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Introduction: indications et résultats

Bien que la première greffe humaine ait été pratiquée par Christiaan Barnard à Capetown en Décembre 1967 [2], le vrai père de la transplantation cardiaque est Norman Shumway, qui l’a décrite en 1960 chez l’animal et pratiquée chez l’homme dès 1968 à Stanford. Pendant quinze ans, les améliorations techniques, la codification de la notion de mort cérébrale et l'introduction de deux nouveaux immunosuppresseurs, la ciclosporine A (en 1981) et l’anticorps monoclonal OKT3 (en 1983), ont amélioré peu à peu les résultats, qui étaient au départ assez décevants. C’est donc depuis le milieu des années quatre-vingt que la greffe est entrée parmi les thérapeutiques de choix de l'insuffisance cardiaque terminale, au point que la 100'000ème transplantation de cœur a été enregistrée en 2011 [22]. Après un pic à 4'500 transplantations annuelles dans les années 1993-1995, le nombre s’est stabilisé à environ 4'200 greffes par an rapportées dans l’Official Adult Heart Transplant Report [15]. Toutefois, certains centres ne mentionnent pas leur activité; on peut donc estimer qu’il se pratique environ 5'000 greffes cardiaques par an à travers le monde. Ce chiffre est assez stable depuis une douzaine d'année, mais tend à baisser légèrement avec les progrès de la prise en charge de l'insuffisance ventriculaire avancée, notamment la resynchronisation et un nouvel agent constitué de l’association de valsartan et de sacubitril (Entresto®) [4,14]. La nouveauté de ces dernières années est que plus de 40% des patients sont sous assistance circulatoire au moment de leur transplantation [9,10].
 
La cardiomyopathie est la principale étiologie menant à la transplantation (53% des cas), suivie par l’ischémie myocardique (38%), les cardiopathies congénitales (3%) et les valvulopathies (3%) ; près de la moitié des cas ont déjà subi une intervention cardiaque [9]. Les indications à la greffe sont les marqueurs d'une insuffisance cardiaque terminale devenue réfractaire au traitement médical et aux thérapeutiques invasives [10,13,16,23].
 
  • Choc cardiogène persistant sous assistance circulatoire;
  • Choc cardiogène requérant un traitement continu d'agents inotropes intraveineux;
  • VO2 max < 12 mL/kg/min;
  • Classe NYHA IV malgré un traitement médical optimal et une resynchronisation;
  • Arythmies malignes récurrentes engageant le pronostic vital, malgré un défibrillateur implantable et/ou une ablation par cathétérisme;
  • Cardiopathie congénitale au stade terminal, sans hypertension pulmonaire;
  • Angor réfractaire sans options chirurgicales ou interventionnelles possibles.
Les contre-indications sont habituellement réparties en deux classes: absolues et relatives [11,13,23,24]. Les contre-indications absolues peuvent se grouper en deux catégories.
 
  • Maladie systémique avec un pronostic vital inférieur à 2 ans malgré la greffe:
    • Néoplasie maligne dans les 5 dernières années;
    • HIV actif avec infections fréquentes;
    • Insuffisance hépatique (Child B ou C) ou rénale irréversible (sauf si greffe rénale simultanée);
    • BPCO sévère irréversible (FEV1 < 1 L/min);
    • Lupus érythémateux systémique, sarcoïdose ou amyloïdose avec atteinte multi-systémique et en phase active.
  • Hypertension pulmonaire: RAP > 4-5 U Wood (320-400 dynes•sec•cm-5), PAPs > 60 mmHg, gradient transpulmonaire > 15 mmHg; 
 
Les contre-indications relatives sont nombreuses mais sujettes à interprétation selon leur importance, l'âge du patient, le degré d'urgence, etc. Elles sont à considérer dans le cadre de la rareté des organes et des progrès de la prise en charge médicale de l'insuffisance cardiaque. Lorsqu'elles sont multiples, elles deviennent équivalentes à une contre-indication absolue [1,15].
 
  • Age > 70 ans;
  • Infection active curable, à l'exclusion des infections liées à une assistance ventriculaire;
  • Diabète type I avec lésions des organes-cibles (HbA1c > 7.5%);
  • Maladie ulcéreuse;
  • Maladie vasculaire périphérique, maladie vasculaire cérébrale;
  • Obésité morbide (BMI > 35 kg/m2) ou cachexie;
  • Clairance de la créatinine < 30 mL/min;
  • Bilirubine > 25 mg/L;
  • BPCO avec FEV1 30-40%;
  • Maladie neurologique irréversible;
  • Thrombocytopénie induite par l'héparine (HIT) < 100 jours; 
  • Sensibilisation étendue aux allo-antigènes HL-A;
  • Instabilité psycho-sociale, addiction active (tabagisme, alcoolisme, drogue);
  • Incapacité sociale ou assécurologique de suivi régulier et d'accès aux immunosuppresseurs.
Les résultats actuels de la greffe cardiaque peuvent se résumer comme suit (Figure 17.1) [4,9,10,12].
 
  • Globalement, 50% des cas survivent > 11 ans;
  • Passée la première année, la moitié des cas survivent > 14 ans;
  • La mortalité est de 10-18% la première année, et de 3.4% par an au-delà;
  • Les progrès réalisés ces dernières années portent essentiellement sur la survie des 12 premiers mois ; la mortalité > 1 an reste assez constante;
  • L'incidence de retransplantation est de 2-4%;
  • Le degré de réhabilitation est de 85% ; la moitié des patients a retrouvé son emploi.
 

Figure 17.1 : Survie moyenne après transplantation cardiaque chez l’adulte pour quatre périodes différentes (1982-1991 en bleu, 1992-2001 en violet et 2002-2008 en rouge, 2009-2014 en brun). La survie moyenne globale actuelle est de 50% à 11 ans. La moratlité est de 10-18% la première année, puis 3.4%/an (Source: Registry of the International Society for Heart and Lung Transplantation, 2016) [10].
 
En comparaison, la mortalité annuelle sous traitement médical seul des candidats non-transplantés est de 50-75 % [11,19]. La mortalité sous assistance circulatoire implantée est de 20% à 1 an et 30% à 2 ans [7]. Pendant la première année, les principales causes de décès sont l’infection (30%), la défaillance du greffon (20%), l’insuffisance multi-organique (15%) et le rejet (9%) [22]. Le taux de rejets aigus traités pendant la première année est en moyenne de 13% [10]. Au-delà d’un an, la mortalité est liée au développement de tumeurs (cancers cutanés, adénocarcinomes, lésions lympho-prolifératives), à la vasculopathie du greffon, à l’insuffisance rénale et à la défaillance cardiaque (rejet chronique, insuffisance ventriculaire) [21,22]. Au-delà de 15 ans, plus du tiers des patients souffre de vasculopathie du greffon, la moitié d’une forme de néoplasie et les trois quarts d’hypertension artérielle [12]. 
 
La majorité des centres pratique 10-20 greffes par an [21]. En Suisse, on réalise environ 40 transplantations cardiaques par an dans 3 centres (Berne, Lausanne et Zürich). La survie globale dans la série helvétique de ces 10 dernières années est de 85% à 1 an, 75% à 5 ans et 72% à 8 ans (Swiss Transplant Cohort Study, Berne 2016). Dans la série du CHUV, le taux de survie est de 84% à 1 an, 72% à 3 ans, 70% à 5 ans et 63% à 10 ans; il reste stable à cette valeur jusqu'au cas le plus tardif (18 ans) [18,20,24]. En excluant les décès postopératoires immédiats, représentant 15% de mortalité dans les 30 jours, les taux de survie sont de 82% à 3 ans, 81 % à 5 ans et de 73% à 10 ans. La majeure partie des décès est liée aux causes suivantes: infections (21%), dysfonction (16%), rejet (10%), tumeurs (8%) et mort subite (8%) [18,20]. Une partie importante des patients bénéficie d'une remarquable amélioration de la qualité de vie et peut souvent reprendre des activités socio-professionnelles gratifiantes. Toutefois, les problèmes médicaux (hypertension, dysfonction rénale, arythmies, coronaropathie) sont fréquents et leur prise en charge souvent complexe.
 
Ces dernières années, une tendance se dessine à transplanter des patients plus lourdement atteints, notamment des malades hospitalisés au bénéfice d’un support inotrope permanent ou d’une assistance ventriculaire mécanique (bridge-to-transplant) (24% des receveurs dans la série lausannoise) [18]. Cette dernière technique non seulement prolonge la vie d’insuffisants cardiaques décompensés, mais permet aussi de renverser une bonne partie des processus physiopathologiques associés à l’insuffisance ventriculaire congestive, d’améliorer la fonction des organes-cibles et de remodeler positivement le ventricule par la réduction de la charge [8]. Elle n'agrave pas la mortalité post-greffe, ni l'incidence de rejets ou d'infections, quelle que soit la durée du soutien hémodynamique (voir Anesthésie, Receveur sous assistance ventriculaire) [6,17]. Le vieillissement de la population pousse également à transplanter des malades de plus en plus âgés (65-70 ans). Toutefois, l'âge a moins d'importance que l'hypertension pulmonaire, la fonction ventriculaire droite ou la durée de CEC dans le pronostic vital [3]. 
 
Malheureusement, la greffe cardiaque souffre d’un manque cruel de donneurs. Seul un quart des receveurs en liste bénéficie de la thérapeutique, après une attente dont la durée est particulièrement aléatoire pour les groupes rares, les tailles extrêmes et les porteurs d’anticorps. Pour pallier ce déficit, on tend à élargir les critères de sélection des donneurs en prenant des cas au-delà des limites traditionnelles : âge > 60 ans, diabète, tumeur cérébrale, coronaropathie mineure, fonction ventriculaire abaissée, besoin soutenu en agents inotropes [11]. Car les alternatives à la transplantation cardiaque sont peu nombreuses.
 
  • Resynchronisation par pace-maker triple chambre pour les malades en classe NYHA III avec QRS élargi (voir Chapitre 12 Resynchronisation);
  • Interventions chirurgicales de réduction ventriculaire (opérations de Batista ou de Dor), cardiomyoplastie [5] ; ces opérations sont largement abandonnées (voir Chapitre 12 Options chirurgicales);
  • Remplacement ventriculaire (destination therapy) ; pour l’instant seuls deux modèles de cœur artificiel totalement implantable sont en essai clinique : CardioWest™ et Abiocor™ (voir Chapitre 12 Dispositifs à long terme et Figure 12.26).
La xénogreffe est peut-être une réponse pour le futur, mais pour l’instant la barrière immunologique est infranchissable.
 
 
 Transplantation cardiaque
Il se pratique environ 5'000 greffes cardiaques par an. La mortalité est de 10-18% la première année, et de 3-4% par an au-delà; la survie moyenne est de 85-90% à 1 an, 70% à 5 ans et de 60% à 10 ans. 
 
Pendant la 1ère année, les principales causes de décès sont l’infection, la défaillance du greffon, l’insuffisance multi-organique et le rejet. Au-delà d’un an, la mortalité est liée au développement de tumeurs, à la vasculopathie du greffon, à l’insuffisance rénale et à la défaillance cardiaque. En comparaison, la mortalité annuelle de l'insuffisance cardiaque terminale sous traitement médical seul est de 50-75 %. A long terme, plus du tiers des patients souffre de vasculopathie du greffon, la moitié d’une forme de néoplasie et les trois quarts d’hypertension artérielle. 
 
Moins d'un quart des receveurs en liste d’attente bénéficie de la thérapeutique, après une attente dont la durée est plus longue pour les groupes rares, les tailles extrêmes et les porteurs d’anticorps.


© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, Dernière mise à jour, Avril 2018
 
 
Références
 
 
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