Step 2 of 7
Phases de la diastole
Classiquement, la diastole est divisée en quatre phases, correspondant à des éléments séparés du flux mitral observé à l'écho Doppler (Figure 25.189) (Vidéo). Chaque phase du flux est fonction du gradient de pression instantané entre l’OG et le VG.
Vidéo: flux intraventriculaires normaux. Le flux diastolique mitral (en bleu) est homogène, sans aliasing, de vélocité < 1 m/s, et remplit l'entièreté du VG jusqu'à l'apex.
Figure 25.189 : Phases de la diastole en fonction du flux mitral et des gradients de pression OG-VG. 1: phase de relaxation isovolumétrique (RI). 2: phase de remplissage protodiastolique, flux mitral E. 3: diastasis. 4: contraction auriculaire, flux mitral A. La partie supérieure de l'image représente les gradients de pression instantanés entre le VG (courbe rouge) et l'OG (courbe bleue). La phase de flux protodiastolique (relaxation) est représentée en jaune, le diastasis (équilibre des pressions OG – VG) en bleu et la phase de contraction auriculaire (distensibilité) en vert. tDE: durée de la décélération du flux E.
Vidéo: flux intraventriculaires normaux. Le flux diastolique mitral (en bleu) est homogène, sans aliasing, de vélocité < 1 m/s, et remplit l'entièreté du VG jusqu'à l'apex.
Figure 25.189 : Phases de la diastole en fonction du flux mitral et des gradients de pression OG-VG. 1: phase de relaxation isovolumétrique (RI). 2: phase de remplissage protodiastolique, flux mitral E. 3: diastasis. 4: contraction auriculaire, flux mitral A. La partie supérieure de l'image représente les gradients de pression instantanés entre le VG (courbe rouge) et l'OG (courbe bleue). La phase de flux protodiastolique (relaxation) est représentée en jaune, le diastasis (équilibre des pressions OG – VG) en bleu et la phase de contraction auriculaire (distensibilité) en vert. tDE: durée de la décélération du flux E.
- Relaxation isovolumétrique (RI): période située entre la fermeture de la valve aortique et l’ouverture de la valve mitrale ; sa durée est de 70-100 ms. Elle se mesure au flux Doppler avec le faisceau d'analyse à cheval entre la valve mitrale et la chambre de chasse du VG, ou au Doppler tissulaire sur l’anneau mitral. Plus la POG est élevée, plus la valve mitrale s’ouvre rapidement et plus la RI se raccourcit.
- Remplissage rapide: la PVG est inférieure à la POG, la valve mitrale s'ouvre : un flux de sang (E) s'écoule de l'OG vers le VG. La phase d'accélération du flux est fonction de la relaxation active du ventricule (effet de succion active). Le temps de décélération du flux E (tDE = 150-200 ms) est fonction de la surface mitrale, de la relaxation passive et de la compliance du VG: il s’allonge lorsque la relaxation est défaillante, mais il se raccourcit lorsque que le VG est plus rigide. Le tDE est défini par le temps entre le pic de flux E et l’instant où ce flux rejoint la ligne de base (éventuellement extrapolé si le diastasis ou le flux A empiètent sur le flux E). Normalement, le 80% du remplissage ventriculaire a lieu pendant la phase de remplissage rapide.
- Diastasis: lorsque les pressions dans l'OG et dans le VG s'égalisent, le flux auriculo-ventriculaire cesse ou devient négligeable (< 5% du remplissage) ; cette phase dépend de la compliance et de la distensibilité du VG. Si la POG est élevée, on voit souvent un petit pic de flux (L 0.2-0.3 cm/s) pendant le diastasis.
- Contraction auriculaire: un deuxième pic de flux (A) survient avec la systole de l'oreillette qui se vide dans le VG ; sa morphologie dépend de la distensibilité du VG et de la contractilité de l’OG. Cette phase ne compte que pour 20% du remplissage mais assure une pression télédiastolique optimale pour le VG.
Du point de vue physiologique (voir Chapitre 5, La diastole), il est plus logique de subdiviser la diastole selon les trois différents phénomènes qui s’y déroulent plutôt que selon les phases du flux mitral (Figure 25.190).
- Relaxation active ; processus actif de succion qui consomme 15% de la mVO2 totale, au cours duquel la pression intraventriculaire baisse en-dessous de la pression intrathoracique. Elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux mitral E jusqu’à sa Vmax (correspondant au pic de l’onde "v" auriculaire). Dès que cet effet s'interrompt, l'accélération du flux mitral cesse et sa vélocité commence à se réduire.
- Elasticité, ou relaxation passive ; c’est la propriété d'un matériau déformé de retrouver sa forme initiale lorsque le stress cesse. Elle débute dès que le processus d'aspiration protodiastolique s'arrête; elle est le facteur dominant pendant la phase de décélération du flux mitral protodiastolique E et pendant le diastasis.
- Distensibilité ; elle traduit la capacité d'une structure à augmenter passivement de volume sous l'effet d'un remplissage; elle caractérise la troisième phase de la diastole, lorsque le remplissage du VG est assuré par la contraction auriculaire.
Figure 25.190 : Subdivision physiologique de la diastole en fonction de la mVO2 et de la compliance. I : relaxation active consommatrice d’O2 ; elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux E jusqu’à son pic de vélocité. II : élasticité, ou relaxation passive; elle comprend la phase de décélération du flux E et le diastasis. III : distensibilité, ou capacité du ventricule à augmenter passivement de volume sous l’effet du volume propulsé par la contraction auriculaire. Les phases II et III correspondent à la compliance passive du ventricule.
La relaxation active protodiastolique est liée à trois mécanismes: 1) dérotation et allongement du VG par les fibres sous-épicardiques, 2) effet ressort de la connectine comprimée pendant la systole, et 3) coulissage de l'anneau mitral vers le haut englobant dans le ventricule un certain volume de sang situé dans l'oreillette. Ces trois effets sont liés à la fonction systolique: ils augmentent en cas d'hyperdynamisme et diminuent en cas de dysfonction systolique globale ou segmentaire. Les phénomènes d'élasticité et de distensibilité sont souvent regroupés sous la dénomination plus générale de compliance, car tous deux sont de nature passive alors que la relaxation est un événement actif. Ils sont liés à la structure du myocarde et à ses propriétés visco-élastiques ; ils permettent le remplissage au cours de période correspondant à la phase de décélération du flux E (DE), au diastasis et à la contraction auriculaire (flux mitral A) [4]. Pendant le diastasis, les mécanismes d’élasticité et de distensibilité se confondent, puisque les pressions de l’OG et du VG s’équilibrent pendant cette phase. Toutefois si la POG est élevée, il arrive de rencontrer un pic de flux au cours du diastasis (flux L).
En clinique, on distingue deux types principaux de dysfonction diastolique [2].
- Le défaut de relaxation protodiastolique, caractéristique du vieillissement, de l’hypertrophie ventriculaire (hypertension artérielle, sténose aortique) (Vidéo), de l’ischémie, de la dilatation, de l’obésité et du syndrome d’apnée du sommeil ; c'est un trouble fréquent et bénin.
- La restriction par perte de compliance ventriculaire (défaut d’élasticité et de distensibilité), caractéristique des cardiomyopathies restrictives, des infiltrations (collagénoses, amyloïdose) et de la péricardite. Il s'agit d'une situation sévère conduisant à la stase et à l’oedème pulmonaire, même si la fonction systolique est conservée. On rencontre le même phénomène dans la dilatation ventriculaire massive, dans le rejet après transplantation ou dans l’oedème myocardique post-CEC.
Vidéo: vue transgastrique court-axe du VG d'un patient souffrant de sténose aortique serrée; le ventricule est caractérisé par une hypertrophie concentrique marquée, source d'un défaut de relaxation de la paroi ventriculaire en diastole.
Mesures ETO
L'analyse des flux de remplissage est la principale méthode d’évaluation de la fonction diastolique des ventricules. Comme elle est directement proportionnelle au gradient de pression instantané entre l'amont et l'aval du point de mesure, la vélocité du flux de remplissage du VG est tributaire de la pression qui règne dans l'OG et dans les veines pulmonaires. La synchronisation entre le flux mitral, le flux veineux pulmonaire et la POG est illustrée dans la Figure 25.191.
Figure 25.191 : Synchronisation des pressions et des flux de remplissage du VG. Les flux sont représentés par leurs vélocités pendant un cycle cardiaque. La vélocité est fonction du gradient de pression instantané entre la cavité d'amont et la cavité d'aval. Les pics de flux veineux pulmonaire correspondent aux moments où la pression dans l'OG est la plus basse; le flux veineux pulmonaire comprend une composante systolique (S) bifide (S1 : descente a-c, S2 : descende x), une composante diastolique (D, descente y) et une composante rétrograde pendant la contraction auriculaire (Ar) vu l'absence de valve dans les veines pulmonaires. Le flux mitral comprend une composante proto-diastolique (E) et une composante produite par la contraction auriculaire (A). La couleur rouge marque la phase systolique, la jaune la phase proto-mésodiastolique, et la verte la phase de la contraction auriculaire. Ce schéma est basé sur les données d’échocardiographie transoesophagienne (ETO); le flux veineux pulmonaire apparaît en dessus de la ligne de base car il se rapproche du capteur alors que le flux mitral apparaît en dessous de la ligne de base car il s’en éloigne.
Techniquement, la Vmax du flux mitral (0.6-1.0 m/s) est obtenue en plaçant le capteur Doppler pulsé au niveau de l’extrémité des feuillets mitraux en 4 cavités mi-ooesophage (0°) avec une angulation de 20° en direction de la paroi latéro-postérieure par rapport au long axe du VG (direction de l’apex) parce que c’est la direction physiologique du flux mitral. Il est pratique de repérer cette direction par celle du flux couleur. La Vmax du flux veineux pulmonaire (0.4-0.6 m/s) est mesurée dans la veine pulmonaire supérieure gauche (VPSG) dont l’axe est très bien aligné avec celui du faisceau Doppler ; la fenêtre du Doppler pulsé est placée 1-2 cm en amont de l’abouchemnt de la veine dans l’OG (Figure 25.192). Comme le flux veineux pulmonaire S1 est lié à la relaxation auriculaire, c’est la composante S2 qui doit être mesurée comme Vmax du flux systolique lorsqu’on fait le rapport S/D. L’inspirium de la ventilation en pression positive augmente le retour veineux à l’OG, donc la Vmax de la composante E du flux mitral ; ce phénomène est d’autant plus marqué que la volémie est élevée. Il est donc important de réaliser les mesures en phase télé-expiratoire ou en apnée.
Figure 25.192 : Positionnement du volume d'échantillonnage du Doppler pulsé pour l'analyse des flux de remplissage gauches. A: entre l'extrémité des feuillets de la valve mitrale en diastole. La flèche rouge indique la direction de l'apex. B: 1-2 cm dans la veine pulmonaire supérieure gauche.
La durée de la phase de relaxation isovolumétrique (tRI, normal 70-100 msec) se mesure au Doppler pulsé ou continu à cheval sur le flux mitral et le flux de la CCVG dans une vue qui donne accès à ces deux flux simultanément: vue 4 cavités 0° ou long-axe 120° mi-œsophage, 5-cavités 0° ou long axe 120° transgastrique. Elle est déterminée par la durée entre la fin du flux aortique et le début du flux mitral. L’axe du Doppler est placé dans l’axe du flux mitral, puis déplacé progressivement vers celui de la chambre de chasse jusqu’à ce qu’apparaisse le click de fermeture de la valve aortique ; un déplacement trop éloigné dans la CCVG décalerait l’apparition du flux mitral [1]. La limite de Nyquist est calée à 0.7 – 1.0 m/s, et le filtre basse vélocité ajusté pour faire disparaître les artéfacts fréquents au voisinage de la ligne de base. On peut aussi mesurer la durée tRI au Doppler tissulaire sur l’anneau mitral ; c’est la durée entre la fin du déplacement systolique S’ et le début du déplacement diastolique E’ ; cette mesure n’est pas recommandée en cas de dysfonction systolique ou diastolique sévères (Figure 25.193) [3].
Figure 25.193 : Mesure de la durée de relaxation isovolumétrique (tRI). A: au Doppler pulsé avec le volume d'échantillonnage placé à cheval entre la chambre de chasse et la valve mitrale de manière à enregistrer le flux systolique aortique et le flux diastolique mitral. B: au Doppler tissulaire avec la vélocité de déplacement de l'anneau mitral; la durée de la RI va de la fin du mouvement systolique S au début du mouvement diastolique E'.
L'échocardiographie offre quatre possibilités différentes d'examiner la fonction diastolique: par l'imagerie bidimensionnelle du VG y compris la technique de speckle-tracking, par le flux mitral, par le flux veineux pulmonaire, et par le Doppler tissulaire. Comme il est directement dépendant du gradient de pression instantané entre sa chambre d'amont et sa chambre d'aval, le flux de remplissage du VG est lié non seulement à la fonction diastolique du ventricule mais également à la volémie du patient et à la fonction de l'oreillette gauche.
Phases de la diastole |
En se fondant sur l'analyse du flux mitral, la diastole est divisée en 4 phases: - Relaxation isovolumétrique - Relaxation active protodiastolique (flux E) - Diastasis - Contraction auriculaire (flux A) Trois mécanismes différents interviennent pour assurer le remplissage du VG: - Relaxation active consommatrice d'O2, effet ressort des myofibrilles comprimés en systole - Elasticité (capacité du VG à reprendre sa forme initiale) - Distensibilité (capacité du VG à se laisser remplir par le flux auriculaire) Les altérations de ces mécanismes donnent naissance à 2 types de dysfonction diastolique: - Défaut de relaxation protodiastolique, fréquent et bénin - Défaut de compliance (élasticité + distensibilité), plus rare mais sévère L'échocardiographie offre trois possibilités principales d'investiguer la diastole: - Imagerie bi-dimensionnelles, speckle-tracking - Flux mitral et flux veineux pulmonaire - Doppler tissulaire |
© CHASSOT PG, BETTEX D. Mars 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
- APPLETON CP, JENSEN JL, HATLE LK, OH JK. Doppler evaluation of right and left ventricular diastolic function: a technical guide for obtaining optimal flow velocity recordings. J Am Soc Echocardiogr 1997; 10:271-9
- LESTER SJ, TAJIK AJ, NISHIMURA RA, et al. Unlocking the mysteries of diastolic function. Deciphering the Rosetta Stone 10 years later. J Am Coll Cardiol 2008; 51:679-89
- QUINONES MA, OTTO CM, STODDARD M, et al. Recommendations for quantification of Doppler echocardiography: A report from the Doppler Quantification Task Force of the Nomenclature and Standards Committee of the American Society of Echocardiography. J Am Soc Echocardiogr 2002; 15:167-84
- ZILE MR, BRUTSAERT DL. New concept in diastolic dysfunction and diastolic heart failure: Part I. Diagnosis, prognosis, and measurement of diastolic function. Circulation 2002; 105:1387-93
25. Echocardiographie transoesophagienne 1ère partie
- 25.1 Introduction
- 25.2 Principes physiques de l'échocardiographie
- 25.3 Anatomie fonctionnelle
- 25.3.1 Technique et risques de l'ETO
- 25.3.2 Examen standard 2D
- 25.3.3 Examen des valves
- 25.3.4 Examen bidimensionnel des ventricules
- 25.3.5 Examen des oreillettes
- 25.3.6 Mode TM
- 25.3.7 Examen Doppler
- 25.3.8 Examen tridimensionnel (3D)
- 25.3.9 Mesures quantitatives
- 25.3.10 Examen rapide
- 25.3.11 Images artéfactuelles
- 25.3.12 Rapport d'examen
- 25.4 Mesures hémodynamiques
- 25.5 Fonction systolique du VG
- 25.6 Fonction diastolique du VG
- 25.7 Fonction ventriculaire droite
- 25.8 Fonction ventriculaire segmentaire
- 25.9 Insuffisance cardiaque
- 25.10 Place de l'ETO en clinique
- 25.11 ETO en chirurgie cardiaque
- 25.12 ETO en chirurgie non-cardiaque
- 25.13 Echocardiographie en soins intensifs
- 25.14 Echocardiographie au déchocage
- 25.15 Echocardiographie transthoracique
- 25.16 Conclusions