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Post-CEC

La thrombolyse et l'anticoagulation préopératoires vont retentir sur la fonction hémostatique après la CEC. Ces patients saignent abondamment, réclament une hémostase chirurgicale soigneuse et nécessitent la mise en oeuvre de tous les moyens d'épargne sanguine: récupération et ultrafiltration du sang de CEC, transfusions de sang allologue et de plaquettes, administration de facteurs de coagulation (PCC), antifibrinolytiques en supplément de la CEC, et, dans les situations extrêmes, complexe prothrombinique activé.
 
La fonction cardiaque au sortir de pompe ne peut pas être extrapolée de sa valeur préopératoire à cause des phénomènes d'hibernation et de sidération. Le myocarde "hibernant" est du tissu viable mais chroniquement ischémié, qui présente une dysfonction contractile grave et prolongée (hypokinésie) pouvant s'étendre à tout le ventricule [1]. Le bas débit coronaire suffit à maintenir la viabilité métabolique, mais non la contractilité; la concentration intramyocardique d'ATP est normale. La fonction peut être stimulée par des agents ionotropes, mais cette stimulation est potentiellement délétère, car l'hibernation est une forme d'auto-protection myocardique. Cette situation est rapidement réversible en cas de reperfusion par une revascularisation myocardique chirurgicale, pour autant qu'elle ne soit pas suivie d'une période de sidération (voir Chapitre 9 Hibernation). Malgré la mauvaise fonction préopératoire, le pronostic est excellent.
 
La sidération myocardique (stunning) survient lors de la reperfusion myocardique après des épisodes aigus brefs d'interruption du flux coronarien, ou suite à des épisodes prolongés d'hypoperfusion ou de non-perfusion (voir Figure 17.7A). Malgré le rétablissement de la perfusion, la récupération est lente (contrairement à l'hibernation) et la fonction myocardique reste altérée pendant une période allant de quelques heures à plusieurs jours [2]. Cette lésion fonctionnelle survient à des degrés divers après ischémie aiguë, après angioplastie ou après pontage aorto-coronarien. Le myocarde sidéré est caractérisé par des lésions ultrastructurales et électrophysiologiques sans nécrose, et par une perte de l'autorégulation coronarienne qui y rend le flux pression-dépendant. Il est "intoxiqué" par des radicaux libres (peroxydes). La dysfonction est systolique et diastolique [3]. Le myocarde sidéré est bien stimulable par des agents inotropes apparemment sans risque de souffrance par demande excessive en O2 puisque sa vascularisation est en principe rétablie.
 
L'occlusion coronarienne n'est pas nécessaire au développement du phénomène de sidération, qui peut survenir par déséquilibre extrême entre l'apport et la demande en O2, telles l'ischémie d'effort ou l'HVG. La sidération n'est pas rare après CEC: le coeur est massivement hypocontractile, et se dilate lors de la mise en charge. Le traitement est un soutien hémodynamique.
 
  • Sortie de CEC lente et progressive (10-30 minutes), faisant office d'assistance circulatoire par paliers;
  • Catécholamines, le plus souvent dobutamine et/ou adrénaline-milrinone;
  • Contrepulsion intra-aortique (CPIA); 
  • Assistance ventriculaire mécanique (ECMO).
La reperfusion peut parfois entraîner des arythmies ventriculaires incoercibles, réclamant de très nombreuses défibrillations. Si la lésion primaire a été chirurgicalement corrigée par les pontages, ces phénomènes sont potentiellement réversibles, et justifient donc un acharnement thérapeutique. Passée la période à haut risque des premières heures, la dysfonction et les arythmies se corrigent et leur pronostic à long terme est excellent.
 
 
 
Période post-revascularisation
La période immédiate après une revascularisation en urgence présente certaines caractéristiques par rapport aux situations électives:
    - Risque hémorragique accentué
    - Sidération myocardique
    - Dysfonction ventriculaire
    - Arythmies malignes

Ces situations sont potentiellement récupérables et justifient un acharnement thérapeutique car leur pronostic à long terme est excellent.


©  BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, Dernière mise à jour, Avril 2018
 

Références
 
  1. BRAUNWALD E, RUTHERFORD JD. Reversible ischemic left ventricular dysfunction: Evidence for the "hibernating myocardium". J Am Coll Cardiol 1986; 8:1467-71
  2. BRAUNWALD E. Is myocardial stunning important from a clinical standpoint? In: KLONER RA, PRZYKLENK K. ed.: Stunned Myocardium. Marcel Dekker, Inc, 1993, p 441-452
  3. KLONER RA, PRZYKLENK K, PATEL B. Altered myocardial states. Am J Med 1989; 86 (suppl A):14-19