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Péricardite
Péricardite constrictive
La péricardite constrictive est caractérisée par plusieurs éléments échocardiographiques [2,5].
La péricardite constrictive est caractérisée par plusieurs éléments échocardiographiques [2,5].
- Epaississement péricardique échodense (> 3 mm), parfois localisé ou calcifié; dans certains cas de péricardite tuberculeuse, tout le péricarde se transforme en une enveloppe rigide et brillante aux ultrasons (Panzerherz). Mais l'image bidimensionnelle peut être très pauvre et non-diagnostique, même dans une constriction sévère.
- Flux de remplissage auriculaire prédominant en diastole, avec un aspect du flux veineux pulmonaire de type "sD" (voir Figure 27.61).
- Flux mitral restrictif: vélocité E normale, raccourcissement de la pente de décélération E (≤ 150 ms), flux A minime (rapport E/A > 2) à cause de la non-distensibilité du VG; variations respiratoires du flux E > 25% (abaissé en inspirium spontané) (Figure 27.63).
- Bascule du septum interventriculaire dans le VG en inspirium spontané (augmentation du remplissage du coeur droit) et dans le VD en expirium (augmentation du remplissage du coeur gauche) ; ce basculement suit le rythme respiratoire et non le rythme cardiaque.
- Mouvement de rebond du septum lié à la désynchronisation des ventricules en protodiastole (basculement vers la gauche en protodiastole dù à la haute pression de remplissage du VD, puis retour en position bombée vers la droite en mésodiastole) [1].
- Doppler tissulaire : relaxation longitudinale normale du VG (Vmax E’ ≥ 8 cm/s à l’anneau mitral); le rapport E/E' est < 12. Toutefois, les adhérences avec le péricarde fibrosé freinent le glissement longitudinal du myocarde latéral; dans ce cas, la mesure se fait au niveau septal de l'anneau mitral, où la Vmax E' reste normale [12]. Cette situation est l'inverse de la normale, puisque la Vmax E' de l'anneau mitral latéral est habituellement supérieure à celle de la partie septale; on parle ainsi de "annulus reversus" [16]. Ce ralentissement de la contraction longitudinale est plus prononcé dans la région sous-épicardique que dans la résion sous-endocardique, qui conserve un mouvement normal.
- Speckle-tracking: maintien de la déformation (strain) longitudinale mais diminution de la déformation circulaire et de la torsion apicale en systole (≤ 7° au lieu de > 15°). Par ailleurs, 15% des patients souffrent d'une atteinte myocardique concomitante (périmyocardite) et montrent une altération généralisée des indices de fonction systolique tissulaire [10].
- Veine cave inférieure congestive, dilatée (diamètre > 2.1 cm) et non-pulsatile. Dans les veines sus-hépatiques, la vélocité globale du flux est diminuée (< 0.2 m/s); la composante diastolique D est minuscule ou absente et présente, dans les cas sévères, un renversement du flux en télédiastole pendant l'expirium spontané [7].
Figure 27.63 : Flux mitral en cas de péricardite constrictive. A: la Vmax du flux E est normale, mais sa pente de décélération (tDE) est accélérée; le flux A est minime. B: variations lors de ventilation spontanée; les variations du flux mitral sont supérieures à 25% au cours d'un cycle respiratoire, alors qu'elles ne dépassent pas 10% normalement en normovolémie. La chute de la Vmax à l’inspirium débute brusquement avec le premier battement cardiaque qui suit l’inspiration ; dans l’hypovolémie ou le BPCO, où l’on rencontre aussi de fortes variations respiratoires du flux mitral, la chute est plus progressive. Le flux tricuspidien subit les mêmes amplitudes de variations, mais de manière inversée : il augmente à l'inspirium et diminue à l'expirium [13].
Péricardite constrictive et cardiomyopathie restrictive
Le diagnostic différentiel entre ces deux entités peut être difficile, car elles présentent un aspect hémodynamique et clinique superposable: hypotension, tachycardie, intolérance à l’effort et insuffisance diastolique sévère ; la fonction systolique est conservée. Le diagnostic différentiel à l'échocardiographie est capital, car le comportement hémodynamique et la thérapeutique de ces deux entités sont très différents (voir Figure 27.37) [3,4,17].
Figure 27.37 : Différentiation de la péricardite constrictive et de la cardiomyopathie restrictive en respiration spontanée à l'échocardiographie transoesophagienne. A : Flux mitral de péricardite constrictive ; E: flux mitral passif protodiastolique, A: flux mitral de la contraction auriculaire. B : Vélocité de l’anneau mitral au Doppler tissulaire en cas de dysfonction diastolique; E’: mouvement protodiastolique, A’: mouvement de la contraction auriculaire, S : mouvement systolique (descente de l’anneau mitral du à la contraction longitudinale du VG). C : Les variations respiratoires très marquées de la péricardite constrictive sont absentes en cas de cardiomyopathie restrictive. tRI: phase de relaxation isovolumétrique (n : 90 ms). tDE: temps de décélération du flux E (n : 160ms). D : La vélocité du mouvement de l’anneau mitral, normal dans la péricardite constrictive (12-15 cm/s), est très faible dans la cardiomyopathie restrictive (< 5 cm/s) et n’a pas de variations respiratoires [15].
La cardiomyopathie restrictive est en général secondaire à une infiltration myocardique par du tissu non-contractile qui rigidifie sa paroi : amyloïdose, sarcoïdose, fibrose endomyocardique, maladie du collagène ou fibrose post-actinique. L’affection atteint exclusivement la fonction diastolique du VG. La cavité ventriculaire est de dimension normale, mais l’oreillette est très dilatée, à cause de l’augmentation des des pressions de remplissage. La PAPO est élevée et les variations respiratoires de la pression artérielle peu marquées. La rigidité de la paroi ventriculaire provoque une insuffisance diastolique gravissime caractérisée par un flux mitral passif protodiastolique (flux E) très brusque et très court, mais de haute vélocité (1.5 m/s) parce que la POG est élevée ; le flux de la contraction auriculaire (flux A) est faible car le ventricule ne se laisse plus distendre en fin de diastole [6]. La composante systolique "S" du flux veineux pulmonaire est très abaissée puisque la POG élevée diminue le gradient entre les veines pulmonaires et le coeur gauche. Plusieurs données échocardiographiques permettent de différencier la cardiomyopathie restrictive (CMR) de la péricardite constrictive (PC) (voir Cardiomyopathie restrictive).
- La vélocité du mouvement de l’anneau mitral examiné au Doppler tissulaire est basse (E’ < 5 cm/s) dans la cardiomyopathie restrictive puisqu’il s’agit d’une maladie de la relaxation diastolique, alors qu’elle est normale dans la péricardite constrictive (E’ > 8 cm/s au niveau septal) où la relaxation est normale puisque la maladie concerne le péricarde et non le myocarde [14,15].
- La propagation du flux mitral en protodiastole (Vp) est normale dans la PC (> 55 cm/s), alors qu'elle est effondrée dans la CMR qui est primairement une insuffisance diastolique avec défaut de relaxation.
- L'importance du flux rétrograde (Ar) dans les veines caves et les veines pulmonaires est proportionnelle à la résistance rencontrée par le flux antérograde (A) remplissant le ventricule. Lorsque ce dernier est rigide à cause du défaut de compliance dans la CMR, le flux rétrograde devient proéminent, alors qu'il reste normal dans la PC.
- La déformation tissulaire (strain) est modifiée de manière différente dans la PC et dans la CMR [2,8,9]:
- La déformation longitudinale globale est conservée dans la PC mais effondrée dans la CMR;
- La déformation circulaire est diminuée dans la PC davantage que dans la CMR;
- La torsion systolique de l’apex est diminuée dans la PC (< 7°) alors qu’elle est conservée dans la CMR (> 15°) [2].
- Comme les cavités cardiaques ne sont pas isolées des variations de pression intrathoracique et que la Ptd est très élevée, la morphologie du flux mitral est peu variable avec la respiration spontanée dans la CMR [6,18]; au contraire, la PC est caractérisée par une variation respiratoire excessive du flux mitral (> 25%) et du flux tricuspide (> 40%) en respiration spontanée [14].
- L'interdépendance ventriculaire est accentuée dans la péricardite constrictive, car la constriction contraint les deux ventricules à un remplissage alterné au cours de la respiration et la coque fibreuse isole les cavités cardiaques des variations de pression endothoracique; le septum interventriculaire bascule dans le VG en inspirium et dans le VD en expirium. Ce phénomène est absent dans la cardiomyopathie restrictive [2].
- La CMR conduit à une dilatation massive de l'OG et/ou de l'OD. La constriction externe par le péricarde prévient ce phénomène dans la PC.
- Au CT scan et à l'IRM, l'épaississement péricardique (≥ 4 mm) est bien visible dans la péricardite constrictive; dans la PC d'origine tuberculeuse, on voit fréquemment des calcifications. Le péricarde est normal dans la CMR, mais l'IRM met en évidence des infiltrations intramyocardiques.
Ce diagnostic différentiel est important parce que le traitement des deux affections est très différent. Hormis la transplantation cardiaque, il n'y a aucune thérapeutique pour la cardiomyopathie restrictive, dont la survie moyenne est de 5 ans après le début des symptômes cliniques ; au contraire, la péricardectomie est curative dans 90% des cas de péricardite constrictive [11]. D’autre part, la tolérance à la ventilation en pression positive est radicalement différente, ainsi que le démontre une manoeuvre de Valsalva. Comme la dépression endothoracique inspiratoire accentue le déséquilibre hémodynamique de la constriction, la surpression du Valsalva ramène les conditions de charge ventriculaire vers l’équilibre ; les ventricules eux-mêmes sont protégés de cette surpression par la coque péricardique. La manoeuvre de Valsalva est bien tolérée. Dans la restriction, au contraire, le débit systolique est extrêmement dépendant de la précharge (courbe de Starling très redressée) ; la baisse du retour veineux périphérique compromet immédiatement le débit cardiaque. D’autre part, l’augmentation de la pression transmurale du VG non protégé limite l’expansion diastolique du ventricule, déjà compromise par la maladie. La pression s’effondre au cours du Valsalva (voir Figure 16.14).
Figure 16.14 : Manoeuvre de Valsalva préopératoire. A : lors de tamponnade ; disparition du pouls paradoxal lors du Valsalva avec augmentation de la pression artérielle moyenne (phases 1 et 2); chute tensionnelle importante lors de l'inspirium profond (phase 3) et stabilisation à des valeurs normales en apnée (phase 4). Ce cas est l'illustration d'une prédominance hémodynamique sur le coeur gauche. Ce patient sera stabilisé en ventilation en pression positive. B : lors de cardiomyopathie restrictive ; irrégularité du pouls paradoxal en ventilation spontanée et effondrement tensionnel lors du Valsalva (phases 1 et 2), secondaire à la grave insuffisance diastolique ; la pression artérielle remonte lors de l'inspirium profond (phase 3) par augmentation du retour veineux droit. Cette patiente sera hypotendue en ventilation en pression positive, la ventilation spontanée sera préférable. La décompression péricardique ne modifiera guère l’hémodynamique.
© CHASSOT PG, BETTEX D. Novembre 2011, Août 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
Figure 16.14 : Manoeuvre de Valsalva préopératoire. A : lors de tamponnade ; disparition du pouls paradoxal lors du Valsalva avec augmentation de la pression artérielle moyenne (phases 1 et 2); chute tensionnelle importante lors de l'inspirium profond (phase 3) et stabilisation à des valeurs normales en apnée (phase 4). Ce cas est l'illustration d'une prédominance hémodynamique sur le coeur gauche. Ce patient sera stabilisé en ventilation en pression positive. B : lors de cardiomyopathie restrictive ; irrégularité du pouls paradoxal en ventilation spontanée et effondrement tensionnel lors du Valsalva (phases 1 et 2), secondaire à la grave insuffisance diastolique ; la pression artérielle remonte lors de l'inspirium profond (phase 3) par augmentation du retour veineux droit. Cette patiente sera hypotendue en ventilation en pression positive, la ventilation spontanée sera préférable. La décompression péricardique ne modifiera guère l’hémodynamique.
Péricardite constrictive |
Epaississement péricardique (inconstant) Remplissage diastolique (xY et sD en veine pulmonaire): dip-and-plateau intraventriculaire Variations respiratoire du flux mitral > 25% et du flux tricuspidien > 40% (respiration spontanée) Vmax anneau mitral E' > 8 cm/s au niveau septal (Vmax latérale < Vmax septale) Bascule respiratoire alterné du septum interventriculaire Congestion et faible pulsatilité de la veine cave inférieure |
Diagnostic différentiel entre la péricardite constrictive et la cardiomyopathie restrictive |
Péricardite Cardiomyopathie constrictive restrictive Vmax anneau mitral septal (Doppler tissulaire) E' > 8 cm/s E' < 5 cm/s Propagation du flux mitral protodiastolique > 55 cm/s < 20 cm/s Torsion apicale en systole < 7° > 15° Flux Ar veines pulmonaires normal augmenté Variation respiratoire du flux mitral E* > 25% absente Variation respiratoire flux E tricuspide* > 35% < 15% Basculement respiratoire du septum présent absent Oreillette gauche normale très dilatée *: en respiration spontanée. |
© CHASSOT PG, BETTEX D. Novembre 2011, Août 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
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27 Echocardiographie, 3ème partie
- 27.1 Evaluation de la volémie
- 27.2 Ischémie myocardique
- 27.3 Cardiomyopathies
- 27.4 Dysfonction ventriculaire
- 27.5 Pathologie péricardique
- 27.6 Masses
- 27.7 Aorte thoracique
- 27.8 Cardiopathies congénitales
- 27.8.1 Introduction
- 27.8.2 Nomenclature anatomique
- 27.8.3 Shunts
- 27.8.4 Pressions droites
- 27.8.5 Fonction ventriculaire
- 27.8.6 Retour veineux et oreillettes
- 27.8.7 Jonction auriculo-ventriculaire
- 27.8.8 Pathologies ventriculaires
- 27.8.9 Jonction ventriculo-artérielle
- 27.8.10 Segment artériel
- 27.8.11 ETO chez les congénitaux
- 27.9 Transplantation et urgences
- 27.10 Chirurgie à coeur battant
- 27.11 Conclusions