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Hypertension et vasoconstriction
La CEC est une situation très stressante du point de vue physiologique, qui se traduit par une décharge sympathique majeure. D'autre part, un réchauffement incomplet en salle d'opération provoque une vasoconstriction artérielle hypothermique qui augmente la postcharge du VG, et des frissons qui élèvent la consommation d'O2. A cela s'ajoutent le réveil, la douleur, la stimulation du tube endotrachéal, et éventuellement une hypercarbie. Face à ces conditions difficiles, le ventricule est à la peine, notamment parce que sa fonction diminue spontanément de 10-20% après une CEC; le nadir de cette chute se situe entre la 4ème et la 6ème heure après l'intervention (voir Figure 23.3) [3].
Si la fonction gauche est défaillante, la vasoconstriction entraine un bas débit systémique par excès de postcharge et une hypoperfusion des organes. Si la fonction gauche est satisfaisante, la vasoconstriction cause une poussée hypertensive dangereuse pour la fragilité des lignes des sutures et pour l'hémostase, sans garantie que le débit cardiaque soit normal. Le traitement consiste en premier lieu à rétablir les RAS par un vasodilatateur artériel qui présente plusieurs avantages: réduction de la postcharge, amélioration de la perfusion périphérique, réchauffement homogène, et facilitation du remplissage [1,4].
- Nitroprussiate: vasodilatation artériolaire, tachycardie réflexe lorsque la pression baisse. Dosage: 0.1-1.0 mcg/kg/min (maximum 8 mcg/kg/min); durée d'action: 2-4 minutes. Danger: intoxication au cyanate, avec acidose métabolique et SvO2 élevée; détoxification par la méthémoglobine formée par les dérivée nitrés.
- Nitroglycérine: veinodilatation primaire, amélioration du débit coronarien. Dosage: 0.1-10 mcg/kg/min. Risque: formation de méthémoglobine (Hb oxydée par les nitrites issus du métabolisme hépatique de la nitroglycérine); traitement: bleu de méthylène.
- Clévidipine (Cleviprex®): vasodilatateur artériel sélectif du réseau systémique et coronarien sans effet sur les vaisseaux de capacitance ni sur la précharge; pas de tachycardie. Par voie iv, il a une demi-vie de 10 min (métabolisation par les estérases plasmatiques). Dosage: 1-2 mg/h en perfusion, que l’on peut doubler toutes les 3-5 minutes jusqu’à l’effet désiré (dose maximale : 32 mg/h) [2].
- Nicardipine (Loxen®, Cardene®): elle provoque une faible tachycardie mais dilate le réseau coronarien; durée d'action: 2-4 heures. Dosage: 0.5 mg/min iv jusqu'à l'effet désiré (maximum 15 mg/h). Prévient les spasmes des greffons artériels (0.25 mcg/kg/min).
- Phentolamine (Régitine®): vasodilatateur artériel qui agit par antagonisme compétitif sur les récepteurs α1, α2 et 5-HT, elle provoque une tachycardie. Utilisée en bolus de 5 mg (0.1 mg/kg) pour juguler momentanément la pression artérielle.
- Uradipil (Eupressyl®): antagonisme des récepteurs α1 et stimulation des récepteurs sérotoninergiques, vasodilatation artériolaire pulmonaire. Dosage: bolus 25 mg iv en 20-30 sec, perfusion 10-60 mg/h.
- Béta-bloqueurs: ils sont indiqués lorsque l'hypertension est liée à un état hyperdynamique, mais évidemment exclus en cas de bas débit ou de dysfonction ventriculaire.
- Esmolol (Brevibloc®) : bolus iv 0.5 mg/kg en 1 min, ou bolus de 10 mg répétés selon besoin; perfusion 50-200 mcg/kg/min; demi-vie de 9 minutes. Risque d’hypotension et de bradycardie passagères. Son effet de courte durée le rend très manipulable et peu dangereux dans les situations instables.
- Metoprolol (Lopresor®, Belok®) : 1-5 mg iv en 2 min (15-50 mcg/kg) ; demi-vie de 3-4 heures. Risque d’hypotension et d’insuffisance ventriculaire.
- Labétalol (Trandate®) : dose de charge 20 mg, puis 40-80 mg toutes les 10 minutes jusqu’à l’effet désiré (maximum 300 mg) ; demi-vie de 2-4 heures. Le rapport de puissance α/β blocage est de 1:7.
Dans ces situations instables, l'administration d'un agent inotrope ne doit pas se baser sur la pression artérielle mais sur le volume systolique et le débit cardiaque, quel que soit leur mode de mesure.
Le ventricule droit souffre également de l'hypothermie, car celle-ci cause une hypertension pulmonaire qui élève de la même manière la postcharge droite.
Hypertension postopératoire |
Causes multiples: hypothermie, frissons, réveil, tube endotrachéal, douleur, stress, catécholamines.
Risques: excès de postcharge pour le VG et bas débit cardiaque, lâchage de suture, hémorragie.
Hypotenseurs:
- Perfusion: nitroprussiate, nitroglycérine
- Bolus: phentolamine, clévidipine, nicardipine
- Béta-bloqueur
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© CHASSOT PG, MUSTAKI JP, BOVY M, Juin 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
Références
- BOJAR RM. Manual of perioperative care in adult cardiac surgery, 5th edition. Oxford: Wiley-Blackwell, 2011. 312-35
- LIU H, FOX CJ, ZHANG S, KAYE AD. Cardiovascular pharmacology: an update. Anesthesiology Clin 2010; 28:723-38
- ROYSTER RL. Myocardial Dysfunction following Cardiopulmonary Bypass: Recovery patterns, predictors of initropic needs, theoretical concepts of inotropic administration. J Cardiothor Vasc Anesth 1993; 7 (Suppl 2): 19-25
- SINGLA N, WARLTIER DC, GANDHI SD; et al. Treatment of acute postoperative hypertension in cardiac surgery patients: an efficacy study of clevidipine assessing its postoperative antihypertensive effect in cardiac surgery-2 (ESCAPE-2), a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Anesth Analg 2008; 107:59-67
23. Complications après chirurgie cardiaque
- 23.1 Introduction
- 23.2 Sevrage ventilatoire
- 23.3 Complications cardio-vasculaires
- 23.3.1 Bas débit cardiaque
- 23.3.2 Hypotension et vasoplégie
- 23.3.3 Hypertension et vasoconstriction
- 23.3.4 Dysfonction ventriculaire droite
- 23.3.5 Médicaments cardiovasculaires
- 23.3.6 Valvulopathies
- 23.3.7 Infarctus myocardique
- 23.3.8 Réouverture sternale et tamponnade
- 23.3.9 Arythmies
- 23.3.10 Problèmes hématologiques
- 23.4 Complications pulmonaires
- 23.5 Complications neurologiques
- 23.6 Complications rénales
- 23.7 Complications abdomino-digestives
- 23.8 Complications infectieuses et métaboliques
- 23.9 Conclusions