β et au niveau des synapses des fibres sympathiques qui innervent le cœur ; ces dernières ont une activité importante de recapture de la nor-adrénaline, dont le but est d’en terminer l’effet. Sur un cœur normal, par exemple, l’adrénaline injectée est en partie captée par les synapses et n’atteint pas les récepteurs membranaires ; elle sera donc plus efficace sur un cœur dénervé comme un cœur transplanté que sur un cœur normalement innervé. L’isoprénaline, par contre, n’est pas l’objet de recapture, et présente la même efficacité sur un cœur innervé que dénervé. Outre leur effet direct sur les récepteurs membranaires, qui sont plus nombreux en cas de dénervation, la dopamine et la dobutamine agissent par un effet inhibiteur sur le système de recapture ; elles augmentent donc la sécrétion de nor-adrénaline dans un cœur innervé, mais non dans un cœur dénervé [2]. Le cœur transplanté affiche donc une hypersensibilisation aux catécholamines, parce que le nombre et l'activité des récepteurs béta myocardique est plus élevé que la situation normale à cause de la dénervation [3]. Chez certains malades, il existe des preuves d’une réinnervation sympathique partielle, alors qu’il ne semble pas que survienne une réinnervation parasympathique [5,6].
 
Avec la technique chirurgicale traditionnelle, toute la partie postérieure des oreillettes du receveur, comprenant l’abouchement des veines caves et pulmonaires, et une bonne partie de l’oreillette droite avec le noeud du sinus, étaient maintenues en place. L'ECG présentait habituellement deux ondes P différentes:
 
  • Noeud sinusal du receveur : innervé mais sans signification hémodynamique;
  • Noeud sinusal du donneur: dénervé mais pace-maker effectif du nouveau coeur. 
L’excès de tissu auriculaire modifie la géométrie de l’anneau tricuspidien et provoque un taux élevé d’insuffisance triscuspidienne de degré important. Les arythmies sont excessivement fréquentes. Plus récemment, on a adopté une technique qui résèque largement l’oreillette droite du receveur et anastomose les deux veines caves à leur abouchement dans l’OD du greffon (voir Figure 17.2). Le but de cette modification est de diminuer l’incidence et l’importance de l’insuffisance tricuspidienne; le risque est une sténose ostiale des caves. Il est important de contrôler le flux à travers les anastomoses par l'ETO peropératoire: une vélocité (Vmax) supérieure à 1.5 m/s indique une zone de restriction qui doit être révisée chirurgicalement (voir Figure 17.4). 
 
Le coeur transplanté présente un risque élevé d'arythmies sus et sous-jonctionnelles. D'autre part, il est suprasensible au potassium; comme la kaliémie est en général normale ou élevée dans ces circonstances, il est important de ne pas administrer de perfusion de potassium mais d'en contrôler le taux sérique. 
 
Le coeur transplanté permet une activité normale, mais sa fréquence n’augmente que tardivement avec l’effort, simultanément à l’augmentation des catécholamines circulantes. La fonction systolique du VG est conservée; celle du VD dépend du degré d’hypertension pulmonaire du receveur. Selon la technique chirurgicale utilisée, il persiste une insuffisance tricuspidienne plus ou moins importante. La fonction diastolique est caractérisée par un aspect de type restrictif qui persiste en s’atténuant pendant les premiers mois, mais qui est un bon marqueur de rejet aigu lorsqu’elle s’aggrave soudainement. 


 
 Le cœur transplanté
Quelle que soit sa fonction, le cœur transplanté est dénervé. Il ne réagit donc pas aux stimulations sympathiques ni parasympathiques centrales. Son débit dépend de :
    - La précharge (loi de Starling)
    - Les catécholamines circulantes (régulation lente)
    - La postcharge (dans la mesure où la fonction ventriculaire est abaissée)

La fréquence de base est 70-110 batt/min. Le coeur transplanté présente un risque élevé d'arythmies sus et sous-jonctionnelles; il est hypersensible au potassium.

Les manœuvres (Valsalva, massage carotidien, élévation des RAS) et les stimulants indirects (atropine, glycopyrolate, éphédrine) ne modifient pas la fréquence cardiaque. Les stimulants directs fonctionnent normalement : adrénaline, noradrénaline, isoprénaline, dobutamine.





©  BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, Dernière mise à jour, Avril 2018



Références
 
  1. BRISTOW MR. The surgically denervated transplanted heart. Circulation 1990; 82:658-60
  2. BRISTOW MR, LINAS S, PORT JD. Drugs in the treatment of heart failure. In: ZIPES DP et al, Eds. Braunwald’s Heart Disease. A textbook of cardiovascular medicine. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005, 569-601
  3. HORN EM, DANILO P, APPLEBAUM MA, et al. Beta-adrenergic receptor sensitivity and guanine regulatory proteins in transplanted human hearts and autotransplanted baboons. Transplantation 1991; 52:960-6
  4. RAMAKRISHNA H, JAROSZEWSKI DE, ARABIA FA. Adult cardiac transplantation: a review of perioperative management. Part-1. Ann Card Anaesth 2009; 12:71-8
  5. STARK RP, McGINN AI, WILSON RF. Chest pain in cardiac transplant recipients. Evidence of sensory reinnervation after cardiac transplantation. N Engl J Med 1991; 324:1791-4
  6. THAMES MD, BUCHTER CM. New insights into cardiovascular physiology obtained after cardiac transplantation. In: FABIAN JA. Anesthesia for organ transplantation. A Society of Cardiovascul Anesthesiol Monograph. J.B.Lippincott Co, Philadelphia, 1992, pp 43-57