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Pathologies courantes

Hypotension réfractaire

Cette condition recouvre un grand nombre d'étiologies différentes (voir Instabilité hémodynamique et Figures 25.241 à 25.249) [10].
 
  • Choc hypovolémique; faible taille télédiastolique des ventricules, hyperdynamisme ventriculaire, collapsibilité exagérée de la VCI en respiration spontanée, mouvements excessifs du septum interauriculaire, forte variation du flux aortique sous ventilation en pression positive.
  • Choc distributif; collapsus télésystolique du VG, hyper- ou hypo-dynamisme ventriculaire; en cas de sepsis, hypertension pulmonaire et défaillance du VD dans un tiers des cas [7]. Recherche échocardiographique de l'étiologie septique: endocardite, végétations sur cathéter.
  • Choc cardiogène; défaillance ventriculaire; décompensation du VG correspondant à une perte d'au moins 40% des cardiomyocytes du VG (ischémie, nécrose). Décompensation du VD sur infarctus inférieur ou excès de postcharge (hypertension pulmonaire, embolie).
  • Ischémie aiguë; bien que l'écho puisse difficilement distinguer l'ischémie active de l'infarctus, la présence d'altérations de la cinétique segmentaire signe le diagnostic de coronaropathie. Les complications de l'ischémie sont clairement identifiables: insuffisance mitrale, rupture pariétale, anévrysme, communication interventriculaire, thrombus intracardiaque.
  • Décompensation d'une cardiomyopathie [14];
    • Cardiomyopathie obstructive: obstruction dynamique de la chambre de chasse du VG, Vmax CCVG > 2.5 m/s, collapsus mésosystolique des cuspides aortiques.
    • Cardiomyopathie restrictive: élévation massive de la POG, rapport E/E' > 15.
    • Cardiomyopathie dilatative: chute de la contractilité, déformation longitudinale au Doppler tissulaire (global longitudinal strain) < 10%.
    • Cardiomyopathie idiopathique, non-compaction: stase intraventriculaire, contraste spontané, thrombus intracavitaire.
  • Embolie pulmonaire; la disponibilité de l'écho en fait un précieux instrument pour la prise en charge immédiate. La sensibilité et la spécificité de l'ETO sont de 60% et 80% respectivement (Vidéos) [16];
    • Dilatation et défaillance du VD, hypokinésie de la paroi libre.
    • Bascule du septum interventriculaire dans la gauche, insuffisance tricuspidienne; l'absence de signe de surcharge de pression exclut le diagnostic d'embolie massive.
    • Thrombus en transit dans les cavités droites et dans l'AP.
    • PAPsyst calculée par la Vmax de l'IT 50-60 mmHg (pression maximale que peut développer un VD normal); une pression supérieure signe une HVD et un processus chronique.


      Vidéo: vue 4-cavités au cours d'embolie pulmonaire massive; le VD et l'OD sont dilatés, les septa interventriculaire et interauriculaire sont bombés dans les cavités gauches, qui sont comprimées et très réduites en volume.


      Vidéo: embol en transit dans l'OD flottant devant la valve tricuspide lors d'une embolie pulmonaire massive (vue 4-cavités basse).
       
  • Pneumothorax; absence de lignes B et de pulsation pulmonaire, absence de coulissage de la plèvre viscérale sur la plèvre thoracique.
  • Tamponnade par du liquide clair; épanchement  > 2 cm, danse du cœur, collapsus pariétal de l'OD (télédiastole) et du VD (protodiastole), variation excessive du flux mitral en respiration spontanée (Vidéo).


    Vidéo: tamponnade péricardique antérieure comprimant les cavités cardiaques; seule l'OG est de taille normale.
     
  • Tamponnade postopératoire; compression par un thrombus localisée à une cavité cardiaque, accumulation de sang postéro-inférieure souvent invisible en ETT, normalisation du flux mitral sous ventilation en pression positive (Vidéo).


    Vidéo: thrombus massif comprimant l'OG sur sa face postéro-latérale mais épargnant les autres cavités; cette tamponnade localisée est typique du postopératoire de chirurgie cardiaque.
     
  • Réanimation avec massage cardiaque externe; l’ETO offre des vues de meilleure qualité que la voie transthoracique et n’oblige pas à interrompre les manoeuvres pour obtenir des images ; l’échocardiographie oriente les décisions thérapeutiques dans 80% des cas (Vidéo) [4].


    Vidéo: enregistrement ETO peropératoire au cours du massage cardiaque externe d'un malade souffrant d'un infarctus massif du VG (obstruction du tronc commun). La compression sternale est efficace sur le VD, mais non sur le VG, qui est inerte et dont les feuillets mitraux ne bougent pas (absence de débit).
L'échocardiographie fournit le diagnostic dans 80% des cas d'instabilité hémodynamique sévère; elle est largement supérieure à l'examen clinique pour déterminer la fonction ventriculaire, la volémie et la présence de valvulopathie [3,17].

Traumatisme thoracique

Dans le traumatisme ouvert, l'ETT a une sensibilité de 100% et une spécificité de 97% pour le diagnostic de lésion cardiaque [17]. Dans le traumatisme thoracique fermé, un élargissement du médiastin, un hémothorax et un mécanisme compatible avec une déchirure aortique ou une contusion cardiaque sont des indications à procéder une investigation si possible transoesophagienne, car la voie transthoracique est peu performante pour mettre en évidence les lésions aortiques [15].

La contusion myocardique  concerne le plus souvent la paroi libre du VD. Elle est caractérisée par une augmentation de l’épaisseur et de l’échogénicité locales du ventricule en diastole, des altérations de la cinétique segmentaire (paroi libre du VD, paroi antéro-septale ou apicale du VG), une baisse de contractilité (diminution de la Vmax S au Doppler tissulaire < 8 cm/s et de la déformation longitudinale < 15%), une insuffisance valvulaire aiguë par rupture de cordages tricuspidiens ou mitraux, un hémopéricarde, rarement une rupture du septum avec une CIV. La rupture de paroi provoque une tamponnade aiguë; la survie est possible si elle reste localisée ou concerne une cavité à basse pression comme l'OD, mais le décès est rapide si elle est étendue ou concerne un ventricule [11].

Dans la tamponnade, l’accumulation de sang est en général circonférentielle, mais des thrombi localisés peuvent comprimer sélectivement une cavité et n’apparaître que dans certains plans de coupe, d'où la nécessité d’un examen complet (voir Figure 25.245). Des images échocardiographiques de compression et une tachycardie persistante non expliquée par la douleur sont une indication formelle au drainage chirurgical en urgence. Outre le traumatisme, on rencontre une tamponnade après des lésions perforantes lors de cathétérisme ou de péricardiocentèse.

La rupture aortique survient principalement à la racine aortique (hémorragie intrapéricardique et décès le plus fréquemment sur le lieu de l’accident) et à l’isthme (limite entre la crosse mobile et l’aorte descendante fixée à la colonne vertébrale) où la déchirure est le plus souvent partielle. En vues court-axe 0° et long-axe 90°, les images habituelles de l'isthme présentent certaines caractéristiques qui les différencient de celles de la dissection (Vidéo et Figure 25.254).
 
  • Augmentation de la distance œsophage-aorte (hémo-médiastin postérieur);
  • Perte de la circularité de la silhouette en court-axe et absence de pulsatilité;
  • Epaississement,  dédoublement ou rupture partielle de la paroi;
  • Extravasation au flux Doppler, hématome péri-adventitiel;
  • Membrane épaisse (flap) orientée transversalement dans l'aorte (court-axe);
  • Déchirure intimale flottant dans la lumière;
  • Présence de tourbillons localisés au Doppler couleur.


    Vidéo: déchirure intimale au niveau de l'isthme de l'aorte en vue sourt-axe de l'aorte thoracique descendante à sa jonction avec la crosse. La déchirure est à peine visible, mais un flux tourbillonnaire apparaît à son voisinage alors que le flux dans l'aorte est toujours laminaire. La distance entre l'aorte et l'oesophage est agrandie.
     


Figure 25.254 : Images de rupture aortique au niveau de l'isthme. A: membrane (flap) transversale due à une déchirure traumatique. La distance entre l'œsophage et l'aorte est agrandie à cause de l'hémo-médiastin postérieur (flèche rouge) et l'aorte n'est plus clairement circulaire. B: présence de tourbillons suspendus le long de la paroi au Doppler couleur; le flux est normalement laminaire dans l'aorte. C: petite déchirure intimale.

Les lésions valvulaires concernent surtout la tricuspide qui est la valve la plus antérieure, donc la plus exposée lors qu'un choc frontal (Vidéos).
 
  • Rupture de cordage avec insuffisance valvulaire aiguë. L'indication opératoire est fonction de la gravité de la lésion et de l'importante de la régurgitation. D'une manière générale, les lésions de la valve tricuspide ne représentent pas une indication chirurgicale urgente, alors que celles de la valve mitrale nécessitent une réparation opératoire rapide.
  • Déchirure de feuillet. La situation est identique pour les valves auriculo-ventriculaires. Pour la valve aortique, la lésion provoque une insuffisance majeure entraînant une dilatation et une décompensation du VG; la réparation chirurgicale est urgente.


    Vidéo: rupture de cordage traumatique du feuillet antérieur de la valve tricuspide, occasionnant une insuffisance tricuspidienne sévère.


    Vidéo: désinsertion partielle des cuspides aortiques induisant une insuffisance aortique majeure.
     
L'innocuité de l'ETO, sa rapidité et son apport au diagnostic hémodynamique (volémie, fonction myocardique, tamponnade, lésion valvulaire, etc) en font l'examen de choix à réaliser en premier lieu dans les traumatismes thoraciques fermés graves [5]. La seule contre-indication est la fracture instable de la colonne cervicale, mais il est réalisable dans > 90% des cas. Dans le cas du traumatisme thoracique, sa sensibilité (95%) et sa spécificité (> 95%) sont supérieures à celles de l'arcographie, mais légèrement inférieures à celles du CT-scan et de l'IRM (98%) [6]. Toutefois, l’ETO est plus performante pour les petites déchirures intimales suseptibles d’être traitées par endoprothèse ; elle offre une évaluation dynamique (fonction ventriculaire, IA) et peut être rapidement réalisée au lit du malade. Le CT-scan spiralé, qui implique de déplacer le malade, permet de visualiser les vaisseaux de la gerbe, la zone aveugle de l'ETO et tous les organes thoraco-abdominaux (Tableau 25.18).
 

Syndrome aortique aigu

La rupture d’anévrysme, la dissection aortique, l'hématome intramural et l'athérome térébrant présentent des signes cliniques très voisins de ceux de l’infarctus myocardique. Alors qu'un examen transthoracique normal n'exclut aucune de ces pathologies, l’ETO met bien en évidence des éléments clefs du diagnostic différentiel (Vidéos et Figure 25.249) [5,6].
 
  • Membrane mobile (flap) ondulant dans la lumière aortique;
  • Déchirure d’entrée de la dissection (A: aorte ascendante, B: aorte descendante), passage de la vraie vers la fausse lumière au Doppler couleur;
  • Orifices de ré-entrée;
  • Etendue vers les orifices coronaires, éventuelle obstruction;
  • Vraie lumière: expansion systolique, flux rapide, souvent la plus petite;
  • Fausse lumière: flux ralenti, contraste spontané ou thrombus, compression en systole, vidange en diastole;
  • Insuffisance aortique et son mécanisme, état et éventuelle désinsertion des cuspides;
  • Epanchement péricardique, tamponnade;
  • Anévrysme: dilatation > 5.0 cm de l'aorte ascendante, > 4.0 cm de la crosse, et > 3.5 cm de l'aorte descendante;
  • Hématome intramural et athérome térébrant: paroi épaissie (> 5 mm) en croissant et plus ou moins vacuolisée;
  • Fonction ventriculaire droite et gauche;
  • Cardiopathies associées éventuelles.


    Vidéo: dissection A à la racine de l'aorte; en systole, on aperçoit la rupture primaire de la membrane (flap) qui plonge vers la valve aortique en diastole.


    Vidéo: passage entre la vraie et la fausse lumière d'une dissection A au niveau de la crosse aortique.
     


Figure 25.249 : Pathologies aortiques aiguës. A et B: vues d’une dissection A de l’aorte ascendante; la flèche verte indique la membrane (flap) qui flotte dans la lumière aortique. C: dissection de l'aorte descendante; en systole, on aperçoit un passage de sang (jet de couleur) entre la vraie lumière (VL) et la fausse lumière (FL), dans laquelle le flux est lent (présence de contraste spontané indiquant la stase). D: anévrysme de l'aorte descendante (diamètre 6.5 cm) avec thrombus intraluminal.

Les vues préférentielles pour l'examen de l'aorte sont essentiellement transoesophagiennes hautes, mais s'étendent tout au long de l'œsophage pour l'aorte descendante.
 
  • Vue long-axe de la racine aortique et de l'aorte ascendante 120°;
  • Vue court-axe de l'aorte ascendante 0°;
  • Vue court-axe de la valve aortique 40°;
  • Vue basale long-axe de la crosse 0°;
  • Vue basale court-axe de la crose 90°;
  • Vue long-axe de l'aorte descendante 90°;
  • Vue court-axe de l'aorte descendante 0°.
Les artéfacts physiques comme les side-lobes et les reverbérations peuvent faire croire à une dissection (voir Artéfacts physiques). Ils s'en différencient par le fait qu'ils traversent les structures anatomiques et n'influencent pas le flux couleur; leur rigidité, leur aspect arciforme et leur mouvement synchrone avec celui de l'objet reverbéré (paroi calcifiée, cathéter) les différencient de la mobilité ondulante de la membrane intimale disséquée. Ces artéfacts sont présents sur les images de l'aorte ascendante et descendante dans 26% et 7% des cas respectivement [18].

L'échocardiographie transthoracique (ETT) ne permet de visualiser qu'une petite portion de l'aorte: la racine aortique en vue parasternale long-axe et l'aorte ascendante avec la crosse et le départ des vaisseaux de la gerbe en vue sus-sternale [6]. Une ETT normale n'exclut pas une lésion aortique. L'échocardiographie transoesophagienne (ETO), au contraire, offre une excellente visualisation de la racine de l'aorte, du premier tiers de l'aorte ascendante, de la moitié distale de la crosse et de la totalité de l'aorte descendante, mais la partie distale de l'aorte ascendante et la partie proximale de la crosse lui échappent à cause de l'interposition de la trachée et de la bronche-souche droite [8].

Le CT-scan et l'angio-CT restent les examens de premier choix dans le traumatisme thoracique et dans le syndrome aortique aigu. La reconstruction 3D offre des images très démonstratives des lésions aortiques, sur lesquelles le diamètre du vaisseau peut être mesuré avec précision à la condition qu'il n'y ait pas de thrombus. En effet, le scan différencie mal celui-ci de la paroi; il sous-estime ainsi la dimension réelle du vaisseau ou celle de la fausse lumière [9]. Les dispositifs à 64-128 barrettes permettent de réaliser simultanément une angiographie coronarienne, pour autant que la fréquence cardiaque soit < 110 batt/min et le rythme régulier. La sensibilité et la spécificité pour la dissection sont respectivement de 100% et de 98% [1]. L'IRM est moins pratique, car elle réclame une plus longue durée pour l'acquisition des images et elle est moins accessible pour un patient en réanimation. Elle ne visualise pas les calcifications et tout implant métallique est une contre-indication. Par contre, elle peut mettre en évidence les flux différentiels dans les deux lumières aortiques (IRM de contraste au gadolinium) [12]. L'aortographie, qui est invasive et qui expose le patient à une forte irradiation, n'est plus utilisée que pour l'angiographie des coronaires et des vaisseaux de la gerbe (Tableau 25.19) [5].
 

L’ETO a une sensibilité et une spécificité de 95% ; sa sensiblité est comparable à celle du CT-scan spiralé (98%) et meilleure que celle de l’aortographie (80%) [13]. L’IRM est la plus spécifique (98%) [2]. Par rapport aux investigations radiologiques qui nécessitent de déplacer le patient, l’ETO peut avoir lieu au lit du malade, mais réclame une sédation plus profonde ou une intubation (Tableau 25.20).
 


 
Pathologies courantes au déchocage
Hypotension réfractaire (ETT ou ETO):
    - Hypovolémie sévère
    - Défaillance ventriculaire droite ou gauche
    - Syndrome coronarien aigu (akinésie segmentaire, IM, rupture pariétale)
    - Embolie pulmonaire
    - Tamponnade
    - Pneumothorax sous tension
    - Arrêt cardiaque
    
Traumatisme thoracique (ETT et ETO):
    - Contusion myocardique
    - Hémopéricarde, hémothorax
    - Rupture aortique
    - Lésion valvulaire (rupture de cordage, déchirure de feuillet)

Syndrome aortique aigu (ETO):
    - Dissection aortique
    - Rupture d'anévrysme
    - Hématome intramural
    - Athérome térébrant
    - Sensibilité et spécificité de l'ETO: 95%


© CHASSOT PG, BETTEX D. Octobre 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
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