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Sevrage difficile

L’anesthésie, la sternotomie (ou la thoracotomie), la CEC, le syndrome inflammatoire, les transfusions et les perturbations liquidiennes concourent à diminuer les performances ventilatoires : baisse de la capacité résiduelle fonctionnelle et augmentation de l’eau interstitielle (hypoxémie), baisse de la compliance pulmonaire (augmentation du travail respiratoire), réduction de 50-75% de la capacité vitale, atélectasies. A cela s’ajoutent les pathologies antérieures comme le grand âge, le BPCO, l’emphysème, l’asthme, l’insuffisance cardiaque ou l’insuffisance rénale. Un SDRA survient chez 12% des malades, un soutien ventilatoire de plus de 72 heures est nécessaire dans 8% des cas, l’extubation est un échec chez 7% des patients (ré-intubation) et 1-2% d’entre eux finissent avec une trachéostomie [3]. Lorsque la ventilation se prolonge, il est important de veiller à utiliser un volume courant de 6-8 mL/kg, car un VC > 10 mL/kg est un prédicteur indépendant de lésions pulmonaires, d'instabilité hémodynamique, d'insuffisance rénale, de défaillance multi-organique et de prolongement du séjour en soins intensifs après chirurgie cardiaque (OR 1.4-2.0) [5].
 
Le sevrage du ventilateur implique le retour du travail ventilatoire individuel. Ceci représente une augmentation de 15-20% de la demande totale en O2 [6]. Bien qu’elle freine le retour veineux au cœur droit et augmente la postcharge du VD, la ventilation en pression positive (IPPV) améliore le retour à l’oreillette gauche et diminue la pression transmurale que le VG doit fournir pour maintenir la pression artérielle systémique. L’IPPV est donc l’équivalent d’une baisse de postcharge pour le VG et d’une assistance ventriculaire gauche. Le sevrage représente une surcharge aiguë qui peut entraîner une décompensation gauche et une ischémie myocardique ; celle-ci apparaît chez 6-10% des coronariens, et ralentit le sevrage dans 20% des cas [2]. Le sevrage est considéré comme un échec lorsque les tentatives conduisent à une défaillance respiratoire [7].
 
  • SpO2 < 90%, PaO2 < 60 mmHg à FiO2 0.5;
  • PaCO2 > 50 mmHg, acidose respiratoire (pH < 7.3);
  • Fréquence respiratoire > 30/min;
  • Augmentation > 20% de la fréquence cardiaque ou de la pression artérielle;
  • Arythmies nouvelles ou plus fréquentes;
  • Etat clinique : sueurs, agitation, troubles de la vigilance, efforts inspiratoires excessifs, respiration paradoxale.  
Un certain nombre de phénomènes contrecarrent le sevrage du ventilateur [1].
 
  • Agitation : douleur, délire postopératoire, syndrome de sevrage des benzodiazépines ou de l’alcool.
  • Paralysie diaphragmatique : lésion peropératoire du nerf phrénique, curarisation résiduelle.
  • Insuffisance ventriculaire gauche : en cas de dysfonction gauche (FE < 0.4), la perte de l’aide par l’IPPV entraîne une défaillance ventriculaire. Celle-ci abaisse le débit cardiaque (forward failure) et induit une stase pulmonaire (backward failure) qui altère les échanges gazeux.
  • Insuffisance respiratoire postopératoire : SDRA, pneumonie (VALI: Ventilator-associated lung injury), TRALI (Transfusion-related acute lung injury).
  • Hypoxie : pneumothorax, épanchement pleural, bronchospasme.
  • Insuffisance rénale postopératoire : surcharge liquidienne.
  • Autres complications intercurrentes : altérations métaboliques, dénutrition, iléus paralytique, ischémie digestive, mégacôlon toxique, maladie ulcéreuse et hématémèse.
Les techniques d’ASV (Adaptative Support Ventilation), de SIMV (Synchronized Intermittent Mandatory Ventilation), de BiPAP (Bilevel positive airway pressure) et de CPAP (Continuous positive airway pressure) sont nécessaires pour adapter progressivement le malade à l’indépendance respiratoire (voir Ventilation). Les réponses à deux questions essentielles conditionnent le succès du sevrage ventilatoire [3] :
 
  • Le problème qui a justifié la ventilation mécanique est-il résolu ?
  • Le patient a-t-il la capacité de subvenir à ses besoins ?
Si le malade n’a pas pu être sevré du ventilateur pendant les trois premiers jours, les risques d’un séjour prolongé en soins intensifs deviennent très grands. Près de la moitié des malades ventilés plus de 48 heures développent une pneumonie [4]. 

 
 
Sevrage difficile
L’opération, la surcharge liquidienne, les transfusions, le syndrome inflammatoire et la cardiopathie diminuent les performances ventilatoires et les échanges gazeux. Le sevrage du ventilateur représente une surcharge momentanée pour le VG. Mais la prolongation de l’IPPV augmente les risques de complications. 


© CHASSOT PG, MUSTAKI JP, BOVY M, Juin 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
 
 
Références
 
  1. BOJAR RM. Manual of perioperative care in adult cardiac surgery, 5th edition. Oxford: Wiley-Blackwell, 2011, 400-12
  2. CHATILA W, JACOB B, ADJEPONG Y, et al. Cardiac ischemia during weaning from mechanical ventilation. Chest 1996; 109: 1577-83
  3. HIGGINS TL, LEE PC. Difficult weaning from mechanical ventilation and tracheotomy care. In: CHENG DCH, DAVID TE, eds. Perioperative care in cardiac anesthesia and surgery. Philadelphia: Lippincott, Williams & Wilkins, 2006, 387-99
  4. HORTAL J, GIANNELLA M; PEREZ MJ, et al. Incidence and risk factors for ventilator-associated pneumonia after major heart surgery. Intensive Care Med 2009; 35:1518-25
  5. LELLOUCHE F, DIONNE S, SIMARD S, et al. High tidal volumes in mechanically ventilated patients increase organ dysfunction after cardiac surgery. Anesthesiology 2012; 116:1072-82
  6. MANTHOUS CA, HALL JB, SCHMIDT GA, et al. The effect of mechanical ventilation on oxygen consumption in critically ill patients. Am J Respir Crit Care Med 1995;151:210-4
  7. McCONVILLE JF, KRESS JP. Weaning patients from the ventilator. N Engl J Med 2012; 367;2233-9
23. Complications après chirurgie cardiaque