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Indications et résultats opératoires

Tant que l’insuffisance aortique est paucisymptomatique et que le ventricule reste compensé, l’histoire naturelle est généralement favorable: un simple traitement médical vasodilatateur permet une survie de 85% à 5 ans et de 58% à 10 ans: inhibiteur de l'enzyme de conversion ou antagoniste du récepteur de l'angiotensine, bloqueur calcique de type dihydropyridine, béta-bloqueur à faible dose pour limiter les risques d'insuffisance ventriculaire et de dilatation de l'aorte ascendante (fréquence cardiaque pas inférieure à 70 batt/min) [1,4,13]. Ceci est vrai pour autant que la fonction ne se détériore pas. Mais une fois que les manifestations cliniques ou la dysfonction ventriculaire s’installent, la situation se péjore rapidement: sans intervention, la survie n’est que de 4 ans depuis l’apparition de l’angor et de 2 ans depuis celle de l’insuffisance cardiaque [10]. La pharmacothérapie ne remplace pas la chirurgie, qui est la seule option curative, mais elle a deux applications : la rééquilibration en vue de l’opération, notamment dans les IA aiguës, et la prise en charge des rares patients inopérables [14].
 
L’indication opératoire est posée dès l’instant où le patient devient symptomatique ou dès que la dysfonction devient visible à l’échocardiographie, mais avant l’installation d’une dilatation irréversible [1,6,13]. La plastie (PVA) ou le remplacement (RVA) valvulaire aortique est indiqué dans les situations suivantes (classe I) [1,3,13,19].
 
  • IA sévère chez les patients symptomatiques (stade D), quelle que soit la fonction et la taille du ventricule gauche;
  • IA sévère chez les patients asymptomatiques (stade C2), si la fonction du VG est diminuée (FE < 50%) ou si le ventricule est dilaté (Dts > 5.0 cm, Dtd > 7.0 cm);
  • IA sévère chez les patients opérés simultanément d’une autre valvulopathie ou de pontages aorto-coronariens.
L’IA isolée, même sévère, chez les patients asymptomatiques et sans dysfonction ni dilatation du VG ni anévrysme de l’aorte ascendante n’est pas une indication chirurgicale; un suivi régulier est préférable. La chirurgie est recommandée dès que le diamètre du VG mesure plus de 2.5 cm/m2 en télésystole ou 4.0 cm/m2 en télédiastole [1,3,8,13]. Le moment opportun pour opérer n'est pas toujours aisé à déterminer, parce que la dysfonction et la dilatation du VG s'installent avant que les symptômes ne surviennent [2,11]. Or plus longue est la période de dysfonction préopératoire, moins le ventricule a de chance de retrouver des capacités normales. S’il n’est pas dilaté de manière irréversible avant le RVA, le VG récupère partiellement de son hypertrophie excentrique et sa masse diminue ; son volume télédiastolique tend vers la normale durant le premier mois [5,17]. Mais la majorité des patients qui présentaient une dysfonction et une dilatation préopératoire (Dtd > 4.0 cm/m2) continue à souffrir d’une dysfonction à long terme après l’intervention et présente un taux de survie à 20 ans < 50% [3]. L'attitude proactive est à mettre en balance avec l'histoire naturelle de l'IA asymptomatique (taux d'évènements cardiaques: 4%/an) et les risques de l'intervention (mortalité 1-2%, survie à 20 ans 70%) [2,18].
 
Différents indices sont utiles pour définir l'indication opératoire chez le patient asymptomatique [11].
 
  • Peptides natriurétiques: BNP > 130 pg/mL, NT.proBNP > 600 pg/mL;
  • Vélocité de descente de l'anneau mitral (S') < 8 cm/s;
  • Détérioration  du raccourcissement systolique longitudinal (strain et strain rate);
  • Présence de fibrose à l'IRM (late gadolinium enhancement);
  • Survenue de symptômes et/ou altération de la FE au test d'effort (écho de stress à la dobutamine);
  • Dilatation du VG (écho 3D): Vts > 50 mL/m2, Vtd > 135 mL/m2 (les mesures de volume sont plus pertinentes que les mesures de diamètre).
La mortalité opératoire oscille entre < 1% (patients NYHA I-II, plastie simple) et 7% (patients NYHA III-IV, intervention aortique combinée), avec une moyenne de 2-3% [7,16,19]. Lorsque la chirurgie est précoce dans l’évolution de la maladie, la survie au-delà de 20 ans est de 65%, au lieu de 45% lorsque l’opération est tardive [18]. Dans les types I et II, la plastie est souvent possible mais elle demande plus d'expérience que la plastie mitrale et n'est pas réalisable dans tous les centres. Elle est plus physiologique qu'une prothèse, ne réclame pas d'anticoagulation comme les valves mécaniques, et présente une meilleure courbe d'attrition que les bioprothèses chez les jeune; le risque d'endocardite et de thrombo-embolie est plus faible [15]. Cependant, le risque de reprise à 5 ans pour récidive de l'IA est de 11% [12].
 
L’insuffisance aiguë est une indication opératoire d’urgence qui ne peut attendre que les quelques heures nécessaires à stabiliser l’hémodynamique avec des vasodilatateurs et une assistance ventilatoire (Endoc VAo IA).



La contre-pulsion intra-aortique est contre-indiquée, car l’augmentation diastolique accentuerait la régurgitation. 
 
La bicuspidie est fréquemment associée à l’anévrysme de l’aorte ascendante, défini comme une aorte dont le diamètre est de > 50% supérieur à la norme. La chirurgie de la valve et de la racine aortique est indiquée si l’aorte mesure > 4.5 cm de diamètre ou s’accroît de > 0.5 cm/an (voir Bicuspidie aortique) [2,19]. Lorsque le diamètre aortique au niveau des sinus de Valsalva atteint 6 cm, la mortalité annuelle sur rupture ou dissection est de 11% [9]. La taille de l’aorte ascendante définie comme seuil pour un remplacement est donc plus basse dans la bicuspidie (4.5 cm) que si la valve aortique est tricuspide (5.5 cm), parce que l’évolution en est plus rapide et le risque de dissection neuf fois plus élevé dans la bicuspidie [2].
 
 
Indications et résultats opératoires
L’indication opératoire au RVA est posée dès que le patient devient symptomatique ou que le VG commence à dilater (Dts > 2.5 cm/m2, Dtd > 4.0 cm/m2) :
    - IA sévère chez les patients symptomatiques, quelle que soit la fonction et la taille du VG 
    - IA sévère chez les patients asymptomatiques si la fonction du VG est diminuée ou si le VG est dilaté 
    - IA sévère chez les patients opérés d’une autre intervention cardiaque 
    - IA sévère et diamètre de l’aorte ascendante > 5.5 cm (tricuspidie) ou > 4.5 cm (bicuspidie) 
    - IA aiguë avec choc cardiogène : RVA en urgence
 
Dans ce cadre, les résultats à long terme sont d’autant meilleurs que l’intervention est plus précoce dans l’évolution de la maladie. 
 
La mortalité opératoire moyenne est 2-3% (1.2% si patient NYHA I-II, 7% si patient NYHA IV).


© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Août 2018
 
 
Références
 
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  2. BONOW RO. Chronic mitral regurgitation and aortic regurgitation. J Am Coll Cardiol 2013; 61:693-701
  3. BONOW RO, BROWN AS, GILLAM LD, et al. ACC/AATS/AHA/ASE/EACTS/HVS/SCA/SCAI/SCCT/SCMR/STS/ 2017 appropriate use criteria for the treatment of patients with severe aortic stenosis. J Am Coll Cardiol 2017; 70:2566-98
  4. BONOW RO, LAKATOS E, MARON BJ, et al. Serial long-term assessment of the natural history of asymptomatic patients with chronic aortic regurgitation and normal left ventricular systolic function. Circulation 1991; 84:1625-31
  5. BORER JS, HERROLD EM, HOCHREITER C, et al. Natural history of left ventricular performance at rest and during exercise after aortic valve replacement for aortic regurgitation. Circulation 1991; 84:III103-9
  6. HANCOCK EW. When is the best time to operate for aortic regurgitation ? Cardiol Rev 1993; 1:301
  7. IUNG B, BARON G, BUTCHART EG, et al. A prospective survey of patients with valvular heart disease in Europe: The Euro Heart Survey on Valvular Heart Disease. Eur Heart J 2003; 24:1231-43
  8. IUNG B, GOHLKE-BÄRWOLF C, TORNOS P, et al. Recommandations on the management of the asymptomatic patient with valvular heart disease. Eur Heart J 2002; 23:1253-66
  9. JUDGE DP, DIETZ HC. Marfan’s syndrome. Lancet 2005; 366:1965-76 
  10. KLODAS E, ENRIQUEZ-SARANO M, TAJIK AJ. Aortic regurgitation complicated by extreme left ventricular dilatation: Long-term outcome after surgical correction. J Am Coll Cardiol 1996; 27:670-7
  11. LEE JKT, FRANZONE A, LANZ J, et al. Early detection of subclinical myocardial damage in chronic aortic regurgitation and strategies for timely treatment of asymptomatic patients. Circulation 2018; 137:184-96
  12. MINAKATA K, SCHAFF HV, ZEHR KJ, et al. Is repair of aortic valve regurgitation a safe alternative to valve replacement ? J Thorac Cardiovasc Surg 2004; 127:645-53
  13. NISHIMURA RA, OTTO CM, BONOW RO, et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the management of patients with valvular     heart disease. Circulation 2014; 129:e521-e643 
  14. OTTO CM. Aortic valve insufficiency: changing concepts in diagnosis and management. Cardiologia 1996; 41:505-13
  15. PRODROMO J, D'ANCONNA G, AMADUCCI A, et al. Aortic valve repair fort aortic insufficiency: a review. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:923-32
  16. STS – Society of Thoracic Surgeons National Cardiac Surgery Database, 2017. https://www.sts.org/site/defaut/files/documents/ ACSD_ExecutiveSummary2017Harvest4_RevisedReport.pdf
  17. TORNOS MP, OLONA M, PERMAYER-MIRALDA G, et al. Heart failure after aortic valve replacement for aortic regurgitation: prospective 20-year study. Am Heart J 1998; 136:681-7
  18. TORNOS MP, SAMBOLA A, PERMANYER-miralda g, et al. Long-term outcome of surgically treated aortic regurgitation: influence of guideline adherence toward early surgery. J Am Coll Cardiol 2006; 47:1012-7
  19. VAHANIAN A, ALFIERI O, ANDREOTTI F, et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012). The Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J 2012; 33:2451-96
11. Anesthésie et valvulopathies