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Dysfonction du VD

Excellente pompe-volume, le VD est une médiocre pompe-pression. Une augmentation de sa postcharge se traduit immédiatement par une dilatation ventriculaire (Vtd > 120 ml/m2). Lorsqu'il s'hypertrophie sur une surcharge chronique de volume ou de pression, le VD présente des caractéristiques qui se rapprochent de celles du VG; il peut alors maintenir son volume éjectionnel sur une plus vaste plage de postcharge, mais perd sa capacité à tamponner les variations rapides de volume car son débit devient précharge-dépendant. En clinique, trois phénomènes principaux augmentent l'impédance à l'éjection du VD et sont responsables de l'insuffisance droite ( FonctionsystVDHTAPaigue) [10].
    
  • L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP précapillaire): 
    • HTAP primaire idiopathique;
    • HTAP secondaire : cardiopathies congénitales, âge, obésité, SAS, cocaïne, HIV, anorexigènes;
    • HTAP sur vasoconstriction pulmonaire : hypoxie (pO2 alvéolaire < 60 mm Hg), hypercapnie, acidose métabolique, hypothermie, protamine, digitale.
  • Les pathologies du cœur gauche engendrant une stase pulmonaire (HTP postcapillaire) : dysfonction du VG, maladie mitrale.
  • Les pathologies pulmonaires (BPCO, SDRA, asthme, embolie pulmonaire, etc). A l'élévation de la postcharge s'ajoute une augmentation de précharge lors de l'effort inspiratoire. La ventilation mécanique avec PEEP peut générer une Pit (≥ 20 cm H2O) qui voisine la pression systolique droite normale (20-25 mmHg) [11].
L’augmentation de postcharge du VD dans l’HTAP est proportionnellement beaucoup plus importante que celle du VG dans l’hypertension artérielle systémique [3]. Les RVP s'élèvent de 4 fois dans l'HTAP, alors que les RAS ne croissent que de 50% dans l'HTA systémique [13]. Outre l’augmentation de postcharge, l’insuffisance droite peut être due à deux autres phénomènes.
 
  • Augmentation de précharge : surcharge de volume par communication interauriculaire (CIA), insuffisance tricuspidienne, fistule artério-veineuse, mise en route d’une assistance ventriculaire gauche qui augmente soudain le débit systémique et le retour veineux vers l’OD.
  • Maladie primaire du VD : dysplasie arythmogène du VD, cardiomyopathie, infarctus, ischémie aiguë, cardiopathie congénitale, dépression contractile du choc septique (la défaillance du VD est présente dans un tiers des cas de sepsis). 
La dilatation du VD fait bomber le septum interventriculaire vers la gauche en diastole, ce qui réduit le remplissage du VG et abaisse son volume systolique (voir Figure 5.114). Elle élargit l’anneau tricuspidien, et provoque une insuffisance tricuspidienne (IT) qui occasionne à sont tour une surcharge de volume (Figure 5.118). A cause de la stase dans l’OD, le septum interauriculaire bombe dans l’OG. Le risque d’arythmies ventriculaires est directement lié au degré de dilatation du VD.
 

Figure 5.118 : Insuffisance tricuspidienne (IT). Le jet systolique rétrograde dans l’OD a une vélocité de 2-3 m/s. A : IT en cas de RAA. B : IT en cas d’insuffisance aiguë du VD (embolie pulmonaire).
 
Outre la surcharge de volume, l'insuffisance tricuspidienne contribue à la baisse du débit cardiaque antérograde, augmente la stase veineuse (oedème, ascite, hépatomégalie), et favorise la rétention de sel et d'eau. Ces différents phénomènes aggravent la dysfonction gauche, ce qui à son tour élève la postcharge droite à cause de la stase pulmonaire et institue un cercle vicieux (Figure 5.119) [12]. Le repositionnement du septum en convexité dans le VD par élévation de la postcharge gauche au moyen d'un vasoconstricteur artériel est capital pour restaurer la géométrie des ventricules et l'aide du VG au VD [3]. 
 

Figure 5.119 : Mécanismes impliqués dans l'insuffisance ventriculaire droite congestive (IVD), engendrant une série de cercles vicieux conduisant à l’auto-agravation de la situation. Vol: volume. TD: télédiastolique. IT : insuffisance tricuspidienne. PP: pression de perfusion. TD : tube digestif. VCI : veine cave inférieure.
 
La boucle pression-volume (P/V) illustre bien le découplage qui s'installe lorsque la pression pulmonaire est trop élevée pour la performance normale du VD. Normalement, la boucle P/V du VD a une forme plus ou moins triangulaire, contrairement à celle du VG qui est un quadrilatère, parce que le VD n'a pas de vraies phases isovolumétriques. La pente de l'élastance maximale (Emax ou Ets) représente la contractilité du ventricule et l'élastance artérielle (Ea) la postcharge du ventricule. La première est une mesure de performance systolique indépendante des conditions de charge, et la deuxième est une représentation de la résistance artérielle totale indépendante de la force de propulsion du ventricule. Le couplage ventriculo-artériel est figuré par le rapport Ets/Ea, qui est environ 1 pour un VD normal et une PAP habituelle; il monte à 2 lors d'HTAP compensée, ce qui est encore dans la plage des valeurs normales [13]. Lorsque les compensations sont épuisées, le VD est progressivement découplé du réseau artériel et se dilate; le rapport Ets/Ea s'abaisse à environ 0.5 (Figure 5.120) [9,13]. La dilatation déplace la boucle P/V vers la droite, la dysfonction est illustrée par la diminution de la pente Ets. Sa performance contractile s'effondre et le volume systolique s'amenuise. 
 
    

Figure 5.120 : Boucle pression/volume du VD lors d'augmentation de sa postcharge illustrant le couplage ventriculo-artériel. A: le rapport Ets/Ea normal se situe entre 1 et 2. B: lors d'hypertension artérielle pulmonaire encore compensée et de fonction ventriculaire droite conservée, le rapport reste équilibré. C: lorsque le VD devient insuffisant face à l'augmentation de sa postcharge, le rapport descend en-dessous de 1[9,13].
 
La PAP mesurée est abaissée bien que les RAP continuent à augmenter, parce que le VD n'a plus la force de pousser le sang contre les résistances. Dans l'HTAP, la gravité clinique et le pronostic de la maladie tiennent donc davantage à la fonction ventriculaire droite qu’à la valeur de la PAP en elle-même (Figure 5.121) [6]. 
 

Figure 5.121 : Couplage entre le VD et la circulation pulmonaire. Schématisation de la relation entre les résistances artérielles pulmonaires (RAP), le volume systolique du VD (VS VD), le volume ventriculaire droit (VtdVD), la pression artérielle pulmonaire (PAP) et le rapport Ets/Ea. L’HTAP est fonction de la capacité du VD à générer chroniquement des pressions pulmonaires élevées. Dès que le VD défaille, la PAP tend à redescendre, alors que la situation hémodynamique empire et que les RAS continuent à augmenter. Dans le laps de temps A (en jaune), la PAP mesurée est plus basse que précédemment, non par amélioration de la situation mais pas baisse de fonction du VD [6,13].
 
Le TAPSE (tricuspid annular plane systolic excursion) est une mesure échocardiographique de la course systolique ou de la vélocité de déplacement de l'anneau tricuspidien dans l'axe de la contraction longitudinale du VD; elle est une bonne évaluation de la fonction contractile du VD (voir Figure 5.35). Son rapport avec la PAP systolique (TAPSE / PAPs) est analogue au rapport Ets/Ea et représente une autre manière d'estimer le couplage ventriculo-artériel du VD, bien qu'il soit influencé par la postcharge [5]. Il est un bon prédicteur du pronostic dans l'insuffisance droite.
 
Le coefficient d’extraction d’O2 du VD est de 40% ; il dispose donc de davantage de réserve que le VG face à une ischémie. La perfusion coronarienne du VD a lieu en diastole et en systole, puisque la pression systolique droite est très inférieure à la pression aortique. Si la pression intraventriculaire systolique droite s’élève alors que la pression aortique baisse, la perfusion systolique diminue et le VD est ischémié malgré la persistance du flux coronarien diastolique (voir Figure 5.117). Il faut alors augmenter la pression systémique par un vasoconstricteur (noradrénaline, vasopressine). Comme le réseau artériel pulmonaire est pauvre en récepteurs alpha, l’effet d’une perfusion de noradrénaline est essentiellement systémique. La vasopressine n’augmente pas la PAP car le rapport entre les récepteurs V1 (vasoconstriction) et V2 (vasodilatation) est en faveur des seconds dans le lit pulmonaire; elle a un effet vasodilatateur pulmonaire à faible dosage (< 0.07 UI/min), mais un effet vasoconstricteur seulement à forte dose (> 0.2 U/min) [1]. Le VD ischémié souffre souvent d'une surcharge systolique relative, parce que des résistances pulmonaires normales sont encore trop élevées pour un ventricule défaillant. Lors d'insuffisance droite, la pression de l'OD augmente et se répercute sur celle du sinus coronaire; à quoi s'ajoute l'effet de la régurgitation tricuspidienne en systole (effet érectile) [4]. Cette surpression veineuse diminue d'autant la pression de perfusion coronaire. De plus, la PVC élevée freine le drainage lymphatique qui se déverse au confluent jugulo-sous-clavier gauche (angle veineux de Pirogoff) et contribue à la formation d'un oedème myocardique, qui altère la diffusion tissulaire de l'O2.
 
En chirurgie cardiaque, la défaillance droite réfractaire (incidence 0.1-1%) est associée à une mortalité supérieure à 50% [7]. Elle est liée à plusieurs facteurs [8].
 
  • Ischémie (baisse de la pression de perfusion coronarienne, embolie coronarienne droite).
  • Défaillance gauche et hypertension pulmonaire postcapillaire.
  • Assistance ventriculaire: la décharge du VG par une assistance ventriculaire gauche peut décompenser le VD à cause de l’augmentation soudaine du retour systémique et de la décompression brusque du VG : ne bombant plus dans le VD, le septum interventriculaire supprime son aide à l’éjection droite (interdépendance ventriculaire systolique).
  • Postcharge excessive : aggravation d’une hypertension pulmonaire (BPCO), administration de protamine (incidence 1.6%), hyperventilation en pression positive avec PEEP élevée.
  • Défaut de cardioprotection, CEC longue.
  • Dans le postopératoire : tamponnade, SDRA, choc septique.
En cas d'hypertension pulmonaire, la fonction du VD a une meilleure valeur pronostique de morbi-mortalité que la valeur de la pression artérielle pulmonaire. La PAP étant la résultante de l’éjection du ventricule droit contre les résistances pulmonaires, une baisse de la PAP peut fort bien représenter une défaillance du VD et non une amélioration de la circulation pulmonaire (voir Figure 5.121). Une information majeure sur la fonction du VD peut être obtenue par l’enregistrement de la pression intraventriculaire droite (PVD) (port ventriculaire d’un cathéter pulmonaire Paceport™). La superposition des courbes de PVD et de PAP montre que la pression diastolique du VD, normalement horizontale et inférieure à la PAPd, devient oblique ascendante lors de défaillance du VD, au point que sa valeur télédiastolique devient identique à celle de la PAPd (Figure 5.122) [2]. Lorsque le VD est distendu et rigide (insuffisance diastolique restrictive), sa pression télédiastolique peut même être supérieure à celle de la PAPd et donner lieu à un flux antérograde en télédiastole (voir Figure 25.77E et 25.77F). L’accélération de la pente ascendante de la pression systolique intraventriculaire (dP/dt) diminue lors de décompensation droite. D’autre part, une élévation de la pression systolique du VD de > 6 mmHg par rapport à la PAPs indique la présence d’une obstruction dynamique de la chambre de chasse du VD ; le gradient de pression à travers la CCVD peut dépasser 25 mmHg dans 4% des cas d’instabilité hémodynamique après CEC [2]. 
 

Figure 5.122: Superposition de la courbe de pression intraventriculaire droite (PVD, en rouge) et de celle de l’artère pulmonaire (PAP, en jaune). A: situation normale; la pression diastolique dans le VD est basse et constante pendant toute la durée de la diastole; en télédiastole, la PVD et la PAPd sont nettement différentes (flèches). B: défaillance ventriculaire droite; la courbe de pression diastolique est oblique ascendante; en télédiastole, la PVD et la PAPd se rejoignent (flèche). Ce phénomène est un bon indice de décompensation droite. D’autre part, la pente ascensionnelle de la pression intraventriculaire, ou dP/dt, est plus faible que dans la situation normale [d’après référence 2].
 
Lorsqu’on traite une défaillance droite, la valeur de la PAP n'est pas un marqueur adéquat de la thérapeutique. Les trois principaux critères d’amélioration fonctionnelle sont le repositionnement du septum interventriculaire, la baisse de la PVC et l’augmentation du volume systolique.
 
 
Dysfonction du VD
L'insuffisance droite est due 1) à une cardiopathie du VD (ischémie, cardiomyopathie), 2) à une surcharge de volume (CIA, IT) ou 3) le plus souvent, à une surcharge de pression.
- HTAP précapillaire (idiopathique, âge, obésité, vasoconstriction pulmonaire)
- HTAP postcapillaire (stase gauche, décompensation du VG, maladie mitrale)
- Pathologies pulmonaires (BPCO, SDRA, embolie, PEEP excessive)
 
L'insuffisance droite est un facteur de mortalité majeur. Le pronostic clinique est davantage déterminé par la fonction du VD que par la valeur de la pression artérielle pulmonaire.


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Novembre 2018
 
 
 
Références
 
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  6. HADDAD F, COUTURE P, TOUSIGNANT C, DENAULT AY. The right ventricle in cardiac surgery, a perioperative perspective: I. Anatomy, physiology and assessment. Anesth Analg 2009; 108:407-21
  7. HADDAD F, DOYLE R, MURPHY DJ. HUNT SA. Right ventricular function in cardiovascular disease, Part II. Pathophysiology, clinical importance and management of right ventricular failure. Circulation 2008; 117:1717-31
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  10. KONSTAM MA, KIERNAN MS, BERNSTEIN D, et al. Evaluation and management of right-sided heart failure. A Scientific Statement from the American Heart Association. Circulation 2018; 137:e578-e622
  11. REPESSÉ X, CHARRON C, VIEILLARD-BARON A. Assessment of the effects of inspiratory load on right ventricular function. Curr Opin Crit Care 2016; 22:254-9
  12. VANDENHEUVEL MA, BOUCHEZ S, WOUTERS P, DE HERT SG. A pathophysiological approach towards right ventricular function and failure. Eur J Anaesthesiol 2013; 30:386-94
  13. VONK-NOORDEGRAAF A, HADDAD F, CHIN KM, et al. Right heart adaptation to pulmonary arterial hypertension. J Am Coll Cardiol 2013; 62:D22-33
05 Physiopathologie cardio-vasculaire