Step 3 of 6

Physiopathologie

En bloquant les niveaux C7 à D5 au moyen d’un anesthésique local, on provoque une sympathectomie cardiaque qui a plusieurs conséquences [7,15].
 
  • Vasodilatation coronarienne, avec une redistribution du flux en faveur de l’endocarde et une augmentation du flux collatéral (augmentation du DO2); elle se traduit par une diminution de l’angor [2]; mais la disparition de la symptomatologie est aussi artificiellement due à un bloc afférent [11]. 
  • Sympathicolyse cardiaque: induite par le bloc, elle a un effet bénéfique sur la souffrance ischémique myocardique. Le rapport du flux coronarien à la mVO2 est plus favorable [7,11] ; la libération de NT-proBNP ou de Troponin I est moindre dans certaines études [6,10], mais pas dans toutes [1]. Le taux de FA baisse [15].
  • Modification de la contractilité propre du myocarde; la mVO2 diminue; conjointement au point précédent, cet effet améliore le rapport DO2/VO2 du myocarde, donc diminue le risque ischémique. En peropératoire, l’incidence clinique d’ischémie est abaissée [14]. Le volume systolique peut augmenter par un effet Starling lié à une augmentation de la PVC [6]. Mais la baisse de la fonction ventriculaire peut devenir dangereuse chez les patients dont les performances myocardiques sont critiques et dépendent de la stimulation sympathique centrale, car la fonction systolique du VG diminue jusqu'à 50% [5].
  • Amélioration de la fonction diastolique, même si les indices de fonction systolique ne sont pas modifiés [13].
  • Bloc du réflexe cardio-accélérateur; l’absence de tachycardie compensatrice, bénéfique en soi, contribue cependant à la baisse du débit cardiaque effectif en cas d’hypotension; la fréquence cardiaque globale diminue d'environ 15 battements/minute [12]. Le taux de tachy-arythmies sus-jonctionnelles diminue [9].
  • Diminution de la réponse métabolique et endocrinienne au stress; les marqueurs de la réaction de stress sont abaissés: noradrénaline, adrénaline, cortisol, taux de lactate dans le sinus coronaire [4,7,8] ; il n’y a cependant pas de diminution de la réaction inflammatoire systémique à la CEC [3].
  • Vasodilatation systémique et hypotension; malgré le bénéfice d’une baisse de postcharge, le ventricule peut souffrir d’une diminution de la pression de perfusion coronaire lorsque la pression diastolique aortique est abaissée de plus de 50% de sa valeur initiale. Si le tonus résistif diminue dans les territoires bloqués, une vasoconstriction réactionnelle est possible dans les autres territoires, entraînant secondairement une augmentation globale de la postcharge. L’hypotension est très fréquente, puisque des vasoconstricteurs et des perfusions accrues sont nécessaires dans 50-90% des cas [6,14].
  • L’inhibition sympathique a peu d’effet sur le lit vasculaire pulmonaire pour deux raisons : le plexus pulmonaire est essentiellement contrôlé par le nerf vague, et l’activité sympathique vasoconstrictrice (récepteurs alpha) est faible dans les poumons. Le bloc C7-D4 inhibe la vasodilatation pulmonaire active chez le sujet sain; les résistances pulmonaires (RAP) peuvent augmenter sensiblement. En cas d’hypertension pulmonaire, au contraire, la vasoconstriction sympathique est plus marquée et le bloc tend à abaisser les RAP.
Le tableau est différent lorsqu’on utilise des opiacés, puisque la sympathectomie est absente; la réactivité hémodynamique est au contraire parfaitement conservée. Cette réactivité, associée à une analgésie adéquate, est intéressante chez les patients critiques dont l’équilibre circulatoire est maintenu grâce au tonus sympathique de base; chez eux, en effet, l’hypotension et la baisse de performance inotrope due à l'ALR avec anesthésiques locaux peuvent être catastrophiques. Par contre, cette réactivité maintenue oblige à davantage de corrections hémodynamiques avec un vasodilatateur ou un vasoconstricteur. Les effets secondaires des opiacés sont caractérisés par la dépression respiratoire, le prurit, les nausées et les vomissements.

 
 
Anesthésie péridurale cervico-thoracique 
La péridurale haute (C6-D4) provoque une sympathectomie cardiaque et une analgésie sans dépression respiratoire. Effets cardiaques : vasodilatation coronarienne (↑ DO2), baisse de la contractilité (↓ mVO2), bloc cardio-accélérateur (FC basse), vasodilatation et hypotension systémique, possible augmentation des RAP chez le sujet sans HTAP.


© CHASSOT PG, BETTEX D, MARCUCCI C, Septembre 2010, dernière mise à jour, Décembre 2018
 

Références
 
  1. BARRINGTON MJ, KLUGER R, WATSON R, et al. Epidural anesthesia for coronary artery bypass surgery compared with general anesthesia alone does not reduce biochemical markers of myocardial damage. Aneswth Analg 2005; 100:921-8
  2. BLOMBERG SG, SVORKDAL N. Thoracic epidural anesthesia for treatment of refractory angina pectoris. Bail Clin Anesthesiol 1999; 13:83-99
  3. BRIX-CHRISTENSEN V, TONNESEN E, SORENSEN IJ, et al. Effects of anaesthesia based on high versus low doses of opioids on the cytokine and acute-phase protein response in patients undergoing cardiac surgery. Acta Anaesthesiol Scand 1998; 42:63-70
  4. FAWCETT WJ, EDWARDS RE, QUINN AC, et al. Thoracic epidural analgesia started after cardiopulmonary bypass: adrenergic, cardiovascular and respiratory sequelae. Anaesthesia 1997; 52:294-9
  5. GOERTZ AW, SEELING W, HEINRICH H, et al. Influence of high thoracic epidural anesthesia on left ventricular contractility assessed using the end-systolic pressure-length relationship. Acta Anaesthesiol. Scand 1993; 37:38-44
  6. JAKOBSEN CJ, BHAVSAR R, NIELSEN DV, et al. High thoracic epidural analgesia in cardiac surgery: Part 1 – High thoracic epidural analgesia improves cardiac performance in cardiac surgery patients. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:1039-47
  7. KIRNO K, FRIBERG P, GRZEGORCZYK A, et al.  Thoracic epidural anesthesia during coronary artery bypass surgery: Effects on cardiac sympathetic activity, myocardial blood flow and metabolism, and central hemodynamics. Anesth Analg 1994; 79:1075-81 
  8. LIEM TH, HASENBOS MA, BOOIJ LH, et al. Coronary artery bypass grafting using two different anesthetic techniques: Part II: Adrenergic response. J Cardiothorac Vasc Anesth 1992; 6:162-7 
  9. LIU SS, BLOCK BM, WU CL. Effects of perioperative central neuraxial analgesia on outcome after coronary artery bypass surgery: A meta-analysis. Anesthesiology 2004; 101:153-61
  10. LOICK HM, SCHMIDT C, VAN HAKEN H, et al. High thoracic epidural anesthesia, but not clonidine, attenuates the perioperative stress response via sympatholysis and reduces the release of Troponin I in patients undergoing coronary artery bypass grafting. Anesth Analg 1999; 88:701-9 
  11. OLLAUSSON K, MAGNUSDOTTIR H, LURJE L, et al. Anti-ischemic and anti-anginal effects of thoracic epidural anesthesia versus those of conventional medical therapy in the treatment of severe refractory unstable angina pectoris. Circulation 1997; 96:2178-82
  12. SAADA M, CATOIRE P, BONNET F, et al. Effect of thoracic epidural anesthesia combined with general anesthesia on segmental wall motion assessed by transesophageal echocardiography. Anesth Analg 1992; 75:329-35305       
  13. SCHMIDT C, HINDER F, VAN AKEN H, et al. The effect of high thoracic epidural anesthesia on systolic and diastolic left ventricular function in patients with coronary artery diasease. Anesth Analg 2005; 100:1561-9
  14. STENSETH R, BJELLA L, BERG EM. Effect of thoracic epidural analgesia on coronary hemodynamics and myocardial metabolim in coronary artery bypass surgery. J Cardiothor Vasc Anesth 1995; 9:503-9 
  15. SVIRCEVIC V, VAN DIJK D, NIERICH AP, et al. Meta-analysis of thoracic epidural anesthesia versus general anesthesia for cardiac surgery. Anesthesiology 2011; 114:271-82
04. Spécificités de l'anesthésie pour la chirurgie cardiaque