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Réouverture sternale et tamponnade
L'hémorragie médiastinale est une complication fréquente de la chirurgie cardiaque, puisqu'elle survient chez environ 6-8% des patients et justifie une reprise pour hémostase dans la moitié des cas [4,13]. Plusieurs phénomènes se conjuguent pour entretenir le saignement.
- Antithrombotiques: effet résiduel des antiplaquettaires ou des anticoagulants préopératoires.
- Cause chirurgicale: défaut sur une anastomose ou sur une ligature de collatérale, dissection du lit de la mammaire interne, zone cruentée de l'épicarde, tissus mous ou section du sternum.
- Anticoagulation: effet résiduel de l'héparine, excès de protamine.
- Thrombocytopénie et dysfonction plaquettaire: l'efficacité des thombocytes baisse de 30-40% après une CEC hypothermique.
- Hémodilution post-CEC: Ht < 25%, baisse de concentration des facteurs de coagulation, perte de facteurs par CellSaver™.
- Fibrinolyse, altération de la cascade coagulatoire.
- L'hémorragie cause une coagulopthie par déplétion des facteurs et des plaquettes qui entretient à son tour la coagulopathie dans un cercle vicieux.
La perte de facteurs, la fibrinolyse, la déplétion érythrocytaire et le risque de tamponnade incitent à intervenir précocément lors d'hémorragie médiastinale. Celle-ci se manifeste par une augmentation de débit dans les drains aspiratifs (- 20 cm H2O) [4,13].
- Perte de > 400 mL/h pendant les deux premières heures postopératoires;
- Perte de 200-300 mL/h pendant 2-3 heures;
- Perte persistante de ≥ 150 mL/h.
L'arrêt soudain du débit d'un drain est particulièrement dangereux car il fait craindre l'installation rapide d'une tamponnade, plus fréquente dans les centres où l'on referme le péricarde que dans ceux où il est laissé ouvert. Face à des saignements anormaux, il convient de contrôler l'hémoglobine (Hb, Ht) et la coagulation (ACT, aPTT, fibrinogène, thrombocytes, thromboélastogramme, test d'agrégabilité plaquettaire en cas de traitement antiplaquettaire), de refaire un cliché thoracique (élargissement du médiastin, hémothorax), et de procéder à une échocardiographie (présence de thrombus péricardique, tamponnade, évaluation de la volémie et de la fonction ventriculaire). Afin de maintenir le transport d'O2 et la pression oncotique, on veille à conserver une Hb de 80-90 g/L (Ht ≥ 25%). Les facteurs de coagulation sont corrigés en fonction de leurs déficits (voir Problèmes hématologiques).
D’une manière générale, l’hémorragie et l’accumulation liquidienne dans une cavité fermée évoluent en deux temps.
- Une première période assez longue pendant laquelle l’organisme et le traitement conservateur parviennent à compenser les pertes ou la compression ; le malade paraît stable.
- Une deuxième période plutôt brève survenant une fois les compensations épuisées, dans laquelle l’hémodynamique se péjore rapidement et de manière irréversible ; le malade est en état de choc.
De ce fait, on tend à intervenir tôt dans l’évolution des complications, et à ré-ouvrir le sternum et le péricarde avant d’être placé en situation d’extrême urgence face à un malade choqué. Même si la source hémorragique est de peu d’importance, l’évacuation des caillots prévient une fibrinolyse excessive, une coagulopathie, la formation d’adhérences et la réaction inflammatoire (syndrome de Dressler). L'expérience clinique prouve que l'hémorragie s'interrompt bien que la ré-exploration soit négative, parce que le sang médiastinal présente une activité fibrinolytique extrêmement élevée [18]. Dans ce cas, l'application locale d'acide tranexamique dans le médiastin réduit le risque de récidive hémorragique [17].
Plusieurs évènements peuvent justifier une réouverture en urgence du sternum et du péricarde au cours des premiers jours postopératoires.
- Hémorragie excessive;
- Tamponnade;
- Reprise chirurgicale;
- Insuffisance ventriculaire droite;
- Médiastinite;
- Réanimation pour arrêt cardiaque.
L’incidence de réouverture sternale est de 5-6% des cas, par ordre de fréquence : hémorragie (4.6%), tamponnade (0.5%), reprise de l'intervention (0.5%), médiastinite (0.3%), et réanimation (0.2%) [24]. Malheureusement, les reprises chirurgicales pour hémostase aggravent le taux de complications [23]. Lors de saignement cataclysmique ou de défaillance circulatoire complète, il peut devenir impératif d'ouvrir le sternum et le péricarde aux soins intensifs, car l'état du malade ne permet plus son transfert jusqu'en salle d'opération. Une ouverture sous-xyphoïdienne par la partie inférieure de la cicatrice suffit parfois à décomprimer le cœur, mais il peut être nécessaire d'ouvrir complètement la plaie opératoire, y compris les fils métalliques qui retiennent le sternum, pour obtenir une décompression satisfaisante, procéder à un massage cardiaque interne ou clamper un vaisseau qui saigne abondamment [4]. Dès que la situation l'autorise, le patient est acheminé en salle d'opération pour procéder à une intervention définitive.
Si la situation hémodynamique est telle que la fermeture après évacuation est impossible, il est souhaitable de rétablir une barrière par rapport à l’extérieur pour des raisons infectieuses : patch synthétique (Goretex®), suture de la peau seule, compresses de Betadine® et pansement étanche. La ré-ouverture sternale est un marqueur de mauvais pronostic ; la mortalité qui lui est associée est de 6-9% en cas d’hémorragie ou de tamponnade, mais de 50% en cas de dissociation électro-mécanique [24].
Tamponnade
La tamponnade est un diagnostic clinique caractérisé par un choc cardiogène restrictif accompagné d’hypotension et de tachycardie. Ses mécanismes physiopathologiques ont été décrits dans un chapitre précédent (voir Chapitre 16 Physiopathologie) ; on ne mentionnera ici que les caractéristiques principales de la tamponnade postopératoire. L’incidence de la tamponnade varie de 0.2 à 8.4% des cas selon le type d’opération cardiaque, mais la lésion est à l'origine d’environ 10% des hypotensions postopératoires [7,19].
Après chirurgie cardiaque, la tamponnade est un diagnostic souvent difficile, dont les critères sont différents de ceux de la tamponnade rencontrée en cardiologie. En effet, les signes classiques ont été décrits chez des malades respirant spontanément et souffrant d’épanchement liquidien circonférentiel, alors que dans le postopératoire, les patients sont très souvent sous ventilation assistée/contrôlée, ont un péricarde encombrés de caillots et de fibrine, et sont fréquemment hypovolémiques (voir Chapitre 16 Tamponnade postopératoire). Cette situation crée de nombreuses différences dans les manifestations cliniques et échocardiographiques entre la situation "médicale" classique et la situation chirurgicale (Tableau 23.12) [3,5,6,7].
- Elévation de la PVC et de la PAPO : absente si le patient est hypovolémique ou si la compression ne concerne qu’une seule cavité ou qu’un gros vaisseau (AP, VCS) ; l'égalisation des pressions de remplissage est présente dans moins d'un tiers des cas à cause de l’asymétrie de la compression.
- Exagération de la variation respiratoire de la pression artérielle et du flux mitral (≥ 25%) (pulsus paradoxus) : alors qu’il est amplifié par l’hypovolémie, ce signe est très atténué (≤ 12%) ou absent en ventilation en pression positive (IPPV) (voir Chapitre 16, Interactions cardio-respiratoires) [1,10]. En IPPV, on ne peut donc pas exclure une tamponnade lorsqu’on ne voit pas d’exagéation de la variation respiratoire des flux (mitral, tricuspidien ou aortique). De fait, la variation respiratoire excessive du flux mitral ne survient que chez 14% des patients en postopératoire [5]. Malgré la tamponnade, le pouls paradoxal est également absent dans les situations suivantes : insuffisance congestive du VG, BPCO sévère, hypertension pulmonaire, insuffisance aortique sévère, shunt intracardiaque [11].
- Tachycardie : la présence d'un bloc AV nécessitant un entraînement fixe par pace-maker peut bloquer la fréquence cardiaque.
- Epanchement : il est sévère lorsqu’il est > 2 cm (soit > 700 mL chez un adulte de taille normale), mais ceci ne concerne que les épanchements liquidiens séreux ou séro-sanguinolents (Figure 23.17). Chez le patient alité, l'accumulation de sang est de préférence postérieure, dans la partie déclive du péricarde, ce qui peut le rendre invisible en vue 4-cavités mais décelable uniquement en vues transgastriques (voir Figure 23.19A).
- "Danse" du cœur dans le liquide et ECG alternans (Vidéos) : absents lorsque le péricarde est envahi de sang, de caillots et de fibrine qui immobilisent le cœur.
- Collapsus des parois (OD, OG, VD); absent lors de compression localisée par un thrombus, ce signe est modifié par la pression de remplissage des cavités (favorisé par l’hypovolémie, retardé ou absent lors d’insuffisance congestive) et par l’épaisseur des parois (absent en cas d’hypertrophie ventriculaire) (Vidéo). Le collapsus diastolique de l'OD et du VD n'est présent respectivement que dans 43% et 28% des cas postopératoires (Figure 23.17) [5]. Des tamponnades localisées à gauche peuvent parfois induire un collapsus diastolique du VG [22]; souvent, elles ne s'accompagnent pas d'élévation de la PVC [11].
- Compression localisée d’une seule cavité cardiaque, le plus souvent une oreillette mais aussi un ventricule ou un gros vaisseau. Même un épanchement liquidien peut être cloisonné par de la fibrine et une réaction fibreuse, et ne comprimer qu’une seule structure. La pression de remplissage dans les autres chambres peut rester normale (Figure 23.18, Figure 23.19 et Figure 23.20).
- Tamponnade pleurale : un hémothorax gauche dû à l'hémorragie du lit de la mammaire interne peut infiltrer le péricarde par la gauche et comprimer sélectivement le VG.
Vidéo: Epanchement liquidien circonférentiel en vue 4-cavités; le coeur donne l'impression de "danser" dans le liquide; la compression porte surtout sur l'OG.
Vidéo: Epanchement liquidien inférieur en vue court-axe transgastrique, avec une compression majeure du VG; le coeur "danse" dans le liquide.
Vidéo: Vue court-axe transgastrique d'un hémopéricarde compressif avec un thrombus à l'apex du VG.
Vidéo: Collapsus pariétal de l'OD lorsque la POD devient inférieure à la pression intrapéricardique; épanchement liquidien circonférentiel.
Figure 23.17 : Collapsus pariétal du à l'accumulation liquidienne péricardique en vues transoesophagiennes 4-cavités (ETO). A: invagination de la paroi libre du VD en protodiastole, lorsque sa pression de remplissage est la plus basse. B: invagination de la paroi de l’OD pendant la télédiastole, lorsque l’oreillette achève de se vider dans le ventricule (descente "y" sur une courbe de pression auriculaire normale). EP: épanchement.
Figure 23.18 : Images échocardiographiques transeosophagiennes de tamponnade postopératoire : caillot comprimant sélectivement une oreillette. A : vue 4-cavités; un thrombus comprime l'OG sur ses faces postérieure et latérale. B : vue à 120° (vue sagittale de l'OD) d'un thrombus comprimant la face antérieure de l'OD; la veine cave supérieure (VCS) se trouve à droite de l'image. TH: thrombus.
Figure 23.19 : Images ETO de tamponnade. A: caillot comprimant sélectivement la face postéro-inférieure du VG (vue 2-cavités long-axe transgastrique). Dans ce cas, l’image en 4-cavités (0°) est normale. EP: épanchement péricardique. VM: valve mitrale. B : dans les tamponnades postopératoires, l’image échocardiographique est souvent floue et de mauvaise qualité, parce que le péricarde est rempli de sang partiellement coagulé et de fibrine qui absorbent les ultrasons. La compression auriculaire droite est pourtant bien présente dans ce cas (épanchement 3.8 cm).
Figure 23.20 : Images de tamponnade comprimant sélectivement l'artère pulmonaire après une opération de Bentall. A: Image en court-axe basal centrée sur l'aorte ascendante (Ao) et la chambre de chasse du VD (CCVD) montrant un caillot contre l'origine de l'AP (flèche). B: le tronc de l'AP est comprimé et sa lumière rétrécie. C: au flux couleur, il ne passe qu'un filet de sang à haute vélocité à travers l'AP. Ce patient présentait une POD élevée, mais une PAP et une POG basses. En vue 4-cavités, ce thrombus est invisible.
Les images échocardiographiques sont souvent très floues, parce que le coeur est ceinturé par des amas de caillots partiellement lysés qui absorbent les ultrasons de manière considérable (Figure 23.19B). L'accumulation déclive de sang dans la zone postéro-inférieure et les caillots rétrosternaux ne sont visibles que dans des vues transgastriques ou rétrocardiaques à 90-120°, respectivement. On peut également observer des compressions isolées des veines caves, des veines pulmonaires ou de l'artère pulmonaire (Figure 23.20) [5]. Il est donc capital d'examiner chaque cavité cardiaque sous différents angles et dans les plans rétrocardiaque, transgastrique et basal. Or les fenêtres transthoraciques sont très limitées à cause des pansements et des drains. La voie transoesophagienne est donc préférable, car elle offre davantages de vues, notamment sur les gros vaisseaux.
L'hypovolémie précipite les manifestations du bas débit, qui surviennent alors que les pressions veineuses sont encore normales; par opposition, l'hypervolémie retarde l'apparition des symptômes [8]. L'hypertrophie ventriculaire secondaire à une hypertension artérielle systémique ou pulmonaire et la dysfonction ventriculaire s'accompagnent d'une baisse de compliance et d'une pression télédiastolique élevée qui vont "protéger" l'hémodynamique et empêcher le collapsus des cavités cardiaques [16]. En cas d'asymétrie des coeurs droit et gauche, la clinique de tamponnade survient lorsque le remplissage droit est compromis. Après une transplantation cardiaque, le péricarde du receveur est en général trop grand pour le coeur normal du donneur; cette différence laisse un espace parfois considérable qui se remplit d’exsudat sans pour autant qu’il y ait de tamponnade.
Chacun des signes classiques de la tamponnade peut donc manquer dans la tamponnade postopératoire à cause de son aspect cloisonné et localisé, de la ventilation en pression positive et des conditions hémodynamiques particulières. Ces signes ne sont présents que dans un pourcentage restreint des cas examinés [5] :
- Collapsus auriculaire 43%
- Collapsus de la paroi libre du VD 28%
- Pouls paradoxal 17%
- Variations respiratoires du flux mitral 14%
- Epanchement liquidien circonférentiel 0%
- Sensibilité des critères classiques 26%
Dans cette série, les signes les plus fréquents sont une compression localisée (44%) et une hypotension réfractaire (93%). De plus, les signes cliniques sont altérés par les variations de la volémie et par la dysfonction ventriculaire. Face à une hypotension et une tachycardie, le diagnostic différentiel avec l'insuffisance ventriculaire droite, la dysfonction gauche ou l'hypovolémie est souvent ardu, d'autant plus que la dysfonction diastolique, qui entraîne une augmentation des pressions de remplissage, est fréquente après chirurgie cardiaque. Cependant, la combinaison de signes évidents de compression à l’échocardiographie et d’une tachycardie persistante traduit une très haute probabilité de tamponnade. Dans un contexte à risque (rapidité d’installation, anticoagulation, saignement postopératoire, tarrissement des drains, dissection aortique, traumatisme), c’est une indication au drainage d’urgence.
Une hémorragie rétrosternale extrapéricardique, un épanchement pleural ou un pneumothorax sous tension peuvent comprimer la face antérieure ou latérale du coeur et induire une situation analogue à une tamponnade, quand bien même le péricarde est vide. La tamponnade pleurale est un piège particulièrement traître. Elle se caractérise par un épanchement pleural gauche et un hémothorax, comprimant le coeur gauche par la paroi latérale [9]. En présence d’une brèche pleuro-péricardique, comme lors de prélèvement d'artère mammaire interne gauche, l’épanchement peut occasionnellement apparaître dans le péricarde.
Indication opératoire
Les signes échocardiographiques ne sont pas en eux-mêmes une indication au drainage péricardique. Leur valeur prédictive négative (> 90%) est supérieure à leur valeur prédictive positive (79%) [15]. D’autre part, tout épanchement péricardique ne tamponne pas. L’indication opératoire à drainer le péricarde est conditionnée par l’hémodynamique, par la rapidité d’installation du phénomène et par le contexte clinique, mais non par les seules images échocardiographiques (Figure 23.21).
Figure 23.21 : Schéma de l’indication au drainage péricardique en cas de tamponnade. Les indications sont d’abord cliniques ; elles sont dominées prioritairement par la présence de la tachycardie. Une accumulation liqui-dienne rapide et un contexte à haut risque poussent à intervenir plus agressivement. Plusieurs phénomènes interfèrent avec le diagnostic : le niveau de la précharge (l’hypovolémie aggrave la situation), la ventilation en pression positive (l’IPPV modifie les flux intracardiaques), la localisation de la compression (thrombus), ou la présence d’un épanchement circonférentiel.
On peut utiliser un score basé sur la clinique et l’échocardiographie pour épauler la décision de drainer. Ce score attribue 1 à 4 points à chacun des éléments suivants, dont la somme est une indication au drainage si elle est ≥ 6 points [12,21].
- Etiologie
- Néoplasme, tuberculose 2 pts (chacun)
- Radiothérapie, insuffisance rénale, récidive 1 pt (chacun)
- Dissection aortique, trauma, rupture myocard 4 pts (drainage chirurgical)
- Postopératoire de chirurgie cardio-thoracique 4 pts (drainage chirurgical)
- Epanchement purulent 4 pts (drainage chirurgical)
- Status clinique
- Pulsus paradoxus, tachycardie 2 pts
- Apparition/évolution rapide 2 pts
- Dyspnée, hypertension, oligurie 1 pt
- Echocardiographie
- Epanchement > 2 cm 3 pts
- Epanchement 1-2 cm 2 pts
- Collapsus de l’OG ou du VD 2 pts
- Collapsus de l’OD, congestion de la VCI 1 pt
- Variation respiratoire du flux mitral > 25% 1 pt
La tamponnade est une définition avant tout clinique: hypotension artérielle sur choc restrictif, tachycardie et dyspnée. En présence d’une tachycardie persistante et d’une image échocardiographique caractéristique, l’indication est posée, quelles que soient les valeurs des pressions de remplissage (PVC ou PAPO). Les signes discriminants à l’échocardiographie sont le volume de l’épanchement (> 2 cm), sa vitesse d'accumulation s'il existe des examens comparatifs, la présence d'hématomes compressifs, le degré de compression d’une ou des cavités cardiaques, et le collapsus pariétal s’il est présent. Ce dernier est un signe précoce, qui survient lorsque le débit cardiaque a baissé de 20%, et qui précède la chute de la pression artérielle systémique, mais qui est absent lors de compression localisée par des caillots [20]. La variation respiratoire du flux mitral et tricuspidien est très accentuée en respiration spontanée mais très diminuée en ventilation en pression positive [1,10]; chez un malade ventilé, elle n'est pas utilisable comme critère de tamponnade, et son absence ne doit en aucun cas rassurer le clinicien.
Le contexte clinique modifie le risque représenté par l'accumulation liquidienne. Un épanchement minime peut témoigner d'un risque élevé dans le cadre d'un infarctus myocardique (danger de rupture pariétale), d’une perforation cardiaque, d'une dissection aortique A, d'un hématome intramural de l'aorte ascendante, d’une anticoagulation systémique ou d’un brusque arrêt du drainage péricardique [2,6]. Au contraire, la lente accumulation d'un exsudat chronique permet l'expectative.
Toutefois, il n’est pas rare que l’on ne puisse pas trancher avec certitude. Lorsque l’hésitation persiste, il ne faut pas abuser de l’expectative, mais plutôt opter pour une attitude agressive: il est certainement moins dangereux d’opérer inutilement que d’attendre le choc décompensé, qui peut survenir brutalement lorsque l'expansion diastolique d'une cavité devient soudainement impossible. Lorsqu'on est sur la partie verticale de la courbe de compliance, un faible excédent de volume s'accompagne d'une forte augmentation de pression (Figure 23.22) [11].
Figure 23.22 : Courbe de compliance péricardique. La courbe normale (en bleu) est quasi-plate à volume physiologique, mais devient brusquement presque verticale lorsque le ventricule rempli bute contre le péricarde inextensible ; le genou de la courbe (flèche verticale) correspond au volume télédiastolique physiologique maximal. Le péricarde peut tolérer de grands volumes à basse pression à la condition que la dilatation soit progressive. La courbe d'une restriction par péricardite ou tamponnade (en rouge) est déplacée vers la gauche; le ventricule bute contre le péricarde déjà à bas volume; le volume systolique est diminué d'autant. Au-delà du genou de la courbe (partie verticale), une faible variation de volume se traduit par une forte variation de pression. Ainsi, il suffit de ponctionner 50 mL pour décomprimer une tamponnade, quand bien même le péricarde contient 500-800 mL au total.
Comme la courbe de compliance péricardique est quasi verticale lors de tamponnade, de faibles modifications de volume se traduisent par de très fortes variations de pression. Le retrait de 50 mL de liquide peut ainsi suffire à décomprimer le cœur, pour autant que l’épanchement soit fluide et non localisé. Ceci est particulièrement vrai pour les tamponnades survenant dans le postopératoire ou lors de traumatisme thoracique. En effet, il est courant que le patient reste "stable" pendant un certain laps de temps, avant de défaillir de manière très soudaine; le signe qui doit alerter est la persistance d'un pouls supérieur à 100 batt/min. La ponction sous-xyphoïdienne est malheureusement moins utile dans la situation postopératoire que dans la tamponnade liquidienne pure (insuffisance cardiaque ou rénale, polysérosite, lymphome), parce que les épanchements sont souvent cloisonnés.
La présence d'une tachycardie réfractaire et d'une compression péricardique mise en évidence à l'échocardiographie doivent être considérées comme une indication à une exploration immédiate en salle d'opération. En cas de réanimation, le massage cardiaque externe est particulièrement inefficace lors de tamponnade: le liquide agit comme un amortisseur et le remplissage diastolique est impossible; seule fonctionne la pompe thoracique [14].
Tamponnade postopératoire |
La tamponnade postopératoire présente trois différences majeures par rapport à la situation classique
- Compression localisée (thrombus) et péricarde cloisonné (fibrine)
- Hypovolémie
- Patient sous ventilation en pression positive
De ce fait, les signes habituels décrits pour les épanchements liquidiens circonférentiels chez des patients en respiration spontanée sont le plus souvent absents.
Indication au drainage : signes de compression (échocardiographie) + tachycardie persistante
- Epanchement > 2 cm
- Caillots, thrombus comprimant une ou plusieurs cavités ou gros vaisseaux
- Péjoration rapide
- Contexte clinique
Hémodynymique optimale : précharge élevée, vasoconstriction artérielle, tachycardie, inotropisme positif (plein-fermé-rapide).
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© CHASSOT PG, MUSTAKI JP, BOVY M, Juin 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
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23. Complications après chirurgie cardiaque
- 23.1 Introduction
- 23.2 Sevrage ventilatoire
- 23.3 Complications cardio-vasculaires
- 23.3.1 Bas débit cardiaque
- 23.3.2 Hypotension et vasoplégie
- 23.3.3 Hypertension et vasoconstriction
- 23.3.4 Dysfonction ventriculaire droite
- 23.3.5 Médicaments cardiovasculaires
- 23.3.6 Valvulopathies
- 23.3.7 Infarctus myocardique
- 23.3.8 Réouverture sternale et tamponnade
- 23.3.9 Arythmies
- 23.3.10 Problèmes hématologiques
- 23.4 Complications pulmonaires
- 23.5 Complications neurologiques
- 23.6 Complications rénales
- 23.7 Complications abdomino-digestives
- 23.8 Complications infectieuses et métaboliques
- 23.9 Conclusions