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Indications et résultats opératoires

Trois techniques sont possibles pour lever la sténose: valvuloplastie percutanée, commissurotomie chirurgicale, ou remplacement valvulaire par une prothèse. Les indications opératoires classiques concernent essentiellement le RAA. Dans la sténose mitrale dégénérative associée à la calcification de l'anneau mitral, les possibilités interventionnelles sont plus réduites parce que la commissurotomie percutanée au ballon ne peut pas dilater le bloc calcifié et parce que la pose d'une prothèse nécessite la décalcification chirurgicale de l'anneau, qui est dangereuse à cause du risque de rupture ventriculaire et de lésion de l'artère circonflexe [14]. Quelle qu'elle soit, l'intervention n'est indiquée que dans les sténoses sévères et/ou symptomatiques; la sténose modérée asymptomatique n'est pas une indication.
 
Commissurotomie 
 
Si l’anatomie la permet, la commissurotomie percutanée est l'opération de premier choix. Les indications reconnues sont les situations suivantes [2,10,15,17].
 
  • Patient symptomatique (classe NYHA II, III et IV) avec une sténose modérée (1.0-1.5 cm2) ou sévère (< 1 cm2).
  • Patients asymptomatique avec une sténose modérée ou sévère et une hypertension pulmonaire (PAPsyst > 50 mmHg au repos ou > 60 mmHg à l’effort).
  • Morphologie favorable : feuillets souples, pas de calcifications aux commissures ni sur le corps des feuillets, pas de fusion de cordages, appareil sous-valvulaire minimalement restrictif.
  • Absence d’IM, ou IM mineure (IM modérée-à-sévère : contre-indication).
  • Absence de thrombus auriculaire.
L’indication est posée en fonction d’un score (scores de Wilkins ou de Cormier) basé sur l’épaisseur des feuillets, leur mobilité, le degré de calcification, l’état de l’appareil sous-valvulaire et la présence d’une IM [16]. Le score d'Anwar est basé sur l'imagerie 3D [17]. L’intervention se pratique par cathétérisme avec contrôle radiologique et échocardiographique transoesophagien. Un cathéter muni d’un ballon est introduit dans les cavités gauches par voie transseptale; un ballon en forme de sablier ou, plus récemment, de verre de montre (ballon d’Inoue) est placé à cheval sur la mitrale, qu’il déchire au moment où il se gonfle. Pendant le court instant où il est gonflé, le ballon interrompt le débit cardiaque gauche. Pour une mortalité de 0.5-2%, le gradient est abaissé en moyenne de 10-12 mmHg et la surface utile est doublée : elle passe de 1 à 2 cm2 [12]. Le taux de succès immédiat est de 85-98% (S > 1.5 cm2, POG < 18 mmHg) [5]. Le taux d’insuffisance mitrale résiduelle est de 2-10%. Le taux de resténose est de 15% à 5 ans et de 25% à 10 ans [5,11]. Les complications (3%) sont l’embolisation artérielle, la CIA résiduelle, la perforation cardiaque et la régurgitation aiguë [4]. Par contre, le taux d’échec est prohibitif lorsque la valve est très calcifiée, l’appareil sous-valvulaire très restrictif ou en présence d’une insuffisance significative (IM > mineure). 
 
Dans les centres peu expérimentés avec la technique de commissurotomie percutanée, il est préférable de procéder à une commissurotomie chirurgicale par thoracotomie gauche en CEC. La valve mitrale est décalcifiée sous contrôle de la vue, les commissures sont incisées, et les cordages fusionnées sont séparés ; un complément de plastie est possible en cas de régurgitation. L’appendice auriculaire gauche est réséqué ou ligaturé, et d’éventuels thrombi auriculaires sont enlevés. La mortalité opératoire est de 1-3% [6], et la survie à 15 ans sans complications de 90% [1]. 
 
Ces interventions retardent de plusieurs années la mise en place d'une prothèse chez les jeunes adultes et évitent l'anticoagulation, mais elles restent des opérations strictement palliatives, car la pathologie subsiste et le flux n’est pas normalisé. Elles sont réservées aux valves peu clacifiées et sans insuffisance.
 
Remplacement valvulaire (RVM)
 
Si la valve et l'appareil sous-valvulaire sont calcifiés ou déformés, s’il existe un thrombus auriculaire ou si le patient souffre d'une composante de régurgitation significative, la mise en place d'une prothèse s'impose en cas de RAA ou d'une étiologie rare [10]. Le RVM chirurgical est également indiqué chez les patient nécessitant simultanément des pontages aorto-coronariens ou le remplacement d’une autre valve. Dans le cas de la dégénérescence calcifiante, l'intervention est plus difficile et plus dangereuse: la fixité de l'anneau impose de placer une prothèse relativement petite, la décalcification de l'anneau fait courir le risque d'une rupture ventriculaire ou d'une lésion de la circonflexe, la congruence de la valve avec l'anneau est imparfaite et l'incidence de fuite paravalvulaire importante dépasse 10% [14]. Comme les malades porteurs d'une sténose mitrale dégénérative sont en général âgés et polymorbides, une tendance se dessine à procéder à l'implantation percutanée d'une bioprothèse utilisée pour la valve aortique (TAVI). Cette technique est à ses débuts, mais elle est moins invasive et fait courir moins de risque; son taux de succès immédiat dépasse 90% et sa mortalité à 1 an est de 14% [7].
 
Le remplacement valvulaire chirurgical permet en outre de réduire le volume de l’OG, de réséquer ou ligaturer l’appendice auriculaire, et de réaliser éventuellement une opération de Maze pour réduire la fibrillation auriculaire. Dans le RVM pour sténose, il est plus difficile, voir impossible, de conserver l’appareil sous-valvulaire pour assurer le squelette interne du VG et freiner la dysfonction à long terme comme on le fait dans le RVM pour insufffisance. En position mitrale, la préférence va aux prothèses mécaniques, parce qu’elles ont moins de gradient que les bioprothèses pour le même diamètre et parce qu’elles dégagent mieux la chambre de chasse. D’autre part, le taux d’attrition des bioprothèses est plus élevé en position mitrale qu’en position aortique.  
 
La mortalité opératoire est de 3-5% chez l’adulte sans hypertension pulmonaire, mais s’élève jusqu’à 10-20% chez la personne âgée ou en cas d’HTAP [3]. La survie est de 80 % à 5 ans [9]. Après RVM, l'anticoagulation est nécessaire à vie pour les valves mécaniques (INR 3.0-3.5), mais pour 3 mois avec les valves biologiques.
 
Indications opératoires
 
Sans intervention, la survie à 5 ans et à 10 ans est respectivement de 40% et de 10% avec une sténose mitrale symptomatique [8,13]. L’indication doit être posée avant que la symptomatologie ne soit sévère, ou dès que la surface est égale ou inférieure à 1 cm2/m2, et, si possible, pendant que le patient est encore en rythme sinusal. Les indications à la correction mitrale sont les suivantes [2,10,15].
 
  • Patient symptomatique avec une sténose sévère (S < 1.0 cm2).
  • Patient symptomatique avec une sténose modérée-à-sévère ou sévère qui développe au test d'effort une hypertension pulmonaire (PAPsyst > 60 mmHg, PAPmoy > 35 mmHg) ou un gradient transmitral > 15 mmHg.
  • Patient asymptomatique avec une sténose sévère qui présente une situation à haut risque thrombo-embolique : anamnèse d’AVC, dilatation auriculaire gauche (diamètre > 5.0 cm) avec fort contraste spontané, FA paroxystique récente.
  • Patient asymptomatique avec une sténose sévère qui désire une grossesse ou qui doit subir une intervention chirurgicale élective majeure.
Chez les patients dont le status est favorable, la commissurotomie percutanée est proposée comme premier choix. Il n’existe pas de preuve que la commissurotonie ou le RVM soit bénéfique pour les patients non symptomatiques porteurs de sténose modérée et ne présentant pas de facteurs de risque [2].
 
 
Indications opératoires de la sténose mitrale 
Indications opératoires en cas de sténose sévère (S < 1.0 cm2/m2) :
    - Patient symptomatique
    - Hypertension pulmonaire à l’effort (PAPsyst > 60 mmHg)
    - Patient asymptomatique si risque thrombo-embolique élevé
    - Patients asymptomatique si grossesse désirée ou opération majeure élective
 
Conditions pour une commissurotomie percutanée (mortalité 0.5 – 2%) :
    - Feuillets souples, pas de calcifications, pas de fusion ni de restriction des cordages
    - Absence d’IM (ou IM mineure)
    - Absence de thrombus auriculaire
 
Indications au RVM (mortalité 3-5%, jusqu’à 10-20% si haut risque) :
    - Commissurotomie non réalisable
    - Opération de Maze simultanée (réduction de la FA)
    - PAC ou autre intervention valvulaire simultanée


© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Novembre 2019
 
 
Références
 
  1. ANTUNES MJ, VIEIRA H, FERRAO DE OLIVEIRA J. Open mitral commissurotomy: the “gold standard”. J Heart Valve Dis 2000; 9:472-7
  2. BAUMGARTNER H, FALK V, BAX JJ, et al. 2017 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J 2017; 38:2739-86
  3. BIRKMEYER JD, SIEWERS AE, FINLAYSON EV, et al. Hospital volume and surgical mortality in United States. N Engl J Med 2002, 346:1128-37
  4. CANNAN CR, NISHIMURA RA, REEDER GS, et al. Echocardiographic assessment of commissural calcium: A simple predictor of outcome after percutaneous mitral balloon valvotomy. J Am Coll Cardiol 1997; 29:175-84
  5. COHEN DJ, KUNTZ RE, GORDON SPF, et al. Predictors of long-term outcome after percutaneous balloon mitral valvuloplasty. N Engl J Med 1992; 327:1329-35
  6. FAHRAT MB, BOUSSADIA H, GANDJBAKHCH, et al. Closed versus open mitral commissurotomy in pure noncalcific mitral stenosis: Hemodynamic studies before and after operation. J Thorac Cardiovasc Surg 1990; 99:639-44
  7. HIMBERT D, BOULETI C, IUNG B, et al. Transcatheter valve replacement in patients with severe mitral valve disease and annular calcification. J Am Coll Cardiol 2014; 64:2557-8
  8. HORSTKOTTE D, NIEHUES R, STRAUER BE. Pathomorphological aspects, aetiology, and natural history of acquired mitral valve stenosis. Eur Heart J 1991; 12(Suppl):55-60
  9. KIRKLIN JW, BARRATT-BOYES BG. Mitral valve disease with or without tricuspid valve disease. In: KIRKLIN JW. Cardiac surgery. New York, Churchill Livingstone, 1993, 425-89
  10. NISHIMURA RA, OTTO CM, BONOW RO, et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the management of patients with valvular heart disease. Circulation 2014; 129:e521-e643 
  11. PALACIOS IF, SANCHEZ PL, HARRELL LC, et al. Which patients benefit from percutaneous mitral balloon valvuloplasty ? Prevalvuloplasty and postvalvuloplasty variables that predict long-term outcome. Circulation 2002; 105:1465-71
  12. PALACIOS IF, TUZEU ME, WEYMAN AE, et al. Clinical follow-up of patients undergoing percutaneous mitral balloon valvulotomy. Circulation 1995; 91:671-8
  13. SELZER A, COHN KE. Natural history of mitral stenosis: A review. Circulation 1972; 45:878-90
  14. SUD K, AGARWAL S, PARASHAR A, et al. Degenerative mitral stenosis. Unmet need for percutaneous interventions. Circulation 2016; 133:1594-604
  15. VAHANIAN A, ALFIERI O, ANDREOTTI F, et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012). The Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J 2012; 33:2451-96
  16. WILKINS  GT, WEYMAN AF, ABASCAL VM, et al. Percutaneous balloon dilatation of the mitral valve: en analysis of echocardiographic variables related to outcome and the mechanism dilatation. Br Heart J 1988; 60:299307
  17. WUNDERLICH NC, BEIGEL R, SIEGEL RJ. Management of mitral stenosis using 2D and 3D echo-Doppler imaging. JACC Cardiovasc Imaging 2013; 61:1191-205
11. Anesthésie et valvulopathies