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Echocardiographie de la sténose aortique

Comme l’importance des symptômes n’est pas directement liée à la sévérité de la sténose, les valeurs obtenues au cours des différents examens cardiologiques doivent toujours être interprêtées dans leur contexte clinique. L’échocardioghraphie transthoracique ou transoesophagienne est la technique de premier choix, car elle permet de mesurer la surface et le gradient de la valve aortique de manière non-invasive, d’apprécier la fonction ventriculaire et d’explorer d’éventuelles valvulopathies associées. S'il n'y a pas lieu d'investiguer les coronaires, on ne pratique pas de cathétérisme: les données échocardiographiques sont suffisantes dans 85% des cas [25]. Cependant, la coronarographie reste indiquée en cas de symptômes ischémiques et chez les hommes de plus de 45 ans ou chez les femme ménopausées, chez qui on prévoit un remplacement valvulaire aortique (RVA) en CEC. 
 
Deux autres examens peuvent compléter les données de l'échocardiographie en cas de doute.
 
  • Le CT-scan multibarrette présente l'intérêt de bien mettre en évidence les zones calcifiées et de calculer un indice du degré de calcification, ce qui permet de quantifier l'envahissement calcique de la valve aortique dans les sténoses dégénératives. La charge calcique de la valve (score calcique ≥ 1'600) est un facteur indépendant de mortalité périopératoire (HR 1.71) [7]. Son excellente résolution spatiale en fait l'examen idéal pour les mesures nécessaires à l'implantation percutanée de prothèse (TAVI). L'angio-CT visualise les coronaires avec sufisamment de précision pour exclure une maladie ischémique, mais la coronarographie reste nécessaire en cas d'image positive. 
  • L'IRM est précieuse pour l'évaluation de la structure tissulaire, notamment pour la présence de fibrose au sein de l'hypertrophie myocardique (late gadolinium enhancement), qui peut expliquer une faible performance ventriculaire malgré une fraction d'éjection conservée [3]. Mais elle est inapte à évaluer les calcifications et sa résolution spatiale est inférieure à celle du CT-scan.
Par cathétérisme, la surface de la valve aortique est calculée selon une formule de Gorlin simplifiée [13]:
 
SVAo (cm2)   =  K  •  DC / √ΔPm        
 
où:    DC = débit cardiaque (L/min)
        ΔPm = gradient de pression moyen (mmHg)
        K = constante 
        
Cette relation démontre que le gradient de pression varie avec le carré du débit cardiaque. Cela signifie que le gradient est fonction de la performance systolique du VG (pression générée et vélocité de contraction) et du volume systolique, et doit toujours être interprété en fonction de ces derniers. Lorsque la fonction est conservée, une sténose aortique sévère crée un gradient transvalvulaire moyen supérieur à 40 mmHg, mais lorsque la fonction ventriculaire baisse, le gradient s’abaisse, quel que soit le degré de rétrécissement de la valve. De même, une hypovolémie diminue le gradient à travers la sténose parce que le volume systolique est plus faible. Au contraire, une hypervolémie ou une hyperstimulation adrénergique augmentent le gradient, ce qui tend à surestimer l’importance de la sténose. Une hémodynamique proche de l'équilibre est donc un prérequis majeur pour obtenir des données fiables. Cette remarque est particulièrement pertinente en salle d'opération, où la volémie, la pression artérielle et le débit cardiaque sont en constante évolution.
 
Comme on fait souvent face à des incohérences entre les différentes mesures, il est capital ne pas fonder le diagnostic sur un seul élément mais sur une synthèse des différents résultats: imagerie 2D/3D, flux Doppler, gradients de pression, équation de continuité, fonction et dimensions du VG, degré de calcification, âge du malade, symptômes et contexte clinique. Les critères de quantification de la sténose aortique sont résumés dans le Tableau 11.12.
 

Examen 2D/3D
 
L'examen 2D/3D à l'ETO visualise directement la valve dans son court-axe (vue "de face" à 40°) et dans son long-axe (vue "de profil" à 120°). Il permet de faire plusieurs constations.
 
  • Nombre de cuspides; normalement tricuspide, la valve aortique est bicuspide dans 1-2% de la population; dans près de trois quarts des cas, les cuspides droite et gauche sont fusionnées par un raphé, et l'ouverture a lieu entre cette grande valve antérieure et la cuspide non-coronaire postérieure (voir Bicuspidie aortique) [32].
  • Taille de la valve et de l'anneau aortique; ce dernier est une structure virtuelle qui correspond à la base d'implantation des cuspides (voir Figure 11.8) [36].

    



Figure 11.8 : La valve aortique. A: valve aortique et ses connexions anatomiques. FAVM: feuillet antérieur de la valve mitrale. MPA: muscle papillaire antérieur. MPP: muscle papillaire postérieur. CCVG: chambre de chasse du ventricule gauche. B: représentation schématique des structures de la valve aortique; la base d’implantation des cuspides (en brun) présente une forme en "U"; l’anneau aortique (en jaune) mesuré en échocardiographie est l'endroit le plus étroit de la jonction entre le VG  et la structure aortique; il est également plus étroit que la jonction sino-tubulaire (en vert). *: espaces approximativement triangulaires qui sont la structure fibreuse soutenant la valve aortique [36].
 
  • Diamètres de la voie d'éjection; plusieurs mesures différentes sont essentielles pour choisir la taille d'une prothèse et pour réaliser une plastie ou une implantation percutanée (TAVI) (voir Figure 11.11).
    • Diamètre de la chambre de chasse (CCVG) mesuré juste en-dessous de la valve entre le septum et la base du feuillet antérieur de la mitrale;
    • Diamètre de l'anneau aortique;
    • Diamètre des sinus de Valsalva;
    • Ecartement du bord libre des cuspides;
    • Diamètre de la jonction sino-tubulaire.




Figure 11.11 : Dimensions de la valve aortique et de la racine de l’aorte. A : diamètres en long axe 120°. 1 : chambre de chasse du VG ; 2 : anneau aortique ; 3 : sinus de Valsalva ; 4 : écartement des feuillets en systole ; 5 : jonction sino-tubulaire ; ces diamètres se mesurent en systole. Le diamètre de l’aorte ascendante se mesure en diastole au niveau du croisement de l’artère pulmonaire droite (non visible sur l’image). B : écartement des cuspides en systole ; elles ne sont pas collées à la paroi des sinus de Valsalva, mais distantes de 2-3 mm. Le conduit chambre de chasse – anneau aortique – cuspides – jonction sino-tubulaire – aorte ascendante est pratiquement un tube de diamètre constant ; le flux y est laminaire. C : en diastole, la hauteur de coaptation du bord libre des cuspides est de 4-8 mm ; c’est la pression diastolique de l’aorte qui les maintient occluses.
 
  • Degré d'ouverture en systole; la taille de l'orifice donne une idée du degré de la sténose (mineure, modérée ou sévère) (Vidéos). La quantification par planimétrie présente l'avantage d'être une mesure indépendante de l'hémodynamique, mais elle est sujette à caution (voir ci-dessous).
    • Calcifications; la localisation et l'importance des amas calciques sont spécifiques aux différentes pathologies (Figure 11.101). 
    • Maladie calcifiante dégénérative: dans le corps et à la base des feuillets;
    • Rhumatisme articulaire aigu: aux commissures (fusion commissurale);
    • Bicuspidie: prédominance dans le raphé.

Vidéo: vue long-axe d'une sténose serrée de la valve aortique; les cuspides sont pratiquement immobiles; les calcifications de la racine aortique font des cônes d'ombre.


Vidéo: vue court-axe d'une sténose serrée de la valve aortique; les cuspides droite et non-coronaire sont immobilisées par les dépôts calciques; seule la cuspide gauche permet une faible ouverture en systole.


Figure 11.101 : Aspect anatomopathologique des calcifications dans la sténose aortique. Les calcifications sont situées dans le corps des cuspides lors de dégénérescence, sur le raphé (Ra) et aux commissures dans la bicuspidie, et aux 3 commissures dans le RAA.
 
  • Taille de l'aorte ascendante; une dilatation est fréquemment associée à la biscuspidie.
  • Présence d'un éperon septal à la racine de la chambre de chasse, susceptible d'être réséqué chirurgicalement pour limiter le risque d'obstruction dynamique sous-aortique après le RVA. L'épaisseur du septum est mesurée au niveau de l'éperon et au niveau du septum voisin, afin que le chirurgien puisse estimer la profondeur de résection possible sans risquer une CIV iatrogène (voir Figure 13.14).


Figure 13.14: Avant la CEC, l'échocardiographie transoesophagienne peropératoire doit déterminer l'épaisseur du septum en deux points: au niveau de l'éperon à son épaisseur maximale (A, en bleu) et dans la zone sous-aortique où il est le plus mince (B, en vert). Cette deuxième mesure est capitale pour le chirurgien afin d'éviter une résection trop profonde qui ferait courir le risque d'une CIV iatrogène; il est également important de lui indiquer la distance entre l'anneau aortique et le bombement maximal D'après: Swistel DG & Balaram SK. Surgical myectomy for hypertrophic cardiomyopathy in the 21th century, the evolution of the "RPR" repair: resection, plication, and release. Progr Cardiovasc Dis 2012; 54:498-502 ].
 
L'examen 2D n'est pas complet sans une évaluation de la taille de l'OG et du VG, de l'importance de l'hypertrophie concentrique (épaisseur de la paroi postérieure > 1.2 cm), et de la fonction ventriculaire.
 
Vélocité à travers la vale aortique
 
Le flux à travers la sténose se mesure à l’examen Doppler par voie transgastrique, seule manière d’être dans l’axe de la valve aortique à l’ETO: vue transgastrique profonde à 0° et vue transgastrique en long-axe à 120° (Figures 11.112 et 11.113) [33]. Pour que la valeur soit correcte, l’axe d’interrogation du Doppler doit être identique à celui du flux aortique là où il est le plus rapide, c’est-à-dire juste en aval de la sténose (vena contracta, voir Echocardiographie des valves). Ceci peut être difficile par voie transgastrique, parce que les positions du transducteur sont limitées par la mécanique de la sonde et parce que le faisceau Doppler doit traverser la valve pour échantillonner le flux à sa sortie dans la racine de l’aorte [15]. Or la valve est très déformée et son axe peut être dévié. Lorsque l’alignement est correct, le flux couleur présente une zone d'accélération concentrique (PISA) en amont de la valve, un flux rétréci à travers l’orifice, une vena contracta juste en aval et une zone tourbillonnaire dans l’aorte ascendante (Figure 11.114) (St VAo TG flux). Plus l’axe du Doppler est discordant de celui du flux, plus la vélocité mesurée est basse et plus le gradient est sous-estimé. 


Vidéo: vue transgastrique long-axe 120° d'une sténose aortique serrée; il existe une zone d'accélération concentrique côté ventriculaire (PISA); présence d'une minime insuffisance. La direction du flux est bien dans l'axe des ultrasons et permet d'enregistrer la Vmax avec précision.

     

Figure 11.112 : Flux aortique à l'ETO. A : positionnement de l’axe Doppler en vue transgastrique long axe 120°. B : positionnement en vue transgastrique profonde 0° [6].



Figure 11.113 : Flux aortique. A : aspect spectral du flux Doppler pulsé dans la chambre de chasse, 3-5 mm en amont de la valve aortique (Vmax 140 cm/s) ; le capteur doit être au milieu du flux. B : aspect spectral du Doppler continu dans une sténose aortique serrée; la Vmax (5 m/s) représente la vélocité à travers la valve (flèche jaune) ; l’image superposée (double contour) à environ 0.8 m/s est la vélocité à travers la chambre de chasse du VG (flèche verte). 



Figure 11.114 : Flux dans la sténose aortique serrée. A : le flux couleur présente un PISA en amont de la valve, un flux rétréci à travers l’orifice, une vena contracta juste en aval et une zone tourbillonnaire dans l’aorte ascendante. L’axe du Doppler (US, ultrasons), qui vient depuis le VG, doit s’aligner à l’intérieur du chenal de la sténose pour capter la Vmax à la vena contracta ; ceci n’est pas toujours réalisable. B : Image du flux spectral ; la Vmax (5.1 m/s) permet de calculer le gradient maximal (103.6 mmHg) ; l’intégrale des vélocités (ITV 129.5 cm), calculée en dessinant l'enveloppe du flux, permet de calculer le gradient moyen (63.7 mmHg). Les deux courbes superposées à la base de la trace représentent la vélocité dans la chambre de chasse (aspect en dôme) et la vélocité à l’intérieur de la cavité ventriculaire (accélération télésystolique). 
 
Il peut arriver que l'on confonde le jet d'une sténose aortique avec celui d'une insuffisance mitrale, car tous deux sont des flux systoliques de haute vélocité s'éloignant de l'apex. On les différence par le fait que le flux d'IM est arrondi, débute pendant la phase de contraction isovolumétrique et se termine pendant la phase de relaxation isovolumétrique, alors que le plus aortique a une forme plus triangulaire et une durée réduite à la phase d'éjection (voir Figure 11.77C).
 

Figure 11.77C : Flux systolique au Doppler continu en cas d'IM ou de sténose aortique; le flux mitral démarre dès que la PVG dépasse 5-8 mmHg, bien avant l’ouverture de la valve aortique au moment de laquelle débute le flux systémique; il n’y a donc pas de vraie phase isovolumétrique. Le flux aortique est plus triangulaire et ne dure que la phase d'éjection.
 
La vélocité maximale (Vmax) du jet est la valeur la plus élevée obtenue au cours de l'examen, sans correction angulaire et quelle que soit la vue utilisée. Il est prudent de prendre la moyenne d'au moins 3 mesures successives, en évitant les cycles cardiaque post-extrasystoliques. Dans une sténose sévère, la Vmax est ≥ 4 m/s [4]. Sur l'image spectrale du flux Doppler continu, la trace d'une sténose sévère est dense, bien délimitée, et de forme arrondie (pic de vélocité méso-systolique) (voir ci-dessus Figure 11.114B). On aperçoit souvent deux traces superposées: celle du flux à travers la valve (vélocité maximale) et celle du flux dans la chambre de chasse qui apparaît comme une trace plus dense à la base de l'image (Vmax environ 1 m/s). Dans une sténose aortique mineure ou modérée avec une bonne fonction ventriculaire, l'image du flux spectral est triangulaire avec un pic protosystolique; la durée d'accélération du flux est < 80 msec. Dans une sténose aortique serrée, l'image est arrondie avec un pic mésosystolique et un temps d'accélération > 100 msec. Lors de sténose dynamique de la CCVG, la forme du tracé est pathognomonique: encoche dans la pente ascentionnelle avec rétrécissement mésosystolique et pic pointu télésystolique; cette allure particulière est due à la subocclusion de la CCVG par le feuillet antérieur de la mitrale (SAM: systolic anterior motion) pendant le premiers tiers de la systole, suivi par une accélération de la Vmax (> 2.5 m/s) et une diminution du volume systolique (courbe étroite) (Figure 11.115).


Figure 11.115 : Flux aortique au Doppler spectral. A: silhouette du flux dans une sténose aortique mineure avec une bonne fonction ventriculaire. L'image est triangulaire avec un pic protosystolique; la durée d'accélération du flux est < 80 msec. B: silhouette du flux dans une sténose aortique serrée. L'image est arrondie avec un pic mésosystolique et un temps d'accélération > 100 msec. C: image du flux lors de sténose dynamique de la CCVG; la forme du tracé est pathognomonique: encoche dans la pente ascentionnelle (flèche) avec rétrécissement mésosystolique et pic pointu télésystolique.
 
L’intégrale des vélocités (ITV) est la dérivée première de la vitesse par rapport au temps; c’est la distance (D en cm) parcourue pendant la durée de la systole par un échantillon de sang correspondant à un cylindre parfait de surface S et de longueur D. Dans une sténose serrée, elle est ≥ 100 cm. En la multipliant par la surface de section du cylindre (cm2), on obtient le volume de l'échantillon (cm3), en l'occurrence le volume systolique (VS). L'ITV représente la charge de travail du VG au cours de toute la systole; de ce fait, elle est un indice plus performant que la Vmax [31].
 
Gradients de pression
 
L'échocardiographie permet également de mesurer le gradient de pression de manière non-invasive par une simplification de l'équation de Bernoulli:
 
        ΔP  =  4 • (V22 – V12)        où V2 = VmaxVAo  et  V1 = VmaxCCVG 
        Si V1 < 1.5 m/s, on peut négliger V1 et l'équation devient:
        ΔP  =  4 • (Vmax)2
                
La vélocité (Vmax) normale à travers la valve aortique est de 1.0 - 1.5 m/s; le gradient physiologique est inférieur à 7 mmHg. Le gradient maximal est une notion dynamique qui dépend de la pression motrice et du volume systolique. Il varie avec le carré de la vélocité (équation de Bernoulli) ou du débit cardiaque (formule de Gorlin). Lors de sténose, il est augmenté non seulement par l'élévation de la pression intraventriculaire (stimulation sympathique), mais encore par l’augmentation du volume systolique (transfusions) et par la baisse de la pression en aval [10]; celle-ci peut provenir d’une baisse des résistances systémiques (vasoplégie, choc septique) ou d’une baisse de pression dans l’aorte ascendante due à une contre-pulsion intra-aortique (CPIA). Il arrive fréquemment que la Vmax de la CCVG dépasse 1.5 m/s, notamment après remplacement de la valve aortique en cas d’HVG importante. Dans ces conditions, il est capital d’utiliser l’équation de Bernoulli complète ΔP = 4 • (V22 – V12), sans quoi on surestime grossièrement la Vmax et le gradient de la prothèse. Le gradient moyen est la moyenne des gradients instantanés au cours de la systole; de ce fait, il est moins dépendant des conditions hémodynamiques que la gradient maximal. Dans une sténose serrée, il est ≥ 40 mmHg [4].
 
Hormis les pertes dues à la friction et aux tourbillons, le produit de l'énergie cinétique (Ec) et de l'énergie de pression (Ep) reste constant dans l'écoulement d'un fluide. Au passage d'une sténose, la vitesse s'accélère (hausse de Ec) et la pression diminue (baisse de Ep); c'est la situation au niveau de la vena contacta. Après la sténose, l'aorte est large, la vitesse diminue et la pression réaugmente: c'est le phénomène de la récupération de pression (pressure recovery) ou reconversion de Ec en Ep distalement à la vena contracta (Figure 11.116). Cette transformation peut représenter une diminution de 20% du gradient de pression réel à travers la sténose [5]; elle influence la mesure directe de la pression par ponction de l'aorte ascendante lorsque le chirurgien veut confirmer le gradient transvalvulaire. La récupération de pression est proportionnelle au rapport entre la surface de la sténose (SVAo) et la surface de l'aorte ascendante mesurée à la jonction sinotubulaire (SAoA). On peut la quantifier par l'indice de perte d'énergie (IPE) [31]:
 
        IPE  = (SVAo •  SAoA  / SAoA  -  SVAo) / Scorp
        IPE < 0.5 en cas de sténose serrée
 
La récupération de pression devient significative lorsque le diamètre de l'aorte est ≤ 3 cm et conduit alors à une surestimation du gradient transvalvulaire [4]. 
 

Figure 11.116 : Illustration de l’équation de continuité. A : l’équation de continuité exprime la loi de la conservation de l’énergie cinétique ; lorsque la vitesse accélère, la pression baisse, et inversement. La Vmax est atteinte juste distalement au rétrécissement (appelé vena contracta à cause de la contraction du flux) ; c’est là que la pression est la plus basse et le gradient de pression maximal. La pression est récupérée distalement (pressure recovery, pr) au fur et à mesure que la vélocité baisse parce que le conduit s’élargit ; la récupération n’est pas totale à cause de la perte de charge provoquée par les forces de friction et par la formation de tourbillons (vortex) [37,38]. B : L’image spectrale du Doppler continu à travers la valve aortique en cas de sténose serrée montre une double enveloppe ; superposée à la base de la Vmax (4.7 m/s, flèche jaune) à travers la valve apparaît l’image du flux dans la chambre de chasse (1.2 m/s, flèche verte). Ces deux vélocités sont l’équivalent de V1 (chambre de chasse) et V2 (valve aortique) dans l’équation de Bernouilli. 
 
La lecture des rapports de cardiologie montre souvent des disparités dans les gradients calculés; il existe en effet trois gradients (ΔP) différents (Figure 11.28B).
 
  • Gradient pic-à-pic (cathétérisme): différence entre les pressions maximales ventriculaire et aortique; ces deux pressions ne sont pas simultanées; ce gradient n’existe pas réellement dans la nature.
  • Gradient maximal (écho): différence de pression calculée lors de la plus grande vélocité transvalvulaire, qui a lieu pendant l’accélération du flux en début de systole (gradient instantané maximal); il correspond à la vélocité dans la vena contracta, qui est la zone de contraction maximale du flux juste en aval de la section anatomique minimale de la sténose. La surface de la vena contracta (surface effective hémodynamiquement) est légèrement inférieure à la surface de la sténose (surface géométrique).
  • Gradient moyen (écho): moyenne de la somme des gradients instantanés; le gradient moyen est une meilleure estimation du degré d’obstruction parce qu’il est moins dépendant des conditions hémodynamiques et moins sujet à une surestimation de la sténose.
 

Figure 11.28B : Gradients de pression. Illustration des différents gradients de pression en cas de sténose aortique. 1 : Gradient instantané maximal (échocardiographie Doppler) ; il survient pendant la phase d’accélération protosystolique du flux. 2 : Gradient pic-à-pic (courbe de retrait au cathétérisme, ponction à l’aiguille en amont et en aval de la valve) ; ce gradient n’existe pas réellement, car il est mesuré entre des points qui ne sont pas simultanés 3 : Gradient moyen (moyenne de tous les gradients maximaux instantanés). Le gradient instantané maximal est plus élevé que le gradient pic-à-pic, mais le gradient moyen est à peu près identique quelle que soit la technique de mesure.
 
La discordance entre les mesures préopératoires (écho transthoracique) et les mesures peropératoires (ETO) tient à la différence des conditions de charge et du tonus sympathique entre les deux situations. La Vmax et le ΔPm mesurés en salle d'opération sont en moyenne inférieurs de 0.6 m/s et de 12.5 mmHg, respectivement; dans 45% des cas, la sévérité de la sténose aortique est inférieure d'un degré. Par contre, le rapport des vélocités (VCCVG / VVAo, voir ci-dessous) est identique dans 83% des patients [34]. 
 
Surface de la valve aortique
 
En échocardiographie, la surface de la valve aortique (SVAo) est calculée par planimétrie ou par l'équation de continuité. En ETO, la surface d’ouverture de la valve aortique est mesurée en court-axe à 40° (Figure 11.117). Cette vue offre une appréciation immédiate de la surface d'ouverture de la valve; la mesure planimétrique de celle-ci présente l’avantage d’être indépendante des conditions hémodynamiques, mais elle a trois défauts majeurs [16].
 
  • Les calcifications importantes créent des échos très forts qui saturent l’image et des zones d’ombre qui obscurcissent les structures plus éloignées ; le pourtour de l’ouverture peut être très difficile à dessiner avec précision (Vidéos).


    Vidéo: Sténose aortique serrée d'une valve tricuspide en vue court-axe 50°. Bien que difficile, la planimétrie est réalisable


    Vidéo: Vue court-axe 30° d'une sténose aortique calcifiée serrée dont les cuspides sont pratiquement immobiles. La planimétrie est ici irréalisable.
     
  • La valve peut être très déformée, au point que le court-axe échocardiographique n’est pas perpendiculaire à l’axe du chenal tortueux entre les calcifications.
  • La valve prend la forme d’un cône qui plonge dans la racine aortique ; le plan de coupe adéquat passe à travers l’endroit le plus rétréci, qui est en général le plus distal; mais on n’a aucune possibilité d’exclure que le plan de coupe ne soit pas plus en amont et surestime considérablement la taille de l’ouverture. La reconstruction 3D offre davantage de précision et montre que la planimétrie en 2D tend à surestimer la surface d’ouverture réelle (Vidéos) [9].

Vidéo: Vue long-axe 130° d'une sténose aortique calcifiée serrée; les cuspides ne s'ouvrent presque pas.


Vidéo: Vue tridimensionnelle d'une sténose aortique serrée, dont seule une cuspide bouge en systole.
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Figure 11.117 : Images ETO bidimensionnelles de sténose aortique serrée et planimétrie de la surface d’ouverture en court-axe 40° ; cette mesure est indépendante de l’hémodynamique, mais elle peut être difficile et imprécise lorsque les calcifications sont très importantes. A : Planimétrie de la surface d’ouverture en court-axe 40° (valve aortique tricuspide); la surface mesurée est 0.86 cm2. B : vue long-axe 150° d'une valve aortique sténosée; l'ouverture est très restreinte. C : Planimétrie d’une sténose sur bicuspidie ; la surface est 0.78 cm2. D : schéma illustrant le problème majeur de la planimétrie dans la sténose aortique. La valve sténosée est déformée en cône ; il est impossible de savoir à quel niveau exact de ce cône passe le plan de coupe 2D. Selon le niveau, la surface varie du simple au double. Coupe 1 : plan de coupe correct à l’endroit le plus rétréci. Coupe 2 : plan de coupe surestimant la surface d’ouverture de la valve. FAM : feuillet antérieur de la valve mitrale. Se : septum interventriculaire. CCVG : chambre de chasse du VG. E: vue court-axe en reconstruction 3D. F: vue long axe en reconstruction 3D.
 
L’équation de continuité déjà mentionnée stipule que l’énergie cinétique reste constante tout au long d’un système vasculaire continu. Le flux par unité de temps à travers une zone large S1 est égal à celui qui traverse une zone étroite S2, mais la vélocité (V) augmente lorsque la surface (S) diminue. Le volume systolique qui traverse la CCVG est le même que celui qui traverse la valve aortique, mais il est accéléré à travers cette dernière. Le volume systolique (VS) est le produit de la surface de section et de l'intégrale des vélocités (ITV, voir ci-dessus).
 
    Equation de continuité :         S1 • ITV1 =  S2 • ITV2
    De manière simplifiée:           S1 • V1max =  S2 • V2max
 
Pour davantage de précision, il est préférable d’utiliser l’intégrale des vélocités (ITV) plutôt que la vélocité maximale, car elle est moins tributaire des conditions hémodynamiques momentanées et représente l'ensemble de la systole. Pour la valve aortique, on obtient:
 
        SVAo  •  ITVVAo   =    SCCVG  •  ITVCCVG
        SVAo (cm2)   =         (SCCVG •  ITVCCVG ) / ITVVAo 
        SVAo (cm2)   =         (d2 • 0.785 •  ITVCCVG ) / ITVVAo 
                                      
        où:    d = diamètre de la chambre de chasse du VG 
                ITVCCVG = intégrale des vélocités dans la chambre de chasse du VG (flux au Doppler pulsé)
                ITVVAo = intégrale des vélocités à travers la valve aortique (flux au Doppler continu)
 
L'échantillonnage du Doppler pulsé est réalisé au milieu de la CCVG quelques millimètres en amont de l'anneau aortique, en évitant la zone d'accélération concentrique du flux (PISA) qui donne une grande dispersion des vélocités, et la zone proche du septum où le flux accélère considérablement. Le diamètre de la CCVG est mesuré en systole au même niveau que la mesure du flux, en-dessous de la valve aortique, entre le septum et la base du feuillet antérieur de la mitrale. Dans une sténose serrée, la surface de la valve aortique est < 1 cm2.
 
Cependant, la section de la CVG n'est pas circulaire mais ovale, et la vue échocardiographique mesure le petit diamètre de cet ovale, ce qui entraine une sous-estimation de 17% du diamètre réel; cette erreur est ensuite portée au carré dans le calcul de la surface et conduit à sous-estimer le degré de sténose de la surface aortique de 24% [5,12,29]. La planimétrie directe de la CCVG en 3D augmente certainement la précision des mesures, car celle du diamètre de la chambre de chasse est la principale source d'erreur dans l'équation de continuité [17]. Basée sur la mesure de la vélocité transvalvulaire aortique, l'équation de continuité fournit la surface hémodynamiquement effective (EOA, effective orifice area) et non la surface anatomique de la sténose (GOA, geometric orifice area), qui est légèrement plus grande [31]. Toutefois, la surface effective est celle qui représente le mieux la postcharge réelle du VG et celle qui prédit le plus précisément le pronostic clinique [4].
 
Une manière de simplifier l'équation de continuité et de minimiser l'effet d'un mauvais alignement de l'axe d'analyse Doppler est de calculer le rapport entre la Vmax dans la CCVG et la Vmax à travers la valve aortique: VCCVG / VVAo. Ce rapport des vélocités (RV) est normalement > 0.8; il est < 0.25 dans une sténose serrée, ce qui signifie que le flux sanguin est accéléré plus de 4 fois au passage de la valve rétrécie. Le RV est un indice sans dimension qui reste valable lorsque les vélocités mesurées sont basses (défaut d'alignement, dysfonction du VG). D'autre part, il est plus fiable que les mesures elles-mêmes pour comparer l'ETO peropératoire avec l'échocardiographie transthoracique préopératoire [34].
 
Indices fonctionnels
 
Les indices habituels de fonction systolique, telle la fraction d’éjection, sont très sensibles à la précharge et à la postcharge; ils sont donc peu pertinents dans le cadre de la sténose aortique. Comme la cavité ventriculaire est de petite taille dans l’HVG concentrique, il est mathématiquement normal que la FE soit élevée, puisqu’elle tend vers 1 (ou 100%) lorsque le volume télésystolique tend vers zéro. La vélocité circonférentielle de raccourcissement (Vcf), par contre, est abaissée, car la vitesse d’éjection est réduite puisque la postcharge du VG est excessive et qu’il faut du temps pour faire passer le volume systolique à travers la sténose :
 
            Vcf  =  (CTD  -  CTS)  /  CTD  •  téj 

Où :                       CTD : circonférence télédiastolique du VG en court-axe
            CTS : circonférence télésystolique du VG en court-axe
            Téj : durée de l’éjection (n = 220-280 msec)
 
L’introduction du temps dans la formule, qui est la même pour la circonférence que la fraction d’éjection pour le volume, donne un résultat équivalent à une puissance (travail par unité de temps). Le temps d’éjection en cas de sténose aortique serrée est de 300-350 msec (normal 220-280 msec). Le critère le plus fiable de dysfonction ventriculaire est le diamètre télédiastolique du VG en court-axe ; s’il est > 4 cm2/m2, le VG est en insuffisance systolique. Quelle que soit la fonction inotrope, la fonction diastolique est toujours compromise à cause de l’hypertrophie ventriculaire qui rend la cavité très peu compliante.
 
L'examen au Doppler tissulaire de la vitesse de déplacement de l'anneau mitral vers l'apex en systole (S') est une observation plus sophistiquée de la fonction myocardique. Cette descente systolique de l'anneau mitral est due à la contraction des faisceaux myocardiques longitudinaux-obliques situés dans le sous-endocarde, qui est précisément la zone la plus à risque en cas de surcharge ou d'ischémie. Lorsqu'elle est abaissée (valeur normale de S': 10-12 cm/s), elle est un signe de dysfonction ventriculaire plus fin et plus précoce que la chute de la fraction d'éjection. Le Doppler tissulaire peut également évaluer une portion du myocarde et mesurer sa déformation en systole et en diastole (strain) ainsi que la vitesse de cette déformation (strain rate) [5]. 
 
L’hétérogénéité des échos du myocarde permet d’isoler de petites zones de 20-40 pixels, appelées speckle, présentant une configuration particulière dans leur réflexion des ultrasons qui ne se modifie pas au cours du cycle cardiaque. Au moyen d’algorithmes de reconnaissance de forme, le processeur peut suivre les déplacements de ces marqueurs acoustiques naturels ; c’est le speckle-tracking (voir Echocardiographie Doppler). En suivant plusieurs d’entre eux, l’ordinateur peut évaluer en continu la distance qui les sépare et la déformation du segment de tissu observé (strain et strain rate) [5]. Ce type d'investigation permet de quantifier des dégradations fines de la fonction du VG, comme par exemple son degré de raccourcissement longitudinal, qui ne sont pas apparente dans la fraction d'éjection [1].
 
Outre l'évaluation de la contraction longitudinale, la mesure de l'impédance valvulo-artérielle (Zva) apparaît comme un indice fiable de la répercussion de l'obstacle aortique sur la performance du VG. L'impédance valvulo-artérielle est le rapport entre la pression systolique du VG, obtenue en additionnant le gradient moyen trans-aortique et la pression artérielle systolique, et le volume systolique indexé: Zva = (PAsyst + ΔPm) / VSi. Elle représente la charge hémodynamique imposée au VG. Lorsqu'elle est supérieure à 4.5 mmHg/mL/m2, elle est un prédicteur indépendant de mortalité [14].
 
Sténose serrée et gradient faible
 
Une défaillance ventriculaire (FE < 0.50) peut abaisser le gradient moyen à < 30 mmHg alors que la surface valvulaire est inférieure à 1.0 cm2 (low flow/low gradient). Mais il se peut aussi que la faible éjection ventriculaire ne puisse pas ouvrir correctement une valve aortique simplement sclérosée, ce qui donne l’impression que l’ouverture est plus faible qu’elle ne l’est en réalité (pseudosténose). Un écho de stress à la dobutamine (dosage < 10 mcg/kg/min) permet de différencier ces deux situations (Figure 11.118) [3,28]. Lors de sténose aortique serrée, la Vmax et le gradient de pression augmentent sous dobutamine (≥ 4 m/s et > 30-40 mmHg, respectivement), mais non la surface valvulaire qui reste fixe à cause des calcifications. En cas de cardiomyopathie, au contraire, la surface valvulaire mesurée augmente parce que l’amélioration fonctionnelle du VG permet d’augmenter le volume systolique et d’ouvrir davantage la valve, mais le gradient ne se modifie pas [21,27,28,30]. Le rapport entre la vélocité dans la CCVG (ITVCCVG) et la vélocité à travers la valve aortique (ITVVAo) est < 0.25 dans la sténose aortique serrée (normal : > 0.8). Sous dobutamine, ce rapport se creuse encore dans la sténose serrée parce que la VTIAo augmente davantage que la VTICCVG. En cas de cardiomyopathie et de sténose fonctionnelle, au contraire, le rapport augmente parce que l’accélération est bien plus importante dans la CCVG qu’à travers la valve ; en effet, cette dernière augmente son ouverture et s’adapte à l’augmentation de volume systolique sans modifier son gradient [8]. 
 
            

Figure 11.118 : Echo de stress à la dobutamine pour différencier une sténose aortique fixe (en-haut) d’une sténose fonctionnelle (en-bas) en cas de dysfonction ventriculaire et de faible gradient. A : le gradient transvalvulaire est bas malgré une sténose serrée très calcifiée en planimétrie. B : lors de sténose aortique serrée, le gradient de pression augmente de > 18 mmHg sous dobutamine, mais non la surface valvulaire qui reste fixe à cause des calcifications. C : le gradient transvalvulaire est bas malgré une sténose serrée en planimétrie, mais la valve est simplement sclérosée et le VG incapable de l’ouvrir correctement. D : cas de cardiomyopathie, la surface valvulaire mesurée augmente parce que l’amélioration fonctionnelle du VG permet d’augmenter le volume systolique et d’ouvrir davantage la valve ; la Vmax ne se modifie pas. Dans les deux cas, la surface de la CCVG ne se modifie pas, mais sa vélocité augmente. CCVG : chambre de chasse du VG. 
 
Une augmentation de pression de < 20 mmHg et de volume éjecté de < 20% pendant le test à la dobutamine sont de mauvais pronostic [2]. Cette réponse inotrope insuffisante stigmatise une défaillance ventriculaire irréversible qui élève à 20-30% la mortalité d’une intervention chirurgicale [20]. L’écho de stress est également utile pour démasquer les symptômes chez les porteurs de sténose serrée qui sont asymptomatiques ou qui se dissimulent la réalité en restreignant leur activité. Par contre, il est contre-indiqué chez les malades symptomatiques à gradient élevé [35].
 
On peut rencontrer parfois une situation paradoxale de bas gradient (ΔPmoy < 40 mmHg) et de sténose serrée (S < 1.0 cm2) en présence d'une fonction ventriculaire normale (FE > 50%). Il s'agit en général de personnes âgées souffrant d'hypertrophie concentrique, dont la cavité ventriculaire est particulièrement restrictive et le volume systolique < 35 mL/m2 [28]. Mais des investigations plus fines comme la mesure du raccourcissement longitudinal du VG (strain et strain rate) montrent en fait une dégradation de la fonction contractile et une fibrose avancée [1,18]. 
 
Une réponse positive à l'épreuve de stress est une bonne indication opératoire, car la levée de l'obstacle va améliorer la performance du VG; une augmentation du volume systolique de > 20% suggère une réserve contractile favorable à l'intervention [4]. Dans le cas de la pseudosténose, il est probable que le gain d'un RVA soit négligeable par rapport au risque, bien que quelques patients puissent être améliorés [11]. Dans le premier cas, la mortalité à une année < 15%, alors qu'elle est plus du double dans le second cas [22]. Une technique peu invasive comme le TAVI est préférable dans ces circonstances à haut risque. 
 
Ces différentes inconsistances entre le gradient, la vélocité et la surface surviennent dans 30% des cas de sténose aortique serrée [26]. Comment procéder lorsque l'échocardiographeur est confronté à ce problème [4] ?
 
  • Vérifier s'il ne s'agit pas de simples erreurs de mesure: mauvais alignement de l'axe du Doppler, erreur de mesure sur le diamètre de la CCVG. Chez les adolescents et chez les personnes de petite taille, la valve aortique est de plus faible dimension; il est donc recommandé d'indexer la surface de la valve à la surface corporelle.
  • S'assurer d'une bonne stabilité hémodynamique au cours de l'examen. La variation du volume systolique modifie la vélocité et le gradient à travers la valve aortique. 
    • Flux élevé: stimulation sympathique, anémie, fièvre, shunt artério-veineux (dialyse), vasodilatation, CPIA; dans ces circonstances, la Vmax dans la CCVG est excessive.
    • Flux abaissé: hypovolémie, hypertension, dépression myocardique (anesthésie).
  • Rechercher les pathologies associées: insuffisance aortique (VS élevé), insuffisance mitrale (transfert d'une partie du VS vers la mitrale), sténose mitrale (VS faible), hypertension artérielle sévère (diminution du gradient). Au Doppler, on peut confondre le jet d'une IM sévère avec celui d'une sténose aortique, bien que leur morphologie soit différente.
    • Procéder à un écho de stress en situation de bas débit/bas gradient avec sténose apparemment serrée. 
    • Différenciation entre sténose vraie avec dysfonction du VG (indication au RVA) et pseudosténose (indication douteuse).
  • Différenciation entre réserve fonctionnelle positive (indication au RVA) et absence de réserve fonctionnelle (mortalité élevée, préférence pour le TAVI).
  • Compléter l'échocardiographie par un examen complémentaire. 
    • Echo 3D: planimétrie de la surface d'ouverture de la valve aortique, planimétrie de la CCVG.
    • CT-scan: mesure exacte de la CCVG, indice calcique.
    • IRM: fonction myocardique, fibrose.
  • Evaluer les facteurs parlant en faveur du RVA, même chez un patient asymptomatique. 
    • Vmax ≥ 5 m/s. 
    • Calcification massive.
    • Gradient de pression moyen augmentant de > 20 mmHg sous dobutamine.
L'anesthésiste peut se trouver confronté à ce genre d'évaluation en salle d'opération lors de pontages aorto-coronariens (PAC) ou de polyvalvulopathie et de découverte d'une sténose aortique inattendue ou plus importante que prévue. Ceci survient dans 2.3% des pontages aorto-coronariens (PAC) [23]. Or la mortalité des PAC est directement proportionnelle au degré de sténose: elle augmente de 2.5 fois lorsque la surface aortique est de 1.0-1.25 cm2 [24]; d'autre part, l'évolution spontanée vers la sténose serrée est d'autant plus rapide que le patient est plus âgé [19]. Un RVA simultané est donc recommandé en cas de sténose modérée-à-sévère ou sévère [4,28].
 
 
Echocardiographie de la sténose aortique
Caractéristiques bidimensionnelles de la SA sévère :
    - Faible mobilité des cuspides 
    - Surface d’ouverture planimétrique ≤ 0.6 cm2/m2 (difficulté à mesurer l’orifice minimal)
    - HVG concentrique (épaisseur du septum sous-aortique)
    - Dilatation de l’OG (dysfonction diastolique)
La planimétrie de la surface d’ouverture est indépendante de l’hémodynamique, mais souvent imprécise (calcifications, plan de coupe).
 
Doppler couleur (sténose serrée) :
    - PISA en amont (côté CCVG)
    - Flux rétréci à travers la valve
    - Flux tourbillonnaire en aval, avec jet central dans la racine de l’aorte
    - Fréquente IM d’accompagnement
Vmax et gradient augmentent si : ↑ orifice systolique , ↑ contractilité VG, ↑ volume systolique, ↓ pression aortique (vasoplégie, CPIA).
 
Equation de continuité : S  =  (SCCVG • ITVCCVG) / ITVVAo 
Gradient de pression :    ΔP  =  4  •  (V2VAo -  V2CCVG)
Sténose aortique sevère
    - S ≤ 0.6 cm2/m2
    - Vmax > 4 m/s, ITV ≥ 100 cm, rapport VCCVG / VVAo ≤ 0.25
    - ΔPmoy ≥ 40 mmHg
 
La sténose aortique serrée avec faible gradient de pression sur dysfonction du VG est une indication à une épreuve de stress à la dobutamine :
    - Sténose fixe : Vmax ↑ dans CCVG et ↑ dans VAo, surface d’ouverture inchangée ; ad RVA.
    - Sténose fonctionnelle : Vmax ↑ dans CCVG, surface d’ouverture ↑, Vmax VAo inchangée ; pas d’indication opératoire.


© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Août 2018
 
 
 
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