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Sténose aortique et insuffisance mitrale

Cette combinaison est la plus fréquente (20% des polyvalvulopathies) [2]. En présence d’une IM, le VG fonctionne avec deux sorties pour l’éjection : la valve aortique (antérograde) et la valve mitrale (rétrograde). Comme elle freine l'éjection antérograde, la sténose aortique augmente donc la fraction régurgitée et potentialise l’IM. La dilatation de l’OG diminue la précharge nécessaire à maintenir le volume systolique à travers la sténose. Agrandi par la surcharge de volume, le VG doit éjecter contre une postcharge élevée alors qu’il travaille sur un grand rayon de courbure, ce qui est mécaniquement très défavorable. Comme elle facilite l’éjection du VG, l’IM induit une sous-estimation de cette dysfonction ventriculaire ; la FE est très optimiste par rapport à la réalité fonctionnelle du VG. A l’échocardiographie, le VG est plus grand que dans la sténose aortique pure. La combinaison SA + IM est en général due au RAA, mais se rencontre aussi dans la dégénérescence calcifiée de la personne âgée ; dans ce cas, l’IM est secondaire à une calcification des feuillets et de l’anneau mitral. L’IM peut aussi n’être que fonctionnelle, liée à la surcharge de pression et à la dysfonction du VG (50% des cas); dans ce cas, les feuillets sont normaux et l’insuffisance habituellement modérée.  
 
La présence d'une IM significative chez un malade opéré pour remplacement valvulaire aortique pose le problème de la correction simultanée des deux pathologies, laquelle représente une augmentation de la mortalité opératoire: en moyenne 2.7% pour le RVA simple et 6.5% pour le double remplacement [5]. Le point important est la définition aussi exacte que possible du mécanisme et de la sévérité de l'IM pour pouvoir fonder une décision opératoire optimale [1,3,4].
 
  • IM sévère: un orifice de régurgitation > 0.4 cm2 et une vena contracta > 0.7 cm en cas d'IM structurelle (> 0.3 cm2 et > 0.4 cm en cas d'IM ischémique) sont les indices les plus pertinents. L'étendue du jet couleur, le PISA et la fraction de régurgitation sont trop dépendants des conditions hémodynamiques (augmentation de la postcharge du VG par la sténose aortique). La présence d'une IM sévère est en général admise comme une indication à un remplacement (RVM) ou à une plastie (PVM) simultanés car elle triple la mortalité du RVA et le risque de choc cardiogène lors des modifications hémodynamiques périopératoires. D'autre part, sa probabilité de régression ultérieure est quasi-nulle [6].
  • IM modérée-à-sévère (orifice de régurgitation 0.2-0.4 cm2 et vena contracta 0.3-0.6 cm): elle double la mortalité opératoire du RVA. Lorsqu'elle est structurelle, la tendance est de la traiter simultanément, pour autant que le risque opératoire soit faible ou intermédiaire (mortalité probable de l'opération combinée < 5%) [4].
  • IM fonctionnelle: avec la baisse de la pression intraventriculaire, elle régresse après RVA dans la moitié des cas, mais ne s'améliore pas à long terme dans l'autre moitié [7].
  • Facteurs favorables à une régression de l'IM après RVA: IM fonctionnelle sur dysfonction du VG, gradient de pression transvalvulaire aortique élevé en préopératoire.
  • Facteurs associés à une non-régression de l'IM après RVA: IM dégénérative ou rhumatismale, calcification de l'anneau mitral, dilatation de l'OG, FA chronique, hypertension pulmonaire.
Chez les patients à risque chirurgical bas ou intermédiaire avec une IM modérée-à-sévère dont la probabilité de régression après RVA est faible (IM structurelle), le risque opératoire d'un double remplacement est justifié. Lorsque le risque opératoire est majeur ou lorsque la probabilité de régression de l'IM est élevée (IM fonctionnelle), le RVA simple est préférable [3].
 
Les conditions idéales pour chacune des deux pathologies paraissent contradictoires; en effet, les RAS devraient être élevées à cause de la sténose aortique pour assurer la perfusion coronarienne et basses pour limiter l’IM. En réalité, l’augmentation de postcharge est liée à la sténose aortique, qui est fixe, bien plus qu’aux RAS qui sont distales à la valve aortique. On peut donc maintenir les RAS avec un vasopresseur en fonction des besoins liés à la perfusion myocardique sans que cela n'influence significativement l'IM.
 
 
Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique et d’insuffisance mitrale
La composante la plus dangereuse est la sténose aortique
Précharge élevée
Fréquence normale à basse
Contractilité maintenue (soutien inotrope nécessaire)
RAS maintenues (pression artérielle diastolique)
RAP basses 


© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Novembre 2019
 

Références
 
  1. BONOW RO, BROWN AS, GILLAM LD, et al. ACC/AATS/AHA/ASE/EACTS/HVS/SCA/SCAI/SCCT/SCMR/STS/ 2017 appropriate use criteria for the treatment of patients with severe aortic stenosis. J Am Coll Cardiol 2017; 70:2566-98
  2. IUNG B, BARON G, BUTCHART EG, et al. A prospective survey of patients with valvular heart disease in Europe: The Euro Heart Survey on Valvular Heart Disease. Eur Heart J 2003; 24:1231-43
  3. NOMBELA-FRANCO L, BARBOSA RIBEIRO H, URENA M, et al. Significant mitral regurgitation left untreated at the time of aortic valve replacement. J Am Coll Cardiol 2014; 63:2643-58
  4. RAMAKRISHNA H, KOHL BA, JASSAR AS; et al. Incidental moderate mitral regurgitation in patients undergoing aortic valve replacement for aortic stenosis: review of Guidelines and current evidence. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:417-22
  5. STS – Society of Thoracic Surgeons National Cardiac Surgery Database, 2017. https://www.sts.org/site/defaut/files/documents/ ACSD_ExecutiveSummary2017Harvest4_RevisedReport.pdf
  6. UNGER P, CLAVEL MA, LINDMAN BR, et al. Pathophysiology and management of multivalvular disease. Nat Rev Cardiol 2016; 13:429-40
  7. VAN DEN EYDEN F, BOUCHARD D, EL-HAMAMSY I, et al. Effect of aortic valve replacement for aortic stenosis on severity of mitral regurgitation. Ann Thorac Surg 2007; 83:1279-84
11. Anesthésie et valvulopathies