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CEC et post-CEC

La baisse de contractilité intrinsèque du VG devient apparente après la correction chirurgicale de la valve, lorsque le ventricule est dans des conditions de charge normales. Il doit alors éjecter contre l’impédance systémique sans la soupape de pression de l’IM; le stress de paroi augmente, et sa fraction d’éjection diminue par inadéquation à la nouvelle postcharge (afterload mismatch) [8]. En réalité, le VG fait une mauvaise affaire : il échange une surcharge de volume bien tolérée contre une surcharge de pression qu’il supporte mal. Sur le diagramme pression-volume, la pente ascensionnelle de la pression intraventriculaire est maintenant verticale au lieu d’être oblique, et la phase de contraction isovolumétrique est rétablie. Par rapport à la situation avant la CEC, le travail de pression a augmenté, alors que le travail d’éjection a diminué ; pour le VG, le rendement énergétique est donc moins bon (Figure 11.82). De plus, la pente de l’élastance maximale (Emax) est abaissée par plusieurs phénomènes : problèmes mécaniques liés à la prothèse, perte de l’appareil sous-valvulaire, altérations de la contraction des segments de la base, présence d’une cardiomyopathie inflammatoire (RAA), diminution de la contractilité après une CEC [6]. Comme elle interfère moins avec les structures fonctionnelles, la plastie est mieux tolérée que le remplacement valvulaire. Cette inadéquation à la postcharge est moins marquée dans les plastie mitrales percutanées sans CEC [5].
 

Figure 11.82 : Boucle P/V d’un patient en insuffisance mitrale avant (IM, rouge) et après remplacement valvulaire mitral (post-RVM, jaune et vert). La compétence de la prothèse impose une phase de contraction isovolumétrique inconnue avant l’éjection (ascension verticale au lieu d’oblique de la pente de pression systolique). Même si le volume télédiastolique est agrandi, le volume systolique et la fraction d’éjection diminuent, comme l’illustre la surface diminuée de la boucle P/V. La pente de l’élastance maximale (Emax) est abaissée après CEC (E’max) parce que la contractilité est diminuée. Par rapport à la situation avant CEC, le travail de pression (surface du triangle pointillé Tp) a augmenté, alors que le travail d’éjection (surface du quadrilatère vert-jaune) a diminué. Pour le VG, le rendement énergétique est donc moins bon et la situation très difficile : au handicap fonctionnel de la CEC s’ajoute l’échange d’une surcharge de volume (bien tolérée) pour une surcharge de pression (mal tolérée) [d’après réf 6].
 
Un soutien inotrope est presque toujours nécessaire pour la sortie de CEC [2]. Celui-ci doit se faire au moyen d'amines sans effet alpha ou d’inodilatateurs: dobutamine, milrinone, levosimendant dans les cas réfractaires. L'addition d'un vasodilatateur artériel peut être occasionnnellement nécessaire lorsque les RAS sont trop hautes. Les cavités cardiaques agrandies nécessitent des volumes de remplissage importants et une précharge maintenue, surtout lors de rythme non-sinusal. La présence d’une hypertension pulmonaire crée un risque de décompensation ventriculaire droite à la sortie de CEC. Comme elle diminue la postcharge effective du VG, la ventilation en pression positive est bénéfique. Son sevrage peut être un moment particulièrement délicat qui ne doit pas être envisagé trop tôt, mais seulement lorsque la fonction gauche s’est stabilisée. La gestion de l’hémodynamique après correction d’une IM demande donc :
 
  • Une précharge haute, 
  • Une postcharge basse, 
  • Une contractilité élevée.
Dans ce contexte, il faut éviter de traiter une hypotension artérielle exclusivement par des vasopresseurs, car on ne fait qu’augmenter les difficultés du VG. Les agents alpha qui relèvent les RAS ne sont indiqués que pour assurer la pression de perfusion coronarienne, cérébrale et rénale lorsque celle-ci est compromise. Dans ces conditions, le plus judicieux est d’installer une contre-pulsion intra-aortique (CPIA), de manière à soulager le VG de l’augmentation de postcharge tout en assurant une pression de perfusion optimale. 
 
Après un remplacement mitral avec une bioprothèse montée, un des 3 picots de la prothèse peut obstruer partiellement la CCVG et y induire une accélération anormale du flux. Après une plastie mitrale, on peut rencontrer un phénomène de sub-obstruction de la chambre de chasse du VG par la partie distale du feuillet antérieur de la valve mitrale (SAM, systolic anterior motion) qui réalise un phénomène de cardiomyopathie obstructive (effet CMO) (voir Plastie mitrale). En effet, la zone de coaptation mitrale se rapproche de la CCVG lorsqu'on rétrécit l'anneau mitral par une plastie et par un anneau prothétique, car le point fixe de l’anneau mitral est au niveau de la jonction mitro-aortique (trigone fibreux), alors que la partie postérieure est fine et n’est soutenue que par la musculature ventriculaire ; c’est donc elle qui va se déplacer vers l’avant, entrainant avec elle un déplacement antérieur de la zone de coaptation (Vidéos) (Figure 11.56 et Figure 11.57). Un déplacement antérieur excessif (SAM) est présent dans 4-11% des plasties mitrales [4,7]. Il est lié à quatre phénomènes différents [4].


Vidéo: Exemple de déplacement antérieur du feuillet mitral (SAM) obstruant la chambre de chasse gauche en mésosystole dans un cas de cardiomyopathie hypertrophique sévère (vue long-axe du VG 140°).


Vidéo: Exemple de déplacement antérieur du feuillet mitral (SAM) après une plastie mitrale (vue 4-cavités 0°); le feuillet antérieur se coude dans la chambre de chasse en mésosystole; la plastie du feuillet postérieur lui donne un aspect très remanié.
 
  • L’anneau de valvuloplastie est trop restrictif ; le SAM est plus fréquent après pose d'un anneau rigide complet et restrictif qu'après celle d'un anneau ouvert semi-rigide et peu restrictif.
  • La longueur du feuillet postérieur est excessive (excès de tissu, résection insuffisante).
  • La cavité ventriculaire est trop petite : hypovolémie.
  • La course radiaire de la paroi postérieure en télésystole est trop grande : sur-stimulation β, vasoplégie.
 

Figure 11.56 : Obstruction dynamique de la CCVG après plastie mitrale. A : un anneau restrictif et/ou une trop grande hauteur du feuillet postérieur (FP) (rapport feuillet antérieur / feuillet postérieur < 1.3) avance la paroi postérieure et projette le point de coaptation vers la CCVG. En protosystole, la coaptation a lieu sur le corps du feuillet antérieur (FA) dont la partie distale se retrouve dans le VG et non en application contre le FP. B : en mésosystole, la pression intraventriculaire pousse le FA en direction de la CCVG ; en cours d’éjection, celui-ci est aspiré par effet Venturi et vient bloquer la CCVG (SAM: systolic anterior motion). Le débit aortique baisse soudainement, et la réouverture de la valve mitrale provoque une insuffisance méso-télésystolique. 


Figure 11.57 : SAM (systolic anterior motion) du feuillet antérieur en postopératoire de plastie mitrale; image ETO de SAM en vue 4-cavités ; les deux flèches blanches indiquent l’emplacement de l’anneau prothétique ; la flèche jaune pointe le déplacement de la partie distale du feuillet antérieur dans la chambre de chasse du VG (CCVG). 
 
Les deux premiers points sont liés à l’intervention chirurgicale ; ils surviennent dans 5-15% des plasties mitrales [3]. Les deux autres points sont beaucoup plus fréquents mais ne réclament pas une reprise chirurgicale; ils sont liés à l’hémodynamique et se corrigent par le traitement de l'obstruction dynamique de la CCVG [4,7]:
 
  • Augmentation de la précharge (remplissage);
  • Augmentation de la postcharge par des vascoconstricteurs (néosynéphrine, nor-adrénaline); 
  • Baisse de la contractilité (arrêt des catécholamines, β-blocage à l’esmolol);
  • Réopération: rarement nécessaire (6-8% des cas) [1,7]. 
     
 
Chirurgie de l’IM: post-CEC
La correction de la fuite mitrale supprime la soupape de pression du VG. Celui-ci échange une surcharge de volume à résistance basse (bien tolérée) contre une surcharge de pression (RAS) à volume normal (mal tolérée). La contraction isovolumétrique est rétablie (augmentation du travail de pression). Pour le VG, la situation est donc plus difficile après la CEC qu’avant la correction.
 
Prise en charge : 
    - Soutien inotrope sans effet alpha (dobutamine, milrinone ± adrénaline)
    - Vasodilatation systémique (isoflurane, éventuellement vasodilatateur)
    - CPIA (très performante dans le cadre d’une IM)
    - Ventilation en pression positive (pas d’extubation trop précoce)
    - Ne pas gérer l’hypotension artérielle exclusivement avec des vasopresseurs
 
La plastie est fonctionnellement mieux tolérée que le remplacement par une prothèse.


© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Novembre 2019
 
 
Références
 
  1. CRESCENZI G, LANDONI G, ZANGRILLO A, et al. Management and decision-making strategy for systolic anterior motion after mitral valve repair. J Thorac Cardiovasc Surg 2009; 137:320-5
  2. GERHARDT MA, BOOTH JV, CHESNUT LC, et al. Acute myocardial beta-adrenergic receptor dysfunction after cardiopulmonary bypass in patients with cardiac valve disease. Circulation 1998; 98:II275-II281
  3. GILLINOV AM, COSGROVE DM, LYTLE BW, et al. Reoperation for failure of mitral valve repair. J Thorac Cardiovasc Surg 1997; 113:467-73
  4. LOULMET DF, YAFFEE DW, URSOMANNO PA, et al. Systolic anterior motion of the mitral valve: a 30-year perspective. J Thorac Cardiovasc Surg 2014; 148:2787-94
  5. MELISURGO G, AJELLO S, PAPPALARDO F, et al. Afterload mismatch after MitraClip insertion for functional mitral regurgitation. Am J Cardiol 2014; 113:1844-50
  6. ROSS J. After-load mismatch in aortic and mitral valve diases: Implications for surgical therapy. J Am Coll Cardiol 1985; 5:811-5
  7. VARGHESE R, ANYANWU AC, ITAGAKI S, et al. Management of systolic anterior motion after mitral valve repair: an algorithm. J Thorac Cardiovasc Surg 2012; 143:S2-7
  8. WONG CYH. SPOTNITZ HM. Systolic and diastolic properties of the human left ventricle during valve replacement for chronic mitral regurgitation. Am J Cardiol 1981; 47:40-5
11. Anesthésie et valvulopathies