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Prévalence et pronostic
Les cardiopathies sont la première cause de mortalité non-obstétricale chez la parturiente; elles sont responsables de 15% des décès maternels [6]. La présence d’une cardiopathie sévère est considérée comme une contre-indication majeure à la grossesse, car le système cardio-vasculaire peut brutalement mettre en danger la vie de la mère et du fœtus lorsqu’il est incapable de s’adapter aux modifications physiologiques induites par la maternité. Il n’est pas rare qu’un œdème pulmonaire inaugural démasque une cardiopathie sévère et méconnue au cours du deuxième ou du troisième trimestre. En présence d’une cardiopathie congénitale cyanogène ou d’une hypertension pulmonaire, les mécanismes d’échange placentaire sont incapables de compenser l’hypoxémie maternelle chronique et le fœtus meurt soit d’hypoxie, soit de prématurité.
Les deux dernières décennies ont été le témoin d’une diminution considérable de cette mortalité du fait d’un conseil génétique approprié et d’une amélioration importante de la prise en charge cardiologique et chirurgicale des parturientes. Plusieurs facteurs en sont responsables.
- Diminution des maladies rhumatismales;
- Correction chirurgicale précoce des cardiopathies congénitales et acquises;
- Traitement médical proactif des arythmies et de l’insuffisance cardiaque.
Le corollaire en est évidemment une augmentation du nombre de femmes souffrant de cardiopathies traitées en âge de procréer (1-4% des parturientes).
Une revue de la littérature publiée de 1984 à 1996 précise le pronostic de la chirurgie cardiaque en cours de grossesse, pendant l’accouchement et au cours du post-partum. Durant ces douze années, la morbidité et la mortalité fœtale en CEC ont été respectivement de 9% et 30%, la morbidité et la mortalité maternelles de 24% et 6% [9]. Ces valeurs s’élèvent respectivement à 29% et 12% lorsque l’intervention s’est déroulée immédiatement après (Tableau 22.1). La mortalité maternelle varie selon les interventions: 9% pour les remplacements valvulaires, 20% pour la dissection aortique, 22% pour la thrombectomie pulmonaire, et > 30% en cas d’hypertension artérielle pulmonaire. Dans cette revue, les risques maternels sont plus élevés que dans une population non-obstétricale, particulièrement lorsque l’intervention a lieu dans le postpartum immédiat. Les opérations qui ont lieu après la 27ème semaine de gestation et les urgences extrêmes contribuent largement à l’aggravation du pronostic maternel. Pendant les 20 ans qui se sont écoulés depuis cette étude, la situation s'est améliorée pour les mères, puisque la mortalité d'une parturiente en chirurgie cardiaque est actuellement de 0.5-5% (moyenne 1.5%), quasi-équivalente à celle de malades non gravides pour des pathologies analogues [4,5,7,10]. La mortalité fœtale, par contre, reste toujours élevée: 10-33% [8,10]. Pour la chirurgie élective au 2ème trimestre, le taux de survie maternelle réalisable actuellement est de 99% et la mortalité fœtale de 10% [2]. Mais le taux de complications reste élevé: 9% pour la mère et 11% pour le foetus, avec un taux d'accouchement prématuré de 28% et un taux de césarienne de 33% [3]. Comme la chirurgie cardiaque pendant la grossesse est une situation rare (environ 1:3'000 CEC), les chiffres dont on dispose proviennent de séries relativement faibles qui s'étendent inévitablement sur une longue période pendant laquelle la technique évolue et les résultats se modifient.
Le Tableau 22.2 précise le moment de l’intervention chirurgicale par rapport à la grossesse, en distinguant la période qui précède l’accouchement de celle qui le suit à court terme et à plus long terme. Vingt à trente pourcent des interventions se déroulent dans un contexte de décompensation cardiovasculaire aiguë, voire en urgence extrême. La plupart des patientes sont opérées entre la 20ème et la 35ème semaine de gestation. La période optimale pour réaliser ce type d’interventions se situe entre la 24ème et la 28ème semaine [9]. Au cours du premier trimestre, l’immaturité de l’organogenèse accroît le risque tératogénique et celui d’avortement spontané, alors qu’au cours du troisième trimestre, c’est le déclenchement prématuré du travail qui pose problème. Dans une série de 74 patientes (1964 – 2002), les principaux facteurs qui ont contribué à la mortalité maternelle ont été la gravité de la cardiopathie préopératoire (NYHA III et IV) et la nature urgente de la chirurgie. Dans cette étude brésilienne, les valvulopathies rhumatismales étaient prépondérantes (Tableau 22.3) [1]. Bien qu'anciennes, ces données sont instructives car elles montrent la répartition des facteurs de risque, qui est restée inchangée même si les résultats se sont améliorés en valeur absolue.
La chirurgie cardiaque en cours de grossesse n’en demeure pas moins problématique. Le conflit d’intérêt entre la mère et le fœtus, la prise en charge en urgence dans une situation clinique le plus souvent défavorable et la vulnérabilité maternelle pendant le post-partum sont des éléments qui contribuent à aggraver le risque de cette chirurgie. L’anesthésiste qui prend en charge une telle patiente doit connaître les problèmes spécifiques liés à la maladie cardiovasculaire ainsi qu’à son traitement médical et chirurgical, mais également être au clair sur les problèmes physiologiques et physiopathologiques associés à la grossesse.
Grossesse et chirurgie cardiaque |
La chirurgie cardiaque en CEC chez la femme enceinte est rare (environ 1:3'000 CEC). La mortalité maternelle de la chirurgie cardiaque pendant la grossesse est actuellement de 0.5-5% (moyenne 1.5%), mais celle du fœtus reste élevée: 10-30%. L'urgence et la décompensation cardiovasculaire sont les principaux facteurs de risque. Les meilleurs résultats sont obtenus avec les interventions électives pendant le 2ème trimestre. |
© CHASSOT PG, THORIN D, NEFF R, Octobre 2005, dernière mise à jour, Septembre 2019
Références
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- YATES MT, SOPPA G, SMELT J, et al. Perioperative management and outcomes of aortic surgery during pregnancy. J Thorac Cardiovasc Surg 2015; 149:607-10