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Bicuspidie aortique

Anatomie
 
La bicuspidie peut évoluer aussi bien vers la sténose (75% des cas) que vers l'insuffisance (25% des cas), raison pour laquelle elle figure sous la rubrique de la maladie aortique. La bicuspidie aortique est la deuxième cardiopathie congénitale la plus fréquente après le foramen ovale perméable. Elle touche 1-2% de la population générale, mais elle ne devient symptomatique qu'entre 30 et 50 ans [5]. Il existe plusieurs variations anatomiques de la bicuspidie. L'ancienne répartition consistait en deux catégories: bicuspidie vraie (2 commissures et 2 cuspides, absence de raphé) et bicuspidie acquise (3 commissures, 3 cuspides dont 2 fusionnées par un raphé) (voir Valve aortique, Nosologie). Depuis une dizaine d'années, on recourt de préférence à la classification de Sievers qui est basée sur le nombre et la position des raphés (fusion entre deux cuspides) (Figure 11.149) [8,9].
 
  • Type 0: présence de 2 commissures et de 2 cuspides grossièrement égales, absence de raphé; ce type correspond à l'ancienne bicuspidie vraie. Il représente 7% des cas. Les deux feuillets sont dans une orientation droite – gauche (2/3 des cas) ou antéro-postérieure (1/3 des cas). En systole, l'ouverture est ovale, mais les feuillets ne rejoignent pas la paroi du sinus de Valsalva. En diastole, le prolapsus d'un feuillet est fréquent. 
  • Type 1: présence de 3 commissures mais de 2 cuspides fonctionnelles, car deux d'entre elles sont fusionnées par un raphé (88% des cas). Le bord libre du double feuillet fusionné excède celui du feuillet unique et tend à prolaber. Il existe trois variantes de ce type.
    • Fusion des cuspides droite et gauche; l'ouverture a lieu entre la cuspide non-coronaire et le bloc des deux cuspides coronariennes fusionnées par un raphé. C'est le cas le plus fréquent (71% des bicuspidies). L'arrangement des commissures fait que le feuillet fusionné occupe 210° de la circonférence et le feuillet non-coronaire 150°.
    • Fusion entre la cuspide droite et la cuspide non-coronaire (15% des cas).
    • Fusion entre la cuspide gauche et la cuspide non-coronaire (3% des cas).
  • Type 2: fusion entre la cuspide gauche et la cuspide droite, avec fusion entre celle-ci et la cuspide non-coronaire; il existe 2 raphés. C'est le type le plus rare (5% des cas). L'ouverture n'est possible qu'entre les cupsides gauche et non-coronaire par un orifice très restrictif qui occasionne une symptomatologie de sténose très précocément.
 

Figure 11.149 : Classification de Sievers des bicuspidies avec leur prévalence. Cette classification est basée sur le nombre de raphés (en traitillé). Ra : raphé. CG : coronaire gauche. CD : coronaire droite [9].
 
Lorsqu'une valve bicuspide se calcifie, les dépôts de calcium se concentrent dans le raphé et à la base des feuillets (voir Figure 11.101). 
 

Figure 11.101 : Aspect anatomopathologique des calcifications dans la sténose aortique. Les calcifications sont situées dans le corps des cuspides lors de dégénérescence, sur le raphé (Ra) et aux commissures dans la bicuspidie, et aux 3 commissures dans le RAA.
 
La bicuspidie de la valve aortique est associée à plusieurs anomalies de l'aorte thoracique, notamment la coarctation, l'anévrysme et la dissection. Ces pathologies ont en commun un défaut de fibrilline-1 qui entraîne une dégénérescence de la média aortique [3]. Les porteurs de bicuspidie présentent un taux d'anévrysme de l'aorte ascendant 85 fois plus élevé que celui de la population générale, et un taux de dissection 8 fois plus important [7]. Dans un quart des cas, la racine aortique et les sinus de Valsalva sont dilatés. 
 
Echocardiographie
 
En vue court-axe 40°, l'ouverture est en forme de fente, d'ellipse ou de banane selon la configuration. Dans le type 0, on ne compte que 2 commissures, approximativement à 180° l'une de l'autre. Dans les types I et II, on voit nettement 3 commissures, disposées à peu près à 120° les unes des autres mais souvent décalées. Dans les bicuspidies acquises par calcification et fusion secondaire de deux cuspides, les 3 commissures sont équidistantes. En vue long-axe 120-140°, la bicuspidie affiche une déformation classique en dôme (doming) pendant la systole, car l'ouverture de la valve est limitée mais le corps des feuillets reste suffisamment souple pour bomber vers l'extérieur (Figure 11.150).
 
    

Figure 11.150 : Images ETO de bicuspidie aortique. A et B: en court-axe. En A, la valve est calcifiée et sténosante ; elle présente 3 commissures (flèches jaunes) avec une fusion entre les cuspides coronaires droite et gauche. En B, elle n’a que 2 commissures (antérieure et postérieure). C: en long axe. Le bord libre des cuspides est trop court pour leur permettre de rejoindre leur position physiologique en systole ; elles sont retenues en position intermédiaire, ce qui donne un aspect en dôme (doming).
 
Chirurgie
 
Comme les patients souffrant d'une maladie aortique sur bicuspidie sont relativement jeunes, on préfère procéder à une valvuloplastie plutôt qu'à un remplacement par une prothèse, pour autant que la reconstruction soit possible. Cette plastie est basée sur trois principes [8].
 
  • Egalisation des bords libres des cuspides par plication ou résection;
  • Libération du raphé pour restaurer la mobilité des cuspides (tricuspidisation);
  • Annuloplastie pour stabiliser la jonction ventriculo-aortique (anneau ≤ 27 mm).
La qualité des cuspides est évidemment la condition de base pour que la plastie soit un succès (taux d'échec 10%) [2]. La plicature ou la résection triangulaire permettent de réparer un prolapsus. En cas de rétraction, le feuillet peut être agrandi par un patch de péricarde; le risque est une fibrose et une calcification de ce patch conduisant à une insuffisance aortique secondaire. Dans la bicuspidie vraie avec 2 feuillets sans raphé, l'angle des commissures entre elle est de 120° à 180°; plus il est voisin de 180°, plus les chances de succès sont élevées.
 
L'association de la bicuspidie avec un anévrysme de la racine aortique et/ou de l'aorte ascendante impose une chirurgie plus complexe. Les recommandations pour la réduction chirurgicale de la dilatation de l'aorte en cas de bicuspidie sont basées sur le diamètre des structures et le contexte clinique [4].
 
  • Diamètre de l'aorte ascendante ≥ 5.5 cm chez un patient asymptomatique;
  • Diamètre de l'aorte ascendante ≥ 5.0 cm chez un patient asymptomatique présentant des facteurs de risque pour une dissection;
  • Diamètre de l'aorte ascendante ≥ 4.5 cm chez un patient opéré pour une sténose ou une insuffisance aortique sévère. 
Lorsque la jonction ventriculo-aortique est dilatée sans anévrysme de l'aorte sus-jacente, il est possible de renforcer la plastie valvulaire par un anneau externe (bandelette de Teflon) ou interne (anneau en titane recouvert de Dacron avec 3 picots pour assurer la suspension des commissures) [6]. La survie sans réopération à 1, 5 et 10 ans est respectivement de 96%, 89% et 49%, ce qui ne présente pas de différence par rapport à une bioprothèse [1].
 
Il est évident que l'ETO peropératoire est absolument primordiale pour poser le diagnostic du type de bicuspidie, pour comprendre le mécanisme de la lésion et pour évaluer le résultat de la réparation. 
 
 
Bicuspidie aortique 
La bicuspidie est fréquente. Elle peut évoluer vers la sténose (75% des cas) ou l'insuffisance (25% des cas). Elle présente 3 types anatomiques:
    - Type 0: 2 cuspides et 2 commissures, approximativement égales, de symétrie D-G ou A-P
    - Type 1: présence d'un raphé fusionnant 2 cuspides et laissant la 3ème libre; la fusion entre les
       cuspides coronaire droite et coronairre gauche est le cas le plus fréquent
    - Type 2: présence de 2 raphés, une seule cuspide assure l'ouverture et la fermeture de la valve
 
La bicuspidie est très souvent associée à une dilatation anévrysmale de la racine de l'aorte et/ou de l'aorte ascendante, à une dissection ou à une coarctation.



© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Août 2018
 
 
 
Références
 
  1. ASHIKHMINA E, SUNDT TM, DEARANI JA, et al. Repair of the bicuspid aortic valve: a viable alternative to replacement with a bioprosthesis. J Thorac Cardiovasc Surg 2010; 139:1395-401
  2. BAVARIA JE, KOMIO CM, RHODE T, et al. Can the bicuspid aortic valve be spared? The con position, with caveats and nuances. Texas Heart Inst J 2013; 40:544-6
  3. FEDAK PW, BARKER AJ, VERMA S. Year in review: bicuspid aortopathy. Curr Opin Cardiol 2016; 32:132-8
  4. HIRATZKA LF, CREAGER MA, ISSELBACHER EM, et al. Surgery for aortic dilatation in patients with bicuspid aortic valves. J Am Coll Cardiol 2016; 67:724-31
  5. IUNG B, BARON G, BUTCHART EG, et al. A prospective survey of patients with valvular heart disease in Europe: the Euro Heart Survey on valvular heart disease. Eur Heart J 2003; 24:1231-43
  6. MAZZIELLI D, PFEIFFER S, RANKIN JS, et al. A regulated trial of bicuspid aortic valve repair suported by geometric annuloplasty. Ann Thorac Surg 2015; 99:2010-6
  7. MICHELENA HI, DELLA CORTE A, PRAKASH SK, et al. Bicuspid aortic valve aortopathy in adults: incidence, etiology and clinical significance. Int J Cardiol 2015; 201:400-7
  8. RIDLEY CH, VALLABHAJOSYULA P, BAVARIA JE; et al. The Sievers classifiction of the bicuspid aortic valve for the perioperative echocardiographer: the importance of valve phenotype for aortic valve repair in the era of the functional aortic annulus. J Cardiothorac Vasc Anesth 2016; 30:1142-51
  9. SIEVERS HH, SCHMIDTKE C. A classification system for the bicuspid aortic valve from 304 surgical specimens. J Thorac Cardiovasc Surg 2007; 133:1228-33
11. Anesthésie et valvulopathies