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Manifestations cliniques

La valve diminue de surface pendant une dizaine d’années avant que ne survienne la triade classique des symptômes de la sténose aortique : angor, syncope et dyspnée. L’angor, qui est présent dans plus de 60% des cas, survient sur coronopathie, sur hypotension diastolique ou sur inadéquation du rapport DO2/VO2 [7]. La syncope est précipitée par la vasodilatation survenant à l’effort alors que le débit cardiaque reste fixe; elle est aussi imputée à une dysfonction des barorécepteurs [2]. La dyspnée est la traduction de l’hypertension veineuse pulmonaire secondaire à la dysfonction diastolique. Chez la plupart des malades, on trouve une dysfonction plaquettaire. Chez 25% d'entre eux, on rencontre une maladie de von Willebrand acquise (type 2A); elle est due au clivage des multimères du FvW sur le stress de cisaillement au passage à haute vélocité de la sténose aortique (syndrome de Heyde). Cependant, ces malades ne présentent pas de risque hémorragique accru lors du remplacement valvulaire en CEC. D’autre part, le RVA rétablit l’intégralité fonctionnelle du FvW et supprime les symptômes hémorragiques spontanés [3,10].
 
Les symptômes cliniques apparaissent lorsque la réserve de précharge est épuisée, mais non parce que la fonction contractile est défaillante. Ceci est à l’opposé de ce que l’on rencontre dans les surcharges de volume, telles l’insuffisance mitrale ou aortique, au cours desquelles la défaillance ventriculaire peut s’installer avant l’apparition des signes cliniques. Curieusement, l’importance des symptômes n’est pas directement liée à la sévérité de la sténose, car il n’est pas rare de rencontrer des patients en bonne forme malgré un gradient transvalvulaire de 150 mmHg. Mais l'importance du gradient a une valeur pronostique: le taux d'accidents cardiaques dans les 2 ans est de 16% lorsque le gradient maxinal est inférieur à 40 mmHg, et de 79% lorsqu'il est supérieur à 64 mmHg [8]. La maladie peut rester longtemps asymptomatique, au point que la moitié des malades porteurs d'une sténose serrée (S ≤ 0.6 cm2/m2) ne présentent aucune symptomatologie [6]. La vitesse d'évolution de la maladie est imprédictible; on observe cependant que la survie annuelle des patients traités conservativement est de 92% et que les deux tiers d'entre eux deviennent symptomatiques en 5 ans [9]. La survenue des symptômes modifie significativement le pronostic: l’espérance de vie n’est que de 5 ans dès l’apparition de l’angor, 3 ans après celle des syncopes, et moins de 2 ans après celle de dyspnée (Figure 11.110) [4]. L'incidence de mort subite est peu fréquente chez les patients asymptomatiques (1-1.5%/an), mais elle devient importante lorsque les symptômes apparaissent: 3% des malades meurent dans les 3-6 mois [6]; elle fait probablement suite à des arythmies ventriculaires. 
 

Figure 11.110 : Dans la sténose aortique, laa survenue des symptômes modifie significativement le pronostic: l’espérance de vie n’est que de 5 ans dès l’apparition de l’angor, 3 ans après celle des syncopes, et moins de 2 ans après celle de dyspnée [4].
 
Le pronostic de la sténose aortique est en général basé sur le degré de sténose et sur l'importance des symptômes. Cependant, le retentissement de l'excès de postcharge sur la performance du VG et sur les autres structures cardiaques est également un facteur important. Ainsi, la dysfonction du VG, la dilatation de l'OG, l'insuffisance mitrale, l'hypertension pulmonaire et la décompensation droite traduisent l'impact progressif de la lésion sur les structures d'amont, qui s'exprime par une augmentation parallèle de la mortalité à 1 an de 4% jusqu'à 24% [5].
 
L’auscultation est typique: souffle éjectionnel râpeux crescendo-decrescendo avec thrill systolique, maximum au deuxième espace intercostal droit, irradiant en direction des vaisseaux du cou, et affaiblissement ou disparition de B2, qui est spécifique de l’immobilité de la valve aortique (Figure 11.111) [1]. Toutefois, ce souffle n’est pas proportionnel au degré de sténose, mais à l’intensité des turbulences générées à la sortie de la valve aortique; ces vortex sont fonction du gradient de pression, de la capacité vibratoire des cuspides aortiques et de la résonnance de la racine de l’aorte. Si la fonction ventriculaire s’altère, le souffle diminue d’intensité. Bien que la sténose puisse n’être que modérée, un ventricule performant et une aorte scléreuse induisent un souffle d’intensité maximale [1]. La courbe artérielle est peu ample, et l’ascension systolique est lente (pulsus parvus et tardus) ; elle ressemble à une courbe amortie ou à celle d’une insuffisance ventriculaire gauche (voir Figure 11.147).
 

Figure 11.111 : Auscultation en cas de sténose aortique. Souffle éjectionnel râpeux irradiant vers les vaisseaux du cou, affaiblissement ou disparition de B2 (spécifique de l’immobilité de la valve aortique).
 
L’ECG est dominé par les signes d’hypertrophie ventriculaire gauche: voltage élevé, orientation gauche de l’axe du QRS, index de Sokolow > 3.5 mV, dépolarisation prolongée, décalage progressif du segment ST et de l’onde T dans une direction opposée au QRS; un bloc de branche gauche peut être associé. Une morphologie voisine de celle de l’ischémie peut apparaître sous forme d’anomalies du segment ST et d’une inversion du T en V5-V6 (strain pattern) et rendre le diagnostic différentiel difficile.
 
La radiographie du thorax montre un cœur habituellement de taille normale mais dont l’apex est arrondi. Une dilatation post-sténotique de l’aorte, plus marquée dans les bicuspidies, déroule le bord droit de la silhouette aortique. On voit parfois les calcifications de la valve.
 
 
Clinique de la sténose aortique
Longue latence avant les symptômes, mais leur apparition diminue la survie à 5 ans pour l’angor, 3 ans pour les syncopes et < 2 ans pour la dyspnée. Les symptômes apparaissent souvent avant la dysfonction du VG. Critère de dysfonction : diamètre télédiastolique du VG > 4 cm/m2.
 
Auscultation : souffle éjectionnel râpeux avec thrill systolique, B2 unique.
 
Caractéristiques de la sténose aortique:
    - HVG concentrique, fonction systolique conservée
    - Dysfonction diastolique du VG
    - Volume systolique très dépendant de la précharge
    - Volume systolique fixe (PA systémique dépend des RAS)
    - Débit cardiaque très dépendant de la fréquence et du rythme sinusal
    - Risque ischémique élevé
    - Critère de dysfonction du VG : diamètre télédiastolique > 4 cm/m2


© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Août 2018
 
 
Références
 
  1. BRAUNWALD E. Valvular heart disease. In: BRAUNWALD E. ed. Heart disease. Philadelphia, WB Saunders Co, 1997, 1007-76
  2. CARABELLO BA. Aortic stenosis. Cardiol Rev 1993; 1:59-68
  3. CASONATO A, SPONGA S, PONTARA E, et al. Von Willebrand factor abnormalities in aortic valve stenosis : pathophysiology and impact on bleeding. Thromb Haemost 2011 ; 106 :58-66
  4. FRANK S., JOHNSON A., ROSS J. - Natural history of valvular aortic stenosis. Br. Heart J 1973; 35:41-8
  5. GÉNÉREUX P, PIBAROT P, REDFORS B, et al. Staging classification of aortic stenosis based on the extent of cardiac damage. Eur Heart J 2017; 38:3351-8
  6. GÉNÉREUX P, STONE GW, O'GARA PT, et al. Natural history, diagnostic approaches, and therapeutic strategies for patients with asymptomatic severe aortic stenosis. J Am Coll Cardiol 2016; 67:2263-88
  7. GREEN SJ, PIZZARELLO RA, PADMANABHAN VT, et al. Relation of angina pectoris to coronary artery disease in aortic valve stenosis. Am J Cardiol 1985; 55:1063-8
  8. OTTO CM, BURWASH IG, LEGGET ME, et al. Prospective study of asymptomatic valvular aortic stenosis: Clinical, echocardiographic and exercise predictors of outcome. Circulation 1997; 95:2262-70
  9. TANIGUSHI K, MORIMOTO T, SHIOMI H, et al. Initial surgical versus conservative strategies in patients with asymptomatic severe aortic stenosis. J Am Coll Cardiol 2015; 66:2827-38
  10. VINCENTELLI A, SUSEN S, LE TOURNEAU T, et al. Acquired von Willebrand syndrome in aortic stenosis. N Engl J Med 2003; 349:343-9
 
11. Anesthésie et valvulopathies