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Cardiomyopathie dilatative

D’une manière générale, la cardiomyopathie dilatative est définie par une atteinte fonctionnelle propre du myocarde, en l'absence de coronaropathie ou de conditions de charges anormales pouvant expliquer le degré de dilatation du ventricule [2]. Cette forme est la plus fréquente des cardiomyopathies (60% des cas); elle est caractérisée par une dilatation, une sphéricisation et une dysfonction du VG ou des deux ventricules (Vidéo). Son origine peut être infectieuse, inflammatoire, métabolique, toxique, médicamenteuse, systémique ou idiopathique. Elle s’accompagne très fréquemment d’une insuffisance mitrale et/ou tricuspidienne de type restrictif, dont l’origine est triple (Figure 27.34).


Vidéo: cardiomyopathie dilatative biventriculaire; les 4 cavités sont dilatées; les 2 ventricules sont hypocontractiles et arrondis. L'amplitude des mouvements mitraux est faible. L'échelle permet d'apprécier l'augmentation de volume du coeur puisque l'apex est à 14 cm de l'oesophage.
 
  • Dilatation de l’anneau auriculo-ventriculaire;
  • Déplacement apical et extérieur des piliers à cause de la dilatation et de la sphéricisation du ventricule;
  • Akinésie pariétale segmentaire d’origine ischémique empêchant la coaptation normale d’une zone des feuillets correspondant aux cordages amarrés au pilier concerné.


Figure 27.34: Silhouette du VG et de l'OG dans la cardiomyopathie dilatative. Normalement, les feuillets mitraux s’affrontent par leurs bords libres sur une certaine hauteur (8-10 mm) : leur étanchéité est assurée par la pression intraventriculaire qui les plaquent l’un contre l’autre (flèches vertes). La cardiomyopathie dilatative du VG conduit à 3 phénomènes : la sphéricisation du VG, sa dilatation, et la dilatation de l’anneau mitral. L’écartement des piliers, qui persiste en systole à cause du faible raccourcissement pariétal, ne donne plus une course suffisante aux cordages pour permettre l'affrontement des feuillets mitraux; ces derniers sont alors retenus en dessous du plan de l'anneau mitral pendant la systole, et la valve fuit. L'insuffisance mitrale est dite restrictive. L'importance et la variation de l'insuffisance mitrale (IM) sont un bon critère du degré d'insuffisance ventriculaire gauche.

La présence d'une insuffisance tricuspidienne (IT) peut être due à une dysfonction primaire du VD (dysplasie arythmogène du VD, par exemple), ou être secondaire à une surcharge de volume ou de pression dans la circulation pulmonaire.

Image bi-dimensionnelle

L'image bidimensionnelle de la cardiomyopathie dilatative gauche est caractéristique (Vidéos) (Figure 27.35) [2,3].


Vidéo: cardiomyopathie dilatative du VG en vue 5-cavités; le ventricule gauche est dilaté, arrondi et hypocontractile, alors que le droit est de taille normale. L'amplitude des mouvements mitraux est très réduite


Vidéo: cardiomyopathie dilatative du VG en vue long-axe; même cas que la vidéo précédente.


Vidéo: insuffisance mitrale de type restrictif dans une cardiomyopathie dilatative du VG; les feuillets mitraux sont meintenus en-dessous du plan de coaptation en systole par la dilatation du ventricule.
 
  • Dilatation ventriculaire (diamètre télédiastolique du VG > 4.5 cm/m2); le VG devient sphérique, l’apex est arrondi; le diamètre au niveau des piliers peut être plus grand (≥ 8 cm) que celui de la base. L'index de sphéricité (rapport long-axe / court-axe) voisine 1.
  • Paroi ventriculaire normale ou amincie, globalementg hypokinétique, mais augmentation de la masse ventriculaire totale.
  • L’OG est dilatée à cause de l’élévation chronique des pressions de remplissage.
  • La FE est < 0.35; il est judicieux de la calculer au moyen de la règle de Simpson (surface du VG en systole et en diastole dans 2 plans orthogonaux), car les approximations géométriques comme la formule de Teichholz ne sont pas appropriées lorsque le remodelage ventriculaire est important et lorsque le VG devient sphérique. De plus, la dilatation entraîne un retard de contraction de la paroi postérieure; cette désynchronisation est bien visible à l'analyse de la contraction segmentaire par le Doppler tissulaire ou le speckle-tracking.
  • Restriction à la coaptation des feuillets mitraux en systole: distance et surface de tente importantes (voir Figure 27.26).
  • La présence de contraste spontané et de thrombus muraux est fréquente (4-16% des cas), notamment à l’apex du VG, et moins souvent dans l’appendice auriculaire gauche [2].


Figure 27.35 : Cardiomyopathie dilatée. A : dilatation du VG (vue 4-cavités 0°) ; en systole l’apex reste arrondi ; la position des feuillets mitraux indique une restriction, le point de coaptation en très en dessous du plan de l’anneau mitral. B : même patient, vue long-axe 120° ; dans ce plan également, l’apex reste arrondi et le VG dilaté. C: cardiomyopathie biventriculaire (vue 4-cavités). Dans ces 3 images, la paroi ventriculaire gauche est mince par rapport à la taille du VG. D: cardiomyopathie dilatative du VG (vue transgastrique court-axe 0°); le diamètre télédiastolique du VG est 7.5 cm.



Figure 27.26 : IM restrictive (Type IIIb) sur dilatation du VG. A: Le degré de restriction est défini par la distance du point de coaptation au plan de l’anneau mitral (distance de tente), la surface triangulaire comprise entre les feuillets et le plan de l’anneau (surface de tente), et l’angle de fermeture du feuillet antérieur mesuré entre le plan de l’anneau et l’extrémité du feuillet [5]. Le rapport des diamètres du VG en long axe et en court axe définit le degré de sphéricisation de celui-ci (rapport normal long-axe / court-axe : > 1.5). B: dessin de la surface de tente (1.95 cm2) en vue 4-cavités d'un VG dilaté et sphérique.

L'échocardiographie est l'examen de premier choix; des techniques de Doppler tissulaire (speckle-tracking, strain, strain rate) permettent de déceler précocement les altérations cinétiques de la paroi myocardique telle la déformation longitudinale globale, par exemple lors de traitement avec des substances cardiotoxiques comme certains antimitotiques. L'IRM offre les meilleures conditions pour mesurer le volume des cavités cardiaques et pour différencier les zones fibrosées [3].

Flux Doppler

Les flux Doppler indiquent la présence d'une insuffisance de la valve auriculo-ventriculaire et une dysfonction diastolique de gravité variable.
 
  • Au flux couleur, présence fréquente d’une IM et/ou d’une IT; l’insuffisance est en général modérée. Lorsqu’elle est sévère, elle instaure un cercle vicieux: la surcharge de volume augmente la congestion ventriculaire, d’où baisse du débit et stase pulmonaire ou systémique, qui à son tour augmente la dilatation et l’importance de la fuite.
  • La Vmax (3-4 m/s) et la pente ascentionnelle de l’IM sont abaissées à cause de la dysfonction ventriculaire (voir Figure 25.177).
  • La Vmax de l’IT est fonction de la contractilité du VD et de la pression pulmonaire; le pic de vélocité de l’IT a une bonne valeur pronostique pour le devenir des cardiomyopathies dilatatives du VG [1].
  • L’insuffisance systolique s’accompagne d’une dysfonction diastolique proportionnelle à la dilatation ventriculaire. La relaxation protodiastolique est perturbée (propagation du flux mitral < 30 cm/s). La pseudonormalisation est fréquente à cause de l'élévation de la pression dans l'OG. La présence d’un flux mitral de type restrictif (relaxation isovolumétrique raccourcie, Vmax E doublée, décélération E très brêve, rapport E/A > 2, Vmax anneau mitral < 5 cm/s) signe un mauvais pronostic [4].


Figure 25.177 : Flux d'une insuffisance mitrale (IM) et calcul du dP/dt de la phase de contraction isovolumétrique par la pente de l'IM (trait jaune) dans le cas d’une fonction normale (A) et en cas de dysfonction ventriculaire gauche (B). On mesure le Δt entre 1 m/s et 3 m/s de vélocité; ces deux points correspondent respectivement à 4 et 36 mmHg de ΔP (équation de Bernouilli: ΔP = 4 V2) entre le VG et l’OG. La valeur normale est ≥ 1’200 mmHg/s, soit moins de 27 ms pour une augmentation de pression de 32 mmHg.

 
Cardiomyopathie dilatative
VG dilaté et arrondi (Dtd > 4.5 cm/m2), hypokinésie généralisée, FE < 0.35
IM restrictive (Vmax et pente d'accélération diminuée)
Dilatation de l'OG, dysfonction diastolique secondaire


© CHASSOT PG, BETTEX D. Novembre 2011, Août 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. ABRAMSON SV, BURKE JF, KELLY JJ, et al. Pulmonary hypertension predicts mortality and morbidity in patients with dilated cardiomyopathy. Ann Intern Med 1992; 116:888-95
  2. ELLIOTT PM. Cardiomyopathy. Diagnosis and management of dilated cardiomyopathy. Heart 2000; 84:106-12
  3. JAPP AG, GULATI A, COOK SA, et al. The diagnosis and evaluation of dilated cardiomyopathy. J Am Coll Cardiol 2016; 67:2996-3010
  4. RIHAL CS, NISHIMURA RA, HATLE LK, et al. Systolic and diastolic dysfunction in patients with clinical diagnosis of dilated cardiomyopathy. Relation to symptoms and prognosis. Circulation 1994; 90:2772-9
  5. RYAN L, JACKSON B, PARISH L. Quantification and localization of mitral valve tenting in ischemic mitral regurgitation using real-time three-dimensional echocardiography. Eur J Cardiothorac Surg 2007; 31:839-4
27 Echocardiographie, 3ème partie