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Appréciation
 
Le fait qu’une technique soit possible n’est pas en soi une indication à la pratiquer ! Les méthodes traditionnelles permettent d'obtenir les mêmes résultats, sauf peut-être pour le confort postopératoire, l'ambulation précoce et le faible taux de complications respiratoires. Par contre, il n’est nullement prouvé que l’atténuation de la réponse au stress, l’extubation hâtive et l’analgésie intense affectent le devenir des patients à long terme. Le rapport risque / bénéfice est pour l’instant indéterminable, car le risque réel est encore aléatoire vu le faible nombre de cas publiés [1]. Les seuls bénéfices prouvés sont une meilleure analgésie postopératoire, une extubation précoce, une diminution des complications respiratoires et une réduction possible de l’incidence de FA, mais les risques associés sont réels et potentiellement catastrophiques. Même en l’absence de complication neurologique, on ne peut pas démontrer de bénéfice consistant par rapport aux autres techniques [6,7]. En ce qui concerne la péridurale, la crainte majeure tient aux conséquences épouvantables d’un hématome spinal haut. Il est donc impératif de suivre les recommandations habituelles concernant la loco-régionale et l’anticoagulation [2,3]. Une ponction hémorragique commande le renvoi du cas de 24 heures.
 
La réponse aux deux questions majeures - l’ALR améliore-t-elle le devenir des patients ? et quel est le risque de la technique ? - n’est pas claire pour l’instant. L’évidence récente d’une cardioprotection efficace par les antiplaquettaires risque de limiter l’impact de la péridurale en chirurgie de revascularisation coronarienne. Le risque hémorragique que l’on fait encourir aux malades, même s’il est faible, n’est nullement obligatoire, puisque d’autres méthodes éprouvées sont disponibles et efficaces. Il est peu probable que de grandes études prospectives puissent apporter une réponse plus tranchée, car l’apport de l’ALR reste marginal. Il est donc prudent de considérer que, en principe, la péridurale est mieux adaptée aux cas sans CEC. Dans la chirurgie avec CEC, les avantages de la loco-régionale sont trop discrets pour en justifier les risques [5]. Elle pourrait toutefois présenter des avantages significatifs chez les obèses morbides, chez les patients souffrant de pneumopathies sévères et chez les personnes âgées [4]. 
 
 
 
Anesthésie loco-régionale en chirurgie cardiaque
Aucune étude n’a démontré un impact significatif sur le devenir des malades: il n'y a pas de baisse de la mortalité ni de l'incidence d'infarctus, d’ictus ou d’insuffisance rénale. Bien qu’elle offre une excellente analgésie et améliore le status respiratoire (extubation précoce, baisse des complications), l’ALR présente une invasivité et un risque neurologique (hématome péridural sous anticoagulation) majeurs qui limitent son utilisation à large échelle. Elle est plus logique dans les cas sans CEC. Dans la chirurgie avec CEC, ses avantages sont trop discrets pour en justifier les risques. De plus, la fréquence et l’importance du traitement antiplaquettaire chez les porteurs de plaques instables ou de stents coronariens sont une contre-indication à la technique.


© CHASSOT PG, BETTEX D, MARCUCCI C, Septembre 2010, dernière mise à jour, Décembre 2018
 

Références
 
  1. CHANEY MA.  Intrathecal and epidural anesthesia and analgesia for cardiac surgery. Review article. Anesth Analg 2006; 102: 45-64
  2. GOGARTEN W, VANDERMEULEN E, VAN AKEN H, et al. Regional anaesthesia and antithrombotic agents: recommendations of the European Society of Anaesthesiology. Eur J Anaesthesiol 2010; 27:999-1015
  3. HORLOCKER TT. Regional anaesthesia in the patient receiving antithrombotic and antiplatelet therapy. Br J Anaesth 2011; 107(S1):i96-i106
  4. MEHTA Y, ARORA D. Benefits and risks of epidural analgesia in cardiac surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:1069-75
  5. NIELSEN DV, BHAVSAR R, GREISEN J, et al. High thoracic epidural analgesia in cardiac surgery: Part 2 – High thoracic epidural analgesia does not reduce time in or improve quality of recovery in the intensive care unit. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:1048-54
  6. SALVI L, PAROLARI A, VEGLIA F, et al. High thoracic epidural anesthesia in coronary artery bypass surgery: A propensity-matched study. J Cardiothorac Vasc Anesth 2007; 21:810-5
  7. SVIRCEVIC V, VAN DIJK D, NIERICH AP, et al. Meta-analysis of thoracic epidural anesthesia versus general anesthesia for cardiac surgery. Anesthesiology 2011; 114:271-82
04. Spécificités de l'anesthésie pour la chirurgie cardiaque