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Coarctation de l'aorte

La coarctation de l'aorte est un rétrécissement en sablier plus ou moins étendu ou une sténose sous forme de membrane située juste après le départ de l’artère sous-clavière gauche, au niveau du ligamentum arteriosum (Vidéo et Figure 15.59). 


Vidéo: Vue long-axe 90° de l'aorte descendante dans un cas de coarctation; le flux couleur montre une zone d'accélération présténotique (à droite à l'écran) et un flux accéléré tourbillonnaire distalement (en direction de la gauche de l'écran).
 
    

Figure 15.59 : Coarctation de l’aorte. A : membrane au niveau de l’isthme. B : flux Doppler couleur avec une zone d’accélération concentrique (PISA) en amont et des turbulences en aval de la membrane (flèche). 
 
Elle survient dans 0.3‰ des naissances [3]; elle est fréquemment associée à la bicuspidie aortique (plus de 50% des cas) et à un canal artériel (20% des cas). Elle est caractérisée par une hypertension aux membres supérieurs et une hypotension aux membres inférieurs; le gradient de pression entre les mesures au MS et au MI est supérieur à 20 mmHg. Les différences de pouls peuvent n’apparaître qu'à l'effort. A l'ETO, la pulsatilité de l'aorte thoracique est élevée au-dessus de la lésion, mais très faible en dessous (Vidéos).


Vidéo: Vue court-axe de l'aorte descendante en amont de la coarctation; la pulsatilité de l'aorte est exagérée.


Vidéo: Vue court-axe de l'aorte descendante en aval de la coarctation; la pulsatilité de l'aorte est diminuée.

Elle impose une très forte postcharge au VG, qui s'hypertrophie de manière concentrique comme dans une sténose aortique. La fonction systolique est en général conservée, mais la fonction diastolique très altérée. Un réseau collatéral très important par les artères périscapulaires, mammaires internes, cervicales et intercostales assure une perfusion en dessous de la lésion; les intercostales dilatées sont à l'origine des entailles que l'on aperçoit à la radio du thorax au bord inférieur des côtes. L'auscultation révèle un souffle systolique 3/6 dans la région médiothoracique gauche postérieure. Ces patients meurent en général au début de l'âge adulte (âge de survie moyenne: 34 ans) d'insuffisance congestive gauche, d'endocardite, de rupture aortique haute ou d'hémorragie cérébrale [11]. L’indication opératoire est posée lorsque le gradient est ≥ 20 mmHg, ou en présence d’une forte collatéralisation même si le gradient est moindre [1,9,10]. Même corrigée dans l'enfance, la coarctation de l'aorte peut récidiver chez le jeune adulte [2]. D'autre part, 20-30% des malades opérés présentent une hypertension artérielle persistante alors même que l'obstacle à été levé [6].
 
Lorsque l’anatomie est favorable, la dilatation percutanée avec pose de stent est un traitement de premier choix chez le jeune adulte [9]; elle est moins invasive et évite le risque du clampage aortique et de l’ischémie médullaire [1,8,9]. Par voie chirurgicale, le risque opératoire principal est le clampage de l'aorte. Le danger est fonction de la densité des collatérales intercostales qui "pontent" la sténose (voir Chapitre 18 Aorte descendante Anesthésie). Il est plus grand lorsque le gradient de pression entre le bras droit et les membres inférieurs est faible, car la collatéralisation est alors peu développée. La sténose est habituellement courte et l'anastomose peut se réaliser bout-à-bout ; un patch réalisé avec l'artère sous-clavière gauche évite une sténose résiduelle. La durée du clampage n'excède pas 30 minutes. Lorsque la lésion est longue, elle nécessite une résection et un pontage tubulaire. 
 
Pendant le clampage, la pression d’amont est mesurée au bras droit (cathéter radial) et la pression d’aval en voie fémorale (cathéter fémoral). La pression distale en dessous du clamp doit être maintenue à ≥ 60 mmHg avec des vasoconstricteurs artériels (noradrénaline, néosynéphrine) de manière à faciliter le débit par les collatérales, où le flux est pression-dépendant, et à réduire les risques d’ischémie médullaire. Comme l'intervention se fait par thoracotomie gauche, un tube 2-lumières est recommandé pour pouvoir exclure le poumon gauche. Après l'opération, la chute de la pression diastolique est un bon marqueur de la disparition du gradient de pression. Le taux de paraplégie postopératoire secondaire à l'ischémie médullaire est de 0.1-0.4% des patients [4]. 
 
L'hypertension artérielle est fréquente après cure de correction [7]. Cette hypertension post-opératoire présente un pic à 12-24 heures, probablement dû aux décharges des baroréceptereurs réglés pour l'hypertension sus-lésionnelle, et une seconde phase après 2 à 3 jours liée à un taux excessif de rénine et d'angiotensine. Elle persiste chez 20-50% des patients, de même que l'hypertrophie du VG [5]. Dans les premiers jours postopératoires, une artérite mésentérique est fréquente; elle est due à l'hyperactivité sympathique et se traduit par des douleurs abdominales.  
 
 
Coarctation de l’aorte
Caractéristiques :
    - HTA aux membres supérieurs, hypoTA aux membres inférieurs (ΔP > 20 mmHg)
    - HVG concentrique 
    - Réseau collatéral thoracique
 
Recommandations pour l’anesthésie :
    - Tube 2-lumières (thoracotomie gauche)
    - Pression artérielle préductale par cathéter radial droit, post-ductale par cathéter fémoral
    - Pendant le clampage : maintenir la PA post-ductale > 60 mmHg (vasoconstricteur alpha)
    - Post-clampage : poussée hypertensive, artérite mésentérique, risque de paraplégie


© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour Décembre 2019
 
 
Références
 
  1. BAUMGARTNER H, BONHOEFFER P, DE GROOT NMS, et al. ESC Guidelines for the management of grown-up congenital heart disease (new version 2010). Eur Heart J 2010; 31:2915-57
  2. BROUWER RMHJ, ERASMUS ME, EBELS T EIJGELAAR A. Influence of age on survival , late hypertension, and recoarctation in elective aortic coarctation repair. J Thorac Cardiovasc Surg 1994; 108:525-31
  3. KAEMMERER H. Aortic coarctation and interrupted aortic arch. In GATZOULIS MA, et al, Eds. Diagnosis and management of adult congenital heart disase. Edinburgh: Churchill-Livingstone 2003, 253-64
  4. KEEN G. Spinal cord damage and operations for coarctation of the aorta: aetiology, practice and propects. Thorax 1987; 42:11-8 
  5. MALAN JE, BENATAR A, LEVIN SE. Long-term follow-up of coarctation of the aorta repaired by patch angioplasty. Int J Cardiol 1991; 30:23-9
  6. McGOWAN FX. Perioperative issues in patients with congenital heart disease. IARS lectures. Anesth Analg 2005; 100:S53-S61
  7. PRESBITERO P, DEMARIE D, VILLANI M, et al. Long-term results (20-30 years) of surgical repair of aortic coarctation. Br Heart J 1987; 57:462-7
  8. SILVERSIDES CK, KIESS M, BEAUCHESNE L, et al. Canadian Cardiovascular Society 2009 Consensus Conference on the management of adults with congenital heart disease: Outflow tract obstruction, coarctation of the aorta, tetralogy of Fallot, Ebstein anomaly and Marfan’s syndrome. Can J Cardiol 2010; 26:e80-e97
  9. STOUT KK, DANIELS CJ, VALENTE AM, et al. 2018 AHA/ACC Guideline for the management of adults with congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2019; 73:e81-192
  10. WARNES CA, WILLIAMS RG, BASHORE TM, et al. ACC/AHA 2008 Guidelines for the management of adults with congenital heart disease: executive summary. Circulation 2008; 118:2395-451
  11. WHITROCK K. Anesthesia for surgery to repair aortic coarctation. In: SIMPSON JI, ed. Anesthesia for aortic surgery. Boston: Butterworth-Heinemann 1997, 199-227