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Hypotension et vasoplégie
La vasoplégie est un état de choc distributif caractérisé par des RAS effondrées (500-800 dynes/s/cm5), une hypotension sévère (PAM < 50 mmHg) et une hypoperfusion des organes malgré un débit cardiaque conservé ou élevé. Elle survient dans 5-25% des cas après une CEC [2,5]. L’étiopathogénie est certainement multifactorielle, mais on décèle un certain nombre de facteurs de risque [5].
- Médication préopératoire: inhibiteurs de l'enzyme de conversion, béta-bloqueurs;
- Etat inflammatoire accentué comme dans certaines comorbidités ou dans l'insuffisance ventriculaire gauche (FE basse);
- CEC: longue durée, libération d'endotoxines, lésion d'ischémie-reperfusion (radicaux libres), activation du complément, déclenchement du syndrome inflammatoire systémique (cytokines, NO, prostaglandines, thromboxane, etc);
- Post-CEC: sécrétion élevée de NO•, production abaissée de vasopressine;
- Vasodilatation ou anaphylaxie sur la protamine;
- Sepsis, endocardite.
Le syndrome vasoplégique survient aussi après chirurgie à cœur battant (sans CEC), mais trois fois plus rarement. Comme la chute des RAS facilite l'éjection du VG, le traitement vasopresseur doit s'accompagner d'une surveillance échocardiographique de la tolérance du ventricule à l'augmentation de sa postcharge.
La vasoplégie n'est pas la seule cause d'hypotension postopératoire. Le diagnostic différentiel comprend de nombreux éléments (Tableau 23.4).
- Hypovolémie ; certainement la cause la plus fréquente;
- Dysfonction ventriculaire gauche et/ou droite;
- Ischémie aiguë (infarctus menaçant);
- Sténose sous-aortique dynamique (HVG concentrique, post-RVA pour sténose);
- Bradycardie, arythmie;
- Vasoplégie, état septique;
- Compression : tamponnade, pneumothorax sous tension;
- Problème chirurgical (drain bouché, occlusion de pontage, cardioplégie inadéquate, dysfonction de valve, résection ventriculaire majeure, etc).
L'échocardiographie transoesophagienne (ETO) est un élément indispensable au diagnostic différentiel, car la dysfonction diastolique induite par la pathologie de base et/ou la CEC rend l'interprétation des pressions de remplissage peu fiable.
- Hypovolémie: cavités peu remplies en systole et en diastole, volume télédiastolique bas, fraction d'éjection élevée, septum interauriculaire flottant.
- Vasoplégie: baisse extrême du volume télésystolique.
- Dysfonction VG: baisse de la fraction d'éjection, dilatation systolo-diastolique, insuffisance mitrale (II-III) sur dilatation, bombement du septum interauriculaire dans l'oreillette droite, faible amplitude des mouvements mitraux [4].
- Dysfonction VD: dilatation du VD, hypokinésie de la paroi libre, bombement du septum interauriculaire et du septum interventriculaire dans les cavités gauches, insuffisance tricuspidienne.
- Ischémie: akinésie segmentaire d'origine nouvelle (correspondant en général à une surélévation ST), dysfonction papillaire et insuffisance mitrale, sidération myocardique.
- Sténose sous-aortique dynamique: accélération importante dans la chambre de chasse gauche (Vmax > 2.5 m/s), aspiration du feuillet septal de la valve mitrale dans la chambre de chasse (SAM : systolic anterior motion), HVG concentrique, hypovolémie, sur-stimulation béta [3].
- Tamponnade: compression d'une ou de plusieurs cavités par du sang ou des caillots, épanchement péricardique.
- Pneumothorax sous tension.
- Dysfonction de prothèse valvulaire: ailette bloquée, fuite paravalvulaire.
- Dysfonction post-plastie: insuffisance valvulaire aiguë.
- Dysfonction de pace-maker (désynchronisation AV, rythme ventriculaire).
L'état vasoplégique nécessite un traitement combiné d'expansion plasmatique et de vasoconstriction artérielle.
- Maintien du volume circulant; administration de 500 mL de Ringer-lactate ou 250 mL d'albumine 5% (PPL), éventuellement 250 mL de PFC. Les besoins liquidiens peuvent être très élevé dans les premières 24 heures postopératoires. L’hémorragie, la vasoplégie et la réaction inflammatoire massive après une longue CEC consomment une grande quantité de liquide hydro-électrolytique qui s’accumule dans l’espace intra- et extra-cellulaire. Même si le malade prend du poids, son volume intravasculaire peut rester insuffisant et se traduire cliniquement par une hypovolémie. En cas de fuite capillaire pulmonaire, les colloïdes peuvent devenir néfastes lorsqu'ils migrent dans l'espace interstitiel et y exercent leur pouvoir oncotique [1]. Pour éviter de "noyer" le patient sous un excès liquidien, il est préférable de régler l'apport de volume d'après le volume systolique (Swan-Ganz, PiCCO) et la perfusion périphérique (SvO2, ScO2, NIRS) que par la pression de remplissage (PVC, PAPO). D'une part, cette dernière varie peu en hypovolémie parce que la courbe de compliance est très plate à bas volume; d'autre part, elle plus élevée que la norme en cas d'insuffisance diastolique, qui est une pathologie très fréquente en cas d'hypertrophie, d'insuffisance ou d'ischémie ventriculaire (voir Figure 23.5B). Troisièmement, elle reste basse lorsque le venricule est très compliant parce qu'il est dilaté par une insuffisance valvulaire.
- Vasoconstriction (voir Chapitre 4, Vasopresseurs). Les vasopresseurs non-catécholaminergiques tendent à diminuer le besoin en catécholamine et le taux d'insuffisance rénale postopératoire, mais rien de prouve qu'ils diminuent la mortalité [5].
- Nor-adrénaline, 0.05 – 0.5 mcg/kg/min (parfois jusqu'à 1 mcg/kg/min);
- Adrénaline, 0.15 mcg/kg/min;
- Vasopressine, perfusion iv 1-4 U/heure;
- Bleu de méthylène, 1-2 mg/kg en 20 minutes.
- Bolus; deux substances sont à disposition pour augmenter la pression artérielle de façon momentanée.
- Phényléphrine: 1 mcg/kg;
- Ephédrine: 0.1-0.5 mg/kg.
- Pharmacothérapie; selon l'étiologie, d'autres substances peuvent être indiquées: antibiotiques, stéroïdes, diurétiques, etc.
Les vasoconstricteurs alpha comme la noradrénaline peuvent présenter un danger chez les patients qui ont des pontages aorto-coronariens artériels libres avec la radiale, car ils peuvent y induire un spasme et menacer d'ischémie le territoire revascularisé.
Hypotension postopératoire |
Les étiologies sont nombreuses, et en général bien diagnostiquées par l’échocardiographie :
- Hypovolémie, hémorragie
- Dysfonction ventriculaire
- Ischémie aiguë
- Vasoplégie, sepsis
- Tamponnade, pneumothorax sous tension
- Sténose sous-aortique dynamique
- Dysfonction de prothèse, de pace-maker
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© CHASSOT PG, MUSTAKI JP, BOVY M, Juin 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
Références
- BOJAR RM. Manual of perioperative care in adult cardiac surgery, 5th edition. Oxford: Wiley-Blackwell, 2011. 312-35
- FISCHER GW, LEVIN MA. Vasoplegia during cardiac surgery: current concepts and management. Semin Thorac Cardiovasc Surg 2010; 22:140-4
- JAIN P, PATEL PA, FABBRO M. Hypertrophic cardiomyopathy and left ventricular outflow tract obstruction: expecting the unexpected. J Cardiothorac Vasc Anesth 2018; 32:467-77
- ROYSTER RL. Myocardial Dysfunction following Cardiopulmonary Bypass: Recovery patterns, predictors of initropic needs, theoretical concepts of inotropic administration. J Cardiothor Vasc Anesth 1993; 7 (Suppl 2): 19-25
- SHAEFI S, MITTEL A, KLICK J, et al. Vasoplegia after cardiovascular procedures – Pathophysiology and targeted therapy. J Cardiothorac Vasc Anesth 2018; 32:1013-22
23. Complications après chirurgie cardiaque
- 23.1 Introduction
- 23.2 Sevrage ventilatoire
- 23.3 Complications cardio-vasculaires
- 23.3.1 Bas débit cardiaque
- 23.3.2 Hypotension et vasoplégie
- 23.3.3 Hypertension et vasoconstriction
- 23.3.4 Dysfonction ventriculaire droite
- 23.3.5 Médicaments cardiovasculaires
- 23.3.6 Valvulopathies
- 23.3.7 Infarctus myocardique
- 23.3.8 Réouverture sternale et tamponnade
- 23.3.9 Arythmies
- 23.3.10 Problèmes hématologiques
- 23.4 Complications pulmonaires
- 23.5 Complications neurologiques
- 23.6 Complications rénales
- 23.7 Complications abdomino-digestives
- 23.8 Complications infectieuses et métaboliques
- 23.9 Conclusions