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Anomalies artérielles

Outre la coarctation, de nombreuses anomalies peuvent survenir au niveau de l'arc aortique: ductus arteriosus, fistules aorto-pulmonaires, anomalies coronariennes. https://www.pac5.ch/fr/node/191/take?jump_to_question=16
 
Canal artériel (ductus arteriosus)
 
Le canal artériel se ferme normalement dans les premières heures après la naissance. Il peut rester perméable à cause de la prématurité ou de l’hypoxémie (voir Figure 14.71). Dans certaines malformations, il est la seule source de flux pour l’artère pulmonaire (atrésie pulmonaire) ou l’aorte (hypoplasie ou interruption de l’arc aortique). Il est responsable d'un shunt G-D qui surcharge le VG et peut induire sa défaillance. La persistance à long terme d’un canal de diamètre important induit une hypertension pulmonaire. Lorsque l’HTAP rejoint les valeurs de pression de l’aorte, le shunt devient bidirectionnel, même si la diastolique pulmonaire reste inférieure à la diastolique systémique. Chez le nouveau-né, un gros canal vole le sang destiné aux viscères abdominaux et peut causer des nécroses digestives. Selon les besoins, le canal est maintenu ouvert avec une perfusion de prostaglandine E1 (Prostine®) ou fermé avec de l'indométacine. 

Un petit canal silencieux n’est pas une indication opératoire [4]. L’indication est posée si le souffle est audible, si le VG souffre d’une surcharge de volume ou s’il existe une anamnèse d’endocardite. Le shunt doit être exclusivement G-D et le rapport des RAP et des RAS inférieur à 0.4; lorsque le shunt est bidirectionnel, seul un cerclage (banding) pour diminuer le flux est encore possible. L’intervention se pratique de plus en plus fréquemment par voie percutanée (coils de Gianturco ou de Gianturco-Grifka, Amplatzer duct occluder) ou par thoracoscopie. L’indication à ligaturer le canal par thoracotomie gauche haute est désormais réservée aux canaux des prématurés et aux canaux trop larges, trop calcifiés ou trop tortueux pour une fermeture par voie endovasculaire. Chez le prématuré, sa taille est la même que celle de l’AP ou de l’aorte descendante. Il est alors facile de ligaturer le faux vaisseau. La surveillance de la SpO2 et de la pression au membre inférieur alerte immédiatement de l’erreur. Une lésion du nerf laryngé récurrent gauche est toujours possible. 
 
Deux populations différentes se retrouvent en salle d’opération pour une ligature du canal artériel.
 
  • Chez le nouveau-né, un canal perméable occasionne une surcharge pulmonaire et une impossibilité de sevrage du ventilateur; une ligature chirurgicale est indiquée si l’indométhacine n’induit pas la fermeture du canal. La PEEP restreint le débit pulmonaire, mais les poumons prématurés sont fragiles au barotraumatisme. Comme ces bébés sont en insuffisance congestive, la restriction hydrique s’impose. Après ligature du canal, la circulation est surchargée par l’excès de volume que mobilisait le shunt. La perte de la connexion avec le circuit pulmonaire à basse pression augmente immédiatement la postcharge du VG et ajoute une surcharge de pression à la surcharge de volume. Comme ces nourrissons sont très fragiles, l'anesthésie est assurée par une combinaison fentanyl-midazolam
  • Chez l’enfant plus âgé, le canal est souvent une découverte fortuite, mais sa persistance risque de provoquer une HTAP. L’intervention pour la ligature est simple (thoracotomie gauche latérale) et ne nécessite pas de monitorage particulier, à l’exception de SpO2 et de manchettes à pression aux membres  supérieur et inférieur. Au dessus de 10 ans, il est habituellement possible d’utiliser un tube 2-lumières (28 ou 32 Fr), car la ventilation monopulmonaire facilite le travail chirurgical. L'anesthésie est basée sur une association de fentanyl (10-15 mcg/kg) ou de remifentanil (0.5-1.0 mcg/kg/min) et de sevoflurane (1-2%). Une péridurale ou un bloc paravertébral permettent une extubation sur table et assurent un confort postopératoire maximal. 
En peropératoire, il est intéressant de monitorer la SpO2 à la main droite et au pied droit. A SpO2 constante au membre supérieur, la SpO2 du pied se modifie de manière inversement proportionnelle au débit à travers le canal. En cas de shunt bidirectionnel, la SpO2 du pied est significativement plus basse que celle de la main parce que le shunt débite partiellement D-G. La pression artérielle est enregistrée par un brassard au bras droit et un brassard à un membre inférieur. Tant que la PAP est inférieure à la pression systémique, une vasodilatation artérielle diminue le shunt, mais si les deux pressions sont voisines et le shunt bidirectionnel, il faut éviter toute baisse de pression systémique qui augmenterait la composante D-G du shunt et aggraverait la cyanose post-ductale. 
 
La ligature du canal induit immédiatement une élévation de la diastolique systémique, qui était basse, et une surcharge de volume circulant, par remise en circulation du volume détourné dans les poumons. L’installation de deux manchettes à pression, l’une au bras droit l’autre à un membre inférieur, permet de mesurer un éventuel effet de coarctation par la ligature du canal. 
 
Les complications les plus fréquentes sont l’insuffisance du VG, la ligature du faux vaisseau, la lésion du nerf récurrent et la recanalisation secondaire.
 
 
Canal artériel
Shunt G-D qui surcharge le VG et peut induire une HTAP sur le long terme
Deux situations possibles :
    - Nouveau-né : ligature en urgence à cause de l’insuffisance congestive du VG et de la surcharge pulmonaire
    - Enfant : risque d’HTAP
Anesthésie
    - Saturomètre et manchette à pression au bras droit et au membre inférieur
    - Extubation rapide
    - Péridurale possible > 5 ans
    - Après ligature : augmentation de la PAdiast et risque de surcharge congestive du VG

Fistule aorto-pulmonaire
 
La communication entre l’aorte ascendante et le tronc de l’artère pulmonaire (fistule aorto-pulmonaire) est une malformation rare qui crée un shunt G-D analogue à celui d’un canal artériel persistant. La taille de la fistule détermine l’importance de ce shunt et le degré de surcharge de volume pour le VG. Lorsqu'elle est très large, l'hémodynamique est celle d'un truncus arteriosus. A l’échocardiographie, elle apparaît comme un jet dans le tronc de l’AP sur sa face postérieure ou latérale gauche, surtout visible en diastole car il est masqué par le flux de l’AP en systole. La fermeture a lieu en CEC par sternotomie, au moyen d’un patch; selon l’importance de la fistule, un arrêt circulatoire peut être nécessaire. Selon sa taille, la fistule peut aussi être occluse par voie percutanée (Amplatzer occlusion device).
 
La pression artérielle diastolique est basse à cause de la fuite dans le circuit pulmonaire. En peropératoire, il est recommandé d’hypoventiler l’enfant de manière à induire une acidose respiratoire et une vasconstriction pulmonaire qui diminue le débit du shunt (FiO2 0.21, PaCO2 45-50 mmHg). Toutefois, si la fistule a déjà entraîné une HTAP, la prise en charge vise au contraire à diminuer les RAP (hyperventilation, hyperoxie).
 
Anomalies coronariennes
 
Il existe de multiples variantes anatomiques du branchement des troncs coronaires. Ces anomalies peuvent occasionner des soucis lors de reconstruction chirurgicale au niveau des chambres de chasse car elles les contournent par leur face antérieure, bloquant l’accès chirurgical. Une coronaire peut aussi avoir une origine anormale sur l'aorte, ou être branchée sur l’AP. Dans ce dernier cas, une ischémie myocardique apparaît précocément. Si le vaisseau est collatéralisé, il peut réaliser un vol dans le réseau en provenance de l’aorte et fonctionner comme un shunt G-D. Une coronaire peut aussi se terminer dans le VD ou l'AP, ce qui crée une fistule gauche – droite avec un Qp/Qs ≥ 1.5 (Figure 14.73).


Figure 14.73 : Représentation schématique des anomalies coronariennes les plus fréquentes. A : situation normale, avec la position de la valve pulmonaire (AP). B à H : exemples d’anomalies. En B, C, E, F et H, un vaisseau contourne l’AP par devant et peut poser problème lors de chirurgie de la chambre de chasse droite. G : implantation intramurale [3].
 
La situation la plus étudiée est celle de l’origine anormale de la coronaire gauche sur l’artère pulmonaire (ALCAPA : anomalous left coronary artery from pulmonary artery). Dans cette lésion, habituellement isolée, la coronaire droite est dilatée et reliée à la gauche par de nombreuses collatérales situées devant la CCVD ou dans le septum interventriculaire. Dès que les RAP baissent après la naissance, le myocarde du VG souffre d’ischémie, car le système fonctionne comme une fistule aorto-pulmonaire. Le petit enfant est rapidement symptomatique, son ECG présente des signes d’ischémie et l’échocardiographie montre une hypokinésie du VG qui est dilaté, et souvent une insuffisance mitrale (IM) d’origine ischémique. Sans correction chirurgicale, l’enfant décède dans sa première année. L’opération consiste à réimplanter le tronc de la coronaire gauche dans l’aorte si la longueur du vaisseau le permet. Dans le cas contraire, il est possible de réaliser un pontage avec l’artère sous-clavière ou l’artère mammaire, ou une tunnélisation par patch au sein de l’AP pour réinsérer la coronaire dans l’aorte. 
 
Lorsqu’ils sont opérés, les enfants sont souvent en état critique : ischémie active, insuffisance ventriculaire, IM importante. On peut diminuer l’effet de fistule en augmentant les RAP (hypoventilation, FiO2 0.21-0.3). La technique d’anesthésie est basée sur des opiacés (fentanyl 50-75 mcg/kg). Le sevrage de la CEC peut être long et se prolonger en assistance ventriculaire. Dans le postopératoire, un support inotrope est requis à cause de la dysfonction gauche: dobutamine, adrénaline, milrinone, levosimendan; une ECMO est souvent nécessaire. Passés les dangers liés à l’intervention, la fonction du VG récupère en grande partie et la survie à long terme est excellente [3].

Interruption de l'arc aortique

L'interruption totale de la crosse aortique peut avoir lieu à trois niveaux différents: à l'isthme après le départ de la sous-clavière gauche, entre la carotide gauche et la sous-clavière gauche, ou entre le tronc brachiocéphalique et la carotide gauche. Une obstruction de la CCVG est souvent associée. L'aorte distale à l'interruption est toujours vascularisée par le canal artériel à partir de la circulation pulmonaire. De ce fait, la partie inférieure du corps et les viscères sont cyanosés et la pression diastolique y est plus basse que dans la partie supérieure à cause de la fuite de volume dans le lit pulmonaire en diastole. Par contre, la perfusion coronarienne est préservée. 

La correction chirurgicale doit se faire pendant les premiers jours de vie. La canulation pour la CEC est particulière, parce que la canule aortique doit avoir deux embranchements, l'une pour l'aorte ascendante et l'autre pour l'artère pulmonaire (aorte distale); les branches pulmonaires droite et gauche sont momentanément clampées. La ré-anastomonse de l'aorte et son élargissement avec du matériel prothétique a lieu en hypothermie profonde et arrêt circulatoire. Il faut prévoir deux cathéters artériels, l'un en radiale droite et l'autre en fémorale [2].
 
 
Anomalies artérielles
Fistule aorto-pulmonaire: shunt G-D et surcharge pulmonaire. Prise en charge comme un truncus arteriosus lorsqu'elle est de grande taille.

Anomalies coronariennes: multiples possibilités. ALCAPA (anomalous left coronary artery from pulmonary artery): tronc ommun issu de l'AP.

Interruption de l'arc aortique: la crosse de l'aorte peut être totalement interrompue à plusieurs endroits; l'aorte distale est perfusée à partir de l'AP par le canal artériel. Correction chirurgicale dans les premiers jours de vie.
 
 
© BETTEX D, BOEGLI Y, CHASSOT PG, Juin 2008, dernière mise à jour Mai 2018
 

Références
 
  1. BISHOP A. Coronary artery anomalies. In: REDINGTON A, et al. ed. Congenital heart disease in adults. A practical guide. London, WB Saunders Co Ltd, 1994, pp 153-60 
  2. NASR VG, DINARDO JA. The pediatric cardiac anesthesia handbook. Oxford: Wiley-Blackwell, 2017, 187-190  
  3. SCHWARTZ ML, JONAS RA, COLAN SD. Anomalous origin of left coronary artery from pulmonary artery : Recovery of left ventricular function after dual coronary repair. J Am Coll Cardiol 1997 ; 30 :547-53
  4. SILVERSIDES CK, DORE A, POIRIER N, et al. Canadian Cardiovascular Society 2009 Consensus Conference on the management of adults with congenital heart disease: Shunt lesions. Can J Cardiol 2010; 26:e70-e79
14. Anesthésie pour la chirurgie cardiaque pédiatrique