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La diastole
Concentrée sur les débits et les pressions systoliques, la physiologie a longtemps considéré la diastole comme un temps mort juste nécessaire à l'amorçage des ventricules. Or, il n'en est rien. La diastole est un temps actif, consommateur d'énergie, très vite modifié par la pathologie (ischémie, par exemple), tributaire de l'anatomie fonctionnelle comme des conditions hémodynamiques. La fonction diastolique normale est la capacité du ventricule à accepter un volume de remplissage dans les limites physiologiques sans augmentation de pression, ni au repos ni à l’exercice.
Il existe plusieurs définitions de la diastole, toutes basées sur l'alternance systole-diastole du ventricule (Figure 5.73). Physiologiquement, on devrait inclure dans la systole toutes les phases consommatrices d’O2, dont la phase de relaxation ventriculaire active jusqu’au pic du flux mitral E protodiastolique, et ne réserver le terme de diastole qu’aux temps strictement passifs (depuis la phase de décélération du flux E jusqu’à la fermeture de la valve mitrale) [1,5].
Figure 5.73 : Définitions de la systole (flèches rouges) et de la diastole (flèches bleues). De haut en bas: ECG, pression intraventriculaire, flux mitral. A: définition clinique. B: définition physiologique. C: définition de Brutsaert. D : définition selon la mVO2. 1: contraction ventriculaire isovolumétrique. 2: phase d'éjection ventriculaire. 3: relaxation isovolumétrique. 4: remplissage rapide. 5: diastasis. 6: contraction auriculaire. OA: ouverture de la valve aortique. FA: fermeture de la valve aortique. OM: ouverture de la valve mitrale. FM: fermeture de la valve mitrale. E: flux mitral protodiastolique (en jaune). A: flux mitral de la contraction auriculaire (en vert).
Subdivisions de la diastole
Classiquement, on divise la diastole en quatre phases, calquées sur le flux à travers la valve mitrale en relation avec les pressions ventriculaire et auriculaire (Figure 5.74) [3,4]. Ces phases correspondent à des processus physiologiques différents, et peuvent être altérées de manière sélective par la pathologie (voir Relaxation et compliance).
- 1 - Phase de relaxation isovolumétrique (RI, 60-100 msec) : processus actif situé entre la fermeture de la valve aortique et l'ouverture de la mitrale. La pression intraventriculaire baisse rapidement et exponentiellement, en grande partie par un effet de succion du VG. Ce processus implique plusieurs mécanismes différents. La durée de cette phase est inversement proportionnelle à la POG ; plus cette dernière est élevée, plus la RI est courte. En effet, le temps mis par la relaxation ventriculaire pour atteindre la valeur de la POG est d’autant plus bref que celle-ci est plus haute, et la valve mitrale s’ouvre d’autant plus vite. Par contre, la durée de la RI est allongée en cas de défaut de relaxation myocardique (voir Figure 5.80).
- 2 - Phase de remplissage rapide (180-200 msec) : la mitrale est ouverte, le sang coule selon le gradient de pression entre l'oreillette et le ventricule ; normalement, 70-80% du remplissage a lieu pendant cette phase. La partie ascendante du flux mitral E, jusqu’à son pic de vélocité, dépend de la relaxation myocardique active consommatrice d’O2. La phase de décélération du flux E (tDE, 140-220 msec) dépend de la souplesse et de l’élasticité du VG (relaxation passive) ; elle est allongée lors de défaut de relaxation et raccourcie lorsque le VG est rigide.
- 3 - Diastasis: le flux auriculo-ventriculaire diminue, voire cesse, car les pressions s'égalisent progressivement entre l'OG et le VG; < 5% du remplissage a lieu pendant cette phase. Dans certains cas de dysfonction diastolique (POG élevée), une petite onde de flux est visible au cours du diastasis.
- 4 - Phase de contraction auriculaire: un deuxième pic de flux (flux mitral A, 20-25% du remplissage total) survient lorsque l'oreillette se contracte. La pression télédiastolique (Ptd) s'établit à l'équilibre entre l’oreillette et le ventricule (pic de l’onde de pression "a"). La contraction auriculaire permet d’augmenter la Ptd du ventricule tout en maintenant la pression auriculaire moyenne plus basse, ce qui facilite le retour veineux. Plus sa compliance est basse ou sa rigidité élevée, plus le ventricule dépend de cette phase pour arriver à son volume de remplissage et à la tension de paroi nécessaire à le placer au point optimal de la courbe de Starling. Un ventricule peu compliant (HVG, par exemple) perd plus de 40% de son débit systolique lors d'un passage en rythme nodal ou en FA.
Figure 5.74: Subdivision de la diastole définie en fonction du flux mitral et des gradients de pression auriculo-ventriculaire. 1: phase de relaxation isovolumétrique. 2: remplissage ventriculaire rapide protodiastolique, correspondant au flux mitral E. 3: diastasis. 4: contraction auriculaire, correspondant au flux mitral A. Trait rouge: pression intraventriculaire (PVG). Trait bleu: pression auriculaire (POG). Le flux tricuspidien présente exactement la même silhouette et les mêmes rapports de pression, mais à des valeurs plus basses.
Du point de vue physiologique, il est plus logique de subdiviser la diastole selon les trois différents phénomènes qui s’y déroulent plutôt que selon les phases du flux mitral comme illustré précédemment (Figure 5.75).
- Relaxation active ; processus actif de succion qui consomme 15% de la mVO2 totale, au cours duquel la pression intraventriculaire baisse en-dessous de la pression intrathoracique [1]. Elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux mitral E jusqu’à sa Vmax (correspondant au pic de l’onde "v" auriculaire). Le flux protodiastolique progresse rapidement de manière laminaire jusqu’à l’apex du VG et contribue pour 75-80% au remplissage du VG.
- Elasticité, ou relaxation passive; c’est la propriété d'un matériau déformé de retrouver sa forme initiale lorsque le stress cesse. Elle est le facteur dominant pendant la phase de décélération du flux mitral protodiastolique E et pendant le diastasis; le flux de remplissage ralentit.
- Distensibilité; elle traduit la capacité d'une structure à augmenter passivement de volume sous l'effet d'un remplissage; elle caractérise la troisième phase de la diastole: remplissage pendant la contraction auriculaire, onde de pression "a" dans l’oreillette. Le flux ré-accélère, mais reste moins rapide que le flux E.
Figure 5.75: Subdivision de la diastole définie en fonction de la mVO2 et de la compliance. I : relaxation active consommatrice d’O2 ; elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux E jusqu’à son pic de vélocité. II : élasticité du myocarde (capacité à récupérer la forme initiale) ; elle comprend la phase de décélération du flux E et le diastasis. III : distensibilité du myocarde (capacité du ventricule à augmenter passivement de volume sous l’effet de la contraction auriculaire). Les phases II et III correspondent à la compliance passive du ventricule.
Pendant le diastasis, les mécanismes d’élasticité et de distensibilité se confondent, puisque les pressions de l’OG et du VG s’équilibrent pendant cette phase. Toutefois si la POG est élevée, il arrive de remarquer un pic de flux au cours du diastasis. Elasticité et distensibilité peuvent se regrouper sous le terme de compliance puisque tous deux sont des phénomènes mécaniques passifs de la paroi ventriculaire liés à la structure du myocarde et à ses propriétés visco-élastiques ; ils permettent le remplissage au cours de période correspondant à la phase de décélération du flux E (tDE), au diastasis et à la contraction auriculaire (flux mitral A).
Le gradient de pression auriculo-ventriculaire est déterminant pour la vitesse du flux diastolique et pour le volume transvasé entre les deux cavités ; le pic de vélocité du flux est synchrone avec le pic de pression de l’oreillette (voir Figure 5.79). Les phases de la diastole, définies ici en suivant le flux mitral, sont exactement les mêmes au niveau de la valve tricuspide, à la seule différence que les valeurs de pression et de vélocité sont plus faibles. On peut grouper les nombreux facteurs qui modifient les caractéristiques de la diastole ventriculaire en quatre catégories selon la composante sur laquelle ils agissent, pour autant que les valves mitrale et tricuspide soient normales:
- Effets sur la relaxation protodiastolique, phénomène actif;
- Effets sur la compliance méso-télédiastolique, phénomène passif;
- Effets de la durée de diastole sur l'expansion diastolique;
- Effets des structures externes sur l'expansion diastolique.
Compliance
La courbe pression-volume diastolique (compliance) est curvilinéaire : sa pente se modifie avec l'augmentation de volume (Figure 5.76) [2]. A faible remplissage, la courbe a très peu de pente : une variation de volume se traduit par une minime variation de pression ; de ce fait, la PVC ou la PAPO sont de médiocres critères de remplissage en hypovolémie ; l'adage "pressure does'nt mean volume" est particulièrement pertinent dans cette situation. En hypervolémie, au contraire, la relation entre la pression et le volume devient fiable (partie droite de la courbe) parce que la courbe se redresse. Ceci provient du fait que la compliance, ou variation de volume en fonction de la variation de pression (ΔV/ΔP), baisse au fur et à mesure que le ventricule se remplit. Le VD est normalement plus compliant que le VG parce que sa paroi est plus mince ; les volumes télédiastoliques des ventricules sont 50-100 mL/m2 pour le VD et 40-80 mL/m2 pour le VG, et leurs pressions télédiastoliques 6-8 mmHg et 12-15 mmHg, respectivement. La compliance est elle-même la résultante de deux composantes, l’élasticité et la distensibilité. Une compliance anormale se traduit par une élévation des pressions de remplissage pour les mêmes volumes, et une plus forte variation de pression pour la même variation de volume [2].
Figure 5.76 : Représentation schématique de la courbe de compliance normale du VG (en bleu) et lors de dysfonction diastolique (en rouge). La courbe est curvilinéaire. A faible remplissage, la courbe a très peu de pente : une variation de volume se traduit par une minime variation de pression. De ce fait, la pression veineuse centrale (PVC) ou la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) sont de médiocres critères de remplissage en hypovolémie. En hypervolémie, au contraire, la relation entre la pression et le volume devient fiable (partie droite de la courbe). La courbe lors d’insuffisance diastolique (compliance diminuée) se redresse et se déplace vers le haut et vers la gauche. La même variation de volume se traduit par une variation de pression plus importante que lorsque la compliance est normale. A la pression P correspond un volume ventriculaire plus petit (V’) que la norme (V) ; le sujet peut être hypovolémique avec une POD (PVC) ou une POG (PAPO) normale. La normovolémie d’un sujet souffrant de dysfonction diastolique (V’’ rouge) est une pression de remplissage (P’) qui correspond à une hypervolémie (V’’ bleu) chez un sujet normal.
Fonction diastolique normale |
La fonction diastolique est la capacité du ventricule à se remplir d’un volume adéquat sans augmentation de pression, au repos comme à l’effort. Classiquement, la diastole comprend 4 phases définies par les composantes du flux mitral:
- Relaxation isovolumétrique
- Remplissage protodiastolique (succion ventriculaire, flux mitral E, 80% du remplissage)
- Diastasis
- Contraction auriculaire (flux mitral A, 20% du remplissage)
La définition physiologique basée sur la consommation d'O2 divise la diastole en 3 phases:
- Relaxation active (consommatrice d'O2): relaxation isovolumétrique et phase de remplissage jusqu'au pic de vélocité du flux E
- Elasticité: phase de décélératoin du flux E et diastasis
- Distensibilité: contraction auriculaire
La courbe pression-volume diastolique (compliance) est curvilinéaire : sa pente se redresse avec l'augmentation de volume. A faible remplissage, la pente est minime : une variation de volume significative se traduit par une variation de pression négligeable ; la PVC et la PAPO ne sont pas des critères de remplissage en hypovolémie. A remplissage élevé, la pente est importante et la relation entre la pression et le volume devient fiable; la PVC et la PAPO sont d'excellents critères de remplissage en hypervolémie. Une compliance anormale (dysfonction diastolique) se caractérise par des pressions plus élevées pour le même volume de remplissage et par des variations de pression plus importantes pour la même variation de volume. |
© CHASSOT PG Août 2010, dernière mise à jour Novembre 2018
Références
- BRUTSAERT DL, SYS SU. Relaxation and diastole of the heart. Physiol Rev 1989; 69:1228-1315
- GILBERT JC, GLANTZ SA. Determinants of left ventricular filling and of diastolic pressure-volume relation. Circ Res 1989; 64:827-32
- NAGUEH SF, SMISETH OA, APPLETON CP, et al. Recommendations for the evaluation of left ventricular diastolic function by echocardiography: an update from the American Society of Echocardiography and the European Association of Cardiovascular Imaging. J Am Soc Echocardiogr 2016; 29:277-314
- NISHIMURA RA, HOUSMANS PR, HATLE LK, TAJIK AJ. Assessment of diastolic function of the heart: Background and current application of Doppler echocardiography. Part I: physiologic and pathophysiologic features. Mayo Clin Proc 1989; 64:71-81
- TORRENT-GUASP F, KOCICA MJ, CORNO A, et al. Systolic ventricular filling. Eur J Cardiothor Surg 2004; 25:376-86
05 Physiopathologie cardio-vasculaire
- 5.1 Préambule
- 5.2 Couplage de l'excitation et de la contraction myocardiques
- 5.3 La contraction myocardique
- 5.4 Mécanique ventriculaire
- 5.5 Physiopathologie de la systole
- 5.6 Physiopathologie de la diastole
- 5.7 Remplissage veineux
- 5.8 Interactions cardio-respiratoires
- 5.9 Dysfonction ventriculaire gauche
- 5.10 Fonction ventriculaire droite et circulation pulmonaire
- 5.11 Perfusion coronarienne et ischémie myocardique
- 5.12 Conclusions